Il y a la musique qui pulse, rythme effréné dans sa poitrine, elle sentirait presque les basses jusque dans ses cordes vocale, là où ça vibre. Battement marqué, les ongles qui viennent à la rencontre du comptoir, alors que les heures s’enchainent toutes un peu plus vite, couleurs, saveurs, odeurs, y a les sourires, la chaleur. L’impression d’être en vie. Terriblement vivante. Les commandes qu’elle envoie, les rires qu’on lui vole alors qu’elle secoue sa tête, fait voler ses cheveux, frange qui revient sagement se ranger juste au-dessus de ses yeux. Poppy encore, Poppy un autre, Poppy, Poppy, Poppy et son surnom sur le bout de leurs lèvres alors qu’elle répond comme elle peut à la tempête, mélange les alcools, essaye de se souvenir de ce que Drazen lui a apprit la dernière fois, essaye d’oublier la brûlure de ses doigts sur sa peau, la façon dont ses mots ont fait battre son cœur. C’est terriblement simple. Oublier, se concentrer, laisser le travail l’avaler. Ente l’entrainement presque trop stricte de Belladone et les services jusqu’à bien trop tard, y a plus de temps pour sa tête de penser à autre chose. Et au fond c’est surement mieux comme ça.
Guérir, petit à petit, pas à pas.
Elle sent les cicatrices qui se referment doucement Anca, comme une page qui se tourne, essayer de ne garder que le meilleur, le pire a déjà trop profité. Le meilleur comme ce boulot inespéré, comme Belladone et ses conseils qu’elle chérit précieusement, comme cette liberté qu’elle n’a jamais gouté avant aujourd’hui.
Ce soir elle reste jusqu’à la fin, jusqu’à ce qu’on lui dise que c’est bon, c’est terminé, qu’elle peut rentrer. Mais pas encore, pas tout de suite. Elle l’a aperçu au loin, dans la foule, entrer. Billy. Elle était pas sur qu’il passerait, l’heure trop avancée dans la nuit qui rebute la plus part des autres. Mais pas lui. Y a les pourboires qu’elle empoche rapidement, avant d’aller se changer, enfiler quelque chose de moins décolleté, de moins transparent. Elle est pas encore totalement à l’aise avec ça, montrer son corps, chaque parcelle de sa peau, ses défauts soulignés en gros, en rouge, en blanc. Mais ça s’apprend. Il parait. Petit à petit.
Gilet enfilé sur les épaules, elle se faufile dans le club, ce qui reste de monde, alors que les gens partent petit à petit, lui faut pas vraiment longtemps pour s’arrêter devant lui. Même dans le noir elle le trouverait. Il lui fout un sourire sur les lèvres, l’impression qu’il fait un peu plus chaud.
Hey qu’il murmure simplement alors qu’elle ne se fait pas prier, se laisse attirer contre lui, réflexe attrapé au fil des années, elle ferme les yeux un instant, souffler, enfin. « Hey » qu’elle répond à son tour, tout bas, la voix abimée d’avoir trop parlé. Quand l’étreinte prend fin, elle rouvre les yeux, retourne à la réalité. Il lui faut pas longtemps pour se laisser tomber à ses côtés, la tête qui vient se poser contre son épaule. t'as l'air plutôt bien. Sourire mystérieux qui s’étale sur ses lèvres. Elle n’a jamais vraiment pu lui mentir. voire très bien, j'me trompe ? « Très bien depuis que t’as franchit le pas de la porte » qu’elle chuchote en rigolant, se love contre lui, imite un peu bestiole, le chat de Seven, essaye de voler un peu de chaleur à Billy. Ce soir elle s’en fiche des apparences, des qu’en dira-t-on. Y a plus assez d’énergie pour ça qui reste dans son corps. « Sincèrement. Si j’avais su que bosser dans un endroit pareil pouvait être un début de solution » à la tristesse, aux larmes, à tout ce qui ne marche pas droit. Elle n’y croyait pas. Non. Vraiment pas.
« Et toi Billy boy ? » alors qu’elle se redresse un peu, se tourne pour l’observer, passer une main sur sa joue fatiguée. « Il t’arrive quoi pour que tu viennes si tard » parce qu’elle le connait, parce qu’il la connait, trop d’années maintenant, à vivre en pseudo symbiose, respirer à deux quand tout s’écroule.