Les roues dans le sable

Au début, le plan de la journée se limitait à une marche en bord de plage et un petit-déj ' copieux dans un resto avec vue sur la mer. Une fois nos estomacs bien remplis de brioches et de jus d'orange, papa et moi étions descendus sur le broadwalk pour apprécier le vent marin. Plus les minutes passaient et plus le soleil qui montait dans le ciel nous réchauffait. Tôt ou tard, l'inévitable se produisit et l'envie de me baigner me prit en otage.

"On va se baigner!"

Annonçais-je avant de courser pour rejoindre le sable. Je me retournais tout de suite pour vérifier si Owen me suivait, mais il s'était simplement arrêté.

"Allez vient, je vais te pousser..."

Le sable serait un obstacle pour le fauteuil roulant de papa. J'ignorais si on arrivait à se rendre jusqu'à l'eau ensemble. J'enlevai mon chandail et revenu à ses côtés pour l'aider à bouger un peu. Me plaçant derrière lui, je le poussais quelques mètres malgré qu'il m'ait dit que ce n'était pas une bonne idée. Il tenta même de bloquer les roues, mais avant qu'il arrive à le faire, il s’engouffra dans le sable. Je tentai de pousser encore et encore, mais plus je poussais, plus son fauteuil s'enfonçait sans même bouger d'un millimètre.

"Oups... Attend je vais trouver quelqu'un pour t'aider!"  

Je faisais quelque vrille sur moi-même et apercevait une jeune femme qui marchait près du rivage. Prenant mes jambes à mon cou, je courais jusqu'à elle. Sans gêne, je l'apostrophais gentiment.

"Mademoiselle! Excuse-moi... j'ai besoin d'aide! J'ai poussé mon papa dans le sable et il n'est plus capable d'en sortir! On voudrait se baigner, mais je ne suis pas assez fort pour le pousser jusqu'à l'eau..."

Les roues dans le sable

Après la visite que lui avait rendu Oliver, la jeune femme avait décidé de se reprendre en main. Il était temps pour elle de mettre fin à sa psychose et sortir à nouveau de chez elle. Blake avait alors commencé par aller dans des endroits connu et puis s'était peu à peu éloignée de sa zone de confort. Néanmoins, elle ne s'était contenté que d'endroit partiellement désert pour le moment. Pas question de se rendre dans un super marché ou dans une salle de spectacle pleine à craquée de gens menaçants et susceptible de découvrir son secret. Elle préférait de loin la tranquillité d'un parc ou d'un calme rivage. C'est exactement là qu'elle avait décidé de prendre l'air ce jour là. Accompagnée de son appareil photo, elle capturait quelques images dans son objectifs, oubliant pour quelques heures ses nouveaux démons.
Cette nouvelle sérénité lui faisait du bien, à elle ainsi qu'à son bébé. Si elle tentait d'aller mieux c'était avant tout pour l'un, un enfant à naître qui n'avait pas vécu une grossesse des plus paisibles. C'était à lui que la jeune femme se raccrochait, une lueur d'espoir qui la poussait à aller mieux de jours en jours. Alors doucement elle se remettait à faire de l'exercice, à manger correctement et à sortir. Oliver aussi se montrait présent pour elle, il endossait le rôle du futur père à merveille alors qu'elle avait tout fait pour lui faire prendre de la distance. Cependant, l'amour qu'elle lui portait l'avait convaincue de le laisser encore s'investir un peu plus.

Après quelques heures à scruter les vagues, Blake s'apprêtait à rebrousser chemin lorsqu'une petite tête brune accouru jusqu'à elle. Le petit garçon, probablement âgé d'une dizaine d'années environs, l'interpellait alors d'un ton plutôt embêté. Dès lors, la jeune femme qui s'était accroupie pour mieux l'entendre, relevait la tête vers l'horizon. « Bien sûr, où est ton papa ? » La blonde n'avait pas tout de suite comprit que le père du jeune garçon était en faite en fauteuil roulant. Elle avait d’abord cru à un jeu et puis s'était porté volontaire. Blake était comme ça, si un enfant lui demandait son aide elle n'hésitait pas un instant. Ça lui faisait du bien de croiser quelqu'un de cet âge, ça l'a ramenait à l'école, là où elle se sentait bien et en sécurité.
Ce sentiment changeait cependant lorsque Malikai pointa du doigt l'endroit où se trouvait son paternel. Même à cette distance, la jeune femme put voir de qui il s'agissait. « Oh, tu ferai peut-être mieux de demander à quelqu'un d'autre. Je suis pas sûre d'avoir assez de force. » Loin d'être un détail, l'identité de cette personne la fit même hésiter un instant avant qu'elle ne se décide à suivre le petit garçon. Après avoir jeté un coup d’œil autour d'eux, elle put constater qu'ils étaient bels et bien seuls sur cette plage. Peu importe de qui il s'agissait, elle ne pouvait pas le laisser coincer dans le sable et lui tourner le dos...

Alors elle se mit en marche vers le fauteuil, de plus en plus nerveuse à l'idée de se retrouver de nouveau face à Owen. Après tout, les deux jeunes gens ne s'étaient pas quittés dans de très bon termes -bien au contraire- et aucun d'eux ne pensait devoir avoir à faire à l'autre après ça. « Bonjour. » lançait-elle une fois arrivée près du père de famille. « Besoin d'aide il paraît ? » continuait-elle sans grand enthousiasme. Elle comptait donner un coup de main et s'en aller vite fait bien fait, sans être trop sûre que son aide soit la bienvenue.
Baissant une nouvelle fois les yeux vers Malikai, elle tentait d'établir le contact avec le petit garçon visiblement enthousiaste à l'idée de rejoindre l'eau. « C'est donc lui ton papa? » dit-elle presque choquée de voir son ex fiancé avec un enfant de cet âge. Décidément, il n'avait pas perdu beaucoup de temps après leur rupture. Si toute fois il avait attendu la rupture avant d'aller voir ailleurs. Mais cela, Blake n'avait pas tellement envie de l'entendre. Pas maintenant. « Jusqu'où voulez-vous que j'avance le fauteuil ? » Puis, elle se plaçait derrière Owen, une place qu'elle connaissait bien et qu'elle pensait ne plus jamais avoir à occuper. Ses mains se posaient à la place appropriée et elle commençait à pousser avec un peu de peine. Son gros ventre ne l'aidait pas vraiment puisqu'à sept mois de grossesse, il l'obligeait à laisser un large espace entre elle et le dossier.

Les roues dans le sable

La dame s'accroupissait devant moi, ça m'étonnait. Je ne connaissais pas beaucoup d'adulte qui prenait le temps de se mettre à ma hauteur pour discuter. Voyant une hésitation dans son regard, je lui servais mon air le plus adorable. En matière de femme, je m'y connais! Un petit sourire en coin, les yeux rieurs et ça suffisaient pour toutes les avoirs au creux de ma main. Elle céda et accepta de me suivre. Je pointais mon père pour lui indiquer où il se trouvait. Nous n'étions qu'à quelques secondes de courses de lui.

"Là-bas! Il est en fauteuil roulant et ses roues ne veulent pas bien tourner dans le sable!"

Je n'allais quand même pas lui dire que j'avais eu cette idée de génie. Après, elle ne me trouverait plus aussi mignonne et intelligente. Pas question qu'une femme ne me prenne pour un idiot, surtout pas une jolie fille, et même si elle n'était pas du tout de mon âge. Alors que j'allais revenir vers papa, elle sembla vouloir revenir sur sa décision. Aussitôt, j'affichai une mine confuse et déçue. Bon, c'est vrai! Elle est un peu grosse, elle n'est probablement pas en pleine forme et papa est assez costaud.

"Si on se met tous les deux, on va y arriver!"

Proposais-je d'un ton enthousiaste. Rien de mieux que le travail d'équipe non? Puis, si elle ne m'aidait pas, je ne savais pas à qui j'allais pouvoir demander. Je devrais m'éloigner de papa sans supervision et trouver un autre inconnu qui voudrait bien nous prêter main-forte. Finalement, elle se décida à me suivre et nous rejoignons papa. Là-bas, la jeune femme que j'avais trouvé gentille et bien avenante se métamorphosa en gros glaçon bien froid. Je ne compris pas pourquoi, mais dès qu'elle vit papa, elle devint aussi bête que ses deux pieds. Je sentis tout un malaise s'installer et du coup, je me demandais si j'avais fais quelque chose de mal. Elle me demandait si c'était lui mon papa et je fis un grand oui.

"Oui, mais pas depuis longtemps... Ça fait juste 6 mois qu'il est mon vrai papa! Ma maman ne pouvait plus s'occuper de moi parce qu'elle est morte et on a retrouvé papa! Il est un peu empoté, mais je l'aime bien, c'est mon pote!"

Dis-je en tentant de faire le fanfaron pour détendre l'ambiance.

Les roues dans le sable

Je les observais au loin et plus j’observais mon ex et plus je remarquais son ventre arrondi. Apparemment, elle était enceinte, chose qu’Elle n’avait jamais vraiment voulu du temps qu’on était ensemble. Au fond, c’était une bonne chose, sinon on aurait un enfant en garde partagée maintenant et ce ne serait pas nécessairement une bonne chose autant pour l’enfant que pour Blake et moi. On s’Était quitté en mauvais terme et on aurait à se voir plus souvent pour l’enfant… Ouf, rien que d’y penser…. Ils étaient maintenant rendu près de moi et elle me dit tout de même un petit bonjour et je sentais bien le malaise surtout.

"Bonjour Blake… "

Elle était enceinte jusqu’aux yeux et je me demandais si cet enfant était bien d’Oliver, mon meilleur ami. Sans doute ignorait-elle qu’il était mon meilleur ami. Je savais qu’ils étaient ensemble, mais sinon, je ne demandais pas davantage de détails car je m’en foutais bien. J’avais hoché la tête lorsqu’elle avait dit que j’avais, parait-il, besoin d’aide. Ce n’était pas de ma faute si mon fils ne m’avait pas écouté et qu’il avait poussé mon fauteuil dans le sable. J’étais coincé maintenant.

"J’ai eu beau dire au petit que ce n’était pas une bonne idée, il m’a poussé dans le sable quand même et je suis coincé maintenant. "

Malikai avait voulu bien faire en demandant à Blake de venir l’aider à me pousser, mais il ignorait que c’Était l’ex de son père. Je ne souriais pas et Blake non plus. Nous n’étions pas très heureux de se voir mutuellement. "Comment va Oliver?"
Ces temps-ci, nos horaires étaient pas mal chargées et on n’avait pas eu l’occasion de se voir, mais ça ne saurait tarder. Je n’avais jamais parlé d’Oliver à Blake, j’avais tout de même mon petit jardin secret quand j’étais avec elle. Ce n’est pas comme si elle m’avait tout dit non plus du temps qu’on était ensemble.

"Je préfèrerais être libérer du sable si c’est possible. Ta grossesse se passe bien ? "

J’essayais de changer un peu la conversation pour qu’elle ne soit pas porté sur le fait que mon fils a six ans et que je serais devenu père du temps que j’étais avec elle.