free pants ▹ posts envoyés : 1488 ▹ points : 14 ▹ pseudo : anne (a maze lie ; birds) ▹ crédits : ava by amor fati ; signa by old money ▹ avatar : nicole zimmermann ▹ signe particulier : des grands yeux noisette, la peau dorée et constellée de grains de beauté. puis les cernes qui se creusent à cause de ses heures qu'elle occupe trop
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| Sujet: no more war inside (ltf) Jeu 9 Aoû - 12:46 | |
| Tu vas l’appeler ? Les mains ensanglantées ne se stoppent pas, continuent leur ballet autour du corps amoché. Hey, m’ignore pas ! Tu vas l’appeler. Trop absorbée par les mécanismes à rafistoler, ça ne l’avait pas atteint la première fois. ça c’était étouffé de lui-même, peut-être aussi, parce que encore maintenant, elle ne va pas l’entendre. Alors ses grands yeux sombres balancent leurs éclairs. Encore et toujours. Tu crois que c’est le moment de parler de ça ? Il est en train de se vider de son sang. Concentre-toi et fais ton boulot pour une fois. L’irakiennen ne s’était même pas arrêtée, n’avait même pas besoin de regarder où était l’hémorragie, elle avait le doigt dessus, comme le lieutenant vient de le faire avec elle. Tu rentres dans deux jours. Déchargée sans les honneurs que tu mériterais- J’m’en fous- Me coupe pas. T’as rempli ta mission. Tu vas pouvoir profiter de ta vie. Je veux des photos de la maison du bonheur pour rager alors que je rempile pour cuir dans ce désert. Tu l’as voulu. Le reste est savamment ignoré, enfoncé dans le ventre du soldat en même temps que la compresse.
Elle laisse son accolyte refermer. Les gants claquent hors de sa peau, la lourde toile de la tente bat dans son dos. Et la chaleur cuisante du désert afghan lui tombe dessus comme un marteau. Mais elle est habituée après toutes ces années à accompagner les CST. Le service terminé, la douche tant rêvée fera l’effet d’une purification, comme à chaque fois. Elle espère même voir s’effacer la trace de brûlure qui zèbre son dos et disparaître la marque du passage de la balle sous sa clavicule. Elle vérifie à chaque fois dans le miroir, mais non. C’est toujours là. Et quand ses yeux se recentre sur son reflet, elle se dit que personne ne la reconnaîtra. Pourtant à part quelques rides au coin des yeux, son visage n’a pas tant changé que ça. Mais le reste… Ça fait tellement lontemps qu’elle n’a pas foulé le sol américain. Les visio en décalé, les mails, les appels par satellite, ça n’a pas suffit à maintenir certaines connexions, et encore moins à la maintenir elle reliée à leur réalité. Est-ce que j’ai changé ? Est-ce que ma bataille pour sauver les vivants en guerre m’a tant transformée ? Aucune réponse en face d’elle. Y a jamais eu de magie ici. Juste quelques rencontres qui laissaient flotter un peu de poudre de merveilleux. Des petites touches d’euphorie et de sensationnel. Mais rien à voir avec les souvenirs tissés sur ses années d’étude. Même encore aujourd’hui, ça lui manque.
Mais il y a des mots qu’elle ne peut plus, qu’elle ne sait plus prononcer. C’est peut-être l’âge ou le temps étiré qui a fait taire en elle ce qui lui importait à l’époque. Elle le sait maintenant que ça… que [il] comptait tout autant que d’être ici. Mais elle a fait son choix parce que lui ne le faisait pas. Le regret est là, en demi-teinte. Comme deux couleurs mélangées sur un tableau, les sentiments perdus entre eux, moins tranchés. Plus de tout ou rien. Les années l’ont peut-être finalement adoucie en grignotant ses barrières secrètes. Alors peut-être que si on la manie comme il faut, peut-être que son coeur se déliera à nouveau. Peut-être que la transparence sera enfin là pour l’aider à assumer… Peut-être. Pas de suppositions. Pas de voeux. Juste une flamme au coin de l’âme qui s’réveille à nouveau. Il est toujours temps. Surtout si un océan et de multiples déserts pour la séparer de sa maison n’ont pas suffit à réduire en sable ses émotions.
La bière terriblement dégueulasse et les mauvaises blagues des militaires stationnés avec eux vont lui manquer c’est sûr. La solidarité et la sécurité aussi. Étrangement, même dans un pays encore ravagé par la guerre, ici, au milieu d’eux, elle n’a pas peur. Rien ne l’effraie après les horreurs qu’elle a vues. Mais revenir au pays, c’est moins sûr. Les bagages seront lourds, déjà fracassés et fracassants. Mais ça ira. Pas même le soleil ardent de midi ne l’arrêtera. Elle ne se laissera plus piéger par sa fierté qui l’a toujours poussée dans cette solitude redoutée. Ça ira. Pas même l’alerte général qui retentit à l’instant dans le camp pour signaler une attaque proche. C’est juste un accroc dans le temps après vingt ans. Donc oui je vais l'appeler.
- Spoiler:
| CNN @CNN #Afghanistan. Another attack to lament against the Americans. The Shorab military base has been heavily bombed. No survivors. No group claimed the attack for now.
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CREDIT >CHAUSSETTE
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