Première bombe || Tadeo

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Nuit tombée sur une ville en grande partie ensommeillée. Sans trop savoir pourquoi, je n'ai pas pris mes somnifères. Et je tourne sans cesse dans le lit, la tête pleine de pensées qu'il ne faudrait pas avoir mais qui me tiennent éveillé, trop fortement même. Tension dans le corps qui ne peut être évacué que de deux manières. Alors je me dégage des draps, pour ne pas avoir à me cacher du regard de Dieu dans les prochains jours. Rapidement préparé, afin d'aller faire un jogging nocturne. Je prends mes clefs pour le cabinet, décidé à faire un crochet par pour aller voir mes tortues. Ainsi commence la course, pour me dégager l'esprit de pensées impures, pour me concentrer sur l'essentiel. Des minutes qui se transforment bientôt en des dizaines et j'arrive devant l'immeuble qui recueille notre structure. Froncement de sourcil en remarquant qu'une lumière de mon bureau est allumée. Qui est là ? J'ai oublié de l'éteindre en partant ? Pass rapidement récupéré dans les poches, avant de monter en me faisant discret, au cas où. Porte qui donne sur la réception ouverte avec délicatesse, pour ne pas me faire trahir. Souffle court alors que je semble distinguer un bruit. Bah mince, alors... Petits pas, prudents, à songer que j'aurais dû appeler la police finalement en bas, plutôt que d'ouvrir la porte du bureau soudainement, pour surprendre la personne à l'intérieur.

Qu'est-c-... Yeux qui s'écarquillent, alors que je distingue tes traits. ... Mais qu'est-ce que tu fais là... ?

Froncement de sourcils finalement, tandis que je te reconnais complètement, perché au-dessus de... De quoi ? C'est le tiroir avec mes ordonnances, ça ? Il y a quoi d'autres dedans ? Tu cherches un stylo ? Doux naïf.

Bon sang, j'ai eu une de ses frayeurs...

Mais ce n'est que toi. Je referme la porte derrière moi, me demandant quand même le pourquoi du comment tu es ici, en pleine nuit. Les mains prises, qui plus est. À quoi tu joues... ?

Tu m'expliques... ? Geste vers ce que tu tiens.

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Première bombe || Tadeo 1cf7c81439ad16d88f32004c30223e31

Il voudrait prendre l'autoroute de la fortune
Et ne se rend pas compte qu'il pourrait y laisser des plumes.
Il vient à peine de sortir de son œuf
Et déjà petit frère veut être plus gros que le bœuf.

- Mierda.

Capot de l'imprimante ouverte. Encre qui dégorge. Apocalypse en quadrichromie.

- Hija de Puta...

Poing qui fuse. Froissement du papier qui infuse dans son jus de cartouches frelatées. Je jette un œil à ma montre. J'ai quarante trois minutes de retard sur mon programme initial. Je déteste les contretemps. Il me faut ces fausses ordonnances pour répondre à cette commande. Il est trop tard pour aller s'acheter une imprimante neuve. Il faut que je livre la came au petit matin.

Langue qui court sur mes dents. La bille du stylo s'enfonce dans la plaie déjà à vif. Contracture de la mâchoire et léger tressautement de naseau. Inspire. Expire. Souffle qui expulse la vapeur.
Je retire posément l'objet pointu de ma paume saignante et l'essuie sur le tapis de feuilles abîmées. Je vais posément me nettoyer, le calme qui sinue à nouveau dans mes veines. A tous problèmes, une solution. Que Barbecue s'amuse avec la ramette que je viens de gâcher, je rangerais en rentrant. J'ai un détour à effectuer. S'adapter, c’est la clé. Toujours s'adapter.

Même si ça implique de la jouer oldschool.

(°°°)

L'officine n'a pas changé. Fou, l'incapacité du frangin à se renouveler. Même déco, même sensation aseptisée de chaleur calculée, comme dans les catalogues de meubles suédois qui essaient de te vendre leurs valeurs familiales. Gerbant. Il ferait mieux d'ajouter des verrous à sa porte et un meilleur système de sécurité. Je n'ai eu aucun mal à rentrer. Ma bite dans le beurre moulu d'une chatte usée. Je parie qu'il range ses ordonnances toujours au même endroit. Bingo.

Parfois je suis trop confiant.
J'oublie que mon frère est traître comme ses apparitions.

- Qu'est-c-... Mais qu'est-ce que tu fais là... ?

Je lève la tête lentement vers sa silhouette dans l'encadrement de la porte. Son expression d'incompréhension, c’est celle que j'avais espérée des années plus tôt, quand je l'ai volé pour la toute première fois. T'as toujours un train de retard, hermano.

- Bon sang, j'ai eu une de ses frayeurs...

Et déjà, ton intérêt s'envole. Tu ne te questionnes même pas. J'ai forcément une bonne raison. Gentil petit frère. Ce que tu es con.

- Tu m'expliques... ?

J’arbore une expression de souffrance convaincante. Je lui montre ma main sont le bandage rougit encore.

- Me suis blessé au taf. On m'a filé des antalgiques, mais ça me fait rien. J'ai un mal de chien, je voulais juste.. juste un truc plus fort. On veut rien me donner sans ordonnance alors......

J'ai assez l'air affligé pour toi, Abraham ? Je pue assez la détresse pour être à ton gout ?

- Je suis navré, je sais que j'aurais pas du... Le.. Le dis pas à Maman.

Donne-moi raison que je rigole.

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Le regard sur toi, après avoir refermé la porte, glissé de nouveau les clefs dans la poche sans plus craindre de faire du bruit. Je retire ma veste et la pose sur un fauteuil après m'être approché, le regard sur ce bandage que tu me désignes. Et je t'écoute, fronçant les sourcils la seconde d'après. Une paume qui s'élève pour me frotter la nuque, avant de regarder amplement plus tes traits.

... On a passé l'âge de rapporter les choses aux parents.

Pogne qui retombe, alors que je tends la main vers les ordonnances, regard qui se baisse de nouveau vers ce bandage qui rougeoie encore. Qu'as-tu fait encore ?

... Dis-moi. Regard qui se relève vers toi, l'expression plus lointaine déjà, dans ma lune. Qu'allais-tu te prescrire ? Doigt qui frôle le papier, le fait se poser sur le bureau, avant de me tendre vers un stylo quelconque siégeant sur le bureau. Ils t'ont donné quoi à l'hôpital ?

Je suspends mes gestes, dans l'attente des réponses, observe le tas de feuilles, les empreintes qui les frôlent encore, alors que je me sens pris dans mes réflexions. Regard qui se relève pour se perdre sur la ville endormie, éteinte par endroits. Regard encore sur le bandage. Prunelles qui reviennent à toi, sans que je ne bouge encore.

Comment es-tu rentré ?

Je pose sans doute les questions à l'envers. Peut-être aurais-je m'enquérir de cela en premier lieu.

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Je reste planté à ma place, tel un fauve sur le qui-vive. Je n'ai aucune confiance en ta nonchalance. Tu sais berner ton monde. Ton indifférence est ta seule vraie constante.

- ... Dis-moi.
- Quoi ?
- Qu'allais-tu te prescrire ?
- ... De la codéine.
- Ils t'ont donné quoi à l'hôpital ?
- Juste de l’Ibuprofène.

Tu es déjà plus là, pas vrai ? Tu es parti quelque part où personne ne peut t'atteindre. Tu me sors ton numéro de psy qui instaure des questions à choix multiples pour que j'explore des pistes sous ton regard distant. Je ne suis pas ton patient, juste ton frère.Le frère dont tu n'as rien à branler, du reste. Continuons comme d'habitude, si tu veux bien.

- Comment es-tu rentré ?
- Qu'est-ce que ça peut te foutre ? Mouvement d'humeur, puéril. Je déteste ça quand je ne suis pas en contrôle. Tu m'empêches de l'être. Tu gravites toujours hors de mes sphères de maîtrise. Je te conseille juste de changer la serrure pour un truc plus costaud et de mettre une caméra de surveillance.

Soupir.

- Puisque t'es là, je veux bien que tu me signes mon ordonnance.

Aplomb.
Tant pis pour la livraison, va falloir que je concède un poil sur la fiabilité de mon offre pour me tirer de ce mauvais pas.

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Regard qui se plante pour de bon sur toi. Ton bandage ne ressemble en rien à quelque chose qu'on ferait à l'hôpital. La plaie saigne encore. Ils ne t'auraient pas donné de l’ibuprofène, donc. Surtout pour une blessure assez marquée pour nécessiter plus qu'un simple cachet. Tu craches un peu de fiel à la question qui voulait camoufler les autres. Comment tu es rentré, je m'en fiche quelque peu bien, au final. Je me redresse, déposant le stylo par-dessus l'ordonnance. Je t'avise grandement, silence un temps avant d'inspirer et me décider.

Il est difficile d'improviser un mensonge crédible quand on a été surpris. Les lèvres pincées un instant, alors que mes prunelles t'explorent encore. L’ibuprofène fluidifie le sang. Moins que l'aspirine, mais quand même. Je croise finalement les bras. Tu n'es pas allé à l'hôpital. C'est des bandes qu'on achète en pharmacie, ça.

Jethro Mora, tu viens de me mentir ouvertement. Sans doute est-ce en bonne partie à cause du sport, ce coup d'adrénaline qui me fouette les tempes aussi fortement. Sans doute que le cerveau était plongé dans un état d'effort. Mais tu éveilles quelque chose chez moi en plus. Je n'aime pas cela. Parce que je ne sais pas comment le gérer. Qu'il n'y aura jamais le psychiatre, avec toi. Parce que tu es mon frère et qu'il y a des gens que je ne souhaiterais ô grand jamais connaître par ce biais.

Qu'elle est donc la vérité ?

Celle que tu t'évertues donc à me cacher. Celle qui a valu le coup du déplacement et de l'infraction. Qu'est-ce qui valait le coup de ses risques ? Et comme une évidence, mon regard revient aux ordonnances. Mais... Non... ? Les yeux qui reviennent à toi, qui s'accrochent pour de bon dans l'espoir de trouver une vérité où je me suis trompé complètement. Qu'il est dur de te demander de me dire les choses alors que j'ai peur de ce qu'elles pourraient être...

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Silence.
Je viens de la voir, cette étincelle dans ton regard. Tu viens de te focaliser sur moi avec un feu que je ne te connais pas du tout. C'est là, que je soupçonne mon erreur.
Mon mensonge ne tiendra pas.

Tu me le confirmes.

- Il est difficile d'improviser un mensonge crédible quand on a été surpris. L’ibuprofène fluidifie le sang. Moins que l'aspirine, mais quand même. Tu n'es pas allé à l'hôpital. C'est des bandes qu'on achète en pharmacie, ça. Qu'elle est donc la vérité ?

Lente expiration. Brève. Souple. Je me remodèle sous tes yeux en bon comédien. Le masque de douleur s’effiloche pour ne laisser que la cire habituelle : froide, lisse. Chacun son art pour la distance, hermano.

Haussement de sourcil, un tantinet narquois.

- Je deal de la dope. Timbre laconique, détaché. Regard qui te perce sans te permettre de t'échapper. Je me suis spécialisé dans le trafique de médicaments avec de fausses ordonnances. J'ai eu un pépin avec mon imprimante et j'ai une livraison à effectuer ce matin. Alors, je suis revenu aux sources pour me dépanner.

J'entrouvre les lèvres sur une esquisse de sourire qui ne se dessine finalement pas.

- J'ai besoin d'une prescription de viagra pour mon client. Voix douce, tête penchée sur le côté en bon serpent biblique. Signe-la moi, s'il te plait, que je puisse aller travailler. Sinon, excuse-moi, mais j'ai à faire.

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La vérité est là, crue et quelque peu sordide. Et c'est tout un pan du château de paille qui s'écroule. Mise à mal, la façade. Il faudra du temps et de la patience pour tout repiquer ensemble, sans se soucier des doigts en sang, afin que toute l'illusion fonctionne de nouveau. Fondations mal tenues, le tout tremble alors que mes yeux s’écarquillent. Je te regarde comme pour te demander encore la vérité, tout en ayant conscience que tu viens de l'asséner de la plus simple des manières. Depuis quand mon frère est un marée dans lequel on s'enlise ? La réponse me saute aux yeux aussi mais je préfère l'occulter. Rien qu'un instant. Mais déjà le noeud revient, coulant, autour de la gorge. Je ne sais quoi dire, quoi faire. Revenu aux sources pour se dépanner, qu'il me dit. Je devrais trembler, me mettre en colère, hurler. Mais nous ne sommes que frères.

... Tu me demandes pas de ne pas le répéter aux parents, ça ?

Ils me brûlent la gorge, les mots. M'exprimer est le pire des supplices, tu sais. Je déglutis, tente de reprendre une maigre constance mais tout a été dévasté alors que finalement, j'élève les mains pour venir les mettre dans mes cheveux, pour que les doigts crissent contre le crâne, que je tente de rassembler les pièces. Jethro... Qu'ai-je fait... ? Regard qui reste dans le tien, incapable d'en décrocher.

Tu me laisses sans... Sans voix. Aveu. Que dit-on en général aux gens qui avouent des choses pareilles ? Cela fait combien de temps ? Doigts qui se font prison pour les mèches, alors que je bouge enfin, pour commencer à faire une centaine de pas qui se font lourds. Bon sang, tu mesures les risques, Jethro ?! Voix qui s'élève quelque peu plus. Depuis combien d'années n'ai-je pas ressenti... Ça ? Je ne parle même pas de mes ordonnances, mais de tout le reste ! Et je tremble enfin, l'inquiétude qui me secoue le squelette trop tardivement. Tu pourrais te faire choper et... Et...

Et je suis incapable de terminer ma phrase. Dos à toi, désormais, alors que les bras se referment devant moi, pudeur qui reprend le dessus immédiatement. Tête qui se baisse, yeux qui se ferment, alors que je tente encore de reconstruire ce château. Mais la paille, elle s'éparpille au vent. Comment n'ai-je rien vu... ?

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Je t’observe et je prends la mesure d'à quel point j'en ai plus rien à foutre. Cette réaction, tardive, d'inquiétude, je n'y crois plus. Tout mon corps pétri de désintérêt, macéré avec les années, n'arrive pas à interpréter quoi que ce soit de ta part de manière sincère.

Tout a gout de factice.

-... Tu me demandes pas de ne pas le répéter aux parents, ça ?
- Honnêtement ? Haussement d'épaule, neutralité terrifiante du ton. J'm'en fous. Ça m'évitera peut-être les repas interminables du dimanche à les écouter se gargariser sur la paroisse et sur leur "bon" fils. Que je sois là ou pas n'a jamais vraiment changé la donne. Tu peux officialiser mon absence de cette manière si ça te chante.
- Tu me laisses sans... Sans voix.
- Pour le peu qu'on cause, Hermano.

Sourire en coin, épinglé par les épines fichées dans le coeur. Et recouvertes de chair depuis. Le corps humain, quelle incroyable invention.

- Cela fait combien de temps ?
- Depuis la fac.
- Bon sang, tu mesures les risques, Jethro ?!
- Tu flippes d'être impliqué, que l’opprobre te rejaillisse sur la gueule ?Question suave. C'est "mignon"...

Rictus mauvais qui s'infecte.

- Je ne parle même pas de mes ordonnances, mais de tout le reste ! Tu pourrais te faire choper et... Et...
- Oooh, mon pauvre Abraham, l'époque où je souhaitais me faire pincer est révolue. Je louvoie depuis des années dans le métier, tu sais.

Ton désarroi m'amuse, néanmoins je n'ai pas que mes noix à branler et j'ai un timing à respecter. J'arrache tranquillement un feuillet d'ordonnance que je glisse, roué, dans l'intérieur de mon veston. Je contourne le bureau pour atteindre la porte. Tape sur ton épaule au passage.

- Fais comme d'hab', Big Bro. Détourne le regard. Je pose des prunelles acides sur toi, sans complaisance. C'est ce que tu fais de mieux...

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Depuis la fac. C'est depuis autant de temps. J'étais déjà parti ? Je ne sais même plus. Cela représente tant d'années qui revètent un peu plus des allures de mensonges. Des miens, des tiens aussi désormais. Rien n'a jamais été sain entre nous, pas vrai ? Par ma faute, je le sais. Mais je suis incapable de faire autrement. Et je le sens déjà, ce quelque chose de brisé que j'essaye de reconstruire par la force, sans me soucier des éclats brisés sur le côté. Tu es un homme composé de miettes, Abraham.

Main sur l'épaule.
Tape innocente.
Qu'il croit, oui.

Et les mots foudroient.
Écartelé sur place.
Bonimenteur, pris au piège.

Terreur, dans le fond
des prunelles sombres.
Et le souffle qui meurt.

Et sans le savoir, l'horreur se réveille. Abraham regarde Tadeo comme un enfant terrifié regarderait le bourreau. Comme un homme pourrait le faire en pensant avoir échoué sur toute la ligne. Sans comprendre qu'il se trompe sur celle entamée. Il y a ce sentiment dévorant depuis des années qui éclate pour de bon. L'acidité a rongé les dernières barrières et dès lors, tout vient d'exploser, dans une gerbe affreuse. Les traumatismes qui remontent, fait de la même trace acide que le regard du frère sur un autre. Qui n'en porte que le nom, mais plus la définition. Sauf que face à lui, il n'y a plus rien. Rien de plus qu'un être qui entend les mots qui résonnent. Et qui ne retient pas ce gamin devenu grand trop vite, qui disparaît dans l'encadrure de la porte. Les bras qui retombent, alors qu'il demeure figé, à fixer le vide. Et les mots, qui se gravent de fil blanc dans la conscience mise à mal déjà.

Détourne le regard.
C'est ce que tu fais de mieux...

Et le voici enfin qui s'écroule, tentant de se retenir vaguement d'une main sur un siège. Mais le fait est que les jambes ne le tiennent plus. Qu'à jamais, il est fendu. Et que d'entre les interstices béants, coulent les larmes qu'il n'avait jamais osé s'accorder. Celles qui sont des millions d'excuses et de mots qu'il n'a jamais su dire. Pour ce petit frère qu'il n'a pas su sauver. Dont il a détourné le regard, en sachant l'horreur que lui-même avait vécu. Et ainsi, ce fut comme une évidence qui le frappe de mille maux. Sans comprendre qu'il se trompe. L'enfant a trop mal, pour voir que les blessures ne sont pas celles qu'il pense. Et l'enfant pleure pour ce frère qu'il a trahi. Qu'il a laissé entre les pires mains. À jamais marqué. À jamais brisé. Abraham est tombé.

Dommage collatéral,
qui se casse dès lors.

Pardon, Jethro... Je suis tellement... Désolé...

Nuit qui cueille,
des excuses qui ne
trouveront jamais
leur destinataire.

Jamais, jamais, jamais...

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