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 guillotines (sether)

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MessageSujet: guillotines (sether)   guillotines (sether) EmptyLun 28 Mai - 19:35

Tu crèves. Lentement. Surement. Sans rien faire pour lutter contre. Tu sais pas. T’es passé de l’autre côté du miroir, et putain c’est moche. T’es plus là. T’es là, mais t’es pas là. Les sourires de façades, et les discussions creuses. Tu te désintègres. Tu le sens. T’as plus l’impression de vivre dans ton propre corps. On te voit plus. Parce qu’on te regarde plus. A moins que ce ne soit l’inverse ? On t’entend plus. Mais t’as rien à dire, et rien à faire. Tu la boucles, dans ton coin. Tu dors pas, tu manges pas, tu bois pas, y a presque plus rien dans tes veines. Alors parfois t’es en manque, et tu deviens irritable, Seth. A moins qu’ce soit autre chose. Autre chose, oué.

T’es un putain de zombie. T’as fui. T’es resté mais t’as fui. Tu pensais pas que ça serait pire de rester. Tu pensais avoir déjà touché le fond. Tu connaissais déjà trop bien le vide, la culpabilité, la haine et la résignation. La mort au bout des doigts et tant pis le jour où elle se sera décidée à te prendre la main. Ou tant mieux. Tu t’étais fait une raison, oué. Alors c’était peut-être pas si horrible que ça en fin d’compte. Preuve en est qu’tu rampes à nouveau aux pieds de Kizuki. A lui mordre les chevilles pour qu’il te latte la tronche de ses paroles assassines. Qu’il t’embrase assez pour qu’enfin tu crames une bonne fois pour toute. Auto-combustion. En l’embarquant au passage, c’est gratuit, et ça fait plaisir. T’y est retourné et ça t’fait du bien. Ça t’change de la maison. Du sevrage et de ses joies.  De la gerbe et des engueulades. Des insomnies où ni lui ni toi ne dort, mais que vous pouvez pas parler. Ou juste que vous voulez pas dire c’qu’il faudra finir par cracher. Ce sera moche ça aussi. Très moche. Toi, tu repousses. Peut-être que tu t’estimes pas l’droit d’en parler. Alors que tu l’as, putain, mais non. Non, tu veux pas. Tu peux pas. Tu restes là, bouche cousue, tu restes avec lui autant qu’tu l’peux. Autant qu’il te laisse le faire.

Parce que c’est ça, le pire. Quand y a son téléphone qui vibre et qu’t’es trop terrifié pour y jeter un œil. Comme si ça empêchait qu’ce soit lui. L’autre. Quand il se barre et que t’angoisses à l’idée qu’il retrouve une seringue. Ou l’autre. Tu t’dis qu’une seringue ça serait mieux, et putain tu te détestes. Quand t’es pas là et qu’tu sais pas c’qu’il fait, c’qu’il dit, ni à qui. Pas à toi en tout cas. Et à chaque fois qu’il te regarde pas et que tu sais très bien à qui il pense. Et tu l’détestes. Tu les haies. Mais tu dis rien. Parce qu’entre l’autre et toi, même toi t’irais vers l’autre. C’était l’autre qu’était utile quand le gosse s’était fait enlever. Pas toi qu’allais éclater des tronches au hasard, plus pour te défouler que chopper des infos. C’est l’autre qu’a trouvé Toad, si on peut dire, après son overdose. L'autre que Toad a prévenu surtout. A appelé au secoure. L’autre qui l’a envoyé à l’hosto. L’autre qui t’as prévenu. T’étais où, putain hein, t’étais où ? L’autre qui n’espère pas que Toad se pique plutôt qu’il aille te voir. C’est l’autre. Le téléphone qui vibre, les regards absents, les silences. Partout. Tu sais plus pourquoi t’es resté. Tu sais plus pour qui tu restes. Mais tu sais pas quoi faire d’autre. Alors tu crèves.

Tu connaissais déjà trop bien le vide, la culpabilité, la peur, la haine et la résignation. Maintenant y a l’illégitimité, l’impuissance. Et ça recommence. Les limbes, le Léviathan, une dose de morphine dans les veines, à comater au fond de ton Fight Club, où même là t’existes plus. T’es juste là, dans les entrailles grouillantes de ton enfer personnel. Taillé sur mesure. Au chaud, à la maison. Dans la moiteur des corps, la puanteur du sang et le vacarme des cris. T’exultes, regard fixé sur les combats, immobile, sourire aux lèvres. Tu te marres, tu te relaxes. Tout va bien. Quelques heures, ou quelques minutes. Jusqu’à c’que l’antalgique disparaisse de ton sang. Que le putain de néon grésillant réveille tes tics nerveux. Que tes os craquent en résonance de ceux du perdant. Et que la marée remonte. Que tout recommence, encore. Le  vide, la culpabilité, la peur, l’illégitimité, l’impuissance et la haine. Alors tu t’mets en marche. Sous les regards surpris de ceux qui t’avaient pas vu, ou pas regardé, ou peu importe l’ordre. T’en choisis un. Et c’est toujours le même spectacle sordide. Où tu fais mine de t’battre, tu laisses l’autre frapper, jusqu’à c’que ton sang brûle, que tes nerfs s’enflamment. Et ça ressemble presque à une mise à mort. Et c’est fini. Mais t’as toujours pas cramé. Ni l’monde autour de toi. Et tu rentres à la maison. L’autre maison. Tu vas retrouver Toad, le téléphone qui vibre, les regards absents, les silences, et Asher écrit en grand partout sur les murs.

Alors tu crois que t’hallucines. Quand cette fois tu t’mets en marche. Tu passes à travers les corps, à la recherche de ton prochain … adversaire. Tu crois que t’hallucines quand tu l’vois lui. L’autre. Y a ton souffle qui s’coince un instant. A deux doigts du haut-le-cœur. « Bloomberg ! » t’aboies plus que tu parles. Ça se brise quelque part dans ton crâne. T’as entendu le bruit du verre qui éclate. C’est la dernière chose que t’as entendu. Y a plus que l’autre, lui, devant toi, et tes poings qui s’referment machinalement. Le monde autour qui s’échappent, trop heureux de pas être l’élu pour ce soir. Y a plus rien, plus que lui, tes poings et toi qui avances.

Faut pas. Faut pas, putain. Y a toutes tes cellules qui te hurlent de pas l’faire. D’faire demi-tour. De t’casser. De changer de cible. Tout. Pas ça. Mais t’es plus dans ton corps. T’es plus là. Ça se voit au fond de tes yeux. T’es un putain de zombie. Et t’as envie d’voir sa cervelle sur le sol.
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Asher Bloomberg

Asher Bloomberg
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MessageSujet: Re: guillotines (sether)   guillotines (sether) EmptyLun 4 Juin - 14:56

Il fait plutôt frais, ce soir. Y a un truc nul à la télé, et Merle n’est toujours pas rentré. Ça arrive parfois, de plus en plus souvent, ça arrive entre deux séances de théâtre, à jouer à celui qui souffre le moins, qui bouffe le plus, à être pitoyable dans tous les rôles. Il a demandé l’autre fois, Merle, pourquoi il se font ça, pourquoi ils continuent, le sous-entendu sous-jacent, pourquoi ils ne peuvent pas être honnêtes l’un avec l’autre sans chercher à se détruire, à exploser comme des supernovas, tous les deux en fin de vie mais trop fiers pour se l’admettre ou y remédier. Il a demandé et Asher a esquivé, évidemment, parce que c’est ce qu’il fait le mieux, trop habile quant il s’agit de slalomer entre les tirs à vue, d’éviter les impacts de balle mais de se saigner les pieds nus sur le sol rocailleux. Pas étonnant qu’il veuille fuir, Merle. L’inverse serait surprenant en fait, dangereux, suicidaire, rester avec une personne instable qui cause pléthore de dégâts de tous les côtés mais ne semble pas vraiment s’en préoccuper. Sauf que c’est pas le cas, bien sûr que ça lui fait un truc, quelque chose qui ressemble à de la culpabilité, qui va parfois jusqu’à l’empêcher de respirer, de penser de façon cohérente. C’est le dernier truc bien qu’il lui resterait à faire s’il était vraiment quelqu’un de bien : le laisser partir, se barrer bien loin, ne pas être un nouvel adulte auquel il ne peut pas faire confiance. Ses gestes le trahissent pourtant, à attraper son téléphone et pianoter le numéro de Merle pour finalement tomber sur une messagerie froide et impersonnelle à l’autre bout du combiné. « Oui, c’est moi. Écoute, je m’inquiète un peu, il est (il se tord pour regarder le cadran de l’horloge un peu plus loin) vingt-trois heures et tu m’as pas prévenu que tu sortais. Si tu peux juste appeler. S’il te plaît. Je vais m’absenter mais j’prends mon portable, ok ? » Coup d’œil vers Matei qui dort. Il va devoir trouver un truc, n’importe quoi. Ça ne prend pas longtemps à cette idée pour germer, se transformer en fleur vénéneuse dans son esprit, les doigts repliés qui toquent bientôt malgré lui contre la porte de la voisine. Coup de chance, elle est là et accepte le service qu’il lui demande dans l’embrasure de la porte. « Je vous le dépose en partant, j’en ai pas pour très longtemps. Une heure max. » C’est déjà pas mal, quand on voit l’heure. N’importe qui d’autre serait confus, refuserait de demander ça à quelqu’un d’aussi foncièrement étranger à son cercle proche. Faut croire qu’il n’a pas vraiment le choix. « C’est peut-être mon colocataire qui viendra le chercher. » La précision qui s’impose et le texto qui part cinq minutes plus tard pour informer Merle que la voisine s’occupe du bébé. Un instant il y réfléchit, ça le mine un peu l’air de rien. Il a parfois l’impression qu’ils ont tout d’un couple sauf l’intimité. Et comment ils en sont arrivés là, à devenir presque des étrangers, c’est un mystère. Ça finit de le foutre par terre, alors qu’il attrape son blouson, le couffin, puis sort de l’appartement comme une ombre.
Il fait plutôt frais. Y a pas grand-monde dans les rues mais les bars sont bondés, sûrement parce qu’il y a un match à la télé. C’est vraiment le genre de chose auquel il ne prête pas attention, Asher. Il n’a jamais regardé la télévision que pour voir des vieux films ou des rediffusions de tournois d’échecs, élevé dans la plus grande tradition aristocratique américaine. Heureusement qu’il y avait MTV en grandissant, et des parents beaucoup moins présents pour surveiller ses occupations. MTV, Damon Albarn. Ça le fait sourire faiblement, quelque part sous ses airs austères, un soir d’ivresse à l’Inferno qui lui revient en mémoire, les spots qui dansent en même temps que la musique, un baiser échangé avec une collègue exaspérante. Et puis, la suite, Toad et lui dans une ruelle, les aveux presque secrets, la cabine de chiottes témoin de leurs ébats. La sensation de la peau du pasteur sous ses doigts et de son souffle écrasé sur sa nuque humide, à se demander s’il pourrait un jour se lasser de tout ça. Se lasser d’eux. Ça ressemble à de la mauvaise nostalgie qui pourrait tirer des larmes aux coins de ses yeux, mais c’est même pas ça. C’est quelque chose de plus, une impression d’infini, d’inégalable, un sentiment de plénitude parce qu’il s’est fait à l’idée maintenant, parce que ça ne lui effleure même plus l’esprit, parce qu’il y pense à peine, peut-être juste quand il est seul le soir et que ses idées vagabondent. Avec des si on referait le monde. C’est peut-être ce qu’il se dit, ce qui l’aide à continuer sans échafauder des hypothèses trop farfelues, autant de plans sur la comète que de crashs de navettes. Il se contente de ce qu’il a et ce n’est pas grand-chose, à peine une amitié avouée, consentie, pas totalement bizarre, à essayer que ses ongles ne se marquent pas trop dans la peau de son alter-ego. Une amitié. C’est mieux que rien, mieux que le néant, mieux qu’avoir besoin de l’autre mais faire semblant de ne plus exister parce que ça semble plus simple. Ça n’est jamais plus simple. Jamais aussi simple.

Ça doit faire dix minutes qu’il marche et que ses pensées furètent vers Toad. Dix minutes et il l’oublie d’un seul coup quand il voit l’entrée discrète du fight club se dévoiler sous les néons écarlates des enseignes des commerces qui l’entourent. Ça lui a pris pas mal de temps pour faire le rapprochement mais maintenant, y a une ampoule qui semble s’allumer dans son cerveau, un putain mais c’est bien sûr sonore qui embourbe ses pas dans le socle du macadam. Il n’arrive plus à bouger, jauge seulement à quel point son idée pourrait se révéler mauvaise. Il ne le saura que s’il entre, que s’il ose pousser la porte. Jamais il n’aurait pensé que Merle pourrait se trouver ici, mais à cet instant ça lui semble clair, limpide, évident. C’est comme si son cerveau reliait les points, les indices, à faire coïncider les bleus qui constellent trop souvent la peau du gamin avec de possibles coups de poings, de pieds. Faut qu’il en ait le cœur net, qu’il y aille. Ça prendra dix minutes à tout casser, il sera rentré avant d’avoir eu le temps d’y penser. Dix minutes.
La salle est bondée, pas facile de naviguer, de reconnaître les visages, d’y chercher celui qu’il voudrait trouver dans la foule. Ses yeux revisitent les têtes des habitués, leurs sourires édentés, les ecchymoses qui délimitent leurs traits, fossettes et arcades explosées. Ça faisait un putain de bail, depuis Matei. Ça faisait une éternité et ça ne lui avait pas vraiment manqué, le goût de sang, de ferraille. Il n’a plus grand-chose à prouver depuis qu’il a mis une moitié de lui dans un être cent fois trop petit. Dix minutes et il entend son nom venir de la gauche, se demande peut-être si ça ne peut pas être Merle, l’espace d’une seconde. D’une seconde à dix minutes. Comment sa vie a-t-elle pu se retourner d’un coup, comme ça ? Comment ça a pu arriver sans qu’il ne puisse rien y faire ? Il a juste le temps de voir Seth s’approcher, de remarquer qu’il a serré les poings et qu’il se met en garde, les avant-bras qui se lèvent. Sa seule certitude est que, ce soir, Seth n’est pas venu pour redevenir son pote. Qu’il y a quelque chose de sordide, quelque chose de violent, quelque chose de lugubre qui s’allume dans ses iris. « Seth, j’ai pas l’temps, je cherche quelqu- », il commence, ne voit pas le premier coup de venir, le poing de son ancien ami qui vient se ficher dans son abdomen, lui coupe le souffle. Ça n’a jamais été le meilleur endroit au monde pour la jouer fair-play, non. Mais il ne s’attendait pas à aussi moche, aussi bas de sa part. « J’veux pas m’ba- », phrase interrompue, il a tout juste le temps de voir le deuxième coup partir pour l’esquiver. C’est du sang qu’il crache au sol juste avant de se redresser, de lever également les poings, férocité au fond du regard. Il se promet intérieurement de ne pas le frapper, de garder son calme aussi longtemps que possible. Parce que si l’inverse se produisait, il ne pourrait plus se regarder dans le miroir.
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MessageSujet: Re: guillotines (sether)   guillotines (sether) EmptySam 9 Juin - 17:41

T’es parti. Non, t’es pas parti, ça voudrait dire que tu continues d’exister quelques part dans l’univers et c’est pas le cas. T’es rentré dans le trou noir, plus de temps, plus d’espace, réduit au néant. Compressé en un seul point impalpable, chef d’œuvre de la création, cruauté de l’univers. Plus de lumière qui s’échappe de ta psyché, engloutie par ta rage  Il reste plus rien de toi, Seth, t’as quitté le vaisseau. Situation trop critique à bord. Les câbles qui court-circuitent, la coque prête à imploser, les moteurs prêts à exploser. T’as pas envie d’y laisser ta peau, alors tu t’es éjecté de ton enfer intérieur. Blackout. Tu t’es entend crié, tu t’es vu avancé, t’as senti tes doigts se refermer. T’as croisé ses iris sombres,  entre-aperçut une mèche de ses cheveux parfaits.

Et puis c’est tout.

T’as pas entendu sa voix protester contre ta charge. Pilotage automatique les enfants, le capitaine s’est fait la malle, et avec les derniers parachutes en prime. T’as pas entendu, et peut-être bien que si t’avais entendu, ça aurait rien changé. Surement. T’as pas contrôlé non plus ton poing qui s’écrase dans son bide, avide d’aller lui arracher les tripes. A moins qu’le but soit  de remonter sous ses côtes, percer estomac, foie, diaphragme, poumons avant d’enfin se délecter de son cœur. T’en sais rien, comme tu sais même pas si l’but c’est le détruire, ou d’l’anéantir. Nuance, très cher. Nuance. Le néant c’est c’qu’il y a entre tes tempes. La destruction c’est qu’il y a au creux de tes poings.

T'es parti Seth, et c'est bien le problème. Tu pars jamais. Tu pètes un câble, souvent, mais t'es là. T'es trop là. Tout ton être qui grince, se tord et se torture en écho à ton mal. Tu ris, tu grognes, tu hurles, tu chiales des fois, mais t'es bel et bien là. Trop humain, trop blessé, c'est pathétique et terrible à voir. Sordide, cruel. Mais moins que là. Ton absence flagrante qui insinue l'angoisse dans la foule. C'est pas comme d’habitude. Et s'il nous avait vraiment lâchés cette fois le patron ? S'il avait définitivement fini de cramer de l'intérieur, ne laissant plus que ce grand vide qui nous avalerait nous aussi. Et si c'était juste la fin ? Alors y a personne qui bouge. Y a ceux fascinés par le spectacle, et ceux qu'ont pas encore compris. Ceux qui se demandent s'ils feraient pas mieux de se casser tout de suite, tant qu'il a encore quelqu'un entre ses griffes, mais qu’hésitent quand même à se vautrer dans une telle lâcheté. Ou ceux qui se disent qu'ils devraient faire un truc pour Asher, pas le laisser seul, mais qui sont tentés de le sacrifier pour sauver leur peau. Et tous qui veulent savoir s'il va revenir le patron. Ou s'il va tuer le flic. Ou s'il va se faire tuer. C'est peut-être plutôt ça qui les fige sur place. Dans l'attente de la suite. Du premier qui mettras un genou par terre, du dernier qui respirera encore.

Mais ça non plus t’en as pas conscience. De rien. Plus rien. T’y repenseras souvent. Et ils t’en reparleront. T’auras rien à dire parce que tu ne sauras toujours pas. Les heures passées à sonder le fond de tes pupilles dans le miroir n’y changeront que dalle. T’y trouveras ni souvenirs, ni le reflet de Mort et un sourire victorieux, ni une quelconque trace du diable. Néant. T’façon, t’auras pas vraiment envie de t’en souvenir. T’auras suffisamment nourrit la bête au fond de bide pour les mois à venir. Elle carbure que trop bien à la honte, tu l’sais, t’auras pas envie de lui en filer plus. Qu’elle grandisse encore et encore, et finisse par ta cramer, et surtout, les autres autour. Toad. Ezra. Kizuki. Ivy. Tu t’diras que c’est pour eux que tu l’fais. T’auras pas complètement tort, mais t’auras pas raison. Mais tu t’souviendras pas de ce déferlement de violence. Des années souffrances accumulées qui semblent vouloir s’échapper d’un coup. Dans tes coups. Retour à l’envoyeur. Même s’il y est pour rien Asher. Il reste le parfait bouc émissaire. Le fauteur de trouble dans le tableau qui s’veut idyllique malgré toutes ses tâches. Il y est pas pour grand-chose, non. Mais il est le truc en trop.

Peu importe, t’as perdu le fil. Tu remarquerais même pas si s’était plus lui en face. Pas plus que tu t’attardes sur le rouge qui tâche déjà le sol. Tu frappes. Tu frappes et t’as l’myocarde qui s’est emballé. Hypophyse, surrénale, et tout ton corps qui relâche des hormones dont ton cerveau sait plus quoi foutre et qu’a laissé tomber de toute façon. Les restes de morphine de ton sang qui s’empressent de participer à la bataille. Même si t’as te rend plus lent, plus lourd. Au moins tu sens rien. Ni tes phalanges qui crient grâce dans l’impact. Ni tes tendons qui grincent dans le poids de tes coups qui se terminent dans le vide. Ni les poings de l’autre, que viennent aussi colorer ta peau. Fatalement. C’est pas comme si tu lui laissais le choix. Enfin comme si ton absence lui laissait le choix. T’avances, tes poings qui ‘abattent, t’encaisses, tu cherches pas à esquiver, tu te redresses et tu continues d’avancer. En silence. C’est l’apocalypse qui s’étend lentement sur la terre, le vent aux odeurs de putréfaction qui se lève, les sauterelles qui ravagent les plantes, la peste qui nécrose l’animal. C’est lent, violent, implacable. Faut que tu reviennes. Avant que tu n’le tues. Ou avant qu'il te tue.
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MessageSujet: Re: guillotines (sether)   guillotines (sether) EmptySam 16 Juin - 20:18

La douleur, partout la douleur. Évidemment il préfèrerait dire qu’il n’a pas mal, question de principe, de fierté mal calibrée qui jouxte son honneur de bourgeois pas suffisamment dégrossi, à baigner dans les quartiers les plus infâmes de Savannah depuis trois ans maintenant mais à toujours puer le même luxe indécent. Pas étonnant qu’on le déteste, que Seth le déteste, deux clébards pas du même monde qui se reniflent le cul sans se reconnaître. Il aurait aimé, Asher, le garder un peu plus longtemps comme ami, essuyer les plâtres des premières déceptions ensemble et tenter de se comprendre malgré leurs codes trop différents. Il aurait aimé mais force est de constater que c’est impossible, alors que les poings de l’asiatique s’abattent sur son visage un peu trop propre, un peu trop parfait. Il ne sait pas si le pire, c’est la douleur physique ou mentale, celle de savoir qu’il n’a sûrement jamais pu l’encadrer et qu’ils en seraient peut-être arrivés là même sans Toad, même sans la principale cause de leur discorde. Ça se fait un trou dans ses pensées alors qu’il perd le nord, Seth trop proche de lui et les coups trop brutaux qui l’assomment presque, le fil de ses idées qui se fait la malle à mesure que l’hémoglobine s’étale sur le sol. C’est très différent de se pendre, au final, très différent de choisir de se donner la mort, quand on donne le pouvoir à un autre de devenir son bourreau. Parce que l’instinct de survie refait surface, forcément. Et les poings qu’il avait rangés conte sa poitrine se resserrent, blanchissent les phalanges, jusqu’à ce que l’auto-persuasion devienne moins forte que la volonté de ne pas crever sur le sol dégueulasse du fight club.

Un coup, deux. Une averse, une pluie. Un orage.

Il esquive, Asher, donne presque autant qu’il reçoit. Presque, parce qu’il ne comprend plus rien, parce que son cerveau se met en veille et que la douleur irradie tellement qu’il oublie jusqu’à l’endroit où il se trouve. Il y a un uppercut de trop, celui qui le sonne plus que les autres, le flic qui se tourne vers la personne la plus proche d’eux, médusée par le spectacle qu’on lui offre ce soir. « Arrête le combat », sa voix cassée gargouille de glaires sanguinolentes, les autres s’en foutent. Personne ne veut s’interposer, se bouffer les attaques à sa place. Personne ne veut servir de bouclier humain face à Seth. Tout le monde le connaît, faut dire, tout le monde sait qu’il se moque des conséquences, de mettre quelqu’un sur un brancard ou à la morgue. Et tout le monde sait aussi qu’ils étaient amis, vraiment amis, ce qui soulève la question de savoir ce qu’il ferait à quelqu’un dont il est moins proche. Le prénom se barre d’entre ses lèvres, comme si ça pouvait l’empêcher de l’achever, de mettre un point final à leur rencontre alors que les coups pleuvent plus d’un côté que de l’autre. Le patron se paye la tête du flic comme un trophée de chasseur, le cerf buté alors qu’il lapait de l’eau au bord d’une rivière. Sauf qu’il n’est pas une bête effarouchée, sauf qu’il tient bon, droit sur ses jambes, à peine chancelant. Bien sûr, il frappe avec moins de régularité, l’allegretto qui devient piano jusqu’à ce qu’il oublie de tendre le bras, juste une fois, et qu’il se retrouve pris de court, bientôt au sol. Dernier réflexe de survie, il se replie sur lui-même, les avant-bras repliés devant son visage, conscient que ça n’arrêtera pas Seth. Il a raison, ça continue. Il perd. Il perd alors qu’il avait déjà accepté son sort quand Toad s’est barré, quand il a laissé tomber tout espoir de le retrouver, quand ils ont vraiment fini de se bouffer jusqu’à ronger leurs os. Il perd alors qu’il a déjà perdu, c’est peut-être la pire main qu’il n’ait jamais eue et dieu sait sa malchance aux cartes. « Arrête », un cri, ça déchirerait presque ses poumons, arrête et c’est moins un ordre qu’une prière, il implore comme le ferait un ennemi sans armes devant un bourreau qui l’amènerait à la guillotine. Dernier effort, un coup de pied balancé devant lui pour faire trébucher Seth. Succès. Il cille, se casse la gueule au sol, lui laisse juste le temps de se relever et de s’éloigner en titubant. Plus rien, il ne voit plus rien, juste l’écarlate du sang qui tâche le sol, les tâches noires qui naviguent aléatoirement devant ses yeux. Il s’éloigne de toutes les silhouettes floues qui lui bouchent la vue, s’aperçoit rapidement que fuir n’est plus une option, que leurs spectateurs imprévus se sont amassés en cercle autour d’eux, les obligent à graviter dans la même sphère. Un mouvement un peu trop brusque et Asher se replie sur lui-même, ramène ses poings devant lui pour ne pas montrer qu’il souffre, qu’il a peut-être plusieurs côtes pétées, des os du visage aussi, et peu importe que ses muscles tremblent, qu’ils bougent maladroitement pour parer les prochains coups. Peu importe ; il va sûrement finir par crever ici, de toute façon.
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MessageSujet: Re: guillotines (sether)   guillotines (sether) EmptyDim 17 Juin - 23:37

Ça dépend de pas grand-chose la vie. Ça dépend de rien en vérité, c’est un post-it sur le frigo qui dit « Je rentre tard ce soir, je vais boire un verre avec ma patronne. » qui se détache lentement et glisse sous un meuble, ça dépend des démangeaisons dans les doigts qui lui hurlent de se pointer au Fight Club parce que pourquoi pas, ça dépend de son téléphone qui vibre pas à chaque fois. Ça dépend de pas grand-chose, la vie, vraiment, c’est trop plein de hasards, trop plein d’aléas, trop plein de choses qui se connectent, se déconnectent, se passe si près et si loin de lui en même temps. Il a pas eu le message d’Asher, ce soir-là. Il a pas prévu de venir, ce soir-là. Il a pas prévu parce qu’il a peur que ça soulève des questions, parce qu’il a peur qu’Asher finisse par articuler les interrogations qu’il perçoit parfois au coin de ses yeux. J’fais rien de grave, il a envie de dire, parfois, les deux mains levées et l’innocence sur le visage. Rien de grave, mais rien de bon, rien de grave, mais que du destructeur, des poings dans le vide et des bleus comme des champs de violettes. Il a rien à faire là, ce soir-là, c’est vrai, mais les deux pieds posés en haut de l’escalier, il sait exactement pourquoi il se trouve là lorsqu’il entend une voix au milieu du brouhaha.

C’est des mois de pratique. Des mois à apprendre à ralentir sa fuite quand c’est cette voix qui l’interpelle, des mois à apprendre à décoder les inflexions et le vocabulaire, à se questionner sur l’homme derrière l’uniforme, des mois à apprendre à faire confiance, des mois à cesser d’attendre le voir se métamorphoser en créature monstrueuse. Il le reconnaîtrait dans n’importe quelle foule, il l’entendrait au milieu de tous les bruits du monde. Il sait qui se trouve en bas sans même avoir besoin de le voir. Il sait et ça lui fait peur. Il sait mais il ne sait pas pourquoi et c’est ce qui lui fait peur. Y a trop de choix, trop de possibilités, trop d’idées qui le traversent et qui le tétanisent alors qu’il dégringole jusqu’en bas, les pieds qui s’emmêlent presque lorsqu’il atterri au sol, se fraye un chemin dans le cercle qui entoure le combat. Il les reconnaît pas, au début. Il reconnaît pas Seth qui porte la haine sur le visage, il reconnaît pas Asher qui gît au sol. Il les reconnaît pas parce que la situation n’a pas de sens. Il les reconnaît pas parce qu’il comprend pas, parce qu’Asher a pas de raisons d’être là, parce que Seth a pas de raison d’essayer de le massacrer. Il les reconnaît pas, non, il reste là, les yeux écarquillés. Il est stupide, peut-être. Il est choqué, sans doute.

Une seconde après, il est en colère. C’est une émotion qu’il connaît bien. C’est la lame de la trahison, le sang empoisonné de la douleur, c’est Merle qui fait un pas de trop, brise le cercle, brise le silence, s’élance, c’est un bond, presque un faux-pas, et il percute Seth de plein fouet pour l’envoyer bouler plus loin, pour l’écarter, pour l’éloigner, les dents prêtes à mordre, les poings serrés, prêt à tuer.

« LE TOUCHE PAS. » Il hurle, et c’est ridicule. Le touche pas, mais c’est déjà fait, et il est au milieu du ring improvisé, devant Asher pour jouer les bouclier, parce qu’il a promis de plus le faillir, parce qu’il refuse d’assister à ça, parce qu’il a l’air mal en point, parce que Seth a dépassé les bornes. « ÉCARTE TOI. » Il crie et ça fait mal, ça court dans ses veines et il sait pas quoi faire, on l’a jamais préparé pour ça, on lui a jamais dit qu’il faudrait qu’il ait les épaules pour porter le monde avant même ses trente ans. Il hésite, dressé comme un pantin, il hésite parce qu’il ose pas lui tourner le dos, parce qu’il ose pas se retourner pour observer Asher, parce qu’il sait pas comment désamorcer. Il hésite pas à sortir son couteau, par contre, il hésite pas à le faire jouer entre ses doigts, il hésite pas à le tenir. Il hésite pas parce que c’est ce qu’il était, le mec qui ramène un couteau à un combat à poings nus, le mec qui crache sur les règles, le mec qui survit. Il hésite pas à faire ça et il pousse le genou d’Asher, du bout du pied, la lame tendue vers Seth et les mâchoires serrées. « Lève-toi. » Le ton est plus bas mais plus doux, pas moins furieux, pas moins en colère et il tend la main en arrière pour qu’il puisse s’y accrocher, pour qu’il puisse prendre appuie. Lève-toi et vis, intime son ton, lève-toi et marche, lève-toi et te laisse pas crever là. Il sait pas combien de temps il pourra profiter de la surprise. Il sait pas combien de temps il pourra bénéficier du couteau. Il sait pas.

Mais il est prêt à saisir tout le temps qu’on veut bien lui offrir.
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MessageSujet: Re: guillotines (sether)   guillotines (sether) EmptyJeu 21 Juin - 11:20

C’est l’heure. L’heure de faire un point. Sur tout ce bordel. Comment t’en es arrivé là. A l’annihilation de ta propre conscience, et à ce déferlement de violence pure. C’est de la faute d’Asher. Qu’est-ce qu’il est venu foutre là, hein ? Il est pas au courant qu’il est toujours beaucoup trop présent dans la vie de ton mari ou bien ? C’est de leur faute à tous les deux, à s’envoyer des sms en scred, enfin à ce qu’ils s’imaginent. C’est de la faute de Kizuki, qui t’fait miroiter un remède à tes maux. C’est de la faute de Toad, qu’a replongé dans l’héroïne, et celle d’Ezra, s’il avait pas disparu ce con, l’héro aurait pas fait son grand retour dans ton quotidien. C’est de la faute de Kizuki aussi, qui t’a poussé à te relever, à quitter ton cloaque pour essayer, vous redonner une nouvelle chance, à Toad et toi. C’est de la faute de Toad qui t’a couru après à travers le pays, et qui t’a tout à coup oublié dans les bras du flic. C’est de la faute du vieux qui t’a refilé le fight club. C’est de la faute de Wini qui t’as fait découvrir le monde d’en-bas. C’est de la faute de ton père, qui s’est décidé à te parler juste avant de crever. C’est de la faute de Toad et sa petite amie injectée directement dans les veines. C’est de la faute de son père qui vous a poussé à fuir. C’est de la faute du type là, qui s’est foutu en l’air à moto, qu’a privé Toad de son avenir, de la fac, du basket. Ah oui, tiens. Ce type c’est toi. C’est de ta faute ça, ouais. Et puis t’aurais dû réagir plus intelligemment face à son vieux. T’aurais dû rester, et l’forcer une bonne fois pour toute à lâcher l’autre salope. T’aurais dû parler à ton père. T’aurais pas dû aller te cramer les ailes sur le feu de la Mort comme un papillon de nuit. T’aurais jamais dû foutre les pieds dans ce sous-sol glauque. T’aurais pas dû non plus laisser Toad revenir, ou écouter Kizuki. T’aurais dû retrouver Ezra. t’aurais dû savoir qu’il allait replonger. T’aurais pas dû retourner dans les griffes de la Bête, user et abuser de lui. T’aurais dû demander à Toad d’arrêter de causer à Asher. Ou alors tu devrais réussir à faire avec. Et t’aurais pas dû le charger comme s’il était l’unique responsable de ta chute aux enfers. C’est de ta faute. Tu le sais très bien. Tout est de ta faute. Ta faute. Ta faute. Ta faute. Ta faute. Ta faute.

J’voulais parler de ce type qui n’a plus de nerfs. Il a pété un câble, fallait parier.

Et puis l’monde il bascule une première fois. T’as pas senti. t’étais debout, à l’apogée de ta décadence, à quelques pas de l’irréparable, s’il est pas déjà franchit. Enfin ça non plus tu l’savais pas, t’en aurait pas été là sinon. Non, t’as basculé une première fois, t’as pas senti la chute, mais t’as pris conscience de l’atterrissage. Le béton froid sur la tronche, un truc poisseux sous les doigts, sur les doigts. Un bref flash blanc, et un début de conscience. Un bordel qu’est-ce que j’fous qui passe furtivement en surface de ta conscience. Tu t’relèves difficilement, vue brouillée par la douleur que sent sans la ressentir, par le sang aussi. T’essayes d’y voir clair, de savoir c’qui s’passe. tu l’sais, en gros, tu savais bien qu’ça allait arriver un jour ce genre de truc. T’veux juste avoir les détails. Lieu, heure, victime. L’arme du crime c’est toi, ça tu l’sais déjà. Sordide partie de Cluedo qui se joue quelque part dans ton esprit. T’y vois rien, et puis tout à coup, Merle. Tu t’dis que c’est assez logique. C’est un de ses rôles ici. Gagne-pain, bourreau et punching-ball. Oué, t’as une pensée logique, presque réconfortante quand tu t’le manges en pleine poire et que tu gicles plus loin. Le sol qui te percute l’arrière du crâne, ou l'arrière de ton crâne qui percute le sol, tu sais pas, peu importe. Le blanc. Le noir. Le froid tout à coup, tu t’dis aussi que t’as dû répandre ta cervelle sur le sol. Et qu’c’est pas bien grave. Que merle soit ta victime ou ton bourreau, les deux te vont. Oué, tu deviens très philosophe tout à coup, les yeux rivés sur le plafond, à refaire le monde étendu là. C’est peut-être pour pas penser à la douleur qui irradie soudain. De partout. De partout putain, tu peux même pas serrer les dents, ça aussi ça fait mal. Et puis t’essayes de respirer mais ton t’étouffes dans ton sang qui coule au fond de ta gorge. Bordel. Et tu tousses, tu craches, t’essayes de t’retourner pour pas te noyer comme un con, parce que c’est franchement pitoyable comme mort. Ok, tu mérites peut-être pas mieux. Tu colores à peu plus le sol dans une litanie de jurons et de grognements. T’as mal. T’es mal, tellement mal. Tu sais pas comment tu fais pour bouger. Tu sais même pas comment t’as fait pour rester debout jusqu’à être sans cet état. Merle c’est bien, mais Merle ça justifie pas.

T’arrives à te hisser à genoux, à lever les yeux vers le gamin. T’essuies tes yeux d’un revers de main, tu dois avoir de belles peintures de guerre tiens. Ça te ferait presque sourire. Si y'avait pas un truc qui cloche. Et puis y’a un éclat qu’attire ton regard. Tes sourcils qui se lèvent, à deux doigts de l’agacement. Y a des principes ici. Tu peux buter quelqu’un oué, mais pas avec ce genre de truc pour petites fiottes. M’enfin venant de Merle … Ahah, putain t’es con, ta gueule, c’est pas drôle. Tu considères encore un instant la lame, t’ouvres le bec pour tenter de dire un truc, et puis, Asher. Asher, là, derrière. Asher en miroir à l’état dans lequel tu dois être, en contraste au Merle immaculé. Merde. « Merde, merde. Putain de merde. » T’as la panique qui se réveille. T’essayes de comprendre, de rassembler les morceaux de souvenirs que t’as de ces dernières minutes. Y a rien. Rien. Si, putain, oui tu t’souviens l’avoir vu. C’est tout. Merde. T’es encore plus blanc que la minute d’avant. Y a des larmes qu’essayent de nettoyer tes jours du sang. Y avait Asher, et puis rien, et puis lui et toi dans c’état, et Merle là avec son couteau. Tu sais c’qui s’est passé même si tu t’en souviens pas. Tu sais ce que t’as fait. Ouais. C’que tu sais, c’est qu’c’est encore de ta faute. Ta faute. Ta faute. Ta faute. Ta faute.

Mais la seule chose qui l’empêche de s’foutre en l’air. C’est qu’il y a déjà plus d’balles dans le barillet.

Alors bon, tu te lèves. C’est l’horreur. T’sais pas comment t’y arrives, tes os grincent, tu reconnais des douleurs de fractures. T’y vois toujours pas complètement clair malgré les larmes silencieuses qu’ont lessivées ton visage, et y a le sol qui danse un peu. Tu dois bien avoir une commotion cérébrale nan? Mais tu te lèves quand même parce que y a que ça à faire. T’avances, lentement, vacillant, comme tu peux, les bras ballants, regard alternant entre Asher et Merle. Faute et bourreau. T’avances jusqu’à Merle, tu quittes le flic des yeux, un sourire pour l’oiseau de malheur. Tu manques de t’casser la gueule, mais tu tiens bon, et tes yeux qui s’baissent vers le couteau. Guillotine.


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MessageSujet: Re: guillotines (sether)   guillotines (sether) EmptyJeu 21 Juin - 19:50

Guillotine. Les sons sont coupés, tout comme les odeurs et les lumières distantes des néons à moitié cassés, s’il s’est relevé ce n’est que pour mieux retomber la seconde qui suit, se retrouver accroupi au sol à patauger dans son propre sang. C’est le forfait par obligation, il ne sait même pas par quel heureux hasard il a réussi à faire en sorte que Seth s’éloigne, le lâche juste une seconde, le temps qu’il retrouve un brin de souffle aussitôt gaspillé, recraché dans l’air en éclat sanguinolents. Ses phalanges grattent des bribes de vie sur le sol dégueulasse, s’accrochent pour essayer de lui donner un appui, de lui permettre de se redresser. Putain d’ironie de son instinct de survie, prêt à se mettre une corde autour du cou mais réticent lorsqu’il s’agit de se faire briser par les poings d’un autre. Pourtant, il le mérite peut-être. C’est sûrement le prix à payer pour les discussions avec Toad au milieu de la nuit, les entrevues toujours trop brèves avec son fils, à en faire un futur beau-père alors qu’il n’est même pas un oncle, c’est le coût de la trahison, des moments qu’ils passent à se prétendre amis alors qu’ils savent tous les deux que leurs cœur s’attirent comme des aimants et qu’ils crèvent d’envie de baiser ensemble, de se laisser aller, d’arrêter de tout contrôler. C’est mérité, mérité, mérité, pour tout ce qu’il laisse moisir, Toad, Elena, Caïn, tout ce qu’il détruit sans le voir, Merle, Jael, pour sa vie qui se casse la gueule sans qu’il tente de la retenir par le bout de la manche. C’est mérité et c’est grisant quelque part, le sourire qui chatouille ses lèvres en même temps que les larmes suintent sur ses joues, parce qu’il pourrait presque crever en paix si Seth daigner lui infliger le coup de grâce. Parce que ça ne serait presque pas un fardeau que de crever sous ses doigts. Il a toujours su qu’ils finiraient comme ça, Seth et lui, à s’entretuer où à se faire l’amour, l’alchimie trop forte qui se confond avec le besoin de détruire, de se détruire, en ne choisissant jamais les bonnes entrées, en se foutant toujours au fossé. Il est prêt à subir le dernier coup, Asher, alors qu’il trébuche et s’appuie sur l’un de ses avant-bras, les yeux qui se baissent vers le sol en attendant la dernière semonce.
Qui n’arrive jamais.
Il y a un miracle qui s’appelle Merle et qui, pour le coup, revêt aussi un habit de parjure en ne le laissant pas terminer son combat. Ses dents râpent sa lèvre inférieure, il relève un regard hagard vers les deux silhouettes, partagé entre déception et reconnaissance. Ça le tue de voir qu’il avait raison, qu’il fréquente bien cet endroit, que ce n’est pas juste un heureux hasard, un geste de la providence, que c’est vraiment le symptôme d’un problème plus profond. Ils en parleront, peut-être. Un jour où Merle n’aura pas un couteau entre les doigts, où il ne menacera pas le mari de son ex. Parce qu’à cet instant, il peine à le reconnaître, voit tout juste ses traits déformés par la colère et la façon impérative qu’il a de l’intimer de se relever, tout en murmures. Plus facile à dire qu’à faire, il réprime un grognement quand il arrive enfin à s’appuyer sur ses tibias, la main accrochée à celle du gamin comme à une bouée de sauvetage au beau milieu de l’océan. Ça lui prend quelques secondes pour se mettre debout, faire le point, compter dans sa tête les blessures, faire l’état des lieux du désastre. S’apercevoir des côtes cassées, des os fracturées, des ecchymoses décomptées sur son épiderme un peu trop pâle. Envie de vomir un peu trop brutale, il se racle la gorge pour la faire passer, les yeux qui font silencieusement le décompte des secondes qui s’étirent alors que Merle garde le couteau pointé vers un Seth qui jure, semble réaliser ce qu’il a fait. Rien. Il n’a rien fait, à part casser la gueule à un mec qui le mérite, un mec qui reste ami avec son ex alors que l’univers tout entier semble leur imposer de garder leurs distances. Et Merle qui garde son couteau dans la main, le regard planté sur Seth. Merle qui se comporte en louve agressive, protectrice envers son unique portée. Il ne mérite pas ça, pas du tout, il ne mérite pas qu’on s’interpose dans un combat, il ne mérite pas qu’on prenne son parti sans connaître les tenants et les aboutissants. Pire que tout, il ne mérite pas Merle. Ses phalanges tuméfiées s’accrochent au poignet de son ami alors que Seth approchent, essaient d’appuyer sur son bras pour qu’il le baisse. « Laisse », trop faible, la voix n’est qu’un murmure qui ne porte pas vraiment et il tousse, une fois, deux fois, trois fois pour reprendre son souffle. Il hallucine presque, Asher, les yeux qui naviguent de Merle à Seth, pas totalement rassuré par l’idée qu’un couteau s’immisce dans l’histoire. « Baisse ton couteau Merle. » Ça se fait prière, dans le creux de sa voix, complainte, Seth est désormais trop près et ça lui donne envie de vomir. Il s’éloigne d’un pas, deux, dix, les pieds qui titubent et l’esprit qui affabule, donne à ses partenaires de guerre des allures fantomatiques. « J’te cherchais », il adresse à Merle en se retournant à moitié, le regard perdu quelque part à côté, comme s’il louchait. La mise au point est lente, tordue. Il crache du sang à ses pieds, regarde un instant en l’air comme s’il voulait se rappeler de quelque chose. Il veut. Mais c’est trop compliqué. Il a l’impression qu’on a foutu sa tête entre des serre-livres en béton et qu’on a laissé reposer trois semaines, le temps que le cerveau se fasse bouillie. C’est peut-être le cas. Peut-être qu’il lui a tellement éclaté la tronche qu’il ne sera plus jamais comme avant. Avocat, flic. Légume. « Je… j’dois aller récupérer mon fils. » Comme il déclamerait une liste de courses, à moitié perdu, il se donne l’ordre à lui-même dans un souffle dément, le dos de la main qui se pose contre son front comme s’il voulait contrôler sa température. Brûlant. Pourtant il y va. Pourtant il se rue vers la sortie, s’accrochant au premier pan de mur qu’il rencontre pour laisser aller sa carcasse à un repos illusoire.

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