❝ Et dans la ville dans la rue et dans la nuit.
Et même si tu flanches, j'te pète les hanches, j’explose mes phalanges sur ta gueule d'ange.
J'appelle les sirènes ces putes qui vendent ton âme pour un reuil.
Et toi t'es où?
Pour te sauver.  ❞

Quand Aloïs perd l'équilibre, personne ne sait ce qu'il se passe. Les sourcils s'arquent sur des expressions interloquées. Leur belle sirène, à tous, ne semble plus savoir comment fluidifier ses pas, comment harmoniser son corps en rythme avec la musique qu'elle connaît pourtant d'habitude sur le bout des doigts. A l'instant, elle se déhanchait encore parfaitement avec acuité, détaillait l'ondulation de ses courbes en faisant preuve de sensualité. Et puis, la chute. Physiquement, elle se retrouve désynchronisée des autres danseuses, manquant de vaciller jusqu'au sol. Mentalement, son cœur s'est arrêté de battre. Par amour pour son métier et pour ce club, Aloïs s'inflige la torture de finir sa chorégraphie. Malgré lui. Elle bâcle ses mouvements, sabote toute l'élégance et le raffinement que demande cette danse. A la fin de la musique, elle est la première à fuir dans les coulisses. Dans sa tête, un putain de bordel. Seuls certains mots réussissent à intercepter son cerveau cassé, ceux des filles qui lui demande si ça va. Les larmes qui lui montent aux yeux, la blonde s'excuse quand elle leur annonce qu'elle ne terminera pas la soirée avec elles. Elle n'en sera pas capable. La vision troublée par l'eau salée qui s'accroche amèrement à son regard, Aloïs se rhabille, les doigts tremblants, animant néanmoins ses gestes avec énergie. Elle veut se casser. Mais comment oserait-elle lui passer à côté ? Ismaël.
Ayant rassemblé ses affaires, son sac michael kors dans les bras, elle décide d'aller fumer une clope pour se calmer, à défaut d'avoir le temps de rouler autre chose avant d'exploser. Quand elle emprunte la porte de la sortie, elle tombe sur lui, en sens inverse. Sa sale gueule, ses yeux sombres, son air d'âme-sœur. Aloïs, elle ne réfléchit pas, sa rage l'emporte, creusée au bout des ongles. Elle le repousse, hargneusement, les yeux qui pleurent du sang. « Qu'est-ce-qu'tu fous là bordel ? » crie-t-elle, la fureur dans les mots. Elle continue de le pousser, l'emmenant dehors, lui donnant un dernier coup plein d'agressivité pour l'expulser le plus loin possible. Mais Ismaël, il est toujours là. Tenu debout face à elle. Comme un rêve. Comme s'ils ne se diraient finalement jamais Adieu.

c’était une conversation des plus banales, des mecs trop sûrs d’eux se racontent leurs derniers exploits. leurs dernières trouvailles. et ils étaient deux à décrire la même fille, une blonde, trop élégante au regard ensorcelant. une vraie bouche de salope qu’ils terminaient leurs phrases pour ne pas paraître trop sous le charme. alice... louise... non. aloïs !
c’était une conversation des plus banales, et pourtant t’as poussé les portes du stripclub, vêtue d’un polo blanc et d’un jean sombre. t’as posé ton cul sur une banquette et t’as commandé un double whisky. et maintenant, tu attends comme tout les autres. c’est la première fois que tu mets les pieds ici, t’as jamais voulu suivre les autres gars, tu as jamais compris l’intérêt de regarder des filles se foutre à poil sans avoir le droit d’y goûter. mais aujourd’hui c’est particulier. tu veux la voir, en chaire et en os, tu veux en avoir le coeur net. et quand elles apparaissent, il n’y a plus aucun doute. les années ont passé, le corps a changé mais les yeux sont les mêmes.
t’as le coeur qui rate un battement. les sourcils qui se froncent quand tu la regardes se déhancher, et quand les types sifflent pour en quémander davantage. puis son regard croise le tiens, un sourire malveillant étire tes lèvres. tu t’accoudes à la table, tu ne la lâches pas du regard -tu n’y arriverai pas- tu apprécies le spectacle à contre coeur. tu pestes quand il se termine, quand les femmes vont en coulisse. tu avales ton verre cul sec. tu te lèves, tu retournes vers le bar pour demander après elle. on t’explique qu’elle bosse toute la nuit, qu’il faudra attendre et qu’il faudra allonger les billets. un autre verre pour patienter.
tu perds patience.
tu cherches la sortie, puis tu te ravises.
se sont ses mains contre ton torse, son regard haineux qui percute le tiens. et tu ricanes quand elle hurle, tu ricanes quand elle te pousse. tu te laisses faire jusqu’à ce que l’air frais caresse ton visage. une énième tentative de sa part, mais tu deviens un mur froid. tu ne bouges pas. tu la regardes de toute ta hauteur.
je venais voir si les rumeurs disaient vrai.
t’arques un sourcil, tes yeux émeraude dans les siens. ta mâchoire se contracte nerveusement.
j’pensais que t’étais morte dans une ruelle, égorgée comme un animal par un de tes batards c’était la seule explication à cet abandon. qu’elle se soit tiré pour un autre mec. c’était la seule explication pour ton ego.
mais apparement tu préfères jouer les chiennes pour des pauvres types en rut.
craches-tu d’un air écœuré.
parce que t’as encore les marques de ses ongles sur la peau. et la brûlure se ravive à son contact.