Voilà plusieurs semaines que tu n’avais plus mis les pieds au Smocking Dog, le suicide de Nash n’y était probablement pas étranger. Tu avais comme l’impression que le bar serait à tout jamais associé au barman et même s’il n’y serait plus jamais, tu craignais le revoir partout, comme un vieux fantôme hantant le bar qu’il avait animé. Tu ne croyais pas aux fantômes mais le suicide…C’était terrible. Beaucoup plus que s’il s’était fait renverser ou planter lors d’une rixe. Le suicide, c’était le Mal. Tes principes religieux ne ressurgissaient que rarement ces dernières années mais se tuer…Non, tu ne pouvais pas le comprendre. Nash devait se sentir profondément mal dans sa peau pour en arriver là, dire que tu n’avais rien vu venir. Non pas que vous étiez particulièrement proches mais combien de soirées aviez-vous passé à vous croiser et vous interpeller au gré de vos envies ? Combien de magouilles t’avait-il ruiné ? Et combien de verres avais-tu reçu gratuitement en signe de paix ? Tu ne les comptais plus et avec une immense tristesse, tu te rendais compte que tout ça, c’était désormais fini.
Il était pourtant temps de tourner la page et avec tout le courage dont tu disposais, tu revins sur tes pas pour franchir les portes du bar. Tu ne pensais pas y trouver grand monde mais finalement, ce n’était pas si mort que ça. Sauf Nash quoi. Adressant un petit signe de main à Drazen resté fidèle au poste, tu filais à travers le bar, saluant quelques habitués bien connus avant d’aller t’installer au bar, aux côtés d’un homme tatoué jusqu'à la pointe des cheveux. Pur hasard. Ou non. Tu ne faisais que rarement les choses par hasard, surtout pas ici. Alors négligemment, tu sortis ton portable pianotant dessus alors que ton regard coulait sur lui, cherchant son portefeuille. Tu crus le repérer dans sa poche arrière, le classique.
Te penchant alors subitement à travers le bar, tu le bousculais « sans faire exprès » n’est-ce pas pour t’adresser au barman. « Tu veux pas passer cette musique plutôt ? » fis-tu en montrant ton portable avant de te tourner vers le tatoué d’un sourire désolé. « Pardon, j’voulais pas faire ma brute ! »