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 professeur particulier (casper)

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Ariel Walker

Ariel Walker
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MessageSujet: professeur particulier (casper)   professeur particulier (casper) EmptyMer 12 Sep - 18:47


“Professeur ?” &
Sonnerie. Les élèves se lèvent, cours terminé, quelques uns disent au revoir, les autres se sont déjà barré. « Tu peux m’attendre dehors s’te plait ? » que tu demandes à Isaac quand vous rangez vos affaires, qu’il vérifie s’il a pas fait tomber ses clopes par terre, au pire tu lui en passeras une. Il tourne la tête vers toi, hoche la tête, la question qui lui brûle les lèvres avant que tu le devances, « j’ai juste une question à poser », il répond, oh ok, comme s’il n’avait rien demandé. Tu le connais. T’attends que tous les élèves dégagent de la salle avant de t’avancer, peut-être un peu à reculons, l’esprit qui veut plus, le cœur qui bat beaucoup trop fort. Putain Ariel calme toi, c’est qu’une putain de question, pas celle de ta vie, pas celle où il faudra répondre oui devant le prêtre, une seule putain de question anodine, au pire tu te prends un vent et puis tant pis, ça te donnera une bonne raison pour le bouder. Comme s’il s’en préoccupait. Il doit plus préféré l’élève modèle du premier rang, qui va se faire des courbatures au bras à force de le lever, où l’un des élèves qu’il a sauté. Ouais t’as pas oublié les rumeurs de l’année dernière, faut dire qu’elles persistent pas mal, comme une routine, comme un hymne, les siennes ou les tiennes, inséparables. Puis au pire tu t’en fous bien de ce qu’il préfère.
« Monsieur ? », ça raisonne dans la salle, ton corps, ta prestance timide et faible qui s’plante devant le professeur qu’avait déjà le nez dans ses feuilles, ses leçons, t’en sais rien, ça t’importe peu. T’attends qu’il lève les yeux vers toi, il a mauvaise mine tu crois. Tu t’es motivé pendant tout le cours, silencieusement, à te répéter dans ta cervelle « faut le faire, à la fin tu vas le voir, tu lui demandes, c’est simple », l’myocarde qui a pas pu s’empêcher de te contaminer d’un peu de stress à chaque fois que t’y pensais. Putain d’angoissé. Il était absent pour le premier jour, pour les sept suivants. Tous les jours tu te motivais, tous les jours tu te dégonflais. Et puis ça y est. Il est revenu donner son cours, en précisant bien qu’ils étaient à la bourre, t’as plus aucune excuse. Et t’en as marre de faire le lâche. Il lève les yeux vers toi, il est peut-être pas heureux de te voir, encore lui, qu’il doit se dire, deuxième année qu’il est ton professeur de littérature, deuxième année que tu vas servir d’élève silencieux, caché au fond de la salle. Peut-être qu’il est déjà près à soupirer, casse-toi tu me fais chier. Tu te racles la gorge, t’as déjà envie de disparaitre. T’en reviens pas. Tu vas vraiment le lui demander. « J’ai… Euh, je voulais savoir si vous donnez des cours particuliers ? »,  tu sors la phrase comme un vers de poésie, comme si elle avait tourné, et tourné dans ta tête avant d’enfin trouver la sortie. « Pour étudier ? », tu précises comme si y’avait besoin, comme s’il pouvait se faire des idées, c’est surtout les tiennes qui sont toujours méfiantes, toujours paranoïaques, à en devenir obsédées.
Dis oui, dis oui, dis oui.
 
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Casper Pryce

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MessageSujet: Re: professeur particulier (casper)   professeur particulier (casper) EmptyDim 7 Oct - 23:03

Les aiguilles tournent et lui collent la nausée en fond de gorge. Sans un bruit, il regarde les têtes baissées sur les pupitres et il sent, il sait que quelque chose est différent. L’absence d’envie, pour commencer. Ça fait quelques jours déjà qu’il n’a plus vu le soleil jeter son orangé sur le haut des immeubles sans que ça ne lui manque vraiment, pourtant. Il aimait cela avant, les réveils, l’odeur de l’aurore et du café frais, l’appartement qui ouvre les volets en même temps que ses hôtes ouvrent les yeux, le bruit de l’eau qui coule à donner l’illusion que le matin sera pluvieux. Il aimait cela, le baiser claqué sur la joue de Nova et les bras autour d’elle, l’odeur de son parfum qu’il humait déjà à s’en crever les narines, il aimait la bruine frileuse qui lui faisait resserrer le col de sa veste et le bruit du macadam sous les roues de son skateboard. Longtemps il aurait aimé rester dans une boucle immuable de matinées enchaînées comme des jours, à ne connaître que le parfum du réveil et le repos d’une nuit tout juste éprouvée. Mais il y avait eu Tito, et Carlita. Les instructions intimées avec une précision millimétrique, les consignes qu’il avait respectées à la lettre.
La chute.
Les jours passées sur le carrelage froid de la salle de bain, à tenter d’aligner les pensées cohérentes sans pour autant réussir à donner un sens à tout ça, ça étant sa vie, son job, ses désastres. Les appels, rares, trop, Nur sans succès, Eoin une fois, la tête prise dans un étau et le vomi au coin des lèvres. Je m’inquiète avait dit Nova, belle ironie. Y a qui pour s’inquiéter pour elle d’être tombée amoureuse d’un gars comme lui, qui pour veiller sur sa santé mentale, la laisser se reposer malgré les nuits blanches qui s’alignent. Qui pour la protéger de ce qu’il pourrait lui faire sans même en être conscient. Qui. Qui. Qui. À question évidente, réponse évidente. Il est parti.

Il est parti et maintenant, il écoute vaguement ce que disent les élèves avec cet air un peu absent, comme si une partie de lui avait disparu pendant sa courte absence. Comme s’il n’était plus vraiment là, comme s’il n’était jamais vraiment parti, familiarisé à l’odeur de la craie, des cahiers, aux questions stupides auxquelles il répondra avec le même air blasé que d’habitude. Presque. Lorsqu’Ariel l’interpelle, il lui faut quelques secondes pour retrouver ses esprits, rassembler les copies qu’on vient de lui rendre en petit tas. Tenter un sourire avorté en cours de route, ses yeux rouges de ne pas avoir suffisamment dormi qui se lèvent lentement vers son élève. « Ariel », il dit simplement comme on accueillerait presque un ami. Il est heureux de le voir, il pense. Heureux qu’il ait pris la peine de se déplacer, de rester, de continuer. Soulagé, aussi, de le sentir plus détendu. Jusqu’à ce que les mots suivants ne sortent de ses lèvres et que la bouche de Casper ne se referme en expression contrite. Son stylo claque contre le bois du bureau, ses doigts glissent sur son visage, donnent l’impression qu’il essaie de se réveiller d’un cauchemar. Ce n’est qu’après plusieurs longues secondes qu’il se met à parler de nouveau. « Non. Enfin, j’en donnais. » Avant, il y a quelques mois déjà. Il en donnait quand sa vie ne s’effritait pas en morceaux sous ses doigts, quand il avait la force de parler, d’expliquer, de comprendre. Avant que son cerveau ne prenne conscience que des années de cocaïne l’avaient changé en purée. « Je viens juste de reprendre et je ne vais pas très bien. Je suis désolé. Je vous dirai si les choses évoluent. » Mal au crâne, il pince l’arête de son nez entre son pouce et son index, fouille dans son tiroir de l’autre main pour attraper un comprimé qu’il glisse entre ses dents. Le moindre son paraît tonitruant. Le moindre effort, insurmontable.
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MessageSujet: Re: professeur particulier (casper)   professeur particulier (casper) EmptyLun 22 Oct - 13:30


“Professeur ?” &
Ton prénom qui raisonne entre ses lèvres et tes yeux verts qui se cognent contre son regard rouge de quelque chose. Peut-être le manque de sommeil, ça pourrait être un trop plein de cocaïne aussi, ou un joint laissé sur le cendrier. Ça pourrait être plein d’choses, peut-être même la lumière du soleil trop forte pour un alcoolique en plein éveil mais t’as l’esprit innocent quand il s’agit des adultes, des professeurs bien habillés, bien coiffés. Ouais, c’est sûrement un manque de sommeil. Peut-être qu’il a un gosse qu’a pas arrêté de pleurer toute la nuit, que le professeur s’est un bon papa, qu’il est resté près de lui même s’il voulait pas. Y’a un léger sourire qui mord ses lèvres comme s’il était content de te voir, comme si ça faisait plaisir de te voir présent, enfin, quand c’est trop tard, quand il manque de temps pour rattraper les cours sautés et les devoirs pas faits. Tu souris pas parce que t’es un peu stressé, et s’il veut pas ? T’es dans la merde. Pourtant t’es prêt à jurer d’être toujours présent, de faire bien tes devoirs même si t’écris pas sur les lignes, d’écouter son cours pas payé même si t’auras pas les réponses à ses questions, même si elles sont simples, même si la réponse est au tableau. Mais sûrement qu’il a pas envie, pas envie de te voir le soir, de faire des heures supplémentaires pour un gosse qu’a préféré la rébellion aux cours, qu’a préféré s’barrer quand ça devenait trop dur plutôt que demander de l’aide, que crier au secours. Alors il va peut-être te rire au nez, c’est pas maintenant qu’il fallait se réveiller Ariel, et les cours tu les payes comment ? J’fais pas dans le bénévolat moi.  On pourrait presque croire que tu crois encore au père noël.

Et la réponse tombe. Sur le bureau comme ça, un non sans moquerie, sans émotion, un non qui affaisse tes épaules, et tu baisses les yeux. Trop tard. T’es venu frapper à la porte trop tard, « oh ok », t’essaie d’avoir un ton léger, assez léger pour pas paraitre déçu, dépité, comment tu vas faire ? T’es pas certain d’y arriver tout seul, juste toi et les livres, faudra au moins quelqu’un pour te les lire, au moins quelqu’un qui pourrait être ta vue quand tes yeux ne font que se casser la gueule un peu plus au fil des heures, parce que tu forces trop dessus, parce que les réparer ça coute trop chère et que faire semblant c’est pas sans conséquence. Tu hoches la tête, les lèvres mordues, pas de soucis vous inquiétez pas ! Mais t’avais pas de plan B, toi. Puis c’est vrai, c’est toi qu’est con, à lui demander des cours alors qu’il revient à peine, que son gosse a chialé toute la nuit, que le petit Ariel, il peut bien attendre, t’es pas le centre de son monde, ta réussite ou ton échec, ça fera pas de différence sur le chèque. « Oui, pardon, j’voulais pas vous déranger… », tu te sens un peu gêné, tu comprends que t’as abusé, que t’en as trop demandé d’un coup, que t’es bien sympa mais il a pas de temps à perdre avec toi. Tu pars chercher entre deux cahiers, la copie que tu n’as pas encore rendu, elle est un peu pliée sur le côté, elle est plus fine que les autres mais en même temps t’as pas compris le sujet. T’as écrit des trucs au moins, des notions que t’as entendu en cours, que t’as cru voir en rouge dans les cours de Lucy. T’as mis ton nom, t’as souligné en rouge, t’as fait ça tout bien, manque plus qu’une écriture qui se casse pas le figure, qui change pas de ligne une fois sur deux. Quand tu relèves les yeux vers lui, tu vois le médicament filer dans sa bouche, « vous allez bien ? » Tu fronces les sourcils, t’es sûrement chiant avec toutes tes questions, mais tu te dis que partir sans rien dire, c’est comme faire semblant que dans ta vie tout va bien, qu’on t’a pas vu la tête dans la cuvette, qu’on a pas remarqué qu’on t’a violemment poussé contre les casiers abimés. Tu veux pas faire partie de ces indifférents, tu veux pas être comme tous ces gens.
 
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MessageSujet: Re: professeur particulier (casper)   professeur particulier (casper) EmptyVen 9 Nov - 23:12

Il s’excuse, Ariel ; c’est son truc, faut croire. Y a des gens qui s’imposent et d’autres qui s’excusent, la bave au bord des lèvres, le sourire qui sonne faux, des gens qui demandent pardon d’exister, pardon de vivre, pardon d’être là, des gens qui se pensent anomalies, qui s’imaginent ne pas avoir le droit d’appartenir au même monde que les autres. Des cerveaux déficients qui se cherchent une raison de se neutraliser, de cesser d’exister. Il s’excuse, Ariel, et peut-être que sous d’autres ciels, Casper essaierait de le rassurer, peut-être qu’il remiserait le costume du professeur pour revêtir celui du jeune adulte qu’en a chié des rouleaux pour arriver où il est, peut-être qu’il piquerait dans le vif, dans la chair, qu’il trancherait dans les lambeaux de vérité que le gamin cache sans vraiment le faire, derrière le fard honteux qui empourpre trop souvent ses joues. Y a le soupir qui s’échappe difficilement des lèvres de l’enseignant lorsque le gosse s’excuse, les yeux qui roulent déjà dans leurs orbites. Ça serait simple de le rassurer, de lui dire que c’est pas lui, qu’y a pas mal de demandes mais qu’il n’a plus rien à offrir, plus rien à donner, plus rien à espérer non plus, qu’y a son cœur qui gonfle un peu trop souvent pour les mauvaises raisons, les mauvais endroits, les mauvais moments, qu’il aimerait parfois disparaître sous le masque d’assurance qu’il affiche en permanence au regard naïf sa classe. « Ariel, ne vous excusez pas », ton empressé, presque violent, la chaise qui grince alors qu’il se lève, remet machinalement les pupitres en place. Trop ordonné, pas assez. Il n’a jamais été vraiment du genre à ranger ses affaires, à tout remettre dans l’ordre, jamais du genre à vouloir que tout respire la propreté, que tout soit rutilant.
Il aimerait l’aider, pourtant. Il aimerait lui dire qu’il vaut sûrement mieux que les notes médiocres qu’il décroche, que les bruits de couloir et les regards en coin. Il aimerait le rassurer, l’assurer que tout ira bien, que le lycée n’est qu’une étape obligatoire avant le grand bain, que la vraie vie commence après, bien après, au-delà de tout ce qu’il pourrait penser. Mais ce serait stupide et oh, terriblement naïf, ce serait ignorer ce qu’il sait, qu’Ariel est malade, qu’il ne va pas bien, qu’il n’a peut-être pas vraiment envie de s’en sortir. Ce serait con de le rassurer, con et candide, un bonbon entre les dents, l’innocence d’un enfant, définitivement pas la sienne. C’est pour ça qu’il n’a rien dit depuis la question d’Ariel. Parce qu’il a eu le courage de demander, ce que lui n’a pas pu faire, pas aujourd’hui, pas maintenant. Ça lui colle une boule au fond de la gorge. Au bout de cinq bureaux réarrangés, il se tourne de nouveau vers son élève. « Ça va », il assure, un léger sourire dans sa direction, parce qu’il sait encore trop bien mentir, peut-être même plus qu’enseigner, peut-être même mieux que respirer, putain, après trop d’années à s’asphyxier dans la coke. Peut-être que mentir, ça l’aide à se protéger. Il sait les rumeurs qui courent sur lui, et il se doute qu’Ariel n’y est pas étranger. Il a forcément entendu, pour la coke, pour les ados dans son plumard, pour tous ces trucs qui finiront fatalement par avoir sa peau. Pas de raison de jouer vraiment franc-jeu, alors. Y aura toujours ses mots qui finiront par être tordus, déformés, détournés. Toujours son histoire qu’on finira par affabuler. « Vous n’avez pas à vous inquiéter pour moi, Ariel. Ce n’est pas votre place, ni votre rôle. Nous ne sommes pas amis. » Et c’est soufflé sans aucune mesquinerie mais avec un aplomb terrible, les doigts qui tapotent contre le bois d’une table proche. Il se racle la gorge, fait un petit signe de tête en direction de son élève. « Si quelqu’un doit se préoccuper de quelqu’un d’autre ici, c’est à moi de le faire. Vous n’alliez pas très bien, la dernière fois que nous avons discuté ensemble. »  
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