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 cacophonie. (mariel)

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Mads Levy

Mads Levy
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MessageSujet: cacophonie. (mariel)   cacophonie. (mariel) EmptyMer 31 Oct - 9:11

Encore une nuit passée au bureau, éveillée. A fuir le sommeil et les mauvais rêves qui vont avec. Rythme décalé, par simple prévention. Parce qu'elle dort mieux la journée, parce qu'elle a moins peur quand elle veille dans l'obscurité. Illusion d'un contrôle qui n'existe que dans sa tête. Si le danger survient, endormie ou non, ça ne changera rien. Mais elle se persuade du contraire, pour se rassurer. Pour tenir le coup. Et généralement, après une nuit passée à travailler, à plancher sur les livres de comptes, à gérer les quelques junkies énervés et prostituées bruyantes, elle est exténuée. Alors quand elle rejoint son lit au petit matin, elle s'effondre complètement et s'endort rapidement. Ça lui évite de cogiter. Ça lui évite de penser à Nash. De se repasser en boucle dans sa tête l'enterrement. Ça lui évite de pleurer. Ça lui évite de penser qu'elle s'est isolée de ses proches, sans savoir quand ça s'arrêtera. Peut-être que ça n'arrêtera jamais. Peut-être qu'il est déjà trop tard pour ramasser les morceaux de sa relation avec Lena. Peut-être que Sid va être soulagé par son absence, se rendre à quel point la vie est plus simple quand elle n'est pas dans les parages. Et qu'il ne voudra plus qu'elle revienne, pris d'un sursaut de conscience. Bien décidé à se délester d'elle. Toutes ces pensées accablantes lui flinguent l'esprit. Alors elle tente d'occuper ses nuits et ses journées autant que possible. De sauver le motel qui est lamentablement en train de couler et qu'elle ne sait plus comment sauver.

   Le jour se lève et la tire de la paperasse, les yeux gonflés par la fatigue. Elle soupire, s'étire et range le tout, le dos et la nuque douloureux à cause des heures passées penché sur le bureau. Elle quitte la pièce et va frapper à la chambre de sa mère, comme tous les matins, pour l'aider à se lever et se préparer un peu. Depuis qu'elle peut se déplacer en fauteuil, Daja tente à nouveau de travailler un peu pour soulager sa fille. Pour s'occuper aussi. Pour tenir le coup. Mais ce matin, rien ne va. La douleur est terrible, son corps est épuisé. Mads s'occupe de lui donner ses médicaments, tente de la soulager comme elle peut, reste avec elle un moment, jusqu'à ce qu'elle se calme et finisse par s'endormir. Le cœur de Mads qui dépérit un peu plus chaque jour, qui s'assèche devant la détresse de sa mère. Son état qui joue au yoyo, donnant parfois de l'espoir, et d'autre fois tout n'est plus qu'un long calvaire sans fin. Elle quitte la chambre, le teint un peu pâle à cause de ses émotions en vrac et de sa fatigue. En allant chercher Ariel dans sa chambre, elle le croise finalement en cours de route. Nerveuse, impatiente, elle l'intercepte sans lui laisser le temps d'en placer une, la voix sèche et autoritaire. — Ariel, je vais me coucher, va falloir que tu gères tout jusqu'à ce que je me lève aujourd'hui. N'oublie pas de prendre le téléphone avec toi quand tu fais les chambres et une fois terminé, reste au bureau, on doit avoir quelques arrivées dans la journée en principe. Pas une politesse, pas un regard gentil, Mads n'est pas d'humeur. La crise de sa mère a terminé de ronger son moral déjà au plus bas. Elle le contourne et s'échappe sans attendre, une main sur son front alors qu'un début de migraine pointe le bout de son nez.

   Voilà deux heures qu'elle tourne en rond dans son lit, à somnoler à moitié, sans parvenir à trouver le sommeil malgré l'épuisement. Mais elle s'inquiète pour sa mère et ça tourne en boucle dans sa tête. Elle finit par attraper son téléphone, vérifie si elle n'a pas reçu un nouveau message, quelque chose. Mais rien. Il reste désespérément silencieux. Et elle peine à dissimuler sa déception. Sidney lui manque terriblement. Elle a besoin de lui plus que jamais. Elle vient poser ses mains sur son visage alors qu'elle sent les larmes monter. Elle inspire profondément et souffle longuement, réitère plusieurs fois jusqu'à ce que ses yeux se vident. Elle renifle un peu et finit par se lever. Elle prend une aspirine et décide de redescendre dans la chambre de sa mère pour aller dormir avec elle. Elle fait un petit détour par le bureau pour voir si Ariel s'en sort et à sa grande surprise, le gosse n'est pas là. Elle n'a pourtant pas vu le charriot de ménage en venant, signe qu'il aurait pu encore être en train de faire les chambres. Le téléphone est bien en place qui plus est. Elle fronce les sourcils et part à sa recherche. Jusqu'à se rendre à l'évidence : il n'est pas là. La colère éclate subitement. Ses muscles qui se bandent, ses lèvres qui se pincent. — Putain, le p'tit con. La sensation d'être prise pour une conne lui brûle la poitrine et la révolte. Elle passe voir sa mère malgré tout et cette dernière dort tranquillement. Elle retourne ensuite se poser au bureau, pour gérer l'accueil pendant l'absence du garçon. Prête à l'accueillir comme il se doit.

   Et c'est seulement plus d'une heure après qu'il revient enfin. Assise sur la chaise à roulettes, elle pivote dans sa direction quand il passe la porte. Le regard noir, les bras croisés sur la poitrine. Sa colère est démesurée et le gosse n'y peut rien. Mads a les nerfs à vif et c'est malheureusement sur lui que tout va retomber. — Tu t'fous de ma gueule c'est ça ? Elle lance les hostilités, la voix froide et agressive. Elle finit par se lever dans un mouvement brusque et s'approche un peu de lui, le visage braqué, les traits tirés. — Tu t'crois où en fait ? J'suis pas une putain d'oeuvre de charité Ariel ! On a un deal. Elle n'a pas le temps ni la force de gérer ce genre de choses. Ariel est censé être un soutien au motel, elle est censée pouvoir s'appuyer sur lui. Il ne doit pas représenter pour elle une nouvelle source d'énervement. — J'te demande UN truc, c'est de rester au motel et toi tu trouves le moyen de te barrer ? Elle se dresse devant lui, hargneuse. Elle revient croiser ses bras, se faisant intransigeante. — Si j'peux pas compter sur toi, j'vois pas pourquoi j'vous garderais au motel toi et ta mère. Les mots qui dépassent ses pensées, la menace qui tombe injustement. Elle serait en réalité bien incapable de les mettre à la rue, Mads a trop de cœur malgré les apparences garces qu'elle peut se donner. Mais son état émotionnel actuel est tellement bancal que les mots sortent sans retenue, sans qu'elle n'y ait pensé avant. Elle ne réfléchit plus, elle se contente de réagir, comme un animal agonisant qui tenterait de montrer les crocs à tout ceux qui s'approchent pour se protéger. Pour les leurrer sur son agonie pitoyable.
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