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 châteaux de sable (nineo)

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Ninel Kida

Ninel Kida
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MessageSujet: châteaux de sable (nineo)   châteaux de sable (nineo) EmptyVen 1 Juin - 16:27


Les pupilles hissés sur la pointe du chapiteau, la structure, le tissu aérien suspendu qui n’attend que moi. Que je m’y enroule, m’y retienne. Qu’il me permette de voler, de briller. Mais à chaque fois que j’essaye d’y grimper, mes muscles lâchent à mi-chemin, et la chute fait mal. Pas autant que le fait de ne plus pouvoir m’élever et m’éloigner de la terre trop ferme. La frustration gonfle dans ma poitrine, incendiaire jusqu’à ce que mes larmes crament à nouveau mes joues. Ma volonté lâche avec mes jambes, éboulement au sol, j’profite qu’il n’y ait personne autour pour lâcher le peu de gripe que j’ai sur ma vie en ce moment. Les peurs qui déboulent même le jour, s’enfoncent et s’emmêlent aux doutes comme de nouvelles griffes sur les organes, de l’acide sur des brûlures. Mais plus je lâche, plus ça revient, et plus ça déchire, et plus j’ai peur de ne plus servir à rien.

Les minutes émiettées, étourdies, le temps a couru sans que je m’en aperçoive, encore une fois, il a glissé de mes doigts comme la soie de mon tissu préféré le fait déjà. J’suis clouée au sol -au même endroit qu’il y a peu de temps- et mon esprit dégringole. Ailleurs, trop bas. Absente. À ne plus suivre le monde. À rêvasser comme on cauchemarde éveillé, entre-deux flottant et incessant. Mon corps en nouvelle cage où s’emprisonne mes kidnappeurs. J’retiens difficilement mes doigts d’aller grater la peau sur mon ventre avec la même frénésie qu’au début de ma capture. J’voudrais l’arracher comme je l’ai déjà fait sous la douche ce matin, les éraflures encore fraîches. Parce qu’il n’y a plus de cirque, plus de chapiteau, plus de tissus ni de cordes. Juste des cadavres abandonnés sur la plage. Juste les traces du désastre que je viens hanter inconsciemment. La nostalgie en mauvaise compagnie.

À l’extérieur de la tente, un brouhaha bouscule, stoppe mes plans. Une horde d’étrangers foule le sol de notre cirque. Fabio en tête… C’est probablement autorisé, mais une sensation indescriptible froisse mes tripes. J’ravale mon dégoût face à cette invasion, anormalement sensible à l’intrusion. Je n’aurais jamais ressenti ça avant. J’croyais être la plus sociable, la plus curieuse. Mais le malaise est là, dans le fond de mon ventre. Je souffle et sors pour suivre le groupe et rattraper la famille de dresseur de fauves. Tout le monde parle en même temps. Une vraie cacophonie, des mots qui s’marchent dessus et que je ne retiens qu’à moitié. Devant la cage aux lions, je me pose sur la grille et préfère poser mon attention sur Alfonse. Et pendant une seconde, j’ai envie de vomir en réalisant qu’il est en cage depuis longtemps, et je ne sais pas comment il fait pour ne pas perdre la tête. Mais mon regard s’adoucit quand il lève le museau vers moi, et peut-être qu’un maigre sourire file sur mon visage. Je sais qu’il est heureux ici. Ce n’est pas une prison. J’oublie un peu les choses en ce moment, mais je crois que la famille de Fabio l’a sauvé. C’était quelque chose comme ça dans mon imaginaire. Une autre famille de héros. Mais pas dans mon dos. Les voix sonnent plus hautes les unes que les autres. L’agitation s’étire comme une traînée de poudre pour atteindre les animaux. La nervosité gagne du terrain en quelques secondes. J’arrive pas à suivre -y a des caméras et des regards qui nous fusillent… tous ces étrangers qui n’ont aucune légitimité à nous juger. Des traits d’incompréhension, de colère puis de panique ont filé sur ma peau. Étouffant, étouffant, étouffant, étouffant. Comment tout peut se détériorer aussi vite ? Y a trop de mouvements, trop d’attaques et j’me sens en verre. Une brèche, une étincelle, un grain de sable… un rien suffit pour tout dérailler.

Fichus souvenirs. Trop vifs, trop récents. Il n’y en a pas un pour effacer l’autre. Ça me submerge. Et qu’est-ce que j’fous là ?! Pourquoi je reviens au cirque encore et encore alors qu’il n’existe plus ?! Mon sang s’accélère, court à mon allure. Ça tape dans mes oreilles, les coquillages émiettés qui crissent sous mes pieds et l’air sifflant, comme mes pleurs à chaque impression d’agression. J’ferme les yeux si forts que j’pourrais m’en éclater les rétines. Je veux perdre le fil comme tout à l’heure. Plonger dans de nouveaux imaginaires, voir à nouveau les couleurs, retrouver un peu de beau. Ou simplement l’amnésie. Ou ce fin moment qui attrape notre conscience juste avant de tout endormir, cet instant qui balance notre esprit comme sur le fil des funambules. J’veux qu’on décide à ma place où j’dois tomber. Solution facile et lâche. Cette pensée même me fait chuter sur le sable humide. Échappée avortée, j’reste figée, les g’noux enfoncés dans le sol. Mes mains se joignent inconsciemment à la matière, et j’creuse avec toute la force que j’ai dans les bras. Le sable qui vole dans ma bataille, j’essuie même pas ce qui a perlé sur mes joues. J’laisse l’air marin tout sécher, tout effacer, tout enlever. Il faut peut-être quelques minutes pour me calmer, radoucir mes gestes, qui s’mettent… sans que je m’en rende réellement compte, à construire ma forteresse. Caravane de sable.

Des enfants sont venus me rejoindre. Leurs pâtés à côté des miens ont occupés comme des esprits bienfaiteurs aux rires dévoreurs. J'ai l'impression de ne pas avoir entendu rire depuis des siècles, de ne pas avoir ri depuis tout autant de temps. Mais quand ils sont partis, ils ont repris le peu de légèreté avec eux. Et ça m'étourdit un peu. Vague dans l'âme. Faudrait que je rentre, pour plus sentir le vide et l'abandon serpenter là où j'voudrais retrouver le tissu de soie. Mais rentrer où quand il n'y a plus que des bouts de maison ?
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Leonard River

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MessageSujet: Re: châteaux de sable (nineo)   châteaux de sable (nineo) EmptyMar 7 Aoû - 17:28

13 599 kilomètres. Leo est maintenant à 13 599 kilomètres de sa santé mentale et du bonheur longuement gagné, remporté, comme une victoire qu’on arrache sur les derniers mètres, après une course harassante. Si crevante que vous auriez pensé ne jamais aller au bout. Mais il y est allé. Il a terminé cette course, tourné la page, survécu une fois de plus. Maintenant retour à la case départ. Parfois il se disait que le plus dur commence maintenant. C’est facile d’oublier, quand on est à 13 599 kilomètres de ses démons. Ca l’est moins quand celui qui vous a auparavant flingué est votre patron.

Mais y a de l’espoir. Y a toujours de l’espoir. Un genre d’apaisement. Leo y croit, et son optimisme, comme à chaque fois dans sa vie, finira par le bousiller. Mais ça, il ne s’en doute pas encore.

La villa grouille d’une agitation pré-tournage habituelle. Et les travaux continuent nuits et jours. Ça empêche Leo de dormir la plupart du temps. Comme aujourd’hui, il est quelle heure déjà ? Le soleil est encore haut, ou peut-être est-ce déjà la nuit. Avec tous ces lampions et ces projecteurs partout, on ne voit jamais vraiment la nuit. On ne voit plus les étoiles. C’est ça qui est génial, dès qu’on s’éloigne de la ville : les étoiles. C’est sans doute l’une des choses qui manquent déjà le plus à Leo. La clarté du ciel et le côté reposant de se sentir tout petit au milieu de l’immensité. Cette toile qui s’étire à l’infini à travers l’univers, il ne peut même plus l’observer maintenant. Les projecteurs pullulent dans la cour intérieure de la villa. C’est ici que vit Leo : dans une dépendance, juste en face de l’escalier princier qui mène à l’entrée principale. Et quand il sort de son petit hâvre de paix, construit à partir de rien, il tombe face à une équipe en pleine action et l’agitation constante. C’est dingue comme ils ont l’air d’aller vite, quand vous êtes le seul qui n’a pas pris de coke. Et c’est dingue comme, une fois qu’on a arrêté, les habitudes des autres vous sautent au visage. Y a Darren, il est technicien et il tremble de tout son corps tant il est en tachycardie. Y a Millicent et John qui sont en train de tracer un rail, sur la table de la terrasse. Y a Nick, il est au téléphone, sur le bout de son ongle, Leo aperçoit un peu de poudre blanche. Et puis y a Helena avec son mouchoir sous le nez, imbibé de sang. Honnêtement, même s’il le savait depuis toujours, Leo ne s’était jamais rendu compte à quel point la coke circule vite ici. Et il a cette sale impression d’être au ralenti, pour tout maintenant. C’est pour ça qu’on commence. Parce que tous les autres le font, tous les autres arrivent à tenir le rythme. Jeff n’a même pas fait de réflexion quand Leo lui a annoncé sa désintoxication, il s’est contenté d’un sourire en coin. Jeff sait déjà ce que Leo ignore encore.

Besoin d’air.

Il n’est qu’à deux pas de la plage, et c’est sans doute ce qui lui plaît le plus ici. Il n’est qu’à deux pas de l’horizon. Deux pas d’un ciel sans fin, et du calme olympien des plages, parfois perturbé par les rires des enfants, les effusions de joies et les vagues qui s’écrasent contre les rochers. Alors Leo s’y rend, il étire son corps courbaturé du décalage horaire. Il porte cette chemise trouvé là-bas et ses couleurs cuivre et ses motifs ethniques qui jurent avec ceux de son sarouel. Alors ses pensées s’envolent dans le ciel, aussi sûrement que ses cheveux un peu trop longs maintenant. Elles s’échappent par ses oreilles, l’enivrent, l’entourent, l’encerclent. Il s’assoit finalement un long moment, les pieds nus dans le sable, un roulée entre les lèvres et regarde l’horizon, ses écouteurs dans les oreilles. Il l’écoute. Elle, comme un mantra. Il l’écoute comme un religieux écoute une prière. Comme un élève écoute sa lesson. Il l’écoute, avec un apaisement nouveau, et quelques sourires s’étirent, comme s’il était encore surpris parce qu’elle dit. Alors qu’il connaît par coeur chaque putain de son. Il l’écoute parce qu’elle est comme sa marraine d’abstinence maintenant. Il a besoin de sa voix pour se reconcentrer, pour ne pas se faire bouffer, pas si vite, quelques jours seulement après avoir posé le pied sur le continent. Ça aide, vraiment. Alors il écoute l’enregistrement une fois ou deux, avant d’écouter un peu de musique. Il se passe la paume contre les yeux, et tire la dernière latte de sa cigarette en balayant la plage du regard.

C’est là qu’il la voit. Elle ne lui ressemble pas, mais c’est pourtant à elle qu’il pense, à Serena. Peut-être parce que le parallèle est trop parfait, et la coïncidence lui retourne l’estomac. Peut-être parce que ses mains tremblantes d’émotion sont en train de tasser le sable de cette forteresse qu’elle érige devant elle, comme Leo a pu le faire, quelques semaines, oula, quelques mois maintenant auparavant, avant qu’une vague n’emporte tout. Doucement, les yeux bleus-verts de Leo glissent jusqu’à l’écume qui remonte petit à petit, grignote quelques autres pâtés de sable que les gamins ont construit autour d’elle. Et maintenant que tout le monde est parti, cette fille semble incroyablement seule sur cette plage.

Il ne la reconnaît pas immédiatement. Ce n’est que quand un coup de vent emporte son épaisse chevelure sur le côté que les connexions se font. Cette fille, il l’a croisé. Une fois, deux fois. Plus que ça. Il s’en souvient, à l’hôpital, au cirque. Il a parlé avec sa famille, certains d’entre eux, quand elle avait disparu. Il l’a cherché, il a aidé à placarder la ville avec ses photos. Et puis, à un nouveau croisement ils se sont rencontrés. Leo libérait les animaux de son cirque, elle en pleurait toutes les larmes de son corps. Faut croire que les bonnes rencontres ne commencent pas forcément de la bonne manière.

Il ne sait pas pourquoi il y va. Parce qu’il reconnaît l’air détruit de son regard et les secousses de son corps terrifié. Terrifié par tout, par le passé et par l’avenir en même temps. Il reconnaît ce visage qui ne comprend pas. Qui ne comprend pas comment tout ça a pu vraiment se produire. Comment tout a pu si mal tourner. Il se revoit, les mains dans le sable humide, à ramasser des poignées de son coeur emporté par la vague. Peut-être bien qu’il sent, au fond de lui, quelque chose lui souffler d’aller la voir. Alors il se lève et fait tomber les écouteurs le long de son épaule. Il parcourt les dix mètres qui les séparent, et qui sépare cette fille d’un peu d’espoir. Il en a à revendre Leo, il vient d’en faire le plein. Ne pas perdre le contact avec les vivants, avec le monde, avec l’amour. Voilà ce dont il a besoin, et elle aussi.

Ninel ? Il se souvient de son prénom, même s’il a mis quelques secondes. Et le regard qu’elle monte sur lui est plein d’amertume. Je suis Leo, j’sais pas si tu te souviens de moi. Qu’il commence le ton calme. Leo fait partie de ceux qui ont mis à sac son cirque. Leo tenait la caméra quand l’association de protection animale a foutu la merde dans la vie de cette fille. Et si Leo ne regrette rien de ses actions et de la prise en charge des animaux, il ne porte ni jugement ni rancoeur sur cette fille, qu’il a l’impression de trop bien connaître, même s’ils n’ont jamais échangé de trois mots. T’as besoin d’aide pour le château ? Qu’il propose, particulièrement sérieux, même s’il ne sait pas très bien s’il arrivera à tenir le coup de plonger ses mains dans le sable, et construire quelque chose d’autre, avec quelqu’un d’autre.
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Ninel Kida

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MessageSujet: Re: châteaux de sable (nineo)   châteaux de sable (nineo) EmptyMer 15 Aoû - 22:45


Ninel ? Tirée de ma triste rêverie, on me pousse face à la réalité, face à lui dont le visage devient de plus en plus net au fil des secondes. Je suis Leo, j’sais pas si tu te souviens de moi. Si j’avais pu, j’aurais pu moi-même sentir le bleu de mes yeux se durcir en glace. Bien sûr que je me souviens. Le goût amère de sa dernière intervention dans ma vie, il n’y a que ça dont je me rappelle. Je sais qui t’es. Tes amis et toi faites partie de ceux qui ont cassé ma famille.... Je tourne le visage loin de lui et essaye de me concentrer sur ma construction qui ne ressemble à rien entre mes mains. C’est à cause de vous si j’meurs un peu tous les jours..., que je marmonne tout bas. Parce que c’est vrai. Le cirque démantelé, c’est ma famille morcelée. Le cirque qui n’existe plus, c’est mes rêves de danser dans les airs pour toujours, crevés et enterrés dans ce sable avec les débris du chapiteau. Déjà que j’ai du mal à respirer depuis qu’un bout de moi est resté prisonnier de la cage des kidnappeurs, mais si en plus, on m’enlève mon oxygène, mon seul moyen de m’élever… J’deviens quoi moi ? Une histoire qui n’a pas d’fin, c’est pathétique et inutile. Personne n’aime ça. Et ça sert à rien. T’as besoin d’aide pour le château ? Non !, que je lâche plus fort que je ne l’ai voulu, accompagné d’une giclée de sable qui ne l’atteint pas mais le visait clairement. C’est pas un château, mais c’est le mien. Gamine, comme si j’pouvais protéger le peu qu’il me reste dans un élan de survie possessif. Sauf que je sais ce que j’ai et ce que je n’aurais jamais. J’suis devenue trop proche de la réalité, celle que je déteste de plus en plus mais qui me poursuit comme mon ombre. De toute façon, ça ne sert à rien, ça va être détruit... Mes fesses retombent dans le sable, un souffle dépité s’extirpe hors de mes lèvres. En réalité, aujourd’hui, j’ai pas la force de me battre, j’ai envie de rien, alors qu’il fasse ce qu’il veut.
Le silence en chape de béton sur mes épaules. C’est lourd tout ça. Et ça me rappelle l’ambiance dans la petite maison en préfabriqué qu’on s’est trouvé avec Halina, Jax et Pia. L’air y est aussi absent. Personne ne parle de Zyki ou de ce qui est arrivé au cirque et à nos parents. Y a juste de l’électricité parfois et puis surtout, il y a les ordres de Jax qui s’est donné le rôle de patriarche. Où que j’aille j’ai l’impression d’étouffer. Où que je sois, je me sens abandonnée. Je sais que ce n’est pas juste de le ressentir ainsi, mais j’y peux rien si j’ai du plomb dans les muscles et surtout celui du coeur. Mon monde bien effrité a perdu sa magie, j’perds contre la gravité et je n’appartiens plus aux hauteurs. C’est injuste. On n’avait rien fait pour mériter ça. J’fais pas l’poids j’crois bien. Et si ça continue, ils vont tous partir, Hali, Jax et Pia et je serai vraiment toute seule. Rien que d’y penser, ça m’détruit les entrailles. Y a peut-être une raison si tout le monde disparaît ?
Les émotions qui chevauchent les pensées, des nuages plein la tête, c’est devenu récurrent. Et ma faiblesse… frayeur de l’abandon est de plus en plus vif, une plaie déjà marquée dans mes os et mes monstres qui la grignote. Alors quand Leo bouge, fait un pas, ça revient comme une gifle. Ma main qui s’accroche à son sarouel, j’ai failli m’étaler de tout mon long pour le rattraper, un brin désespérée merde. J’ai cru qu’il partait… Je le relâche tout aussi vite que je ne l’ai capturé. C’est rien, pardon. Je sens la honte réchauffer mes joues jusqu’aux pointes de mes oreilles. Tu peux y aller. Okay c’est bon, va-t’en en fait. T’es un de mes vilains en plus, pourquoi je voudrais qu’il reste ?! Et je me force à ne pas croiser son regard, ne pas montrer les tremblements de panique. Mes bras se nouent sur mon ventre, mes doigts qui s’y enfoncent et je fixe les roulis de l’océan qui viennent déjà réclamer leur part dans ma forteresse. Et le spectacle est aussi nul que ce que je dois bien lui offrir. C’est ça la vie… ?
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MessageSujet: Re: châteaux de sable (nineo)   châteaux de sable (nineo) EmptyMar 21 Aoû - 8:59

Ses accusations sont fairplay. Leo a appris à ses dépends que souvent, on cherche à faire le bien, mais d’un autre côté, quelqu’un en souffre. Ninel est un magnifique exemple, parce qu’elle fait partie de ces gens dont on sait pertinemment qu’ils n’ont pas une once de méchanceté en eux. Elle est comme née hier et projetée dans un monde trop violent pour elle. Leo était comme ça, avant. A 19 ans, envoyé à Virtual Trash TV pour la première fois, confronté à cette réalité trop dégueulasse pour être assimilée correctement. Huit ans plus tard, rien n’a vraiment changé.   Je sais qui t’es. Tes amis et toi faites partie de ceux qui ont cassé ma famille.... Leo baisse les yeux et accuse le coup sans broncher. Ouais, pas faux. Il s’accroupit devant elle, et ouvre la bouche pour répondre, mais elle surenchérit, presque trop honnête pour que ça soit vrai :  C’est à cause de vous si j’meurs un peu tous les jours... Mais elle l’est, honnête. Terriblement et fatalement honnête, comme une enfant. Et cette sincérité percute Leo en plein coeur. Echange intègre. Il se sent mal, Leo, parce qu’il n’a jamais voulu éteindre le feu qui brûle en elle,  ni en aucun des artistes qu’il a croisé dans le cirque. Malgré tout il ne regrette pas. Il tente avec douceur de lui expliquer, avec autant de bonne volonté dont il est capable, il se risquerait presque à un geste amical, s’il n’avait pas peur de la voir s’envoler comme un oiseau apeuré : Ninel, j’ai jamais voulu faire du mal à ta famille. Et pourtant c’est ce qui s’est passé. Il se souvient de l’agitation, des cris, des refus. De l’association qui a pris en otage le cirque et de sa caméra qui filmait. Il se souvient des regards accusateurs, comme s’il faisait partie d’un genre de milice, là uniquement pour tout foutre en l’air. Et pourtant il sait, il comprend rapidement que ces gens sont des gens biens. Parmi ceux qui ne veulent pas répandre le mal mais distribuer un peu d’étoiles dans les yeux, et faire la démonstration d’un savoir-faire transmis de génération en génération. Leo respecte ça. Mais les animaux sauvages ne sont pas faits pour vivre en captivité. qu’il ajoute doucement, comme pour qu’elle l’accepte d’elle-même. Qu’elle pardonne peut-être, même s’il ne s’y attend pas vraiment. Qu’elle comprenne surtout. Leo prône des cirques sans l’utilisation des animaux, parce que leur art est assez beau pour se passer de bêtes sauvages. Parce qu’on ne peut pas demander à  un fauve de vivre dans un cage, et que l’homme n’a aucun droit de déterminer quelle vie mèneront ces animaux. Parce qu’il a vu ces bêtes en liberté, il en a vu toutes sa vie, et que c’est le genre de spectacle qui vous vaccine à vie contre les zoo. Il prend une inspiration, il se rend bien compte que ça doit être dur pour elle. Il a bien senti que ces animaux étaient bien traités, et avec tout l’amour que cette famille pouvait distribuer. Mais ce n’est pas suffisant. Si tu veux, j’ai les numéros des réserves qui ont accepté de prendre en charge la plupart de vos animaux alors... Il ne sait pas vraiment ce qu’il propose, et peut-être que Ninel aurait préféré ne jamais pouvoir rendre de leur nouvelles, parce que c’était moins douloureux d’oublier. Sans doute. Il n’en sait rien. Il se ravise et se tait une seconde avant d’enchainer sur le château qu’elle est entrain de construire. Comme un symbole qui émergerait du sable. Comme un signe envoyé par quelqu’un, quelqu’un qui n’existe plus vraiment, mais qui ne disparaît jamais. Leo y croit à ce genre de choses. Et il croit sincèrement que Serena est là, autour de lui, la plupart du temps. C’est peut-être pour ça qu’il sent qu’il doit aider Ninel, même si ça aurait été beaucoup plus facile de rester à l’autre bout de la plage. Parce que la jeune femme refuse catégoriquement qu’il touche à son château. Elle lui envoie du sable qui se fait emporter par le vent. Leo ne se formalise pas, et se contente d’un sourire un peu triste.  De toute façon, ça ne sert à rien, ça va être détruit.. Qu’elle lâche avec une clairvoyance pure. Le regard du blond se perd un moment. Ouais, sans doute. qu’il pense tout haut, et expire dans un souffle, noyé par ses souvenirs qui reviennent comme une vague. Il repense à cette journée, la première sans Serena. Il repense à tout ça, à ces heures à fixer le château qu’il pensait indestructible, et de la facilité de l’océan à l’engloutir, en un quart de seconde. Il s’éclaircit la gorge et se redresse doucement. Mais ça veut pas dire que ça sert à rien. qu’il précise. Ca veut même dire tout l’inverse. J’étais content de te revoir Ninel. qu’il lui dit avant de tourner les talons, et c’est sincère, sans vraiment qu’il puisse l’expliquer. Y a rien de logique sur les sentiments qui s’éveille dans le fond de son bide. Rien de logique encore quand elle lui attrape le bas du sarouel pour l’arrêter. Il s'exécute sans hésité et reste un moment dos à elle avant de se retourner. Elle s’excuse, elle n’ose même pas le regarder. Elle aussi a du mal à assimiler ce qui se passe dans sa tête. Elle l’autorise à partir. Et il pourrait le faire. retourner sur le plateau, régler quelques trucs, finir par s’écrouler de sommeil dans le lit emprunté. Ouais il pourrait. Mais J’en ai pas envie. qu’il annonce en s’installant à ses côtés, en tailleur. Il sort de sa poche son paquet de tabac à rouler et commence à se faire une cigarette en observant la construction de sable. Bizarrement il revoit la sienne, la leur. Et cette tour qui manquait à l’entrée. Cette tour qu’ils avaient promis de terminer ensemble. Cette construction inachevé qui n'existe plus que dans ses souvenirs maintenant. Il réalise que personne d’autres sur cette terre ne saura jamais à quoi elle ressemblait. Sourire nostalgique. Il tourne sa tête vers ninel en glissant sa langue sur le papier à rouler biodégradable. Alors, tu comptes construire un donjon ou quelque chose comme ça ? il voudrait lui demander pourquoi elle a l’impression de mourir un peu plus chaque jour. S’il peut l’aider d’une quelconque façon, mais il la sent encore trop fragile, malgré la robustesse de son âme.
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MessageSujet: Re: châteaux de sable (nineo)   châteaux de sable (nineo) EmptyVen 24 Aoû - 23:00


Mais les animaux sauvages ne sont pas faits pour vivre en captivité. Elle le sait. Elle le sait bien parce que personne n’est fait pour vivre en cage, ni les animaux, ni les êtres humains. Personne. Elle n’en avait pas conscience avant. Ils ont toujours été là les animaux, bien avant elle, bien avant qu’Isa et Bella ne l’adoptent et encore bien avant cette génération probablement. Et elle n’a jamais eu à remettre le cirque et ses méthodes en question. Malgré tous les pays toutes les villes traversés, malgré toutes les langues parlées, tous les publics qui les ont applaudis, elle n’a connu que ça. Et même si lui et ses petits copains n’ont été que le déclencheur du désastre qui a suivi… ça ne l’empêche pas de lui en vouloir, au moins autant qu’elle ne s’en veut. Elle tique à la proposition de Leo pour prendre des nouvelles des animaux. Mais elle ne répond rien. Parce qu’elle ne sait pas si elle a le droit, si ça serait bon pour eux, pour elle. C’est qu’une gamine qui ne sait rien de ce qui est bien ou non, juste ou non. Jax le lui fait comprendre tous les jours. Alors elle ne répond rien et oublie même avoir entendu cette possibilité. Et heureusement qu’il y a ce rempart de sable où se cacher, sur lequel se concentrer, ça l’aide. Même si ça finira en poussière au fond d’la mer. Mais ça veut pas dire que ça sert à rien. J’étais content de te revoir Ninel. Ouais, c’est ça, sans doute, qu’elle aurait bien voulu répliquer dans un élan rebelle, colérique, mais vain. Et à la place, elle le retient. Sans s’y attendre elle-même, sans comprendre elle-même ce qu’elle fabrique. Elle sait juste que c’est pathétique, et qu’elle le comprend encore moins quand il décide de la contredire encore une fois en restant, en s’installant, alors qu’il allait partir. Il n’a pas le droit de lire en moi comme ça. Il n’a pas le droit d’être gentil. C’est pas normal, c’est pas juste. J’comprends rien.

Alors, tu comptes construire un donjon ou quelque chose comme ça ? Elle laisse le silence se poser, comme si ça allait l’aider à démêler le fil de ses pensées, les sensations qu’il provoque dans son ventre et qui n’ont pas de raisons d’être. Y a que les gestes de Leo pour occuper l’espace. Le froissement du tissu, le crissement du briquet, l’odeur du tabac qui brûle et son souffle cendré qui s’invite jusqu’à elle en un coup de vent. Alors elle se recroqueville un peu avec le besoin de se protéger. Les genoux contre sa poitrine, la tête posée dessus, tournée vers lui, les mains dans le sable à essayer d’en attraper les grains comme elle aimerait saisir le sens de tout ce qui se passe en ce moment. Je te fais tant pitié que ça pour que tu t’assois avec l’ennemi ? Mais c’est elle qui souffle cette fois. Ça a beau avoir été dit doucement, la flèche de rancoeur était encore là, bien plantée dans la question. Et elle devrait s’excuser mais elle ne le fait pas. Elle se contente de hisser ses grands yeux dans les siens, de le fixer en étant incapable de se détourner cette fois-ci. Peut-être qu’elle espère voir ce qu’il voit lui ? Peut-être que ça l’aiderait à comprendre si elle pouvait voir à travers ses yeux ? Et peut-être qu’elle saurait finalement qui il est vraiment ? Pourquoi t’es obsédé par mon château de sable ? Elle n’a toujours pas bougé, elle l’a toujours pas lâché et pas même les pétards qui éclatent dans son dos ne la font réagir. Ça aurait dû pourtant. Dans son subconscient, elle se rappelle vaguement avoir entendu parler d’une réunion de surfeurs commencée il y a quelques jours déjà. Elle en a d’ailleurs vu passer quelques uns avec leur planche tout à l’heure, alors ça doit être ça, leurs éternelles fêtes qui reprennent avant même que la nuit ne tombe. Mais elle n’y prête pas attention pour l’instant. Y a juste une pile de questions qui popent dans sa tête et qui ne franchissent pas ses lèvres parce qu’elles le concernent toutes et qu’elle n’est pas encore sûre qu’il mérite cette curiosité qui revit, et encore moins la confiance qu’il exhale...
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Leonard River

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MessageSujet: Re: châteaux de sable (nineo)   châteaux de sable (nineo) EmptyLun 3 Sep - 17:18

Comme une paix qui s’installe quand Leo prend place à ses côtés. Elle accepte une trève, parce qu’elle est décidait trop belle du coeur pour en vouloir à quelqu’un. Vraiment lui en vouloir. Elle comprend les signaux qui s’échappent des prunelles claires de Leo, ces drapeaux blancs qu’il agite sous son nez pour qu’ils se réchauffent l’un l’autre le coeur. Même si elle est repliée sur elle même, comme un animal bousculé et méfiant, Leo prend peu à peu ses aises, désespérément connecté à chaque être qui croise. Il a toujours eu la faculté étonnante se sentir à l’aise avec n’importe qui. Proche de tout le monde, comme s’ils étaient de vieux amis et qu’il n’avait besoin que d’un regard pour totalement absorber une personne et l’aimer d’une certaine façon. C’est un peu ça qu’il se passe, quand il rencontre Ninel. Ca encore quand il s’intéresse à ce château comme s’il s’agissait du sien, du leur, en fumant tranquillement la cigarette artisanale dont le papier écologique crépite entre ses doigts. Je te fais tant pitié que ça pour que tu t’assois avec l’ennemi ? Leo fronce à peine les sourcils, il ne comprend pas du premier coup, parce qu’il ne peut pas s’y attendre. Pourquoi est-ce qu’elle lui ferait pitié ? Il n’en sait foutre rien, ne trouve même pas d’argument pour étayer cette théorie, et le son qui s’échappe de ses lèvres, balancé par sa sincérité nue est comme un hoquet : Non. Il lui jette un coup d’oeil, l’observe, son menton qui tremble sur son genou mince, dans la position enfantine de cette brune qu’il connaît à peine et trop bien en même temps. Y a pas d’ennemi. Ninel est un dommage collatéral, comme Leo n’arrête pas d’en commettre. Distribuer des coups sous couvert de son boulot, planqué derrière sa caméra, écrasé par la volonté patronale. Ninel s’est faite blessée, comme Leo en a blessé d’autres, trop. Serena n’est plus là pour lui dire qui il est maintenant. Que le mal qu’il a fait, il peut encore le défaire. Mais cette conversation qu’il tient, est peut-être la preuve du contraire. Peut-être bien qu’elle est encore là, à guider ses pas. Y a pas de pitié, ou bien celle du coeur, celle qui est douce et humaniste. La peine qu’elle dégage s’infiltre dans les pores de Leo, voilà tout. Il veut l’aider. Il doit l’aider. Il en dit rien d’autres que ça Leo, parce qu’il n’a pas besoin d’argumenter, il ne saurait même pas le faire. Il tire un autre latte alors, et recommence à observer le château de sable. Ses yeux sont attirés comme des aimants par les coquillages sur l’une des tours. Pourquoi t’es obsédé par mon château de sable ? Qu’elle devine sans mal. Leo a un sourire vague sur ses lèvres. Il n’ose pas la regarder, pas maintenant, parce qu’il sait qu’elle comprendra à quel point son coeur est brisé à cause d’un putain de château de sable. Pas la peine d’alourdir à nouveau l’ambiance qui venait à peine de s’alléger. Et pourtant, ça ne pèse pas si lourd sur le coeur de Leo. Le manque de Serena, c’est comme un grand trou dans son bide. Mais ça ne fait plus mal, ça ne fait plus de peine. C’est juste vide. Leo a fait face à sa douleur ces derniers mois. Il peut y penser sans faire de crise d’angoisse maintenant. Sans que ça soit si dur qu’il se dise qu’il n’y arrivera plus jamais. Et pourtant il marque un petit temps de pause. Parce que c’est la première fois qu’il parle de ça à qui que ce soit.

Personne ne sait ce qui s’est passé sur cette île. On sait que Serena est morte, s’est passé dans le journal local. Mais on ne sait pas où. On ne sait pas comment, et Leo a chérit ce secret ces trois derniers mois. Parce que c’est plus simple de ne pas en parler. Et parce que ça ne regarde personne. Ce moment passé dans cette destination inconnue n’appartient qu’à eux. Jusqu’à présent, Leo n’a pas voulu le partager. Entre ses lèvres minces et entrouvertes, rien ne filtre quelques longues secondes, si ce n’est la fumée blanche qui s’envole emportée par le vent. Il fixe le château, puis la ligne d’horizon, où Serena se trouve peut-être, sans qu’il ne puisse vraiment la voir. Y a pas très longtemps, j’en ai fait un avec… sourire nostalgique, Leo tire sur sa cigarette. Sans doute ma personne préférée au monde. Il était super cool, ce château. On voulait faire une statue à l’entrée, tu vois un genre d’animal qui garderait le château. Tout revient, et leur discussion jusqu’aux petites heures de la nuit aussi, les croquis de Serena, l’odeur épicé du repas qu’ils préparaient sur le feu. Tout revient en rafale, comme une vague. La marée a emporté le château avant qu’on puisse le terminer. Qu’il conclue, sans trop en dire, parce que ça reste coincé dans sa gorge. Et il ne se rend pas compte à quel point il est à découvert, maintenant qu’il en a parlé. Y a que ses doigts qui tremblent autour de la cigarette presque terminée pour le faire deviner. Il sort de son jean son cendrier de poche et y glisse le mégot. Alors, tu vois, ça m’a fait pensé à elle de te voir faire ce château. Il lui lance une oeillade émue. Il ne pense pas à mentir, ni à cacher ce qui s’est vraiment passé, parce que depuis les quelques minutes qu’ils échangent, elle a été incroyablement sincère, et il en a désespérément besoin.
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Ninel Kida

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MessageSujet: Re: châteaux de sable (nineo)   châteaux de sable (nineo) EmptyMer 12 Déc - 15:46


Elle n’aurait peut-être pas dû poser la question. Y a un flottement vague qui passe sur le visage du blond, et même elle, elle le perçoit, ça percerait presque sa peau. Elle se sent même plus fragile d’un seul coup, comme si un cocon de sensibilité les entourait et était prêt à éclater. Une fine bulle de verre. Le temps s’y est quasiment givré. Il a mis plus de quelques secondes à répondre. Infime cinématique sur son visage. L’émotion vient de loin. Comme si elle avait été garder soigneusement au loin et qu’elle l’avait forcé à refaire surface.
Et il lui raconte, peut-être pas tout, mais déjà beaucoup. Elle entend la faiblesse de sa voix, sent l’importance du choix de ses mots comme des minéraux précieux mais d’origines lointaines installés entre ses côtes. Tout ce qu’il vient de lui dire semble important. Plus important que ces petits ressentis de fille perdue, abandonnée, désespérée par l’impasse de sa vie, et qui se sent pathétiquement mourir à petit feu. Elle ne s’y attendait pas et si elle avait cligné des yeux, elle ne l’aurait pas vu. Et elle ne sait pas quoi lui dire. Peut-être qu’elle devrait s’excuser de lui avoir rappelé ce moment, cette personne. Peut-être qu’elle peut le réconforter comme lui a probablement essayé de l’apaiser en s’asseyant à ses côtés. Mais elle n’a pas l’habitude que les choses se passent en ce sens. C’est Zyki qui la réconfortait quand elle en avait besoin. C’était rarement l’inverse. Parce qu’ils sont tous si forts au cirque… Étrangement, sous le chapiteau, les émotions à fleur de peau n’avaient leur place que sur la piste. En dehors, les égos et fiertés des générations aux moeurs ancestrales faisaient barrages, ou se confrontaient en éclats plutôt violents. Alors, tu vois, ça m’a fait pensé à elle de te voir faire ce château. Sa dernière phrase revient entre ses oreilles et même si aujourd’hui, elle est toujours perdue, elle accepte la place de funambule sur cette corde raide des émotions.

Alors elle se redresse et s’avance doucement à genoux vers lui. Juste une étreinte. Pas de mots. Ses bras autour de sa silhouette. Maigre. Mais pleine de chaleur. Instant posé comme une plume sur le sable. Elle ne compte pas les secondes, mais quand elle le relâche, c’est pour retourner vers le château avec un objectif clair. Pouvoir faire entrer l’eau salée, l’accueillir autour de la demeure qui s’élève vers le ciel. Des douves tout autour et un pont qu’elle ne sait pas trop comment faire, mais ça ira. À ce moment-là, et pour la première fois depuis longtemps maintenant -hormis quelques instants volés auprès d’Isaac, elle y croit. Je veux bien de ton animal totem à côté du mien. Comme deux gardiens. Comme un acte de paix pour apporter une conclusion au sujet des bêtes, mais aussi une ouverture pour eux deux. Un possible à explorer.
Et elle s’affaire autour du sable “sculpté”, concentrée. Mais c’est dur de se limiter à un seul animal. Je sais que j’en veux un avec ailes, mais un oiseau, un papillon, une libellule… C’est trop fragile... Elle déglutit, oublie les grains de sable sur ses mains qui glissent dans les cheveux longs qu’elle relève pour y voir plus clair. Elle veut y placer plus d’espoirs. J’veux quelque chose de plus solide. J’en ai besoin. Une chimère mais gentille. Un animal imaginaire et fantastique. Bon, à sculpter, ça va être dur. Mais on peut dessiner sinon ? Le visage qui se lève vers lui. Un pétillement qui vient de loin au fond des yeux. Sa passion pour les univers qui n’existent pas… Une façon de créer le sien quand la réalité est trop dure. Une vie de satellite qui tourne autour des gens, des choses, de la vie, peut-être cherchant un endroit où atterrir de temps à autre, mais pourtant, une échappée comme elle les a toujours aimé.

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