01. tu ne sais pas du tout comment tes parents se sont rencontrés, ni s’ils s’aimaient vraiment. Tout ce que tu sais, c’est que ton père est mort pour vous, ton frère et toi. Il n’est pas mort pour faire vivre sa femme, nan, il en avait rien à cirer d’elle. Déprimée, droguée, malade mentale, elle n’avait rien d’attirant cette femme. Non seulement elle profitait de lui, mais elle n’avait aucune onze de respect pour l’homme qui lui rapportait l’argent à la maison. Et lui, il continuait. Il continuait de se taper des 12h par jour, à coup de semaine de six jours sur le bateau et l’autre de congé sur terre. Tu n’as jamais compris pourquoi il n’était jamais à la maison, plus tu vieillissais, plus ça te paraissait ridicule. Vous n’aviez pas besoin de grand chose pour être heureux, seulement de quoi payer la gardienne-vieille-mémé-qui-pue que ta mère utilisait pour vous élever, et un peu de temps en la compagnie de votre père. Le reste, ce n’était pas important. Vous faisiez votre vie comme des enfants normaux, vous appreniez à devenir grand et savoir vous débrouiller seuls. Moins vous passiez de temps à la maison familiale, le mieux c’était. Mais quand il était là, elle ne l’était pas alors vous en profitiez du mieux que vous pouviez. 02. Ton frère et toi, vous devez toutes vos connaissances à votre gardienne-mère-faussement-biologique. une bonne femme à la maison, une femme qui sait comment s’occuper des enfants. Mais elle n’était pas une bonne femme comme les autres. Elle était cruellement croyante et sévère. Il n’était pas question que tu demandes quelque chose sans dire s’il vous plait, il n’était encore moins question que tu piques une crise pour avoir une glace au petit kiosque du coin. Tu devais bien te comporter, tu devais faire preuve d’un bon savoir-vivre et de ne jamais rouspéter. Toi, comme bonne fille que tu étais dans le temps, tu faisais tout ce qu’elle te demandait et l’admirait comme ta vraie mère. Si aujourd’hui tu la détestes pour avoir foiré son plan de faire quelqu’un de bien de toi, tu ne pourras jamais la remercier assez pour tout ce qu’elle t’a apporté. 03. Grâce à elle, tu sais maintenant comment coudre tes propres vêtements, tu sais comme cuisiner un bon repas de famille pour un coût minime, tu sais comment gratter sur une guitare pour remplir tes poches. Tu sais tout plein de trucs, et tu n’as même pas eu besoin de compléter le lycée pour ça. Elle t’a enseigné l’école de la vie, comment sécher les cours pour aller cueillir des fraises sauvages, comment décorer un mur de béton avec ton art, comment survivre en dehors du cadre de la société moderne, etc… elle se faisait une carapace de religieuse seulement pour garder la tradition dans la famille, mais au fond, elle avait une âme qui bouillait de rage et d’inquiétude. Elle t’a transmis ton dégoût pour le coût de la vie, ton dégoût pour les gens friqués qui ne méritent pas leur fortune, ton dégoût pour la surconsommation, ton dégoût sur tout. 04. Ce n’est lorsque ton père est décédé que t’as finalement compris la situation de ton passé. Tout l’argent qu’il donnait à ta mère ne représentait même pas le tiers de ce qu’il mettait de côté pour ton frère et toi. À toutes les fois qu’elle lui criait dessus qu’il ne rapportait pas assez, c’était à cause de toi. À toutes les fois qu’il rentrait à la maison avec des cernes de six pieds de longs sous les yeux, c’était pour toi. Tout ça pour finalement te planter là avec un paquet de fric dont t’ignores sérieusement l’utilité. Ça se situe environ à cinq chiffres, l’argent que t’as placé secrètement dans une planque pour les urgences. 05. Quand t’as eu la mauvaise nouvelle, ça faisait trois mois que t’étais partie pour les Etats-Unis. T’étais dans un trou paumé de Cleveland, à revendre de la dope pour ton supérieur-fréquentation-plus ou moins-sérieuse. Tu bossais pour lui, tu voyageais d’une ville à l’autre pour rapporter le fric, et en échange, il te laissait dormir dans son lit et te laisser faire tes propres expériences. Pendant ce temps, ta mémé-de-mère-qui-puait est décédé d’une crise cardiaque. Ce n’est qu’à ce moment-là que t’as repris contact avec ton frère. T’avais envie de parler avec elle, d’entendre sa voix qui te rassurait en un rien de temps à l’époque. Mais elle n’était plus là, et heureusement pour toi, ton frère l’était toujours. Il t’a informé pour l’argent et t’es retourné à Belfast pour les funérailles. 06. Tu n’as pas pu rester plus que trois jours là-bas, les souvenirs remontaient trop facilement dans ta tête et ça te faisait extrêmement souffrir. Ça te prenait une dose, parce qu’il était hors de question que tu fasses ça devant ton frère. Ton départ forcé a remis de la distance entre lui et toi, mais c’était pour le mieux. T’avais encore des choses à faire, des regrets en enterrer, une vie à ruiner. Trois jours de tentative de désintox totalement rompue par une nuit blanche de substance chimique. 07. T’avais 17 ans, 17 ans merde. T’étais même pas majeure et tu jouais à la Barbie avec des mafieux. Certes, il est vrai que t’as toujours eu une mentalité mature, mais de là à courir après la merde et risquer ta vie, c’était trop. Ce soir-là, t’as commis ta première et seule overdose de drogue. T’avais consommé toutes sortes de choses, de la coke, du speed, du ghb, pour finir avec de l’héro. Tout ça gratuitement fourni par le mec qui te servait de boyfriend. 08. T’as perdue ta virginité aussi ce soir-là. Tu ne t’en souviens pas, mais t’étais encore consciente. Il t’arrive parfois d’avoir des flashs, mais c’est très flou. Tu n’as jamais porté plainte contre ton pote parce que tu l’avais bien cherché. Il avait 15 ans de plus vieux que toi, ça lui aurait non seulement coûté sa carrière, mais quelques années en taule. T’avais pas envie d’embarquer là-dedans, alors vous avez continué de vous voir après ta nuit à l’hôpital. C’est lui qui a payé les frais d’hospitalisation et les médecins l’ont autorisé à signer ta sortie. 09. Après ça, ta vie a repris un peu plus de sens. T’as quitté Cleveland quelques semaines après et tu t’es remis à voyager. Cette fois, tu voyageais avec l’argent que ton père t’avait laissé. D’une ville à l’autre, t’accumulais les petits boulots pour te payer à bouffer et de quoi te droguer. Tu n’as jamais dépensé un sous de ton héritage pour ça, jamais tu ne ferais ça. Pour ce qui est de dormir, ce n’était pas tellement un problème. Tu dormais en moyenne cinq heures par nuit, ou par jour en fonction de tes horaires et des beuveries. Tu squattais chez des potes, sans jamais t’installer définitivement quelque part. 10. T’as bossé pour des fermes, tu ramassais de la merde ou bien des petits fruits pour ensuite les revendre à un prix médiocre. T’as aussi bossé pour une couturière, vous faisiez dans les robes de mariées. Parfois, il t’arrivait de bosser comme barmaid pour quelques soirs, ou bien comme concierge dans des buildings. Jamais tu n’as appliqué pour un job officiel. Tu rencontrais des gens qui te servaient de contact pour t’aider à choper des contrats pas trop longs. Et puis tu repartais. 11. Pendant trois ans, t’as vu plusieurs villes des USA. T’as rencontré des centaines de personnes, tous aussi passionnant les uns que les autres. T’as passé des journées autour d’un feu à jouer de la musique, à dormir dans une tente, coucher avec n’importe qui à n’importe quel moment. C’est comme ça que t’as découvert ton intérêt envers les femmes. C’était différent qu’avec les hommes, tu les désirais plus que sexuellement. Tu voulais toujours avoir plus que leur corps, et ça t’as fais peur. Tu n’as jamais voulu te mettre en couple, t’étais trop instable pour ça. Heureusement, tu trouvais toujours la bonne personne qui acceptait de faire semblant de vivre une histoire juste pour le plaisir. 12. Trois mois après tes 19 ans, t’es retourné en Irlande dans l’espoir de retrouver ton frère. Il n’y était pas. La sœur de ton père t’as guidé vers lui, prétendant qu’elle était encore en contact avec lui il y a deux semaines. Apparemment, il se trouvait à Savannah. Tu n’as pas perdu de temps pour aller confirmer ses dires, la journée d’après t’étais planté devant un petit café où l’on pouvait laisser librement des affiches. T’as fais imprimé des centaines d’avis de recherche… même pas après avoir posé la dixième, quelqu’un t’as approché en disant qu’il savait où se trouvait ton bro. 13. Ta vie a pris un sens honnête dès le premier regard échangé avec lui, JJ qu’il disait s’appeler. Au début, t’es carrément partie à rire devant sa gueule de faux thug. Quel genre de mec voudrait s’présenter sous le prénom de JJ de toute façon ? Autant en rire qu’en pleurer. Tout ça pour dire, il ne plaisantait pas au final. Max était bien à Savannah, et bien entouré à part de ça. 14.  Les kids, une bande d’irlandais durement soudé comme le fer. Une famille, tout aussi dingue que celle des Beirne. Ils t’ont intégré à bras ouvert, mais pas trop. T’as dû faire tes preuves pour être accepté parmi eux. Il y avait bien des merdes qui se tramaient entre eux et les BOs, et tu n’as pas raté l’occasion pour leur prouver à quel point ton esprit déplacé pouvait être utile parfois. 15. Tu t’es envoyé en l’air avec Seven, le dealeur de la bande adverse. T’avais plus qu’un tour dans ton sac, t’en as vu des trucs pas net au courant de tes voyages. T’as fais totalement foiré son rendez-vous avec son fournisseur en le droguant avec ta came et ton charme irrésistible. Pour le coup, il s’est mérité une bonne raclée et pour ton plus grand bonheur, sa tronche de fendant était assez bien déformée pour ne plus être capable de le reconnaître de loin. Mais avant ça, t’avais aussi couché avec JJ. Tu ne sais pas trop qu’est-ce qui t’as permis de faire partie de la bande au final… En tout cas, Max en était pour quelque chose assurément. Vous êtes redevenus inséparable dès le moment où tu lui as cassé les côtes en le serrant trop fort dans tes bras –façon de parler.- 16. Depuis tu te balades dans les ruelles de la ville en défendant ce qui te tient le plus à cœur ; ta nouvelle famille. T’es au comble du bonheur avec eux. T’as la chance de laisser sortir ta rage sous de bons prétextes, tu peux même te confier à certains d’entres eux. Ta consommation a remarquablement diminuée, sans toutefois s’arrêter complètement. Tu fumes toujours de la mari, et tu sniffes encore de la poudre blanche, mais pas mal moins qu’avant. 17. Pour ce qui est des études et du boulot, t’en a toujours rien à foutre. Tu fouilles un peu dans l’argent de ton père, et tu grattes sur ta guitare accompagnée de ton frère pour compléter le reste. Tu te contentes du strict minimum et honnêtement, t’as jamais été aussi (mal)heureuse de ta vie. Tu vis librement sans jamais penser aux conséquences, t'accumulent les conneries et la haine. Non seulement envers les autres, mais envers toi-même. Parfois tu te tapes sur les nerfs, t'es pas endurable la moitié du temps, mais t'aimes ça emmerder le monde, ça te garde en vie. 18. t'es comme un chat errant, tu ne fais pas grand chose mais pourtant on te remarque toujours dans les ruelles. que ce soit avec le sang, la peinture, ou bien le cri strident de tes complaintes face à la vie ; t'es partout et nulle part à la fois ; t'es comme une feuille au vent, tu te laisses aller en suivant ton coeur et tes envies.