Si ton frère te voyait, il exploserait certainement de rage. Evidement, il t’a interdit de venir. Et évidement, tu ne l’as pas écouté. Qui voudrait rater une Londonienne des frères Love ? Certainement pas toi. T’as piqué une bouteille de vodka à la station-service, hier, parce que le patron ne fait jamais les stocks, et tu as demandé un peu d’acide à ton voisin du quatrième, celui qui fournit maman. T’aurais très bien pu arriver les mains vides. Les tables regorgent d’alcool, et sur les canapés miteux s’entassent les camés, des plus généreux. T’es arrivée il y a moins d’une heure, et tu as déjà plus d’alcool que de sang dans le corps. Comme souvent. C’est devenu habituelle, aujourd’hui, boire jusqu’à oublier ce que tu fais, et recommencer le lendemain. Tu viens de sniffer un rail dans les toilettes des filles, avec une nana aussi vielle que ta mère et tu n’as plus trop les idées clairs. Pourtant, tu retournes au cœur de la fête. La musique hurle et toi, tu déambules parmi les corps désarticulés. Ça dégénère rapidement, comme toujours, et te voilà projeter d’un bout à l’autre de la piste, prise dans un pongo monumental. Ça te fait rire, bouteille à la main, tu te laisses faire, et sans même t’en rendre compte, t’es projetée au sol, tout bonnement, par un type tatoué jusqu’au coup. T’essaies de te redresser, tant bien que mal. Plus mal que bien, finalement. Entre les mecs avec leurs grolles de dix kilos et les talons aiguilles des p’tites gamines, tu n’es pas prête de pouvoir te lever. T’as l’impression de te noyer, non pas dans l’alcool mais dans la foule. Et puis finalement, une main généreuse apparaît, et tu l’attrapes sans demander ton reste. Tu regardes le type, celui qui vient de te pousser, en fait, et tu souris, un peu. « Merci » tu hurles, pour essayer de te faire entendre malgré la musique

T’as un peu l’impression d’être un paillasson, là, tout de suite, et ça te plait pas franchement. T’aimes pas qu’on ne s’intéresse pas à toi. Et puis, t’es une chochotte. Gamine, tu chialais quand on t’enlevait un pensement, alors imaginez. Heureusement, y’a cette main salvatrice et tatouée qui te vient en aide, et tu l’attrapes avec plaisir, pour te retrouver nez à nez avec le livreur de pizza, que tu fais tourner en bourrique depuis des mois. T’as un sourire mutin qui vient fleurir tes lèvres alors qu’il t’entraine à sa suite, vers les canapés. Tellement romantique. Cendrillon n’a qu’à se rhabiller. Tu t’assoies près de lui. T’as pas trop le choix en même temps. « T’es le livreur de pizza non ? » tu lui d’mandes, pour être sûr, quand même. « Tu me dois une part, d’ailleurs. » après tout, la dernière fois, il en a bouffé une en montant les escaliers, et t’en veux pour ton argent. Il te propose une blonde, et t’es qui pour refuser, Vivi ? Tu la prends en hochant la tête, avant d’inspirer longuement. T’as les yeux fermées. Tu fais ça, quand tu fumes. C’est bizarre, ouais. Mais t’as pas l’impression de vraiment fumer si tu ne fermes pas les yeux. Tu sens sa main, sur ta jambe nue -tu portes une robe aujourd’hui- et tu frisonnes avant d’ouvrir les yeux. T’essaies de croiser son regard en faisant la moue. « ça fait super mal » tu dis, avant de reprendre « mais grâce à toi, c’est déjà mieux. »

Tu n’avais besoin de rien d’autre quand tu avais la musique pour te rouler sur l’corps et jeter ton cœur au malaxeur. T’avais depuis longtemps arrêté d’essayer de garder l’contrôle ; sur le rythme des basses vindicatives, tu avais lâché prise.
Trop longtemps que tu n’étais plus venue, peut-être même plus la bienvenue.  Rien à foutre. L’bloc, c’était comme un cœur à vif, exposé à la nuit, la sono débridée. Meilleur que tout ce que t’avais pu connaître jusqu’à maintenant.  Une fois qu’on y avais gouté, on ne parvenait plus à s’en passer. C’était du moins ton avis sur la question alors t’avais rien demandé à personne, tu t’étais glissé dans la foule, tout juste quelques gorgées de vodka au fond d’ton gosier pour te mettre bien. T’avais pas b’soin de plus finalement. Juste de ce son qui pulsait déjà dans tes veines pour ne plus faire qu’un avec toi. C’est pas toi qui bougeais, t’avais pas à gouverner, y’avait juste les basses, la nuit et toi. C’était un duo que tu n’étais pas certaine de vouloir partager. Personne pour te faire vibrer. Pas comme ça.

Il était hors de question pour Joland de rater la moindre de ces soirée. Les Londoniennes... véritable concentré de chaos, musique trop fort, alcool, violence et débauche. Clairement il y avait dans ces soirée tout ce qu'il y avait de plus néfaste... et c'était exactement ce qui les rendait exceptionnel ! Ici il n'était pas question de retenue ou de ce genre de connerie, la seule idée était de s'éclater dans l'excès le plus totale jusqu'à ce que ce soit le corps lui même qui cède. Joland adorait ça, Joland adorait l'ambiance, mener son corps et son esprit à bout, danser sur ces sons violent jusqu'à ne plus rien entendre d'autre. Bref les Londoniennes... c'était un peu son exutoire, sa manière de se défouler plus encore que jamais de ses journées pourris, remplissant son gosier d'alcool, glissant sous sa langue quelque cachetons, s'envoyant parfois en l'air sur un des canap du fond avec toute la salle pour spectateur. Et plus que tout... il connaissait les Love ! Merci à Seven pour ça et au milieu de cette plèbe il se sentait comme un putain de prince qui, la soirée fini, pourrait totalement aller chuter chez eux quand les autres devraient ramper jusqu'à leurs taudis. Alors certes ça les gens n'en saurait rien sans lui parler ou les voir mais... le simple fait d'y penser le faisait se sentir heureux, spécial. Eh ouai, c'était un VIP lui au moins bande de raclures ! Mais pour le moment il n'avait pas envie de retrouver les frères, il voulait déjà se mettre bien pour commencer. Ce fut donc tout naturellement qu'il se dirigea au bar avant de demander un bon gobelet de bière... qu'il avala cul sec... en redemandant un autre avant de regarder la personne à côté de lui qui semblait la fixer « Quoi ? T'as jamais vu un gringalet s'enfiler 50cl de bière en quatre secondes ? Tsssss... »

T’es pas si con que ça, Vivi. Tu vois bien que ce type ne se comporte pas du tout comme d’habitude, avec toi. Mais bon, tu te dis simplement qu’il doit être aussi déchiré que toi, qu’il ne t’a peut-être même pas reconnu. Tu hoches cependant les épaules quand il te répond. « On rigole pas avec la pizza. » tu lui dis même si honnêtement, tu t’en fous un peu. Il te propose une clope, tu acceptes et tu savoures. C’est la fin du mois, ton paquet est fini, alors tout est bon à prendre. Alors que tu fermes les yeux, tu sens sa main sur ta jambe, et un sourire mutin étire ses lèvres. Il n’est pas là pour rire. Il fait mine de s’inquiéter pour ta pauvre cheville et tout s’accélère. Sa main se sert, un peu plus, tu t’approches, plus encore et bientôt ses lèvres cherches ta peau, au milieu de tes cheveux dorés. Tu souris, cherchant de la main un cendrier où quelque chose comme ça, mais tu finis par laisser tomber le cadavre de ta clope à même le sol, tandis que ta main descend le long de son torse, pour venir cajoler celui qui semble déjà bien heureux d’être là. Tu sers doucement son paquet avant de rire. « Eh bien, ça ne rigole pas, avec toi. » tu dis dans le creux de son oreille, tandis qu’il marque ton cou, ta peau laiteuse, ta clavicule. Et il est doué, avec ses lèvres, avec sa langue. Tu mords légèrement la tienne, pour te donner contenance. « Tu ne veux pas qu’on aille dans un endroit plus tranquille ? » tu lui demandes, finalement.