L'avion se pose enfin, le voyage lui a semblé interminable. Il récupère sa valise et se dirige vers les bus. Il redécouvre avec émotion ce pays qui lui a tant manqué. Il avait oublié par contre, à quel point les hivers étaient froids ici comparés à ceux de Savannah. Il frissonne en attendant son bus, frotte ses mains pour les réchauffer. Dès qu'il arrive il grimpe dedans et va se poser tout au fond, sa valise à côté de lui et durant tout le trajet ses yeux ne décrochent pas de la route. Il savoure chaque centimètre du paysage qui défile devant lui, émerveillé comme un enfant qui découvre quelque chose. Pourtant, la Pologne il l'a connait. Mais il n'y avait plus mis les pieds depuis bien trop longtemps. Et ça rallume quelque chose dans sa poitrine. Comme une flamme éteinte qui n'aurait laissée derrière elle que des cendres. Mais les braises se rallument et vivotent dans l'ombre, lui redonnant un peu d'espoir pour la suite. Une heure plus tard, il descend au terminus et continue à pieds sous la neige, jusqu'à enfin apercevoir au loin un chapiteau. Il s'arrête une seconde et l'observe de là où il est, le cœur battant. Il repart, bravant le froid saisissant, jusqu'à rentrer dans le cirque. C'est immense. Au moins deux fois plus que celui qu'il a toujours connu. Et ça lui fait étrange de remarcher dans un endroit pareil. L'endroit est calme à cette heure-ci, le cirque n'est pas en tournée en ce moment, tout est fermé aux visiteurs. Il finit par trouver leur Mr Loyal. Il s'approche et l'interpelle. — Cześć, jestem Jax Roses. L'homme hoche la tête et lui fait signe de le suivre, l'accueillant avec cette réserve propre à ce milieu et à leur pays. Et ça lui fait du bien. La familiarité des américains l'a toujours dérangé.

Il ressort de là deux heures plus tard, après leur avoir montré tout ce qu'il savait faire. Il est engagé. Il devra faire ses preuves, surtout à son âge, mais Jax n'a rien perdu de son habilité avec les couteaux. On lui propose une caravane et de se joindre à eux pour le repas du soir. Il les remercie mais refuse pour le repas, il a quelque chose à faire ce soir. Personne n'insiste, personne ne pose de questions. Et il ne comprend pas pourquoi il a attendu aussi longtemps avant de revenir ici. Le simple fait de graviter autour du cirque le rend heureux, il a la sensation d'avoir perdu 20 années de sa vie. Il laisse sa valise dans la caravane qu'on lui a refilé et il retourne à l'arrêt de bus. Après trois changements, il arrive enfin à destination. Il espère que l'adresse est toujours bonne. Il se plante devant la porte, le cœur battant. Il reste immobile quelques secondes avant de se décider à frapper quelques coups contre le vieux bois. La porte s'ouvre et aussitôt, la femme hurle. — Chérie ?! Qu'est-ce qu'il y a ? La voix inquiète du vieil homme surgit derrière, tandis qu'il accourt à l'entrée pour s'assurer que sa femme va bien. Mais il est coupé dans son élan en reconnaissant la silhouette sur le perron. — ... Jax ? Et sans plus attendre, le couple se jette sur Jax, dans une émotion partagée. Jax les entoure de ses bras, fermant les yeux pour savourer cet instant si précieux. — Pleure pas maman. Mais la femme ne peut pas s'en empêcher, serrant contre elle son fils qu'elle n'avait plus revu depuis 20 ans. Elle craignait de mourir avant que ce jour n'arrive. Et lui aussi.