01 ;
(ALLÔ MAMAN BOBO) maman alcoolo, maman épave, perdue dans les fantasmes de sa vie fracassée, de ses amours démontés, des masques déformés par la dépendance maladive de ses amants colorés. T'es le dommage collatéral, la perte inconsidérée, mauvaise association à la naissance d'amour putride et de passion viciée. Enfance sans merveilles, cachée sous l'oreiller durant les grandes symphonies mélodiques de la souffrance maternelle, livrée à la naissance dans la grande danse de l'abandon naturel. Dans l'ombre du fantôme agonisant de la mémoire de maman, t'as jamais été qu'un placebo fade, un lot de consolation invisible pour ses rétines de madre au cœur amputé

   02 ;(LA JEUNESSE FÉROCE) Mais toi, tu t'es toujours moquée, t'as toujours ri à gorge déployée des regards outrés, des dames blanches et des adolescentes de satin qui faisaient de ta vie une peinture ironique, sarcastique, pathétique de chienne à l'abandon. Tu te faisais reine des voyous, maîtresse des putains, te complaisant dans ton aura de fille des sombre rues, de gamine de rien. Matriarche du macadam, t'as trouvé du réconfort là où on ne trouve personne, établi ton empire comme une promesse d'avenir à ses côtés. Vous étiez beaux dans toute votre laideur, parfaits dans vos erreurs.

03 ; (LES VOYAGES IMAGINAIRES) Puis, l'hérédité t'a enlacée de ses bras noueux, t'a serrée la gorge et emplit ta poitrine-nuage des fumées multicolores, de grandes danses sans décor. T'es devenu le reflet sarcastique de celle que t'as toujours détesté alors que son corps se faisait pourriture dans un coin de votre appartement abandonné.

04 ; (LA SCOLARITÉ AVORTÉE) Il y a eu cette fois de trop où ta vertu saccagée t'a privée de tout avenir, destructrice précoce, colosse de perversité, traînant dans le lit d'un professeur marié. Pulsion sans amour, érotisme sans réflexion, t'en fais les frais tous les soirs, à te noyer dans les regards vitreux de tes clients aux auras noires.

05 ; (LUNE DE FIEL) Il y a eu cet après-midi fou, cet instant d'allégresse sacré, ces cris de rage, cette nouvelle vie avortée où maman-geôlière a vu sa captive s'évanouir dans la forêt citadine que t'as appris à apprivoiser. T'as couru, t'as fondu, t'as hurlé ta grande liberté et sa voix se fondait dans la tienne comme un chant de victoire, une hymne à l'amour et à la liberté que t'as plus jamais quitté. Vous aviez dix-huit ans (et demi) et seul Paz est le reflet de son existence gangrainée.

06 ; (RÊVEUSE DES NUITS BLANCHES) Tu restes souvent les yeux grands ouverts, la respiration courte, le front brûlant face aux fantômes des nuits solitaires qui viennent errer sur ton lit, glisser sur tes draps, électriser ta peau et martyriser tes espoirs d'une vie sans violence et sans vilains mots. Tu imagines ton père, tu imagines Paz, tu imagines le grand disparu, tu imagines ta mère, tu imagines Jake, cinquante ans, au fond du trou et coincée dans la misère de la ville dorée. Alors tu ne dors pas (jamais) et tu fumes (beaucoup) face à ta foutue précarité, à la respiration du bébé, à ta paix retrouvée.

07 ; (BABY BLUES) Bel amour, fol amour, mort amour mort mort  par la violence de vos étreintes, par le poison de vos baisers, par le venin de vos mots torturés. Il s'est évadé de la tour de papier qu'il avait bâti de ses mains de voyou dégénéré ; il t'a lâché après le coup fatal, la blessure meurtrière, la piqûre immortelle de ta vie tracée. Tranquillement, elle a gonflé ; sans que tu t'en aperçoives, aveuglée par le feu d'artifice de ta vie d'excès. Puis, elle s'est remplit du pus sacré de la vérité que t'as pas pu avorter, de la pureté que t'as pas pu refuser. Ça a été Paz pour l'espoir de ta rédemption, Paz pour  ta résurrection, Paz pour ton armistice enfin. Paz pour la vie réaménagée, pour les souffrances naturelles, pour la beauté solaire sur tanière lunaire, sur tes rêves enfers. C'est la première fois que tes entrailles ténèbreuses n'accouchaient pas de tes déboires ratés, que c'était ton tour de ne pas abandonner. Elles y ont pas cru, à l’hôpital, quand les rayons de ton bébé ont illuminé ta peau blafarde de gamine famine, de maman nouvelle-née. C'était comme regarder le portrait impressionniste d'une fille-femme éventrée mais sublimée, déchirée mais sanctifiée par la vie nacrée du nourrisson larvaire, de la chenille amoureuse. Alors, t'as plus lâché, tu t'es plus traînée comme une bête sans destin ni fierté ; t'as serré les dents et t'as appris, sans mensonge et pour de vrai, à aimer, à aimer comme une louve, à défendre comme une lionne, à grandir comme une femme même si t'en es pas encore une, même si t'es qu'un prototype un peu raté de la nouvelle Jake, putain ressuscitée.

08 ; (LES AIRS DE GARÇON) Tu gonfles le torse, tu carres la mâchoire et t'entends encore son rire, quand t'étais prête à aller casser la gueule de n'importe qui, sans peur ni remords. T'as toujours été garçonne, fille manquée, perdue  entre la violence d'un mec et la perversité d'une fille. T'es Jake dans les cœurs, la fille-papa, le garçon-maman qui s'égosille dans les couloirs contre le monde entier, contre les gendarmes et les meurtriers.

09 ;  (BANG BANG)  T'as eu l'adrénaline aux coins des veines quand t'as senti pour la première fois la crosse entre tes doigts, la puissance au creux de ta main, et la mort au bout du canon. T'y rêves un peu des fois, quand la pression te transforme en bombe humaine, quand la vie se fait trop âpre pour ne pas penser à l'explosion de la balle, aux conséquences mortelles, à la beauté du Mal.

10 ; (ULTRAVIOLENCE) L'ouragan dans les crocs, la tempête sur les griffes quand on te pousse (à bout), quand les visages dansent en rouge et noir sur les parois de ta haine, quand la pression est trop forte pour exiger autre chose que la Colère. Alors, alors, souvent tu respires et tu penses à Paz, Paz, Paz et tes sentiments brûlent dans un brasier prêt à te consumer.