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 t'es loyal tant qu'tu seras pauvre (malo)

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MessageSujet: t'es loyal tant qu'tu seras pauvre (malo)   t'es loyal tant qu'tu seras pauvre (malo) EmptyMar 28 Aoû - 16:23

Malo veut te parler.
Yeux levés, poings serrés, méfiance respect accordés à la convocation de l'année. Fait chier, t'as répondu, avec ta moue de fausse ingénue, tes coquards de guerrière, le ton bravache de la fausse aventurière. Tu t'es intoxiquée une dernière fois, avant de rentrer, avant de balader ton regard fatigué sur le bar se remplissant lentement. Les pirates sautent à l'abordage de la coque violence, du bateau oxygène et t'es pas sure d'avoir la force de te battre ce soir. T'as pas compris ce qui t'y amène ; tes pieds ont pris le relais après que bébé Paz ait été couché. T'as souri, gentiment, faussement, arbitrairement devant Jenny ; t'as claqué la porte de l'immeuble avec un soupir méchant, celui qui montre les dents, et tu t'es barrée. Toujours la même rengaine, toujours les mêmes souliers, ceux qui rappent le trottoir, ceux qui intérieurement, se préparent ; on boxe le macadam comme on va perdre ses dents, on écrase le ciment comme on se prépare à perdre du sang. Mais c'est pas pareil, ce soir ; t'as l'air toute pâle, toute frêle, toute hirondelle. Peut-être que t'as du mal à encaisser tes altercations, tes corps-à-corps avec les spectres effacés, avec les reproches élimés ; peut-être que t'as du mal à assumer. T'aurais peut-être du rester avec ton bébé, ce soir ; ça t'aurait évité une emmerde, ça t'aurait évité des histoires. Çà aurait évité que le grand barbu te choppe à l'entrée pour plaquer les quatre mots en gras, la menace sourde, l'avertissement caché derrière sa voix si abîmée, si miroir à la tienne. Ça t'aurait évité de chercher, comme une conne, comme une gamine de cinquième, le directeur de ton oasis, le patron de ton paradis douloureux, du bout des yeux. Il est dans la réserve, on t'indique, quand tu trouves pas, quand tu te dis que ce sera pas pour ce soir, que tu peux encore t'échapper tant qu'il est pas trop tard. T'as l'impression d'avoir dix ans, toute petite dans ton tee shirt cinq fois trop grand, dans tes docs d'un autre temps. Tu te sens naine, lionceau, moineau prête à affronter le géant. « On m'a dit que tu voulais me voir. » Tu constates à l'entrée, le menton relevé. T'oses pas t'introduire dans son antre, sur son territoire ; tu te sens chienne dans la tanière d'un lion, méfiante et fière, méchante et fer.
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Malo Ryjkov

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MessageSujet: Re: t'es loyal tant qu'tu seras pauvre (malo)   t'es loyal tant qu'tu seras pauvre (malo) EmptySam 6 Oct - 22:48


Besoin de quelques mains supplémentaires pour les tâches élémentaires, alors que l’équipe est exceptionnellement bien assez réduite. Il n’a pas rechigné à prendre le rangement de la dernière livraison, s’esquivant de la clientèle naissante sous le regard morose de son doberman. Ombre égarée dans la réserve comme un loup se complaisant dans sa quiétude, Malo est accroupi devant un tas de caisses en bois et s’attelle à mettre de l’ordre dans les étagères en silence – momentané, il le sait, il en est toujours ainsi. « On m'a dit que tu voulais me voir. » Il perçoit la silhouette dans l’encadrement de la porte mais ne se retourne pas vers elle, pas tout de suite, pas tant qu’il n’aura pas égrené un peu de sa patience. « Jake. » La poignée de lettres claque distinctement entre les murs de la pièce exiguë – de ce flegme qui s’accroche au bord des lèvres, qui se percute sur l’épiderme. Une salutation brève sans peu de considération, sans la moindre intonation – aucun surnom échappé d’entre les lippes, seulement l’once d’une désapprobation en suspens. Il continue d’attraper les bouteilles et de le ranger une à une sur leur étagère, bien alignées – geste mécanique, machine huilée dans l’habitude, dans l’usure, dans ce mouvement simple qui lui permet pourtant de remettre aussi de l’ordre dans ses pensées. Le reflet de son regard brille sur les bouteilles en verre et sous la lumière blafarde du plafond, on pourrait presque apercevoir les fantômes en danse dans ses prunelles sombres. La dernière bouteille de whisky ne rejoint pas ses comparses, reste emprisonnée dans sa paume froide tandis qu’il se redresse et se retourne enfin vers Jake – devine les ecchymoses avant même de les voir, il lui suffit de les entendre dans les déraillements discrets de sa voix. La môme d’un autre temps dans ses vêtements trop grands et son regard trop profond, de celui qui pourrait vaincre les misères si elle n’avait rien à perdre – elle se tient face à lui dans une fierté bancale, dans la méfiance d’une bête prête à prendre la fuite comme à affronter la suite. « C’qui se passe au sous-sol, reste au sous-sol – ou alors loin d’chez moi. Tu le sais, hein ? » Le visage qui se baisse et les sourcils rehaussés, il la dévisage dans les prémices d’une lassitude en approche. Ses bras se croisent contre son buste, bouteille toujours maintenue dans l’une de ses mains – et la pénombre qui s’abat un peu plus au fond de son regard, les reproches qui s’accablent lentement dans les traits de son visage. « Alors la prochaine fois qu’tes emmerdes touchent le sol de mon bar, tu n’viens plus te battre. » Il laisse les paroles prendre leur place au creux de ses entrailles, peindre des éclats qui n’ont rien de merveilleux au fond de ses yeux ; puis un soupir s’égare au bord de ses lèvres, à la statue moscovite qui n’a pas flanché d’un souffle. « Tu m’expliques pourquoi l’gars que tu cognes s’est pris la tête avec ton ex ? » Quelques battements pour faire ce qu’il fait de mieux, décrocher les tourments des impétueux.
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MessageSujet: Re: t'es loyal tant qu'tu seras pauvre (malo)   t'es loyal tant qu'tu seras pauvre (malo) EmptyDim 14 Oct - 20:46

T'as les entrailles en freestyle, les nerfs à vif, les joues colorées par la chaleur de l'angoisse rageuse mal dissimulée. Malo n'avait jamais rien eu à grogner à propos de ta présente fragile entre les murs sanglants de son établissement. T'étais qu'une ombre métamorphosée en cri de rage dans l'enceinte de sa création ; t'étais qu'une silhouette incandescente contre les muscles bombés des plus aguerris, scorpion bagarreur, sauvage vipérine, écrasante et écrasée, destructrice et brisée mais jamais capricieuse, jamais hasardeuse, jamais envieuse. T'avais jamais eu de comptes à lui rendre, de promesses à inventer, de sourires menteurs et viciés. Il n'y avait que les regards, entendus au fil des mois, et le respect, caché et secret, entre les prunelles animales, fiertés sacrées, dignité de marbre luisant dans les pupilles de l'âme étrangère. Alors, ta mâchoire se carre lorsque sa voix plaque ton prénom contre le sol. L'éclairage révèle la blancheur de votre échange protocolaire ; il impose de son ton glacé le rappel de vos statues dans son empire carmin de carnes abîmées. Instinctive, tu croises tes bras sur ta poitrine ; tu faisais souvent ça, devant le directeur du lycée, quand, ironique, il te réprimandait. Tu faisais souvent ça, mais il y avait ce sourire de grande brûlée, habituée, narcissique, suicidaire. Sauf que là, Jake, tu souris pas, parce qu'il détient entre ses doigts l'objectif final de tes semaines sans failles ; ta dose, ton héroïne, la cigarette de fin de soirée, l'orgasme de l'aube, le baiser tendre de la lune échappée. Tu suis la bouteille des yeux et ses gestes mécaniques te sautent au visage ; il ressemble à un patron, il ressemble à un robot, il ressemble à un frère inconnu, jouant avec ton nom au creux de ses mains. Si la situation ne se tendait pas, t'aurais été complice, tu te serais même un peu marrée. Le sobriquet danse, ton coeur se serre ; il a l'air de se demander quoi en faire. Enfin, ses yeux rencontrent les tiens et personne ne flanche ; c'est le western revisité de l'homme de l'ombre et de la folle à lier. « C’qui se passe au sous-sol, reste au sous-sol – ou alors loin d’chez moi. Tu le sais, hein ? »  C'était pas ma faute, t'as envie de répliquer mais ta voix de gamine apeurée résonne déjà dans ton crâne comme l'échec fatal de cette conversation. Ta moue ennuyée exprime ta frustration putain qui dégouline dans tes poings. T'avais rien demandé, ce soir-là, quand Ismaël s'est cru roi, quand Cal s'est fait bouffon, quand les rôles se sont confondus, quand leur violence ont souillé son royaume. T'as rien demandé, de leur amour ou de leur haine, de leur sérum amer de virilité ridicule, t'as rien demandé, putain, et t'aimerais lui faire comprendre mais ça serait pas son problème, pas vrai ? T'es certaine qu'il a d'autres choses à faire que d'entendre les déboires sentimentaux d'une gamine du ghetto. « Je sais. » tu répliques mais tu prends une droite invisible quand la sentence à venir se forme sur ses lèvres ; tes yeux se plissent, ton sourcil se hausse, et t'as l'impression que sa menace sera toujours plus efficace que toutes tes expulsions scolaires. « J'étais pas au courant. » Tu mens pas vraiment, il t'avait avoué qu'après, ce barbare aux pensées noires, ce qu'il avait fait sans que ça t'apparaisse compréhensible, sans que les doutes ne manquent le rendez-vous de ta colère. « Pourquoi toutes les bêtes de la ville viennent saigner chez toi ? C'est une meilleur question, non ? » Tu éludes, un peu froide mais pas méchante. Ca te fait chier que ta fausse intimité pathétique ait éclaté devant ses pupilles d'alpha, devant son jugement paternel. T'aimes pas qu'il te regarde comme ça. « Ca arrivera plus, Malo. » Tu imites sans faire exprès le son de sa voix lors de son salut bref et tu jettes un oeil à la bouteille. « Ismaël est parti et Cal ne reviendra sans doute plus ici. Ils étaient bourrés, c'est tout. Je savais même pas qu'ils se connaissaient ». Ca aussi, c'était vrai et t'aurais préféré que ça le reste. « C'était jamais arrivé et ça arrivera plus. » Juré, t'essayes d'écrire dans tes yeux noirs, histoire que le serment n'ait pas que le goût de l'espoir.
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