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| easy like sunday morning (casy) | |
| Auteur | Message |
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Voulez-vous coucher avec moi ? ▹ posts envoyés : 707 ▹ points : 29 ▹ pseudo : unserious/agnès ▹ crédits : avatar/aes : moi / signa : debout sur le zinc, gif tumblr / images WHI ▹ avatar : Taron Egerton ▹ signe particulier : un tatouage représentant une molécule d'endorphine qui fait le tour de son avant-bras gauche, la clope au bec, toujours un bouquin de Shakespeare pas très loin. les mains qui tremblent depuis le sevrage forcé, pâle comme un linge, austère et froid.
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| Sujet: easy like sunday morning (casy) Ven 2 Nov - 21:55 | |
| M’sieur, c’est vrai pour l’procès ? La question n’est pas choquante, pas dérangeante, elle ne soulève pas la poussière des vieux dossiers de sa mémoire, ne crée pas d’élancement entre les côtes, ne réveille aucun rancune plus terrible que celle qu’il éprouve déjà pour son agresseur. La question, elle serait même pertinente, si elle ne revêtait pas toutes les caractéristiques d’un cheveu dans la soupe, l’incongruité d’une demande fortuite à laquelle il se trouve soudainement confronté sans possibilité de vraiment esquiver, l’estocade portée en pleine poitrine au beau milieu d’un débat sur H.P. Lovecraft et son racisme latent. Un moment il hésite, Casper, les yeux qui dévient sur les visages d’autres élèves et la même question qu’il devine sur toutes les lèvres. Évidemment que ça a fait le tour de l’école, sans un mot, sans une vague, la rumeur qui s’insinue comme un serpent discret au milieu des bruits de couloirs, des discussions devant les casiers à l’heure du déjeuner. « Oui », il se contente de dire, reporte son attention sur le tableau, laisse la craie continuer de dessiner les cursives, oui et il n’a pas envie d’en parler, sûrement, parce que si c’était le cas il ferait ce qu’il fait toujours quand sa langue se délie, il se mettrait à épiloguer sur le monde, sur la vie, tergiverserait jusqu’à les laisser livides, vidés de toute énergie. Ce n’est pas ce qu’il fait. Ce qu’il fait, c’est ignorer, ne pas élaborer, ne pas expliquer, et c’est peut-être la pire des choses au monde parce qu’il sait ce que ça donne quand on laisse des adolescents avec un champ de possibles, il sait les portes que ça ouvre à l’indécence, au fantasme, il connaît d’avance les rumeurs dégueulasses qui circuleront sur son compte dès que la sonnerie retentira. Il aurait encore cinq minutes pour changer ça, cinq minutes pour expliquer, pour déballer un peu de sa vie privée, se révéler comme s’il était l’un de leurs amis, l’un de leur bande, de ce gros groupe de gamins qui ne peuvent même pas se supporter entre eux. Peut-être pour ça qu’il leur tourne le dos une éternité, jusqu’à ce que le cri strident de la cloche du lycée se fasse entendre et qu’ils débarrassent leurs pupitres tâchés d’encre pour se rendre à la prochaine sentence, le cours d’après avec un meilleur prof, un moins gros déchet, quelqu’un qui leur dira clairement les choses au lieu de souffler le chaud et froid, de baragouiner entre les lignes. La nuit est déjà tombée quand il lève les yeux de ses copies. Plutôt que de rentrer chez lui, il préfère bouffer du travail à s’en faire craquer le ventre et les mains sous le relief de la plume, à gonfler les vaisseaux sanguins dans le blanc de ses yeux, à limer ses ongles sur la croûte des feuilles. Quand il entend la porte de la salle de classe s’ouvrir, il pense d’abord qu’il s’agit de l’homme de ménage qui passe une fois par semaine, le vendredi. Ce soir. Sauf que c’est pas lui. « Mademoiselle Holmes », il souffle en se redressant. Vu comme ça, il n’a plus rien du jeune-homme de vingt-cinq ans qui se prend pour le roi du monde alors qu’il est à peine un prince, perché sur une gigantesque colline d’erreurs. Il pince ses lèvres, frotte les cernes sous ses yeux comme s’il avait l’espoir de les faire disparaître. « Je dois avoir votre devoir, si c’est ce que vous voulez. » Et déjà il feuillette les devoirs déjà corrigés, finit par extirper une copie qu’il glisse devant lui, jusqu’au bord du bureau. Un A+, pour une fois. Plus le cœur de rabaisser la perfection, de chercher le détail qui remettra en cause seize ans révolus d’intelligence. Celui de la fois d’avant, il ne l’a pas compté, le F qu’il était censé lui mettre pour la punir d’être une gamine, de rêver de liberté, de préférer se planter les pieds dans l’herbe plutôt que de l’écouter jacasser. « C’était très bien », et ce n’est pas une pique, pas une manière dissimulée de l’agacer mais la pure vérité, quelque chose de brut et solide et terriblement sincère. Elle a ce sens du beau, Ruby, du beau, du vrai, du fort et âcre, du romantique et de l’aventure, des baisers et des dagues en plein cœur. Elle mérite tout ça, les bonnes notes, les honneurs, le A+ en haut de la feuille. Mais les yeux sur elle, à la scruter, il se demande si c’est vraiment pour ça qu’elle est venue.
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⊹ life can hurt ▹ posts envoyés : 713 ▹ points : 20 ▹ pseudo : zoé (baalsamine) ▹ crédits : solosands (icon) + sal (aes) + kane (avatar) ▹ avatar : sophia lilis ▹ signe particulier : un couteau papillon qu'elle a tendance à dégainer trop vite, béret et marinière pour se donner un look de française décalée, des cheveux bien trop roux et la clope toujours allumée.
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| Sujet: Re: easy like sunday morning (casy) Dim 4 Nov - 17:02 | |
| cours qui s’enchainent, les jours qui deviennent un peu plus courts au fur et à mesure que le temps passe. L’été a laissé sa place à l’automne, saison dérangeante, mélancolie qui colle aux os, alors qu’elle enchaine les cigarettes sur le banc de la cour, laisse le vent s’infiltrer entre les mailles des collants épais, remuer ses cheveux, les ébouriffer. Nouvelle année, l’avant dernière, alors qu’on leur parle déjà d’université, de futur, l’envie d’hurler qu’il leur reste encore du temps, que c’est pas la peine de les presser. Et pourtant. Pourtant. Y a plus personne ce soir, ils sont tous parti, la bande de sale gosse qui vaque à leur occupations habituelles, Isaac à la supérette de son père, Ariel avec sa mère au motel, Sal quelque part perdu devant sa télévision, Arden à son entrainement, Lucy qui doit dessiner sa prochaine pancarte, Camden fragile qui prend son goûter. Puis y a elle, Ruby. Ruby qui devrait rentrer chez elle, retourner aider Jade ou bien faire semblant de réviser un contrôle qu’elle réussira de toute façon. Mais non. Elle traine, dans cette foutu cour déserte, sur son banc attitré, mégots de cigarettes à ses pieds alors qu’il y a un fond de Fleetwood Mac dans ses oreilles. Cliché terrible. Mais son cliché à elle, alors qu’elle ferme les yeux un instant, tire sur sa cigarette, se laisse tomber sur le bois froid, les deux voix qui se mêlent, le son des percussions et de la guitare qui lui tirent un frisson. Pourquoi tu restes là gamine ? A perdre son temps dans un endroit qu’elle considère comme une prison, à regarder les heures passer, les nuages se chasser dans le ciel, la lumière qui décroit au fur et à mesure. Je vais être en retard qu’elle finit par envoyer à sa sœur avant de se redresser, mégot qu’elle écrase au sol , sous son talon de chaussure compensée. Les écouteurs toujours sur les oreilles elle rentre de nouveau dans le bâtiment, salue l’agent d’entretient avec un hochement de tête, il abandonné depuis longtemps : ne lui rappelle plus les règles. Elle est trop imprévisible Ruby, comme un foutu ouragan dans les couloirs de l’école.
Mademoiselle Holmes Pas vraiment discrète faut croire, alors qu’elle entre sans toquer dans la salle de classe, tout ça pour ça, ce foutu manège pour enfin réussir à poser les pieds, sans élèves pour écouter, sans professeur pour espionner, jeu débile, jeu dangereux. « Monsieur Pryce » pourtant elle sourit pas, y a pas de défi dans la voix, c’est pas comme avant, pas comme l’année dernière, l’impression que les règles ont changées. Je dois avoir votre devoir, si c’est ce que vous voulez « Non c’est pas ce que je… » mais il ne l’écoute pas alors qu’elle se rapproche, fronce les sourcils, elle se sent soudain ridiculement minuscule. C’est pas compliqué pourtant, dire ce qu’elle est venue dire, tourner les talons, se casser. Mais y a comme un blocage dans sa gorge. C’était très bien. Le A+ qui s’étale sur sa copie, c’est pas normal, rien de tout ça n’est normal. « Je sais que c’était bien » très bien, elle soupire, plie la feuille avant de la poser sur la table. « je suis pas venue pour ça » qu’elle reprend, avance encore un peu, essaye de trouver du courage, celui qu’elle affiche toujours au quotidien, le défi sur le visage, la défiance dans le regard. Mais c’est trop sérieux, trop vrai, trop compliqué. « J’voulais juste vous dire que je connais ? » elle fronce les sourcils, non c’est pas ça. Pas comme ça. « Le procès, les médias, témoigner, le regard des gens, la presse qui vient scruter le moindre se vos mouvements » ça sort d’un coup, alors qu’elle hausse les épaules, foutu goût amer qui revient dans la bouche. « Je suis pas la mieux placer pour parler de ça, et surement que vous avez vos amis, de votre âge, vos collègues aussi » peut être oui, surement. « Mais si jamais vous voulez en parler, je suis là » [/b][/color] les yeux dans les yeux, elle est terriblement sérieuse, parce qu’encore aujourd’hui y a des journalistes qui se pointent à son auberge quand Jade est pas là, pensant pouvoir profiter du fait qu’elle ne soit qu’une gamine pour lui soutirer des informations juteuses. les pauvres, ils auraient mieux fait d’attendre Jade. « C’est pas ma place pardon » alors qu’elle soupire, attrape sa copie pour la ranger dans son sac. Elle aurait jamais du se pointer.
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| Sujet: Re: easy like sunday morning (casy) Sam 10 Nov - 18:26 | |
| Chevauchement de pensées, ça se bouscule dans la boîte crânienne, un petit truc qui s’appelle l’éthique lui chatouille le bout des neurones, susurre en secret que Ruby ne devrait pas être là, que n’importe quel autre adulte responsable s’alarmerait, essaierait de contacter ses proches pour les informer que la gamine traîne encore en zone rouge. Elle va foutre le bordel, sûrement. Parce que Ruby c’est l’ouragan, le tsunami, un bout d’amour et de mépris, c’est tout ou rien et c’est rien du tout la plupart du temps, les faux-semblants, sourires méprisants en coin de couloir, Ruby c’est la fougue et l’insolence, le pied-de-nez aux étoiles, c’est l’arrogance et la déraison, c’est un reflet de lui-même qui joue au jeu des sept erreurs et ça aurait tout, vraiment tout pour le terrifier. Mais il pense qu’à cet instant, ça n’a pas vraiment d’importance, parce qu’elle parle et qu’il l’écoute, qu’il a les yeux rivés sur son visage et qu’il n’arrive pas à en décrocher, parce qu’elle pourrait lui balancer les pires horreurs possibles et il ne bougerait pas d’un millimètre, pendu à ses lèvres comme si tout ce qu’elle débitait était parole d’évangile, le souffle en suspens dans une seconde aérienne. Il suppose qu’il ne s’y attendait pas. Pas venant d’elle, pas comme ça, pas aussi subitement et sans qu’on ne l’ait poussée, il ne s’y attendait pas, aussi naturellement et sincèrement, le ton de sa voix qui ne vrille à aucun moment quand elle énonce les faits, quand elle lui explique tout ce qu’elle sait, tout ce qu’elle connaît. Lorsqu’elle lui donne ses raisons, ses explications, ses pourquoi et ses comment. Sûrement qu’il a des amis, mais sûrement aucun qui puisse lire en lui comme Ruby le fait actuellement, sûrement aucun qui ne s’en soucie vraiment, aucun que ça ne bouscule, l’idée de le savoir pris au piège comme un lièvre dans un terrier en feu, aucun qui ne prenne le temps de faire ça, juste ça. Venir le voir et lui dire qu’y a une place quelque part entre deux tranches de quotidien pour lui, juste pour lui, pour l’écouter et pour l’aider. Elle veut quoi Ruby, elle veut quoi avec ses yeux et ses grands airs, avec ses jolis mots qui ricochent sur les murs de la salle, elle veut quoi avec ses mains rougies par le froid, ses présomptions farouches, le c’est pas ma place qu’elle échappe comme une excuse alors qu’elle s’empare de son devoir et s’apprête à tourner les talons. Et il veut quoi, lui, putain, à la regarder fixement, les lèvres chastement scellées. Il a peur de commencer à parler et de ne jamais pouvoir s’arrêter, peur de s’enliser, peur de s’enfoncer, peur de ne jamais pouvoir sortir de la bourbe dans laquelle il s’est retrouvé balancé. « Merci », il finit par dire. Ce n’est pas grand-chose mais Ruby le connaît suffisamment pour savoir que ça râpe déjà sa langue, que ce n’est pas ordinaire entre ses dents, qu’il n’a pas pour habitude d’être reconnaissant. Il fouille dans la poche de son blouson, sort son paquet de cigarettes, en plante une entre ses lèvres alors qu’il laisse les autres sur un coin du bureau. « Servez-vous. » Il sait qu’elle fume, de toute façon, ce serait hypocrite de prétendre le contraire. Casper n’a jamais vraiment été moralisateur, trop noir, trop gris, suffisamment loin de l’autre côté de la barrière, incapable d’empêcher des gens de la franchir. C’est pas sa place, il pense. Celle des parents, des amis, des proches en général. Pas celle d’un prof qui ne fréquente ses élèves que trois heures par semaine. Le briquet claque deux fois alors qu’il marche, se dirige vers le pupitre le plus proche du sien, juste en-dessous d’une fenêtre qu’il entrebâille, le cul qui se pose sur le bois du petit bureau dans un léger grincement. Le bras replié posé sur le rebord de la fenêtre, il soupire, se laisse envelopper dans un nuage de fumée. Il aurait peut-être dû. Se barrer, tant qu’il en était encore temps. Avec Eoin ou sans, mais foncer sans se retourner, se construire une nouvelle vie, faire ce qu’il avait toujours voulu faire. Écrire ou rien. Il scrute un instant la cour de l’école, pensif, avant de reporter son attention sur l’adolescente. « Vous savez, je suis encore là alors qu’il est presque sept heures du soir. Un vendredi. Je n’ai pas vraiment d’ami à qui parler de tout ça », qu’il murmure en lui décochant un petit sourire avant de tirer une nouvelle fois sur sa cigarette. Abus sur abus. Depuis qu’il n’y a plus la coke ni Eoin, y a plus grand-chose qui fasse battre son cœur. Juste ses addictions habituelles, clopes et alcools forts pour faire passer le goût amer de la défaite qui continue d’empoisonner ses papilles, lui procurer un soupçon d’adrénaline. « Je ne veux pas vous embêter avec ça, Ruby. Y a déjà tout dans les journaux. » Et c’est ce qui compte au final, il le sait. C’est ce sur quoi les gens vont s’arrêter, ce qui va délier les langues. C’est ce qui finira de le cataloguer, une énième histoire de cul mais la plus terrible de toutes, celle que personne ne croira et qui est pourtant vraie dans toute son horrible normalité. Y a pas de raison que Ruby pense autrement. Pas de raison qu’elle l’envisage différemment. « Je me demande si j’ai bien fait. » Les yeux sur elle, il ne cille pas. Finit par hausser les épaules. « De le dire. De vouloir qu’il paye. De laisser mon envie de vengeance me bouffer. » Du bout des doigts, il laisse tomber les cendres de sa cigarette dehors, ferme les yeux, soupire. Ses mots se délient pour la première fois depuis plusieurs mois. Peut-être parce qu’avant, il n’y avait personne pour l’écouter.
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| Sujet: Re: easy like sunday morning (casy) Dim 11 Nov - 21:33 | |
| Y a des limites à ne pas franchir. Elle les connait Ruby, pas stupide comme gosse, pas stupide du tout. Y a des limites à ne pas franchir, jamais. Même pour une pseudo-rebelle comme elle. C’est pas le même genre de limite que de sécher les cours ou bien faire un doigt d’honneur au proviseur. C’est pas le même genre de limites que de planter un gars dans la cuisse avec son couteau ou bien d’enfoncer son talon dans le ventre d’une nana qui la soule. Non. arrête arrête. Mais elle continue. Insolente, aveugle, elle s’en fout. Parce qu’il y a comme une étrange résonnance entre leurs deux âmes ne serait-ce que pour un instant, surement qu’elle s’imagine des trucs, à force de lire des livres stupides, place des choses dans sa vie qui n’existeront jamais. Mais y a cette étrange résonnance. Et ça fait terriblement mal au cœur, de garder les lèvres fermées. Merci. Elle hausse les épaules pour se donner contenance , comme si ça pouvait changer quelque chose, comme si c’était naturel alors que ça ne l’est pas vraiment. Servez-vous. le regard qui dérive sur le paquet de cigarette offert, elle en attrape une pour la glisser entre ses lèvres, imite les gestes de Casper, sourire amusé sur les lèvres. « Pas de sermons hein ? » au fond elle a toujours trouvé les adultes terriblement hypocrites : arrête de fumer Ruby qu’on lui gueule régulièrement, alors qu’eux même ont les doigts jaunis par la nicotine. Elle fouille dans ses poches pour en tirer sa boîte d’allumettes, cliché sur pattes elle aime se donner un style même dans les moments décisifs. Elle ferme les yeux un instant, inspire, recrache la première bouffée de fumée. Elle peut pas repartir maintenant, pas tant qu’elle n’a pas terminé sa cigarette, excuse débile, elle l’accepte. Vous savez, je suis encore là alors qu’il est presque sept heures du soir. Un vendredi. Je n’ai pas vraiment d’ami à qui parler de tout ça. Elle ne dit rien se contente de le dévisager, s’installe un peu mieux sur la table, les jambes dans le vide, les pieds qui effleurent le sol. Elle le regarde. Juste lui. Fragile. Terriblement fragile. Plus de masque ce soir, à croire que la magie de minuit ne fait plus effet. Il fait soudain trop jeune, ses 25 ans qu’il s’efforce de cacher, comme elle le fait avec ses 16 ans. « Je ne veux pas vous embêter avec ça, Ruby. Y a déjà tout dans les journaux. Il continue. Fragile ; Si fragile. Ca lui fait un point dans la poitrine, elle grimace, soupire. « Je serais pas venue si ça m’embêtait non ? » l’impression que pour un instant les rôles s’inversent. « Puis les journaux c’est tous des enculés, ça dit jamais vraiment la vérité » rancune tenace dans la voix, comme une envie de cracher son amertume à la gueule du monde, les coupures de journaux découpés qu’elle garde dans un carnet, ceux qui dépeignent ses parents en meurtriers dégueulasses, qui font d’elle et de Jade des gamines paumées, abandonnées par la société, ça lui donne envie de hurler. Je me demande si j’ai bien fait. Ah les fameux remords. Elle ne le quitte pas des yeux, attend la suite, patiente, même si elle sait ce qu’il va dire. De le dire. De vouloir qu’il paye. De laisser mon envie de vengeance me bouffer. « Ca va sembler cliché mais » elle se redresse, saute de son perchoir, c’est pas vraiment haut, quelques centimètres, mais elle retombe lestement sur ses talons, se rapproche de Casper, la cigarette coincé au coin de ses lèvres. « Mieux vaut vivre avec des remords qu’avec des regrets non ? » citation bidon mais qui pourtant lui colle à la peau depuis des années, elle applique ce mode de pensé depuis trop longtemps, et ce soir elle le partage, comme une formule magique entre lui et elle. « La vengeance c’est toujours plus amusant. Toujours plus satisfaisant. » sale gosse, terriblement rancunière, la vengeance elle connait bien, incapable de se laisser marcher dessus depuis qu’elle est née, œil pour œil et dent pour dent comme lui a appris son père. « Si ça peut vous aider je connais des gens qui iraient lui casser les jambes pour quelques dollars » le sourire espiègle alors qu’elle lui offre un clin d’œil, tire sur sa cigarette. « Je rigole » ou pas. Mais bon. Il n’est pas obligé de le savoir. Même s’il s’en doute surement, que son élève numéro 1 n’est qu’une mauvaise graine qui n’attend que de germer dans le mauvais sol. « sincèrement. Je pense que oui. Vous avez bien fait. Malgré tout ce que ça apporte aujourd’hui, rien que pour vous et votre fierté. Ca n’apporte rien de jouer les victimes et de garder la tête baissée » elle est féroce Ruby, un putain de feu de forêt, elle en veut à la vie, elle en veut au monde entier, pas souvent qu’elle laisse un adulte entrevoir sa rage, mais pour lui elle fera un effort, juste ce soir. Juste un instant.
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| Sujet: Re: easy like sunday morning (casy) Lun 12 Nov - 0:15 | |
| La solitude est sûrement le pire sentiment qui soit. Pas parce qu’il fait souffrir particulièrement, pour ça il a le sevrage, les longues nuits à vomir sur le carrelage de la salle de bain, ou bien les remarques acerbes de Tito, le silence de Nur, pour ça il a mille choses qui le dévastent davantage et la solitude, ce n’est qu’un grain de sable au-dessus de la montagne de ses échecs. Non, si la solitude lui fait si mal, à Casper, c’est à cause de quelque chose de plus pernicieux, son absence totale d’indépendance physique et émotionnelle, sa vie entière passée entre les bras de différentes personnes, son besoin machinal d’être attaché à quelqu’un d’autre pour se sentir vraiment vivant. Ça fait des mois qu’il n’y a plus personne et c’est dévorant, terrifiant. Y a même plus la poudre pour lui tenir compagnie, même plus sa paille en fer et ses trips délirants, même plus l’impression d’être insubmersible, de pouvoir tout faire, d’être omniscient et de se balader en équilibre sur le fil de la connaissance. La solitude, c’est ça qui le bouffe en vrai, au-delà du sevrage, de la morphine pour combler le manque, au-delà de l’envie de manger un plat sans le gerber la seconde d’après, au-delà du procès, des gens qui essaient de trouver les failles dans sa défense. La solitude, un peu moins vorace lorsque Ruby est là. Ça le surprend, positivement. Ça le surprend parce que personne n’a encore réussi l’exploit de lui donner l’impression d’être moins déserté, moins abandonné, personne, pas même Nova qui se tue pourtant à la tâche, Juno qui essaie de faire marcher sa passive-agressivité sur lui, Nur, Nur, Nur, pas même Tito. Personne. Peut-être que ça vient de l’aveu de Ruby, le fait qu’elle le comprenne, qu’elle ait vécu tout cela bien avant lui. Peut-être que c’est la manière qu’elle a de le contempler, d’oser percer son regard avec le sien, jouer à la roulette russe avec son égo, peut-être que c’est sa verve et sa force d’esprit, son indécrottable pied-de-nez à la face de l’univers. Peut-être rien de tout cela. Il se contente de lui sourire, vaguement, avant de laisser aller sa tête contre le mur, juste à côté de la fenêtre. Pas seulement crevé physiquement mais l’intelligence siphonnée, il a l’impression qu’il n’arrive plus à réfléchir, à se concentrer, que ses pensées sont irrémédiablement tournées vers des pensées parasitaires, Eoin et le procès et la drogue et Tito, rien qui n’aille vraiment dans cette putain de vie de pestiféré. Il a l’impression sournoise que tout ce qu’il touche se délite, comme un lépreux qui répandrait sa maladie à travers tout le pays, près à décimer des populations entières simplement parce qu’il manque de volonté pour se tenir éloigné.
Une bouffée de tabac et il expire, les paupières fermées sur le décor. Il entend Ruby bouger, il pense, s’approcher. Il s’attendrait presque à ce qu’elle lui balance quelque chose à la figure, déclame l’une de ces envolées lyriques dont elle a le secret, s’époumone en moqueries. Mais elle ne fait rien de tout cela. À la place, elle explique, posément, à la place elle menace, lui fait rouvrir les yeux, échapper un rire. Bien sûr qu’elle connaît des gens, Ruby, ça se voit à la façon qu’elle a de piquer le nez au ciel, ça se voit à ses genoux ensanglantés, à ses godasses boueuses, ça se voit qu’elle vit plus souvent dans la rue que dans le confort douillet d’un appartement et qu’elle préfère les gens pas stables aux fréquentables. « On dirait que vous déviez encore une fois de votre place, Mademoiselle Holmes » Le ton doux, en écho à ce qu’elle lui a dit plus tôt. Ce n’était pas sa place et maintenant, ça ne l’est pas non plus. Elle n’a aucune raison de rester, aucune raison de lui donner des conseils, de l’écouter, de le rassurer, aucune raison de le conforter dans sa situation pathétique de victime d’un fantôme, d’un souvenir. Une nouvelle fois, il porte la cigarette à ses lèvres, aspire tout doucement. « Au fond, je suis une victime, vous savez. Mais les victimes hantent leurs meurtriers, je crois », il murmure doucement à l’adresse de l’élève. Il sait qu’elle reconnaitra à coup sûr, qu’elle épinglera la référence, la savourera comme il se doit. Sa main libre gratte délicatement le bois du bureau, du bout des ongles. « Je suppose que je ne l’ai pas encore suffisamment hanté, celui-là. » Les yeux sur le goudron de la cour, il divague. S’imagine une vie où il n’aurait jamais connu Ruben Westman. Où il n’aurait pas peur des autres. Où il n’aurait pas peur de ses propres sentiments, de l’amour en général, ni du regard de ses parents, de leur jugement. Parce que là, il ne sait pas ce qui les emmerde le plus ; qu’il accuse un de leurs amis de viol ou que cet ami soit un homme. Il ne sait pas comment il en arrive à pleurer. Sans gémissements, sans sanglots pour agiter son corps, mais il pleure, oui, il pleure et il se fout pas mal des sillons que les larmes traces sur ses joues. Jusqu’à les sentir au coin de ses lèvres, les effacer du plat de la paume. « Ouhla… Désolé. » Un petit rire qui s’échappe de ses lèvres, il détourne le visage de Ruby, par pudeur plus que par snobisme. Lentement, il renifle, laisse échapper sa cigarette quasi entièrement consumée par la fenêtre. « Ce n’est pas important », ton désinvolte alors qu’il se redresse, se tourne vers l’élève sans bouger son cul du bureau. Feindre l’indifférence pour ne pas éveiller les soupçons, parce qu’il n’aime pas sortir le cou de sa carapace, donner un droit de regard sur ses démons, laisser les gens fendiller le masque, gratter la peinture. Ce n’est peut-être pas la meilleure solution de repli qui soit, mais c’est la seule qu’il ait, au fond. « Même si c’est merdique. » Un petit sourire, y a que ses doigts pour trahir son angoisse, à triturer les petites peaux autour de ses ongles, discrètement. Et le regard qui se paume sur Ruby. Il ne sait pas pourquoi il lui confie tout cela. Pourquoi il a envie de le faire.
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