C'était la fin d'une longue et sale journée. ce putain de bar, même si c'était ta maison, t'arrivais en avoir plein le cul. c'est pas comme si tu pouvais t'éloigner, prendre du temps pour toi, te toucher dans la douche et roupiller pour faire passer les heures qui servent à rien. non, toi t'étais toujours en mode veille, à surveiller tes arrières, et les alentours, parce que t'avais été programmé dès ta naissance à être en mode survie, et rien d'autre. c'était comme ça à chaque fois, tu débarrais les portes, mettais les chaises à leur place, puis tu te promenais dans l'entrée ou à l'extérieur pour éloigner les indésirables. parfois t'y entrais pour calmer les ardeurs de ceux qui se cherchaient une place dans la meute; meute strictement réservée à ceux qui le méritaient vraiment, pas à ces chats de gouttières qui errent en espérant avoir un morceau de ce qu'ils avaient déjà bouffés. dans tous les cas, t'étais tout le temps au même endroit, t'étais l'ombre du building, le rat qu'on est pas capable d'attraper et qui fout le bordel dans la maison. tu prenais ton rôle très a coeur, de toute façon, et même le plus gros montant d'argent ne réussirait probablement pas à te déloger de ton semblant de confort. c'est tout ce que c'était, après tout. un semblant de confort. un matelas dans l'armurerie, beaucoup d'alcool et quelques graines de chips pour te sustenter. c'était mieux que la rue, et très certainement mieux que la prison, t'étais pas fan des cellules trop petites et des officiers qui te réveillent à six heures le matin pour la '' sortie matinale '' comme si t'étais qu'un clébard qui doit faire ses besoins avant que ses maîtres partent travailler.
T'es accoudé au bar; le bâtiment est vide, t'es tout seul et tu dois avouer que l'ennui commence à prendre le dessus. d'habitude, t'as au moins l'un des gamins avec toi pour te faire chier, mais le vent qui cogne contre les murs du pub, ça te rend complètement dingue. tu décides donc de te servir un verre de whisky pour passer le temps, et tu te l'enfiles d'une traite, comme le l'homme que t'es. t'as même pas le temps de t'en servir un autre que t'entend les portes d'entrée ouvrir. tu les avais pas barrés, tu les barrais rarement, tu te faisais totalement confiance, et d'habitude, les gens évitaient d'y mettre les pieds à cette heure. « j'te laisse trente secondes pour faire marche arrière, sinon c'est la balle dans le front. » ta grosse voix résonne dans le pub désert. tu sais pas qui c'est, tu lui tournes le dos là, à l'étranger qui pense pouvoir se faire roi dans ta tanière. tu poses une main aisée sur le pistolet accroché à ta ceinture; un petit jouet très certainement illégal qui provient du trafic des gamins. tu tournes lentement la tête, juste après avoir posé ton verre vide dans l'évier de l'autre côté du comptoir. ton regard, dur comme fer, se pose sur les traits délicats et familiers d'une jolie brunette que tu connais bien, et la tension dans tes épaules s'évapore doucement. y'a pas moyen pour toi de laisser paraître ton soulagement, du coup tu lui lances une remarque à la gueule pour faire genre que tu préfères sa gueule à celle d'un ivrogne qui avait pas vu que c'était fermé. « ton frère est pas là, ma jolie. » tu mets l'accent sur la fin de ta phrase, et t'arques un sourcil tout en t'adossant au comptoir, les bras croisés sur ta poitrine.

Farrah elle s'ennuie depuis qu'elle est rentrée. les journées passaient et se ressemblaient, et pour celle qui avait parcouru le monde et arpenté toutes ses contrées, la routine était sans doute le pire des tourments. le matin au garage, l'après-midi au journal. il n'y avait que dans les heures annonçant la tombée de la nuit qu'elle semblait enfin retrouver la liberté dont elle avait joui si longtemps. Savannah était un étau autour de sa poitrine qui l'empêchait de respirer. elle avait fini par tourner en rond Farrah, épiant du coin de l'oeil la bande qu'elle connaissait si bien fut un temps et qu'elle évitait soigneusement d'approcher aujourd'hui. ils semblaient se trouver dans un cul de sac, elle et eux. plongés dans leur rancune, ils attendaient des mea culpa qu'elle n'avait pas. perdue dans l'indifférence, elle attendait qu'ils grandissent et passent, enfin, à autre chose. un statut quo qui ne semblait satisfaire personne, mais dont tout le monde se contentait.
alors Farrah avait erré, tuant le temps comme elle pouvait. elle avait profité de leur absence pour apprivoiser le Smoking Dog, ce nouveau repère qui semblait accaparer leur temps sans qu'elle ne comprenne pourquoi. la bière y était dégueulasse, les habitués étaient des ivrognes miséreux et misérables, et au vu des fondations pourries Farrah était toujours étonnée de le retrouver debout. à croire qu'il avait été conçu pour survivre au milieu de la misère des rues oubliées de tous. sans doute pour cette raison que les autres s'y plaisaient tant, eux qui n'avaient jamais attendu de la vie autre chose que le peu qu'elle leur avait concédé. Farrah, elle, n'était pas fait du même bois. ou peut-être l'avait elle été mais que le temps l'avait consumé pour ne laisser que les cendres de celle d'autrefois. il y a toujours plein de peut-être qui se bousculent dans l'esprit de la Flores, jamais énormément de certitudes.
mais si c'est la curiosité qui l'a poussé à franchir les portes la première fois, c'est une autre raison qui l'y pousse à revenir. une raison d'1m80 de muscles et de grande gueule aguerrie. Farrah, elle sait qu'elle joue avec le feu à s'approcher aussi près de ceux qui travaillent avec son frère. Farrah, elle sait pertinemment qu'elle finira par se brûler lorsque Jack l'apprendrait. mais Farrah, elle se moquait de tout. pire encore, elle n'attendait que ça au final, que le brasier fasse rage autour d'elle et qu'elle s'installe pour observer l'incendie. alors, à la nuit tombée, ses jambes prennent la direction du Smoking Dog, et quand elle ne voit pas la foule d'ivrognes habituels amassés devant, elle comprend qu'elle tombe bien. ombre dans la pénombre, il n'y a que sa silhouette qui se découpe sous la lumière du néon. ni discrétion, ni annonce ne précèdent son entrée. Farrah, elle a l'habitude de passer ces portes comme si elle était chez elle. c'était un peu le cas, au fond. la remarque de Greyson lui arrache un sourire, alors qu'elle pousse un soupire exagérée, une moue boudeuse traversant son minois. et moi qui pensait que ma visite te ferait plaisir. jamais désemparée, elle traverse la salle vide d'un pas tranquille et passe derrière le comptoir, effleurant au passage l'épaule du colosse d'une main légère. s'asseyant sur le comptoir en face de lui, elle laisse échapper un petit rire devant la désinvolture mise dans sa répartie. tu aurais préféré que ce soit lui que je vienne voir ? le ton est joueur alors qu'elle hausse des sourcils amusés. allons, on a des remords d'avoir touché la soeur du patron ? le regard équivoque, elle détaille Greyson sans gêne, attisant les braises tranquillement. la provoque est au coeur de chacune des syllabes prononcée alors que son visage ne reflète rien d'autre qu'un calme olympien. désolée d'avoir omis ce détail d'ailleurs. le visage lumineux contredit cette allégation alors que sa main saisit un verre dans lequel elle se verse une rasade de vodka. je ferais plus attention, la prochaine fois. peut-être avec lui, peut-être avec un autre. Farrah porte le verre à ses lèvres et laisse planer le doute, les opales claires rivés sur celui ayant le malheur d'être sa distraction du soir.

farrah, c'était la tempête. elle avait ce regard, tu sais, celui qui t'attire, celui qui est dangereux, celui qui pourrait s'emparer de ton âme et jamais te la redonner. t'avais pas peur, pourtant, t'avais jamais eu peur, parce qu'entre les courbes d'une femme et le baril d'un pistolet entre les deux yeux, tu préférais clairement laisser tes mains visiter chaque parcelle de ces créatures du sexe opposé. c'était la base, t'étais qu'un homme fait de chair, de sang et d'instinct, après tout. t'étais pas différent des autres, vraiment pas, tu te fondais dans la masse des cœurs torturés par la vie, par la société, par tout le monde, en fait. la présence de la brunette a ses côtés serait censé faire sonner les alarmes. elle à l'âge d'être ta fille, cette brunette, et surtout, elle partage les liens du sang avec l'un des gamins qui bosse avec toi. tu te dis que logiquement, tes pensées devraient pas déraper autant, mais tu pouvais pas t'en empêcher. en même temps, ce que jack ne sait pas ne le blessera pas. la main lui caressant doucement l'épaule ne fait que valider tes pensées, et tu soupire longuement, tentant de chasser toutes ces pensées qui s'accumulent et qui te rendent dingue, à petit feu. « tu m'énerves. » que tu grognes presque, ton ton pas agressif, mais une teinte de sarcasme se peint sur tes paroles, et ton visage se tord en une moue qui se veut énervée. toutefois, tu ne peux pas stopper ce petit sourire en coin d'étirer les commissures de tes lèvres. elle dépose son derrière sur le comptoir en délicatesse, et ton regard la quitte jamais. tu l'observes, chacun de ses mouvements, et surtout, comment ses lèvres bougent quand elle te parle, quand elle te lance ses remarques à la gueule en ne faisant comme si tout allait bien, comme si la tension entre vous n'était pas aussi épaisse que la mélasse des galettes de grand-mère. « t'es pas assez adorable pour lui rendre visite, de toute façon. pas sans bonne raison, en tout cas. » et t'as raison, la fratrie flores, c'est pire que la troisième guerre mondiale, c'est pour ça que c'est dangereux, que de s'intéresser à farrah. jouer avec le feu, c'était ta spécialité, de toute manière, alors tant pis.
son regard te rend un peu dingue, et tu tu serres la mâchoire alors qu'elle te scrute, t'as presque l'impression de te sentir comme sa proie. une proie qui ne la resterait pas longtemps; elle était bien trop petite, jeune et folichonne pour n'avoir ne serait-ce qu'un peu de dominance envers toi. une main sous la mâchoire, son visage contre le mur et ton corps pressé contre le sien, et elle aurait perdu tout contrôle, du coup ça t'inquiétait pas trop. « je fais ce que je veux, patron ou pas. » que tu lui dis, de façon plutôt directe, ton regard foncé plongeant dans le sien, un air de défi se posant dans ta voix, et dans l'air aussi. elle se sert un verre de vodka, et tu en profites pour te resservir un verre de whisky, n'étant pas nécessairement un fan de la vodka. tu réponds pas tout de suite, tu laisses le silence du pub faire le boulot. elle est juste en face de toi, cet air qui t'énerves mais qui te plaît en même temps. tu sais pas trop quoi penser, quand elle est là, et ça te met dans tous tes états. « tu veux quoi? » que tu demandes plutôt simplement, sirotant ton breuvage en la fixant comme un chien de pointe, un chien de chasse, un chien de garde. c'est ton boulot, après tout, mais la raison de ta fixation était nettement différente... tellement différente, et très certainement beaucoup plus intéressante et jolie. 

le sourire s'élargit sur les lèvres de Farrah devant les réactions quasi-épidermiques qu'elle provoque chez Greyson. elle en joue Farrah, peut-être trop pour les autres, presque jamais assez pour elle. il faut dire qu'elle s'attarde rarement sur les personnes en face dans la balance lorsqu'il s'agit de prendre une décision. reine des glaces au regard de braise, il n'y a que son plaisir personnel qui semble l'importer depuis quelques temps. après avoir tant donné à autrui, elle considère qu'il est temps de prendre ce que le monde rechigne tant à lui rendre. elle n'embêtait personne Farrah, quand on y réfléchissait. elle faisait sa petite vie tranquillement, au gré de ses envies, au rythme de ses pulsions. elle ne demandait jamais rien à personne, au contraire, elle aurait aimé qu'on la laisse profiter de cette vie qu'elle avait pris le parti de se réapproprier. peut-être bien qu'elle aussi est un peu rancunière au fond. peut-être même que l'indifférence et la froideur cache un égoïsme latent, jamais vraiment assumé. ça n'a jamais sembler te déranger lorsque je te rendais visite. la répartie fuse, les yeux brillants de malice alors qu'elle boit lentement une gorgée sirupeuse, l'alcool chaud brûlant sa gorge d'une morsure agréable. le sourire faiblit cependant,les paroles de Greyson lui rappellant encore une fois l'état des relations entre elle et son frère. éternel point faible que cette gémellité qui semblait la suivre où qu'elle aille, quoi qu'elle fasse. une deuxième gorgée, plus longue cette fois, pour se donner du courage, et le visage lumineux se redresse, comme si l'amertume ne l'avait jamais voilé. Farrah, elle aime pas trop quand les situations lui échappent, toujours aux aguets, toujours une parade dans son sac pour redresser le cap. le problème, c'est que son adversaire dans cette joute verbale qu'elle aimait tant à mener, avait justement été engagé pour ses qualités défensives. et lorsqu'elle sondait son visage, elle n'y lisait rien d'autre que cet air dur qu'il se composait si naturellement. frustration ultime pour celle qui aimait semer confusion et trouble partout où elle passait. alors Farrah, elle redouble d'effort, toujours prête à franchir la ligne rouge, celle de non-retour. vraiment ? je te trouve bien confiant. nouveau haussement de sourcil volontairement dubitatif alors qu'elle le toise de cet air satisfait qui semble exaspérer le monde entier. Ike n'était pas là, je m'ennuyais. elle hausse les épaules Farrah, la bouche en coeur alors qu'elle ne manque jamais d'insinuer innocemment qu'elle n'était là que par défaut, parce qu'un autre l'avait laissé. la vérité était tout autre, et elle n'aurait eu aucun mal à l'énoncer avec son détachement habituel si elle ne cherchait pas autant à l'emmerder. pousser Greyson dans ses retranchements était quelque chose dont elle ne se lassait pas, étudiant ses réactions avec un amusement non-dissimulé. Farrah, elle savait bien de quoi il était capable, Bull. mais flirter avec le danger était bien trop plaisant pour qu'elle ne le fasse pas. pourquoi, je te dérange ? t'attendais quelqu'un peut-être ? la tête penchée sur le côté, elle le regarde sous ses longs cils tout en jouant avec son verre. peut-être bien qu'elle serait étonnée s'il lui disait oui, peut-être même que ce serait mieux pour eux d'éviter de s'enliser dans ce petit jeu.

tu pouvais pas t'arrêter de la regarder; faut avouer qu'avec une gueule pareille, farrah elle devait le savoir, qu'elle pouvait se jouer des coeurs de chaque homme passant sur son chemin. t'étais pas différent, tu te plaisais à avouer qu'elle était ton type, la brunette... très certainement trop jeune, mais l'âge n'est qu'un nombre quand on laisse les tripes et l'instinct décider de ses actions. m'enfin, c'est ce que tu te dis pour te rassurer, pour apaiser ton esprit, qui ne semble ne pas pouvoir se défaire du sourire parfait de la demoiselle posée devant toi, sirotant son verre avec cet air, cette grâce qui te rendais un peu stupide. « ça m'a jamais dérangé parce que t'es mignonne et que ça me fait quelque chose à faire. » tu murmures presque la fin de ta phrase; t'es jamais du genre à parler sentiments, feelings, cette merde là tu la laisse pour ceux qui ont du temps pour ça. histoires de coeur, de dépression, de manies, t'en a pas besoin. dans la pyramide des besoins humains, t'es très certainement encore dans le stade sécurité. tu voudrais une vraie maison, et pas qu'un vieux restant de pub. 
t'as bien l'impression que t'a touché un bout sensible en mentionnant son frère, parce que même si elle tente de se cacher derrière un mur d'attitude et de sex appeal, ça s'voit rapidement dans son regard que ça la dérange. t'hausses les épaules, comme pour passer à autre chose, t'as pas envie qu'elle décide subitement de laisser ton cul tout seul, mais jamais tu l'avouerais. ça fait du bien d'avoir de la compagnie, des fois. « je m'en bats les couilles de ike. » que tu dis, une trace de jalousie se faisant sentir; elle est même pas tienne, elle est tout aussi sauvage que toutes les femmes que tu côtoies, mais c'est plus fort que toi. le mâle alpha, tout le toutim. à la fin de la journée, c'est toi qui veut le claim sur la demoiselle et personne d'autre. tu deviens plus tendu et tu déposes ton verre de whisky vide sur le comptoir de façon brusque, après l'avoir avalé d'une traite qui te laissait cette sensation de brûlure dans le fond de la gorge. t'es con, tu réagis, et tu sais bien qu'au final tu ne fais qu'embarquer dans son petit jeu de séduction, mais ça te plaisait. elle te donnait de l'attention, certes c'était pas l'attention la plus saine du monde, mais n'importe qui devient fou lorsque laissé à soi-même trop longtemps. puis faut dire que ça fait un bail que t'as pas eu de véritable action, un contre un avec une jolie demoiselle. juste l'idée t'excite peut-être un peu trop, et tu te racles la gorge pour éviter que tes pensées deviennent trop visible, et tu croises à nouveau les bras sur ta poitrine, brisant le contact visuel, ton regard foncé se posant dans le fond du bar, analysant chaque mur comme s'il était nouveau, comme si t'avais pas déjà passé des heures à faire exactement ça pour chasser l'ennui. « j'attendais personne, je voulais juste être seul histoire de pouvoir me faire plaisir. » c'est cru, c'est tiré de tes tripes, du creux de tes caleçons, mais t'es qu'un pauvre mec, et la graine avait déjà été semée dans ton esprit. Tu ricanes, un rire gras et qui résonne dans le bâtiment vide. ce petit sourire en coin s'affiche à nouveau sur ton visage, moqueur, presque coquin. t'es entré dans son, de toute façon, c'est déjà bien établi. du coup, pour en rajouter encore un peu, tu soupires et décide de retirer ton t-shirt, en prétextant qu'il fait chaud dans le pub, te passant le revers de la main sur le front. ton sourire te bouffe l'entièreté du visage; t'aime bien montrer tes tattoos et tes cicatrices, ça a se côté barbare et ça te plaît.

le sourire naît sur les lèvres, les lèvres pleines s'étirant pleines de sensualité face à l'aveu extirpé des lèvres. impératrice des coeurs, Farrah aime régner sans jamais rien céder à autrui. là où elle donnait un jour, elle a décidé qu'elle ne ferait plus que prendre. le coeur fermé à double tour, la charité évadée sur le chemin emprunté quelques années en arrière. donner c'était perdre un morceau de soi, un morceau perdu à jamais, jamais retrouvé.
Farrah elle hausse un sourcil, peu impressionnée par les apparences détachés de Bull, encore moins par cet étalage de testostérone brute qu'il émane. Farrah faut dire qu'elle est impressionnée par peu de choses, sans doute trop désabusée pour encore avoir l'occasion de se laisser submerger par les émotions. Les désillusions ont été trop nombreuses, les déceptions encore plus pour qu'elle ne soit influencée par les mouvements du monde extérieur. Farrah ne se laisse porter que par les désirs de son esprit, les plaisirs de son corps et les tressauts de son âme. la plupart du temps, tout se passe de manière monocorde, la vie se déroulant dans des tons de gris fades. quand on ne ressent rien, il n'y a plus de haut ou de bas. il n'y a que le temps qui passe et les visages qui se succèdent. peut-être que si elle avait évolué dans un autre monde, Farrah se serait méfié des sursauts d'humeur de Greyson. si elle n'était pas née dans un paysage de misère, sans doute qu'elle ne l'aurait jamais approché. mais cela faisait longtemps que Farrah la lumineuse s'était perdue au pays des ombres, et que sa lumière s'était faite happée par les ténèbres. il n'y avait plus que la noirceur similaire à la sienne qui semblait l'attirer aujourd'hui. ne sois pas si vulgaire. qu'elle dit simplement pleine de désinvolture, en réponse au ton agressif et aux gestes trop brusques. le ton claque dans l'air, la réplique acérée. celle qui aime semer l'agitation ne se satisfait que du calme. il faut dire qu'elle n'a pas l'habitude qu'on lui réponde Farrah. poisson d'eau trouble, piranha aux yeux clairs, elle est trop habituée à avoir l'ascendant pour supporter qu'il en soit le contraire. et quand bien même si l'adversaire en face d'elle pourrait facilement la soulever de terre pour lui apprendre le respect. ça ne l'empêche pas de jouer la gamine, de jouer et de bien souvent mener la danse. persuadée de sa capacité à toujours se sortir des situations extrêmes, elle ne se doute même pas qu'elle pourrait finir par être prise à son propre jeu. ça ne l'empêche pourtant pas de lever des yeux dont le regard effleure le torse dévoilé par Greyson. pleine de provocation, elle se lève en silence et s'approche du gardien de ce bar dont elle effleure un tatouage du bout des doigts. tranquillement, elle en dessine les contours, la pulpe de ses doigts aussi légère qu'une plume. dis-moi, c'est pour compenser ta virilité que tu te la joues gros muscle ? derrière la main de velours, le rictus se forme à nouveau, l'effrontée aux grands yeux se détournant pour aller se servir un autre verre, fouillant sans aucune gêne dans les réserves du bar. après tout, n'était-il pas un peu à elle ce bar, au fond ? dans les lettres qui composaient le nom de Flores, dans celles qui articulaient le prénom de Jack, se cachaient l'essence du sien. dans les liens tortueux de cette famille maudite, il n'était possible de compter que par deux. elle n'en voulait pas vraiment de cet endroit minable, de ce taudis croulant. mais il était réconfortant quelque part, de savoir qu'il existait sur cette terre quelque chose reliant encore les épines Flores, aussi branlant que ce soit. pour un homme de ta réputation, tu en fais beaucoup trop. et lorsqu'elle tourne le regard vers Greyson, c'est avec un grand sourire insolent. elle ne faisait pas qu'allumer la mèche Farrah, elle aimait regarder sauter la dynamite.