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 muselière.

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JJ O'Reilly

JJ O'Reilly
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MessageSujet: muselière.    muselière.  EmptySam 10 Mar - 15:35

J'suis livide. Et ça contraste vachement avec ma tenue. Ce putain de orange dégueulasse que je ne pensais pas porter une seule fois dans ma vie. Assis là où on m'a dit de m'asseoir, les mains menottées devant moi, je ne dis rien. J'attends. J'ai jamais eu peur de ma vie ; jamais. Mais aujourd'hui, je suis terrifié. Comme un petit garçon qui attendrait que les grands de la cours de récrée décident comment ils allaient me manger. J'ai les doigts figés sur mes cuisses, les mains blanches, les yeux cernés. Les lumières m'agressent et les gens présents m'agacent. Pourtant, je n'ai ni envie de hurler, ni d'exploser. Je me sens vide. Complètement flippé de ce qui m'attends. Tous ces gens bien comme il faut, bien habillés, qui sont en train de décidés d'à quel point ils vont flinguer mon avenir. Je n'écoute même pas, complètement largué, complètement ailleurs. Déphasé. Je tourne lentement la tête, pour zieuter l'assistance. A la recherche d'un visage familier, d'un regard de soutien. Mais y a personne. Bien sûr que y a personne, j'ai refusé de prévenir qui que ce soit. J'ai hésité pourtant, à appeler Daire. Mais j'avais trop honte. Et dans l'audience, y a que des gens qui n'en ont rien à foutre d'être là. Rien à foutre de moi. On est tous ici pour moi, c'est moi le roi ici. Je suis le sujet du jour. Et malgré tout, tout le monde s'en contre-fous. Je baisse les yeux et remets ma tête dans son axe initiale, dévasté par cette réalité criante. J'ai passé ma vie à gesticuler et hurler pour me faire remarquer. Et ce n'est qu'un putain d'échec. Je ne suis finalement qu'un dossier parmi tant d'autres, qu'on traite rapidement parce qu'il n'est pas important, ni différent des mille autres qu'ils voient passer à l'année. Je me sentais spécial alors que je suis terriblement banal. Le procès s'éternise, on me demande parfois de parler mais j'ai du mal, je n'en mène pas large. Je ne fais que réciter le texte que mon avocat m'a fait répéter une centaine de fois avant aujourd'hui, pour essayer de minimiser mon cas. Que je n'envenime pas ma situation. Le procès s'arrête le temps des délibérations, il me dit qu'il est confiant, que l'auditoire à a été touché par mon histoire. Celle du pauvre gosse abandonné, sa vie qui a mal tournée et lui qui n'a pas réussi à s'en relever. Je secoue la tête de gauche à droite, dépité. Il dit ça comme si ce n'était qu'un habile mensonge qu'il avait su raconter pour attendrir les gens. Et ça me tue. Parce que c'est vrai, il ne sait pas à quel point ça peut être vrai. A quel point tout avait si bien commencé avant de dégringoler. Je le déteste, mais je ne dis rien. Je ne le regarde même pas, je m'en fous. Je suis complètement coupé de la réalité, hors du temps. On finit par retourner dans la salle. Silence. Et le couperet tombe.

   — .... Cinq mois fermes et six avec sursis...

   Je n'entends que ça et j'ai envie de chialer. A côté de moi, mon avocat semble ravie, comme s'il avait gagné. Putain. L'enfoiré. Je vais me retrouver cinq mois derrière les barreaux et il est content ? J'ai vraiment envie de chialer. Je me retiens, les yeux rouges, je continue de fixer le sol, le regard vide. Ça finit par s'agiter autour de moi, je sens des mains qui me soulèvent et je suis le mouvement sans la moindre opposition. Je ne regarde personne, je me sens sale et honteux. On me fait quitter la salle et je n'ai plus aucune notion du temps. Aucune idée du temps qui s'est écoulé avant qu'on me fasse monter dans ce putain de bus. Dedans, y a d'autres gars en orange. Je m'assois sur une banquette libre, contre la fenêtre, je n'ai toujours pas dit un mot. Le bus démarre et on s'en va. Je pose ma tête contre la vitre qui vibre. Je ne suis pas en colère. Je ne suis pas triste. Je ne suis pas indigné. Je suis vidé de toutes ces émotions bordéliques et violentes que je ressens d'habitude. Là, y a une sorte de néant glacé dans ma poitrine. Je suis purement et simplement mort de peur.
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JJ O'Reilly

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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyDim 11 Mar - 14:18

Jemmy ? Je peux vous appeler Jemmy ?
Non, c'est JJ.

Pas Jemmy, plus jamais. Je le fusille du regard, agacé, les bras croisés contre ma poitrine, vautré n'importe comment sur ma chaise. Il hoche la tête, pour me signifier qu'il a compris. Je suis sûr qu'il s'en fout, que c'était un test. D'ailleurs, il note un truc sur son cahier. Il m'énerve quand il fait ça. J'ai envie de me lever, de lui voler cette foutue merde et de tout lire. Avant d'y foutre le feu. — On ne vous pas encore entendu depuis que vous êtes arrivé. Vous voulez rebondir sur ce que viens de nous dire Jake ? Je soupire bruyamment, insolent et laisse tomber ma tête en arrière, les yeux rivés vers le plafond décoloré. — Non. Autour de moi, quelques ricanements, certains amusés, d'autres révoltés. Y a des soupirs aussi et des chuchotements. — Très bien. Il n'insiste pas, tant mieux. Je reste dans cette position jusqu'à la fin de la séance, refusant catégoriquement de participer à cette merde. Groupe de parole, mon cul. Et je maudis mon avocat d'avoir accepté cette condition pour réduire un peu ma peine. Je n'ai ni envie de parler, ni envie d'écouter.

L'heure passe, ça se termine enfin, tout le monde se lève pour s'en aller. Je fais de même, pressé, jusqu'à me faire interpeller. Putain, j'y étais presque, la porte n'était plus qu'à deux mètres. — JJ ? On peut se voir ? Je m'arrête sans me retourner, inspire longuement, les narines dilatées par la colère sous-jacente. Je déglutis et expire, pour m'obliger à me calmer. Je me retourne et écarte les bras avant de les laisser retomber bruyamment contre mes cuisses. — Est-ce que j'ai l'choix ? Ça le fait sourire. Enculé. Il m'incite à le suivre et passe devant. Je déambule derrière lui, on remonte quelques couloirs, jusqu'à se retrouver dans un petit bureau ; le sien. Il me fait signe de m'asseoir sur une chaise et fait le tour du bureau pour regagner sa place. Il doit être fier de lui ce con. Il est du bon côté du bureau. Avec sa plaque de merde sur sa porte de merde. Psychologue de merde. Je croise à nouveau les bras, hermétique à toute discussion. Il me fixe quelques secondes, avec sa fausse tête de gentil.

Ça va mieux vos blessures ?
Mieux ? Ça a toujours été.

Que je corrige. Je voudrais pas qu'il se mette à croire que je suis un genre de tapette qui chouine parce qu'on lui a tapé dessus. On m'a tapé dessus déjà tellement de fois depuis que j'suis petit que je ne suis même pas certain de savoir compter jusque-là. Il hoche la tête en souriant, il a l'air amusé. Il se fout de ma gueule cet enfoiré ?

Vous arrivez à vous acclimater ? Vous avez sympathisé avec d'autres détenus ?
Qu'est-ce que vous voulez ?

Je l'interrompt dans ses questions bidons, j'ai pas de temps à perdre. Et je n'ai pas envie de répondre. Pas envie de lui dire que non, je ne m'acclimate pas du tout. Que je n'arrive pas à dormir. Et qu'en plus, la bouffe est dégueu. Que j'ai envie de fumer et de boire, je suis clairement en manque. J'ai envie de sortir, de zoner, d'aller dans un bar, de dormir dans mon plumard. J'ai envie de rentrer chez moi, de revoir les miens. Même Samih putain. Qu'ici rien ne va. Que je suis comme un fauve en cage, je tourne en rond, je cogite, je deviens taré. Que je ne vais pas tenir cinq mois dans cet état. Pas envie de lui dire que je ne me suis lié à personne, parce que je fais chier tout le monde. Parce qu'on ne me prend pas au sérieux ou parce que j'exaspère. Pas envie de lui dire que le cauchemar c'est pas d'être en prison. Non, c'est d'être tout seul. J'ai pas envie de lui dire, alors je dirais rien. Il me fixe un long moment, silencieux. Il me jauge. Il m'énerve. Je le fusille du regard. Il attrape un dossier dans une pile et le fait légèrement claquer sur son bureau, captant toute mon attention. Il pose ses doigts dessus et me regarde.


Vous savez ce que c'est ?
Non.
C'est votre dossier, on a eu du mal à le récupérer. Le psychiatre qui s'occupait de vous est mort, j'imagine que vous le saviez ?

Je blêmis. De quoi il parle exactement ? Quel psychiatre ? J'ai jamais vu un seul psy de ma vie. Enfin si, quand j'étais petit à l'orphelinat. C'est de ça dont il parle ? Il fronce les sourcils, il n'a pas l'air de comprendre ma réaction. Il ouvre le dossier et le parcours, faisant glisser son doigt sur le papier avant de l'arrêter. — Monsieur... Jedediah Innocente. C'est quoi cette merde ? Je me contracte sur ma chaise, mes poings qui se ferment, le souffle qui s'accélère. — C'était pas mon psy. Il n'a pas l'air convaincu et moi, je ne comprends plus rien. Pourquoi Jed avait un dossier sur moi ? C'est quoi cette merde ? Je panique un peu, le cœur qui déraille. — Pourquoi a-t-il votre dossier alors ? J'ai envie de hurler, de tout péter dans son bureau. De lui dire que j'en sais rien, que je me suis fait avoir - encore une fois. De lui dire que Jed est une ordure et que je suis bien content qu'il soit mort finalement. Mais je ne dis rien. Je reste stoïque, pas décidé à répondre quoi que ce soit. Il finit par le comprendre et se remet en mouvement, il doit me prendre pour un idiot. Ou croire que j'essaye de le prendre pour un con. J'imagine que y a du vrai dans les deux.

Je vous ai observé depuis votre arrivée. Je pense qu'il va falloir qu'on discute de certaines choses. J'ai lu le diagnostic du Dr Innocente et je pense qu'il a raison. Mais j'aimerais me faire ma propre opinion là-dessus, apprendre à vous connaître. Qu'est-ce que vous en dites ?
Le quoi ?

C'est tout ce que je trouve à répondre, complètement dépassé. Ça se voit, je le sais. J'ai mon air de gamin perdu. L'inquiétude et les questions qui dansent au fond de mes yeux clairs. Mes mains qui sont venues s'agripper au tissu de mon uniforme. J'ai l'impression d'être en plein cauchemar.

Le diagnostic JJ. Il ne vous a rien dit ?
Ce.n'était.pas.mon.psy.

Que je grogne tout bas, commençant à sérieusement perdre patience. Il me toise, fait tourner son stylo entre ses doigts avant de finalement se pencher pour venir écrire quelque chose.

D'accord, on reviendra sur cette affirmation un peu plus tard.
Arrêtez d'écrire !

Le cri est sorti tout seul, il sursaute et s'interrompt, sourcils froncés, il me dévisage. Je me suis penché en avant, près à me lever, près à lui bondir dessus, à sortir les crocs pour le bouffer. Le souffle court, je suis devenu rouge d'un seul coup, veines apparentes au niveau des tempes. Il relâche le stylo et se laisse tomber en arrière dans son fauteuil.

Pourquoi ça vous dérange ?
Ça vous ferait pas chier vous de voir quelqu'un passer son temps à écrire des choses sur vous, sans que vous sachiez c'que c'est ?
Je comprends. Mais c'est important que je note certaines choses.
Alors dites moi ce que vous écrivez.
Il rigole doucement.
Non, ça ne marche pas comme ça.
Alors t'écris pas.

Il se tait et m'observe encore longuement avant de finalement revenir près de son bureau et... putain le con il écrit quelque chose. Je me lève brusquement et viens cogner mon poing sur le bois.

PUTAIN J'VIENS D'TE DIRE QUOI ?!
Asseyez-vous JJ.
Me dis pas d'm'asseoir putain.

Il relève la tête vers moi, il a l'air de n'en avoir rien à foutre de ma colère. Alors que moi, je me contrôle pour ne pas attraper sa gorge et la serrer. Jusqu'à ce qu'il s'excuse d'être aussi con et qu'il me laisse lire tout ce qu'il écrit. Tranquillement, il me demande.

Vous ne voulez pas connaître le diagnostic du Dr Innocente ?
Je... si.
Je crois, je sais pas.
Alors asseyez-vous.

La colère retombe lentement, on se défie du regard encore un moment et je finis par obtempérer. Me laissant bruyamment retomber dans ma chaise. Automatiquement je recroise les bras, défense minable mais je n'ai que ça. Il prend le temps de relire quelques trucs avant de poser ses avant-bras sur le bureau, il entremêle ses doigts et me fixe.

Est-ce que vous savez ce qu'est un trouble de la personnalité ?
J'sais pas.. C'est.. C'est les fous ? Des trucs comme ça.
Il sourit.
Pas exactement.
Je ne dis rien, j'appréhende en silence la suite. Qu'est-ce qu'il essaye de me dire ?
C'est quand un individu a des comportements inadaptés à la société dans laquelle il vit. Ce qui implique pour lui de grosses difficultés à s'intégrer, c'est de l'ordre du trouble cognitif. La perso-
Abrège. J'ai quoi ?

Il marque une pause, visiblement contrarié d'avoir été coupé dans son explication. Ouais, ben je l'aime pas son explication. Et en plus, je comprends rien. Je ne sais même pas ce que c'est un trouble cognitif. J'ai jamais entendu ce putain de mot avant aujourd'hui. Il fait durer le suspens et ça me gonfle. Alors abrège et achève-moi qu'on en parle plus.

Selon votre ancien psychiatre, vous avez ce qu'on appelle un trouble de la personnalité antisociale.
Ce qui veut dire ?

Je deviens nerveux. Je tape du pied de façon frénétique, le cœur battant. J'ai toujours eu peur que ce moment arrive. J'ai toujours été terrifié à l'idée d'être malade. Est-ce que c'est grave ? Est-ce que je vais finir en asile ? Est-ce que je peux guérir ?

Ce trouble est assez caractéristique et reconnaissable.
Il se met à énumérer une liste de choses, en les comptant sur ses doigts au fur et à mesure qu'il les dit.
Incapacité à se conformer aux normes, légales et morales. Mensonges répétés pour tirer profit de certaines choses, situations. Comportement impulsif et imprévisible. Attitude agressive et violente, tendance  à être irascible et à se battre souvent. Pas de notion du danger ni de la sécurité, pour soi et autrui. Irresponsabilité répétée, incapacité à assumer ses actes et ses choix. Absence de remords et tendance à se justifier pour excuser un acte criminel.

VLAN.
Je me décompose.
Il continue de parler mais je n'écoute plus. Je suis loin, trop loin. Perdu dans un bordel sans nom. Et brusquement, je me lève, j'attrape la chaise sur laquelle j'étais assis et je la balance à travers la pièce dans un excès de rage, le tout accompagné d'un hurlement grave. Sans perdre une seconde de plus je quitte le bureau, les nerfs à vifs, le cerveau qui crame. Je monte le couloir, ignorant ses cris alors qu'il m'appelle, hurle mon prénom encore et encore. Ta gueule putain. Ta gueule.

TA GUEULE !

Je ne me retourne même pas et fonce en direction de ma cellule, sans me préoccuper de savoir s'il me court toujours après. Lui ou un quelconque maton. J'veux plus le voir. J'veux plus qu'il me parle. Foutez-moi la paix putain, foutez-moi la paix. J'suis pas fou, j'suis pas taré, j'suis pas malade. Je.ne.suis.pas.malade.

Jedediah, sale enculé.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyLun 12 Mar - 20:06

J'écrase ma bouffe avec ma fourchette, nerveux. J'ai un nœud dans l'estomac, pas envie de manger. J'ai encore gerbé ce matin, le manque je crois. Envie de boire, ça devient terrible. Sans parler de la nicotine qui s'ajoute à tout ça. Je souffle bruyamment, à plusieurs reprises, les idées qui cogitent et qui s'entrechoquent les unes contre les autres. On est trois sur une table de six, mais je suis tout seul au bout. Les deux autres se font face, le plus loin possible de moi. Ils discutent. J'suis invisible. Je me mets à rire, les yeux toujours fixés sur les légumes que j'ai transformés en purée à force de les maltraiter. Je pose mon front dans le creux de ma paume, coude à l'appui sur la table dégueulasse. Je ris de plus en plus fort, ça se propage dans toute la salle et laisse le silence des autres sur son sillage. Bientôt tous les regards sont braqués sur moi. Ouais, regardez-moi. J'existe putain, regardez-moi. Je me redresse et prend une grande inspiration sans quitter mon plateau du regard. Et d'un coup, je me lève, l'attrape et grimpe sur la table avant de l'envoyer à travers la salle. Il s'éclate trois tables plus loin et aussitôt ça se met à gueuler. Un mec se lève et s'approche de moi, je m'en fous. J'écarte les bras, toujours perché sur ma table, je l'accueille avec un sourire déraisonnable, la folie qui danse en arrière plan de mes rétines. — C'est pas d'ma faute mec ! J'suis malade. J'éclate de rire, je vrille. Je pivote et traverse la table, je shoot dans les plateaux des deux enfoirés qui ont pris grand soin de m'ignorer jusque-là. Je continue de hurler. — OUPS ! Pas d'ma faute, j'suis malade j'sais pas c'que j'fais ! Et je ris, je ris, à m'en faire péter la trachée. Je ris pour m'empêcher de hurler comme une bête qu'on serait en train de saigner. L'air saturé dans le réfectoire devient électrique, ça s'échauffe, je vois déjà les gardiens qui accourent. Je pousse le vice encore plus loin. Mon pied que je décroche dans la mâchoire d'un des deux gars, choix hasardeux. Pas d'chance connard. L'instant d'après, je sens quelqu'un qui balaie mes jambes, je perds l'équilibre, je bascule et m'écroule. Ma tête qui heurte la table et mon corps qui roule par terre. Je ris toujours, insatiable. Je me fais attraper par des mains costaudes et ce sont les gardiens qui me soulèvent tout en éloignant les autres. Ça hurle sur moi, ça me pointe du doigt, ça veut me cogner. Et moi je souris, je hausse les épaules et le disque rayé qui répète toujours la même chose. — J'y peux rien les gars, j'suis malade. Y en a un qui me crache dessus. Putain. Putain, putain, putain. J'arrête de me laisser trainer, je bondis, tente de foncer sur lui, mais les gardiens me tiennent fermement et tirent plus fort pour m'obliger à reculer. — FILS DE PUTE ! VIENS, MAIS VIENS ! Il essaye, se fait interpeller par deux autres gardiens venus en renfort. On me sort du réfectoire, le calme glacé du couloir me saisit. Non putain, laissez-moi y retourner. Balancez-moi dans la fosse, dans le bruit, laissez-moi mon heure de gloire, mon éclat. — Tu m'fatigues O'Reilly, tu vas finir au trou pour quelques jours si ça continue. L'isolement. Je ris tout bas, désespéré. C'est pas les autres l'enfer. Non. C'est la solitude. Celui qui a dit ça ne s'est jamais retrouvé tout seul, confronté à lui-même et à tout ce qui y a de plus laid en lui.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyMer 21 Mar - 9:03

Avachis sur la chaise de la salle de télévision, je fixe l'écran sans y prêter la moindre attention pour autant. Une jambe étendue devant moi, l'autre repliée sous la chaise, les bras qui trainent le long de mes cuisses, je n'écoute pas l'émission que les autres détenus regardent. Je n'arrive pas à me concentrer dessus. Parce que y a ses foutus regards braqués sur moi, les mêmes depuis une semaine. Je serre les dents, un peu contrarié. Je finis par tourner la tête vers la bande, aucun ne cille. On se toise pendant un moment, moi énervé, eux étrangement calmes. Ils sont cinq et m'observent avec insistance, sans la moindre gêne. Je fronce les sourcils, les défie du regard : vous voulez quoi putain ? Aucune réaction. Je ferme les yeux et inspire un grand coup. Ils me gonflent putain, ils me gonflent tous. Avec leurs crânes rasés et leurs tatouages, ils se prennent pour les rois de la prison. Peut-être bien que c'est ce qu'ils sont en effet. Les rois. J'en ai déjà vu fumer, d'autre avec des portables. Personne ne leur dit jamais rien. Personne ne les emmerde jamais. Tant mieux pour eux, rien à foutre. Je me lève brusquement, la chaise qui tombe sous mon impulsion, cris de protestation, les gens qui me regardent en râlant. Je m'en fous. Je quitte la pièce sans la ramasser et décide d'aller dehors pendant que c'est encore l'heure. Prendre l'air, ça me fera du bien. Ça atténue cette sensation d'être enfermé, piégé, coincé. Je me pose sur un banc libre, le pied qui tapote nerveusement le sol. Mon regard qui balaye la cour. Putain. Y en a d'autres un peu plus loin, avec leur chef je crois. Et ça y est, ils m'ont repéré. Ils se mettent tous à me fixer. Je vais devenir dingue. Sans déconner. Je me mets à rire nerveusement, au bord du craquage. Je tiens encore dix secondes avant de céder. Je me lève et m'avance vers eux, les bras écartés, la provocation qui brille au fond des yeux. — Vous voulez quoi putain ? Hein ?! Mouvement de la tête dans leur direction, les muscles bandés, je m'arrête à leur hauteur, les regards tour à tour. J'en vois deux trois qui sourient, les autres restent stoïques. Mais personne ne me répond. — VOUS VOULEZ QUOI ? Que je hurle, attirant encore l'attention sur moi. J'ai l'impression d'être la bête de foire qui divertie tous les autres chaque jour. Un des mecs se lève, et je me dis enfin, enfin une réaction. Mais leur chef, qui lui reste assit, place son bras devant le mec et aussitôt le gars se rassoit. Et dans son regard, je peux voir la même frustration que moi. — Putain mais vous êtes handicapés ou quoi ? PARLE PUTAIN ! Mes bras qui s'agitent dans le vide. Toujours rien en face, à peine quelques rires discrets. Je serre les poings, les nerfs à vif. — Franchement, lâchez-moi, parce que je vais péter un plomb avec vos conneries. Bouffons. Je pivote, balance mon majeur dans leur direction et je me tire, décidant finalement de retourner me cloitrer dans ma cellule, comme je fais souvent. Pas foutu de m'intégrer, de me lier. La solitude que je traine comme un boulet à ma cheville. Les plombs qui sautent les uns après les autres. J'ai l'impression que le compte à rebours vers la folie sans retour a commencé.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyMer 21 Mar - 11:05

O'Reilly ! Debout, ça fait trois jours.

Trois. jours.
Seulement trois jours et pourtant j'ai l'impression que c'est l'éternité qui vient de s'écouler. J'ai l'impression d'avoir vieilli de mille ans au moins. Trois putain de jours à l'isolement, pour avoir créé une bagarre générale - encore. Celle de trop. Celle qu'on a pas voulu me laisser passer sans me punir. Le psy est venu, il a voulu discuter avec moi. J'ai pas voulu de lui. J'ai pas non plus voulu des plateaux repas. Je voulais juste sortir d'ici. J'ai déraillé sévère. J'ai parlé tout seul, j'ai cogné les murs, j'ai hurlé contre la porte pour qu'on m'entende. Mais il ne s'est rien passé. Trois putain de jours à cogiter, à trop penser. Tellement que ça a fini en burn out. Y a comme un grand blanc éblouissant dans ma tête, pas un bruit, juste une sorte de sifflement en arrière plan. Je laisse le maton m'empoigner et me tirer de là. Les bruits de la prison qui subitement raisonnent comme une douce mélodie à mon oreille. La foule qui s'intensifie au fur et à mesure qu'on rejoint les autres, et je me sens respirer à nouveau. Comme si on me sortait d'une longue apnée. J'suis blafard, les yeux cernés. Je passe devant la salle commune, les rasés sont là. Ils s'agitent quand je passe, j'en vois qui tapent l'épaule de leur chef pour qu'il se retourne. Nos regards qui se croisent, il fronce les sourcils et je ne comprends pas. Je ne réagis même pas, laisse les gardiens m'amener là où ils veulent. J'suis fatigué, éreinté. Je veux dormir au milieu du bruit, sentir la fourmilière qui grouille autour de moi. Je veux que quelqu'un me parle.


Le maton me laisse devant les douches et me colle une serviette sur le torse. Je l'attrape négligemment et me mets à la fin de la queue, je suis le dernier. Les minutes qui s'écoulent lentement, j'ai la tête ailleurs. Mon esprit a pris l'habitude de se dégager de la réalité pour aller se perdre dans les dédales de mon inconscient. Je m'imagine ailleurs, je pense à tout, à rien. Mélange de vide et de trop plein. J'oscille entre état léthargique, comme absent, et euphorie violente. Je n'ai toujours pas réussi à me lier à quiconque ici, la seule façon d'avoir des échanges avec les autres c'est de provoquer des altercations. Et quand je vois où ça m'a mené, je ne suis plus très convaincu que ça en ai valu la peine. Mon tour arrive enfin et je rentre dans la cabine, tire le rideau dégueulasse, unique moment d'intimité. Bientôt, il ne reste plus que moi. Silence pesant. Je mets la tête sous l'eau pour essayer de noyer mes pensées. L'eau tiède ne m'apaise pas, ne me réchauffe pas. J'ai froid et pourtant je n'ai pas envie de sortir d'ici. Si j'avais su.

J'ai à peine le temps d'entendre quelqu'un qui tire le rideau que déjà je me fais plaquer contre le carrelage glacé de la cabine. J'étouffe un juron de surprise, le souffle coupé par l'impact. Mes doigts se crispent sur les carreaux et je fronce les sourcils, déboussolé. Et contre moi, je le sens. Le corps nu. Je commence à me débattre, à paniquer. J'ouvre la bouche pour beugler mais une main géante se pose dessus au même moment et absorbe mes insultes et mes protestations. Je me tortille comme je peux pour apercevoir l'agresseur. Et je le reconnais. Un immense black avec qui j'avais eu une prise de tête dès le deuxième jour. Il commence à se frotter à moi et je hurle. Je hurle de rage, mais on m'entend à peine. Dans sa main droite, il tient une arme improvisée, un bout de métal taillé, qu'il pointe sur mes côtes. — Chuuut. Qu'il murmure à mon oreille, son souffle qui effleure ma peau et j'ai envie de vomir. Je continue de me débattre, je me réveille lentement, quittant mon état second progressivement. La hargne et la fureur qui se répandent de partout dans mon corps comme une traînée de poudre. Je vire au rouge. — T'en as pas marre d'être toujours tout seul ? T'sais que tu survivras pas ici si tu restes comme ça. J'peux m'occuper d'toi si tu veux. Ses lèvres qui déposent des baisers dans ma nuque et mon palpitant qui éclate de dégoût et de peur. Je me mets à trembler de colère, écœuré par la sensation de lui dans mon dos, de sa main sur ma bouche, par ses intentions, par l'horreur qui se profile. Il resserre sa poigne, la lame qui s'enfonce un peu, ma peau qui se tend, à la limite de craquer. Et je préfèrerais encore qu'il me plante et m'achève sur le champ. Et dans ma tête ça disjoncte violemment. Le souffle rauque, la respiration qui s'accélère, y a tout qui part en lambeau. La raison se fait la malle et l'instinct de survie envahi tout. Vivace, dangereux. Je serre les dents, comme un fauve muselé prêt à faire péter ses chaînes et à se livrer à un carnage sanglant.

Ma conscience laissée à l'isolement en sale état, je me retrouve livré à mes pires instincts, sans retenue, sans limite. Y a plus de bien ou de mal. Y a juste mon envie de l'arrêter, de tout arrêter. L'envie d'exploser, de me défouler pour de vrai. Pour libérer tout ce que je retiens depuis trop longtemps. Tout ce qui me ronge et me rend dingue, bien trop dingue. La pression sur mes côtes se fait plus faible et disparait finalement, je tords ma tête comme je peux, il vient de mettre le bout de métal dans sa bouche. Sa main droite libérée, il attrape son sexe pour tenter une première approche. Je vois rouge. Ma main droite quitte le mur sale et plonge en arrière, j'attrape son sexe à mon tour et il échappe un léger râle de plaisir, retirant sa main pour me laisser champ libre. Et là, sans plus attendre, je serre. Je serre aussi fort que je peux et je tire. Il hurle, relâche ma bouche et le bout de métal tombe sur le sol. Je me retourne aussitôt, mes pieds qui s'écorchent sur la lame, le sang qui s'échappe et forme un sillon emporté par l'eau qui coule encore et qui est devenue froide. Il se plie de douleur, les yeux exorbités, la bouche grande ouverte mais plus aucun son n'en sort. Et moi je continue de serrer, les dents serrées et les lèvres relevées. Dans un dernier réflexe désespéré, sa main vient cogner ma tête, si fort que je bascule et m'éclate contre une des parois avant de m'effondrer au sol, le libérant au passage. Il recule aussitôt, ses mains qu'il vient placer sur son entre-jambe en couinant. Sonné, il me faut bien trois secondes avant de retrouver un semblant d'équilibre. La douleur se diffuse mais ne m'arrête pas, bien au contraire. A côté de ma main droite, la lame. Je ne réfléchis même pas. Je l'attrape, me relève, mon bras que je brandis haut au-dessus de moi avant de le rabattre sur le torse du black. La lame qui s'enfonce profondément et je la retire aussitôt, comme choqué. L'homme titube en arrière, son dos qui heurte les carreaux, il ne fait plus aucun bruit, il me dévisage, en état de choc lui aussi, mais pas pour les mêmes raisons. Dix secondes s'écoulent comme ça, en suspend. Jusqu'à ce qu'il soit pris d'un accès de rage et plonge sur moi, visiblement bien décidé à en finir avec moi. Alors sans réfléchir, je recommence à planter la lame. Une fois. Deux fois. Trois fois. Quatre. Six. Dix. J'arrête de compter. Y a plus que mes hurlements sauvages qui raisonnent entre les murs. Le sang qui gicle, sur les parois, sur moi. Mais je ne vois rien, je ne réalise pas. Je laisse juste sortir toute cette fureur et putain, ça fait du bien. J'en chiale même. Et d'un coup, je sens de l'agitation autour de moi, des mains qui m'empoignent et qui me soulèvent fermement, on m'arrache la lame des mains et on me sort de la cabine.

CALME TOI ! HEY FISTON, CALME TOI !

Mais je n'arrive pas à me calmer. Je ne sais même pas qui me tient, qui me parle. Je me retrouve plaqué au sol, face contre le carrelage, haletant, tremblant, gémissant. En pleine transe, y a plus que la violence. Je ne vois que des pieds, des jambes et en arrière-plan, le corps du mec inerte, plus rouge que noir à cet instant. Et au fur et à mesure que la pression redescend, la réalité me rattrape. Je panique. J'étouffe. Qu'est-ce que j'ai fait ? Le poids sur mon dos disparait et on me retourne. Dressé devant moi, le chef des rasés. — Ça va gamin ? Je n'arrive pas à répondre. Mes lèvres ont viré au bleu, je suis livide et je n'arrête pas de trembler. Ma poitrine qui se comprime et ça fait un mal de chien. Il pose ses mais sur mes joues et m'oblige à le regarder, comme une bouée dans le naufrage. — Il faut que tu respires ok ? On a pas beaucoup de temps, alors fais c'que j'te dis. Je hoche la tête de bas en haut. Il me donne le rythme pour inspirer et expirer et je l'imite, docile. Complètement déphasé. Petit à petit, je me calme, les tremblements s'estompent. Il me laisse encore quelques secondes avant de se relever et de m'attraper pour m'aider à faire de même. Il me traine dans une autre cabine. — Rince toi, faut pas qu'il reste une goutte de sang sur toi ok ? Perdu, je bafouille un léger oui, toujours pas capable d'assimiler ce qui est en train de se passer. Je me réfugie sous l'eau froide et me crispe aussitôt, grelottant tout en frottant mon corps pour faire disparaitre toutes les traces de mon pétage de plomb. Et j'entends les voix autour de moi.

C'est bon t'a trouvé une tenue propre ?
Assures toi qu'aucun gardien ne vienne.
Va me chercher Bart et explique lui ce qu'on va faire.


C'est bon ? Je sursaute et me retourne devant l'homme. Il rentre, coupe l'eau et me sort de là me foutant une serviette entre les mains. Puis il pointe du doigt un petit tas posé sur les lavabos. — On t'a récupéré une tenue à la laverie, t'enfile celle-là. Je m'exécute sans broncher, fébrile. Une fois habillé je m'avance vers eux et je me plante devant la cabine de l'horreur. Y en a partout. Et ça me terrifie. J'ai la nausée et chancèle un peu. Une main ferme qui me retient. — Oh là gamin, reste avec nous hein ? Regarde-moi. Hey ! Regarde-moi. Il ordonne et je ne proteste pas, plantant mon regard penaud dans le sien. Il me tient par les épaules, sérieux. — Tu ne vas rien dire à personne, d'accord ? Akker va te raccompagner à ta cellule. Nous on s'occupe du reste. Toi, tu restes dans ta cellule et tu ne parles à personne. Tu as compris ? Je hoche la tête. — Réponds-moi. Je déglutis. — Je... oui. Il me donne une petite tape derrière la tête et me pousse vers un autre gars, un peu plus âgé que moi, à peine. Il pose une main dans mon dos, bienveillant. — Viens, ça va aller. Je pivote la tête, dernier regard sur mon dérapage. L'image s'imprime derrière ma rétine, gravée à vie.

Akker me raccompagne à ma cellule, je ne dis plus rien. Il me fait m'allonger sur ma couchette et pivote déjà. Je brise le silence. — Reste. Supplication hésitante. Il soupire, passe sa langue sur ses lèvres et regarde autour de lui, embêté. Il finit par revenir et s'assoie sur le rebord. — Ok mais pas longtemps. Je ne sais pas combien de temps s'écoule, mais je finis par m'écrouler de fatigue, emporté par un sommeil de plomb. Et j'espère que quand je me réveillerais, je réaliserais que tout ça n'était qu'un putain de cauchemar. Et que tout va bien.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyDim 25 Mar - 16:59

Ah, JJ. Viens, assied toi. Œillade nerveuse en direction de Akker, il a les bras croisés sur son torse et me fait signe d'obéir. Je rechigne un peu mais je m'installe sur la chaise vide. Autour de la table, plusieurs des hommes de Don, ils jouent aux cartes dans la salle commune, tranquillement. Ils ne prêtent pas vraiment attention à moi, tous concentrés sur leur jeu. Même Don ne s'interrompt pas dans ce qu'il fait, visiblement maitre dans l'art de faire plusieurs choses à la fois. — Tu es calmé ? Non. — Oui. Il hoche la tête, prend son temps, dépose une carte sur la table après un certain temps de réflexion et poursuit. — C'était qui ? Ma gorge qui se noue, je baisse les yeux. Je n'ai pas envie de répondre, pas envie de reparler de ça. C'est trop récent, trop douloureux. Je n'ai pas encore eu le temps de digérer. Pas encore eu le temps d'apaiser mon myocarde. Il tambourine toujours, il continue de hurler à la mort, de réclamer les bras bienfaiteurs de la rousse. Mon silence l'interpelle, il se tourne vers moi, regard insistant. Je gigote un peu sur ma chaise, mal à l'aise, boudeur. Sale gosse qui ne met pas du sien. Je soupire discrètement, les lèvres pincées, avant d'abdiquer. — Une amie. Que je réponds un peu précipitamment, comme pour en finir le plus vite possible. Mais ça ne lui suffit pas. — C'est tout ? Il a recommencé à regarder son jeu, comme si cette conversation n'était pas si importante que ça. Ça m'agace. Je deviens nerveux et souffle de plus en plus fort. — J'ai pas envie d'parler d'elle ok ? Un grand blanc s'installe. Tous les regards braqués sur moi, sauf celui de Don. Quoi encore ? Il dépose calmement ses cartes sur la table, faces cachées, puis il se lève et s'approche de moi. Je ne le regarde pas, fixe le vide devant moi, bras croisés, muscles bandés, à me demander à quelle sauce je vais me faire bouffer. Il s'accroupit devant moi, sa main puissante qu'il cale derrière ma tête avant de m'obliger à me pencher vers lui. Nos regards qui se percutent, je fais face, foutue tête brûlée qui refuse de plier. — Et moi j'ai pas envie d'perdre mon temps avec un petit con même pas foutu de voir les mains qu'on lui tend. Je déglutis, ses yeux clairs qui transpercent les miens, je deviens fuyant. — Tu veux me faire perdre mon temps fiston ? Je me libère de son emprise dans un mouvement de recul avant de secouer la tête de gauche à droite, un peu penaud. Il se relève, tapote mon épaule et retourne s'asseoir sans ajouter un mot. Il reprend ses cartes, réfléchit et joue. — Qu'est-ce qu'elle a fait pour t'énerver autant ? Et je n'sais pas quoi dire. Je ne me souviens même plus. C'était sûrement une broutille, trois fois rien. Rien qu'un éclat de colère passager. Je hausse les épaules et fixe mes pieds. — J'sais plus, un truc de gonzesse. Ça ricane autour de moi, ça se fout ouvertement de la gueule des nanas. Je relève les yeux vers eux, petit sourire timide, encore un peu méfiant. L'homme à ma droite m'offre un regard complice, comme s'il voyait parfaitement de quoi je parle. — T'as raison de pas t'écraser devant les femmes. Mais y a l'art et la manière de le faire, on t'apprendra. Je me détends lentement. Sa phrase qui sonne comme la promesse d'un avenir commun. Les nuages sombres de la solitude qui se dispersent pour laisser place à l'éclaircie. — J'les connais les filles comme elle. Je fronce les sourcils, il se tourne vers moi. — Elle t'apportera que des emmerdes. Qu'est-ce qu'elle a fait pour toi, hein ? Mon rythme cardiaque qui ralentit, mon regard qui dévie du sien pour se perdre dans le vague. Les flashs qui s'enchainent dans ma tête, comme un diaporama.

Les rires, les cris, les menaces, les bières, les accolades, les peines, les joies, les nuits, les jours.
Ses yeux, son sourire, ses colères, ses bras, sa chaleur, sa force, sa présence, son soutien.


Léger sourire en coin, nostalgie trop flagrante qui dérange. La main de Don s'abat brutalement sur mon poignet et me fait sursauter, retour à la réalité. — Tu s'ras plus l'même en ressortant d'ici. Tu dois en profiter pour revoir tes priorités, pour faire le tri dans ta vie. Faut que t'avances JJ. Faut que tu laisses derrière toi ce qui te tire vers le bas. Il marque une pause. — Elle te tire vers le bas ? Il demande mais ça sonne plus comme une affirmation. Je bafouille, pris de court. Ses mots dérangeants qui sont venus balayer tous les souvenirs attendrissants. — Elle est venue te voir et regarde dans quel état tu as fini. Tu sais qu'ils voulaient te remettre en isolement et te priver de visites au parloir pour deux semaines ? Je me redresse sur ma chaise, indigné. — C'est grâce à moi si t'es pas retourné là-bas. Penses-y JJ. Le doute qui s'insinue lentement dans ma tête, mon sang qui pulse. Je n'arrive plus à penser, à réfléchir, à organiser mes idées. C'est confus, ça se mélange et je m'y perds. Il vient de foutre un bordel sans nom dans ma tête. — J'ai gagné. Quoi ? Je me tends. Autour de la table ça râle et ça gesticule. Oh, il a gagné la partie. Je me laisse aller dans le fond de la chaise, ma main droite qui revient triturer la blessure de mon crâne machinalement. Subitement, la main de Don m'attrape le menton et m'oblige à tourner la tête pour qu'il puisse voir ce que je fais. Ma main reste suspendue dans le vide sans que je comprenne vraiment ce qu'il se passe. — Akker, tu t'occuperas de lui nettoyer à nouveau tout ça. Je relève la tête vers Akker qui est resté appuyé sur le mur derrière Don. Il hoche la tête sans émettre la moindre protestation. Comme un père qui demanderait à son fils aîné de s'occuper du petit dernier. Don me libère et je remue légèrement mon menton comme pour me débarrasser de la sensation de ses doigts sur moi. — Tu joues. Ce n'est toujours pas une question, pas le temps de répondre que déjà les cartes sont distribuées et s'entassent devant moi. Moment de flottement. J'attrape les cartes, nerveux. — Don ? Je... Je bute sur mes mots. Il anticipe la suite. — Tu n'sais pas jouer ? Un peu ridicule, je secoue la tête de gauche à droite, comme si j'avouais une faute honteuse. Il rapproche sa chaise de moi. — T'en fais pas, je vais t'apprendre. Il se penche et commence à m'expliquer les règles. Mon regard qui le détaille avec minutie. Il a désamorcé la bombe dans ma tête, je me sens à nouveau tranquille. L'incident de ce matin est désormais loin derrière moi.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptySam 14 Avr - 15:44

Asseyez-vous.
Sa voix tranquille qui me rebute et je m'exécute, le visage fermé et le cœur qui cogne encore. Il s'assoit à son tour, brasse quelques papiers sous mon regard impatient avant de finalement prendre appui sur ses avants-bras, ses doigts liés les uns aux autres il prend une grande inspiration et marque une pause. Il m'observe avec indulgence. Il m'énerve.

Trois visites au parloir dont deux qui se terminent mal. Vous voulez en parler ?
A votre avis.

Que je crache, agressif. Le pied qui tapote frénétiquement le sol, ma jambe que je n'arrive pas à stabiliser. Le visage toujours fermé, je regarde ailleurs, la mâchoire qui s'agite lentement, comme prise de spasmes irréguliers. — Ea-... Eanna Gynt, c'est ça ? Je ferme les yeux et presse mes lèvres l'une contre l'autre pour m'empêcher de dire quoi que ce soit, de l'insulter, de me lever, tout renverser, le faire voler par la fenêtre.

Qui est-ce ?
Ta mère.

Ça fuse, incontrôlable. Il ne réagit pas, totalement insensible à ma provocation puérile. Il continue de me fixer patiemment et ça use mes nerfs. Une minute d'un silence agaçant et je finis par réagir. Je me penche en avant, le plat de ma main qui vient taper son bureau alors que je le fusille du regard.

Tu piges pas que j'ai pas envie d'te parler ? J'ai rien à t'dire putain. Aucune réaction. Il se laisse retomber dans le fond de son siège, attrape un style et se remet à noter des trucs.  — Oh putain... Je passe mes mains sur mon visage pour me calmer alors qu'il est en train de me rendre dingue à remettre ça. J'ai pas été clair la dernière fois ?

Est-ce que vous avez conscience que votre dossier et votre séjour ici dépendent de nos relations ? Je fronce les sourcils et le dévisage, perplexe. C'est quoi cette connerie encore ? Vague silence et je me mets finalement à rire. — Ouais alors ça, ça m'étonnerait. Ça dépend de Don, uniquement de Don. J'ai bien assimilé l'idée. Le seul ici qui se soucie vraiment de moi. Au même moment, quelqu'un frappe à la porte. — Entrez. Je me tourne pour faire face à la personne qui rentre. Bart. Je le fixe, curieux. — Désolé de vous déranger mais le directeur vous demande au réfectoire, y a un souci. Il soupire, contrarié mais termine par se lever. — Je reviens, ne bougez pas. Il quitte la pièce, incitant Bart à faire de même et referme la porte derrière lui. Trois secondes plus tard, la porte se rouvre, toujours Bart. — Viens. Je ne me fais pas prier, ne cherche pas à comprendre, ne pose pas de questions. Je bondis et sors d'ici, lui emboîtant le pas. Je reste légèrement en retrait, toujours pas très à l'aise face à lui au vu des derniers évènements. Faudrait que je lui dise merci un jour. Ouais, faudrait. On finit dehors, Don et une partie de la bande sont attablés à l'ombre. Quand j'arrive, on me fait une place à côté de Don et il me fait signe de m'asseoir.

J'ai eu vent que t'étais encore chez le psy. J'me suis dit que tu préfèrerais être ici avec nous, j'ai eu tort ?
Je souris comprenant l'arnaque.
Merci Don, c'est co-...
Ne m'remercie pas trop vite.
Je me tais, surpris.
T'as encore déconné aujourd'hui.
Putain mais il sait tout c'est pas possible. Y avait aucun gars de la bande au parloir tout à l'heure, comment il peut savoir ? La prison, c'est pire que les chiottes des filles au lycée. Pas moyen d'avoir un peu d'intimité. Je fais la moue et hausse les épaules, le regard qui se fixe sur le bois de la table.
C'était qui ?
Silence. Akker, qui est sur ma droite me refile un petit coup de coude pour m'inciter à parler. A contre-cœur je m'exécute.
Ma copine.
Très bien. Plus maintenant.
Je me liquéfie. Mon sang ne fait qu'un tour, je me redresse, les muscles bandés, le regard scandalisé.
Quoi ?!
Que je m'insurge, la voix qui tremble de révolte. Il se retourne précipitamment vers moi, sa main qu'il cale à l'arrière de ma nuque pour approcher mon visage du sien et me maintenir fermement. Par réflexe je tente de reculer mais je suis coincé entre lui et Akker. Nos yeux qui s'affrontent en silence, les secondes s'étirent, c'est interminable. Il me relâche brusquement et je manque de m'écraser contre Akker. La pression de sa main dans ma nuque qui persiste malgré son absence, je le dévisage sans comprendre.
Tout le monde ici sait ce que le psy te veut.
Je viens passer ma main là où était la sienne, faisant légèrement pivoter ma tête pour chasser cette sensation désagréable.
Comment ça ?
Il claque des doigts et c'est Akker qui prend la parole, me faisant légèrement sursauter alors que je me tourne vers lui.
Trouble de la personnalité anti-sociale.
Je deviens blanc, mon regard qui devient fuyant alors que je n'ose plus dire quoi que ce soit.
Ils le savent, tes amis ?
Je ne dis rien. Silence éloquent comme on dit.
Nous on peut t'aider à gérer ça. J'ai pas l'impression que ce soit leur cas à eux vu les états dans lesquels tu te mets quand tu les vois.
Je déglutis, les yeux baissés, le cœur qui se déchire en deux. C'est pas de leur faute, que je voudrais dire. Mais je n'y arrive pas.
Ils te brident, ils voudraient que tu changes, pas vrai ? Dans le groupe, y a pas de conditions. Quand t'en fais partie, c'pour toujours, quoi que tu fasses. C'est pareil pour tes amis ?
Je repense à mes dernières conversations avec Samih. Daire. Eanna. Peut-être pas, effectivement. La main de Don s'abat sur mon épaule qu'il secoue fermement.
Fais pas cette gueule gamin, on est là. On t'laissera pas tomber nous. Mais va falloir que tu fasses un choix.

Les mots se distillent dans mon esprit, il ne reste plus que le vide. Et tranquillement, ils reprennent tous du mouvement, recommencent ce qu'ils étaient en train de faire et la conversation bat son plein, l'attention qui se détourne de moi. Je reste muré dans mon silence pendant encore un long moment, près d'une demie-heure, avant de me dérider un peu. Un des gars fait le con, je ris un peu. Don tourne la tête vers moi. Il me sourit.

Je lui souris aussi.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyDim 15 Avr - 13:37

JJ ? On va marcher ? Mon regard qui se tourne vers la fenêtre de ma cellule. — Mais, il pleut. Il ne dit rien, le regard insistant. Je me lève finalement et le suis sans rien dire, me demandant bien ce qui m'attends encore. C'est l'heure de la promenade mais personne ne fout le nez dehors avec ce déluge. Il ouvre la porte, la fraicheur de l'extérieur me saisit et je remonte mon uniforme pour me protéger un peu. On se cale à l'abri dans le renfoncement d'un mur.

Personne ne viendra nous déranger ici. Il sort une clope de son uniforme et je crois halluciner. L'envie qui brille au fond de mes yeux. Il m'en tend une. — Tu veux ? Je l'attrape sans hésiter, la main qui tremble déjà de plaisir. — Putain ouais ! Il me l'allume et la première taffe c'est comme un orgasme. Je ferme les yeux, ma tête que je bascule en arrière et je retiens la fumée un instant avant de la recracher lentement. Putain le pied. J'ai l'impression de me sentir vraiment détendu pour la première fois depuis que je suis ici. On fume un peu en silence avant que je finisse par demander. — Comment vous faites pour avoir tout ça ? J'en ai vu avec des téléphones carrément. Il se marre doucement, tout en regardant la cour vide. — Tu verras bien. Je dois encore faire mes preuves visiblement. C'est logique. Je hoche la tête, compréhensif. On continue de fumer en silence avant qu'il se remette à parler.

T'as d'la famille à Savannah ?
Putain.
Non.
Putain.
'Fin.
Putain.
Pas vraiment.
Je sens son regard qui me dévisage avec curiosité. Je prends bien soin de ne surtout pas le regarder aussi, fixant un point invisible devant moi. Silence, il attend, je ne dis plus rien. Alors il relance.
Pas vraiment ?
Je soupire, baisse la tête pour suivre mes doigts qui viennent se débarrasser de l'excès de cendres en tapotant sur la cigarette. Je recrache la fumée avant de relever la tête tout en haussant les épaules.
Famille adoptive. Mais j'les vois plus de toute façon.
Pourquoi ?
Je déglutis, hausse encore les épaules, je ne sais plus quoi faire.
J'sais pas trop.
Sûrement qu'ils m'aimaient trop et ça m'a fait flipper.
C'était dur chez eux ?
Je ricane, ramène la cigarette à ma bouche.
Pas du tout.
Je fais partie de ces chanceux qui ont eu droit à une super famille, qui ne m'a jamais laissé tomber malgré toutes les merdes que je leur ai fait. Mais j'ai quand même réussi à tout gâcher. Quel talent.
Ils t'ont adopté à quel âge ?
11 ans.
Avant ça t'étais où ?
Foyer.
C'était comment ?
Les gens étaient sympas.
Tu y étais depuis quel âge ?
6 ans.
A Savannah ?
Non, Détroit.
Oh, t'es de là-bas ?
Non, j'suis Irlandais.
Il sourit, faut croire que c'est une nationalité qui lui plait.
Comment t'as fini aux usa ?
Ma gorge qui se serre.
Mes parents ont déménagé.
Pourquoi ?
Mon père a changé de carrière.
Il faisait quoi ?
Joueur de rugby.
Classe. Il s'est passé quoi ?
Un accident, il pouvait plus jouer. Il est devenu entraineur.
Et ta mère ?
Sourire amer.
Juste une groupie.
Il marque une pause, me laisse quelques secondes de répit avant d'entamer le mauvais morceau.
Pourquoi t'as fini en foyer du coup ?
Je hausse les épaules, les mots qui se bloquent dans ma gorge. A part les encadrants au foyer, personne n'a jamais su la vérité. J'ai toujours menti, c'était plus facile. J'ai tellement menti que j'ai fini par y croire aussi. Il pose une main sur mon épaule, son regard qui cherche le mien. Je relève les yeux, il a l'air tellement solide Don. Regard paternaliste, inébranlable. Je baisse les yeux.
Ça va aller gamin.
Rire fébrile, je tire sur la cigarette mais plus rien ne vient. Je souffle bruyamment et la balance plus loin.
Ils s'occupaient plus d'moi. Du coup j'allais plus à l'école, alors le directeur a prévenu j'sais pas qui. Et bref, un jour des gens sont venus me chercher. Mes parents avaient le droit de v'nir me voir, et s'ils amélioraient leur situation ils pouvaient me récupérer.
Blanc. Je me sens étrangement vide.
Ils sont jamais venus, c'est ça ?
Je ne dis rien, les yeux à nouveau rivés dans le vide. Il soupire lentement et me tend une deuxième cigarette que j'attrape mollement. Sa main qui revient sur mon épaule, qui la serre plus fort, comme pour m'empêcher de couler.
Si tu nous rejoins, l'histoire ne s'répètera plus. On abandonne jamais personne.
Je tourne lentement la tête vers lui, ses paroles qui me touchent sincèrement.
Akker a été retiré à sa famille aussi. Tu devrais en parler avec lui, ça te fera du bien d'échanger avec quelqu'un qui a le même parcours que toi. Tu t'entends bien avec Akker, non ?
Je hoche la tête de bas en haut. Akker est cool, toujours calme. Je fronce les sourcils, une question qui me taraude.
Pourquoi il est en taule Akker ?
T'iras lui demander.
Et toi ?
Il sourit. Ça a l'air de l'amuser.
Et toi ?
Je plisse les yeux.
Arrête, tu l'sais déjà. Tu sais tout.
Je sais ce qu'il y a de marqué sur ton dossier. Mais j'sais pas si ce sont les seules choses que t'aies faites.
Je détourne le regard aussitôt, me grillant sans même m'en rendre compte. Il termine sa cigarette et l'écrase contre le mur derrière nous, se remettant en mouvement.
Te crois pas unique JJ. On a tous fait des choses merdiques ici. Certaines qu'on regrette, d'autres non. Ce s'ra pour notre prochaine discussion.
Il me fait un petit clin d'oeil et retourne à l'intérieur, me laissant seul dehors. Je reste jusqu'à la fin de l'heure de la promenade, immobile, songeur. Ses paroles qui s'infiltrent partout dans mon cerveau et qui font leur effet. La discussion m'a remué et je me sens terriblement fatigué. Et je n'sais plus si j'ai envie de rentrer au loft pour me terrer sous mes draps, ou bien de rejoindre Don et les autres. J'ai l'impression d'être à un foutu embranchement. Je laisse tomber ma cigarette.

Et je rejoins Akker.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyMer 18 Avr - 16:29

Viens. Je tourne la tête vers Akker alors qu'il attrape ma manche pour me tirer dans le sens opposé. Je fronce les sourcils. — C'est l'heure de grailler, où tu veux qu'on aille ? Il ne dit rien, se contente de tirer plus fort et de me faire signe de le suivre dans un mouvement de tête. Je regarde autour de moi et il ne me faut pas longtemps pour voir que Don et d'autres gars de la bande ne sont pas dans le coin. Je fronce les sourcils. Putain, il se passe quoi encore ? On se dirige dans les douches et j'ai comme un mauvais pressentiment. Je regarde plusieurs fois derrière moi, comme si je voyais ma seule issue se refermer lentement dans mon dos. Comme si je craignais de voir surgir des bêtes enragées. Quand on rentre dans les douches, Don est là, appuyé contre les lavabos, bras croisés. Il parle avec les autres, il a l'air encore plus sérieux que d'habitude. Quand il me voit, il se tait. Les regards se braquent sur moi, silence. Je m'arrête, reste à une certaine distance. J'aboie. — Quoi ? Don soupire et me fait signe d'approcher. Je n'obtempère pas. Je le toise de loin, comme un cabot craintif prêt à dévorer la main qu'on tendra vers lui pour l'attraper. Mais d'un coup, y a une présence dans mon dos. Bart. Il me pousse pour me forcer à avancer et je ne proteste pas, me retrouvant bientôt au milieu du troupeau. Je fixe Don, nerveux, les narines qui se dilatent au rythme de mon souffle rapide.

T'as téléphoné à quelqu'un hier.
Putain. Je ne dis rien. Ça ne servirait à rien.
J'veux même pas savoir qui c'était.
Ça tombe bien, ça t'regarde pas.
Bart me refile une tape derrière le crâne et je réagis aussitôt, incapable de me tenir. Je me retourne, les yeux écarquillés par la rage qui vient de monter brutalement, prêt à lui bondir dessus. Mais une main ferme empoigne le col de mon t-shirt et me tire, me coupant dans mon élan. Don vient m'écraser le dos contre le mur le plus proche et son corps vient faire pression sur le mien pour m'immobiliser. Je serre les dents, je serre les poings.
Arrête ce p'tit jeu JJ. Arrête, tout d'suite.
Je le fusille du regard, je n'ai pas envie de me calmer. Pas envie d'arrêter quoi que ce soit. C'est l'inverse même. J'ai envie de cogner, qu'on me cogne, j'ai envie d'évacuer. Son visage proche du mien, comme une ombre menaçante.
Tu comprends pas qu'on essaye de t'aider ? Putain.
La rage qui se transforme en incompréhension. Non, j'comprends pas. Les traits de mon visage qui se détendent sensiblement alors que je l'interroge du regard. Il souffle encore et me relâche, s'éloigne de quelques pas. Moi, je ne bouge pas.
J'veux t'ouvrir les yeux JJ. Ça va pas t'plaire mais j'le fais pour toi.
Ma respiration qui s'accélère, ça pulse à toute allure dans ma poitrine alors que je crains le pire, ne sachant pas ce qui va me tomber sur le coin de la gueule encore une fois. Je déglutis, les lèvres scellées. Il va s'asseoir sur la rangée de lavabos et me fixe de loin. J'ai l'impression qu'il peut tout voir en moi, ça me glace le sang.
J'veux qu'tu me dises toutes les merdes que t'as fait.
Je passe aussitôt sur la défensive. Non. Non, j'ai rien à dire. Y a rien à dire. J'ai rien fait. Rien du tout.
Tu l'sais déjà, c'est écrit dans mon casier.
Tu t'es fait choper pour toutes les merdes que t'as fait ?
Il pose la question, mais il connait déjà la réponse. Je mets trop de temps à réfléchir, il me devance, la voix qui claque.
Dis-moi tout c'que t'as fait.
Rien.
Que je souffle, pas franchement convaincu. Il se redresse et inspire un grand coup, tout en secouant la tête de gauche à droite, ne cherchant même pas à camoufler son irritation. Il fait un signe de la main que je ne comprends pas, mais l'instant d'après, ils sont trois à m'attraper fermement et à me tirer. Je me débats aussitôt, tente de reculer, le regard qui s'agite sans comprendre.
Hey, HEY ! Lâchez-moi, putain vous faites quoi ?
Je continue de beugler, mais personne ne réagit. Je lance un regard à Akker, mais il ne bouge pas. Pire encore, il a l'air d'accord avec ce qu'il se passe. Je ne comprends plus rien, jusqu'à ce qu'on me foute à genoux devant la cuvette d'un toilette. Je serre les dents, haletant, continue d'essayer de me libérer, de reculer.
Arrêtez putain, qu'est-ce qui vous prend ?
Don s'est rapproché pour se mettre à l'entrée de la cabine, calme. Il réitère sa question.
Qu'est-ce que t'as fait ?
J'ai mal au ventre, la nausée qui me prend et je ne sais pas si c'est à cause de l'odeur de merde ou à cause des images qui remontent à la surface. Mon silence ne passe pas et la seconde d'après, je me retrouve la tête dans l'eau. La pression de leurs mains est si forte sur moi que je n'arrive même plus à bouger pour me débattre. Je gueule bêtement dans l'eau, l'air qui manque, la crasse qui me colle aussitôt à la peau. Et juste au moment ou je me sens à bout de souffle, ils me sortent de l'eau. Je crache, je tousse, je tente de reprendre ma respiration tant bien que mal, mais ils ne m'offrent que quelques secondes avant de m'y replonger. Mes jambes qui remuent, qui se secouent ; en vain. Ils me remontent, la voix de Don qui me parvient.
Qu'est-ce que t'as fait ?
J'essaye de reprendre mon souffle, les pensées qui s'emmêlent, l'odeur qui s'imprime dans mes narines, l'eau qui s'est infiltrée dans mes sinus me fait un mal de chien.
Je- Je crache. J'sais pas, des trucs.
Ça ne veut pas sortir. Je retourne sous l'eau. Et ils me sortent et me plongent dans la cuvette trois fois de suite, je commence à chialer parce que mon corps s'épuise, parce que l'eau glisse partout et me fait mal. Une chance, les larmes se mélangent à l'eau et on ne voit rien.
Quels trucs.
Il reste calme et ça me perturbe. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, je ne comprends pas pourquoi il me fait ça. Je croyais qu'il était sympa. Je croyais qu'il veillait sur moi. Je m'étouffe un peu alors que les premiers mots sortent enfin.
Y a... Je, j'ai renversé un mec en voiture.
Volontairement ?
Oui !
Pourquoi ?
Je souffle, avale de travers, tousse.
Parce que, c'est, 'fin, la meuf avec qui j'trompais ma meuf m'avait trompé avec lui.
Je suis pas sûr que ce soit très clair. Je secoue la tête, l'eau qui perle le long de mon nez, de mon front, de ma mâchoire.
Il est mort ?
J'ouvre la bouche pour répondre, mais je bug.
Euh, je. Putain. J'en sais rien. J'ai jamais cherché à savoir. — J'sais pas, j'suis parti, y avait trop d'monde.
Quoi d'autre ?
Quoi d'autre ? Mais je sais pas, putain, je sais pas. Rien, c'est tout, j'ai rien fait. Je ne dis plus rien et je finis sous l'eau encore une fois. Et ça continue un moment, jusqu'à ce que je reprenne spontanément la parole entre deux noyades.
Attendez, attendez !
Ils attendent. Je souffle l'eau qui gêne mes lèvres, respire maladroitement, la poitrine qui se gonfle et qui se vide à un rythme effréné, je n'en peux plus, j'suis à bout de souffle.
J'ai frappé l'ex d'un pote et j'lui ai planté un couteau dans la cuisse. J-je, j'voulais la buter mais j'ai pas pu.
Pourquoi tu l'as frappée ?
Parce que... J'sais pas, parce que j'la déteste, parce qu'elle devrait pas exister.
POURQUOI ?
Il hurle tout près de moi, je sursaute, je n'en peux plus. Et dès que je sens qu'ils vont me remettre la tête sous l'eau je hurle aussi pour les en empêcher.
PARCE QU'ELLE VOULAIT M'FAIRE DU CHANTAGE !
Je serre les dents, attend l'impact, mais la pression se calme. Je rouvre les yeux, souffle. Putain. Putain, j'en peux plus.
Du chantage sur quoi ?
Mais ça ne dure pas, je me tais à nouveau, je bute sur les mots qui ne veulent pas sortir et ça recommence. Plus longtemps que les fois précédentes, y a un moment où je crois vraiment que je vais y rester. Ils me ressortent in-extremis, je ne lutte même plus, épuisé.
Du chantage sur quoi ?
J'ai envie de chialer, je ravale quelques sanglots mais ma voix tremblante me trahi.
Elle, elle avait une info sur moi. Sur un truc que j'ai fait.
Raconte-moi.
Je, c'est. Ma voix qui se brise, je parle tout bas. J'ai violé la sœur de mon pote.
J'ai rien entendu. Arrête de chialer et parle plus fort.
Je ne veux pas le répéter. Je ne veux pas le redire. J'veux pas. Ils m'immergent encore une fois. Deux fois. Trois. Quatre. Je n'arrive plus à respirer. Quand ils me ressortent je hurle, je veux juste que ça s'arrête, je veux juste qu'ils arrêtent.
J'AI VIOLE LA SŒUR D'MON POTE ! ET Y A PAS EU QU'ELLE !
Y en a eu combien ?
Je sanglote, fatigué, j'en ai marre. J'suis trempé, j'ai mal au torse à force d'être appuyé sur la cuvette, idem pour mes genoux sur le sol. Je baisse les armes.
Je sais plus... trois, p't'être quatre.
Je ne précise juste pas que y a potentiellement des mecs dans le total. J'ai la voix lasse, comme un gémissement plaintif.
Quoi d'autre ?
Pourquoi tu fais ça ?
Que je demande, à bout.
Quoi, d'autre ?
Je ne dis rien, je n'arrive plus à réfléchir, à me souvenir. La pression revient, je hurle.
NON, NON ARRÊTEZ !
Ils m'immergent encore une fois, je craque complètement. Quand ils me ressortent j'ai encore bu la tasse, je m'étrangle, tousse, crache, j'ai les poumons et la gorge en feu.
Y a eu, y a eu... Je commence à parler pour les dissuader de me refoutre à la flotte, pour gagner du temps pendant que je réfléchis. J'ai renversé une fille dans la rue, elle voulait me balancer aux flics alors j'l'ai mise dans mon coffre et j'ai improvisé. Je sais plus trop, je, j'ai fini avec des photos d'elle quasi nue dans mon téléphone et j'l'ai abandonné là où je l'avais attachée.
Quoi d'autre ?
Je n'en peux plus, ça n'a pas de fin. Soupir plaintif.
J'sais plus Don.
Réfléchis.
Je réfléchis, jusqu'à ce que mon cœur se serre violemment. Oui, y a eu ça aussi.
J'ai frappé ma copine jusqu'à faire crever l'bébé qu'elle avait dans l'ventre.
C'était l'tien ?
Elle dit qu'oui. J'en voulais pas moi, je, j'voulais qu'elle s'en débarrasse, elle m'a dit que c'était trop tard et...
Je hausse les épaules.
Quoi d'autre ?
Je repense à l'appel d'Eanna, je déglutis, souffle, profite de cet instant de répit pour respirer à nouveau.
La meuf avec qui j'trompais ma copine. C'est la sœur d'un gars que j'déteste et j'suis sortie avec elle pour l'atteindre lui. J'l'ai frappée parfois et quand j'ai été bien sûr qu'elle était amoureuse de moi, j'l'ai lâchée, d'vant lui.
Quoi d'autre ?
Je ravale mes sanglots, la gorge nouée, complètement affaissé sur la cuvette.
C'tout, j'te jure... Y a rien d'autre.
La pression qui pèse sur moi devient plus dense. Je m'agite, tente de me redresse, la colère qui remonte subitement.
PUTAIN C'EST TOUT J'TE DIS !
La pression s'arrête, quelques secondes de flottement et finalement, les mains me tirent en arrière avant de me libérer. Je m'étale sur le carrelage, encore haletant, encore sonné.
Lève-toi.
Je n'en ai pas la force mais je m'exécute malgré tout, m'accrochant aux parois, je continue de cracher un peu d'eau par intermittence. Don m'attrape le visage et me force à le regarder. Et dans ses yeux, y a rien de mauvais. Je ne comprends pas. C'est même l'inverse. Dans les miens, le désarroi, l'incompréhension.
Si j't'ai forcé à tout nous dire, c'est pour d'bonnes raisons. Déjà, tu dois pas avoir de secrets pour moi, ok ?
Je hoche la tête de bas en haut.
Ensuite, je voulais que tu prennes conscience que tes sois disant amis ne font rien pour toi. Ils le savaient tout ça, tu leur disais ?
Je hoche la tête de gauche à droite.
T'as rien dit parce qu'ils ne peuvent pas comprendre, pas vrai ? Parce que t'avais peur qu'ils te jugent, qu'ils t'en veuillent et te rejettent, pas vrai ?
Je baisse les yeux. J'ai mal, mais ce n'est plus à cause de l'eau. C'est autre chose, invisible, profond.
A nous, tu peux tout nous dire. Je t'en veux pas pour tout ce que tu as fait. J'trouve pas que tu sois monstrueux ou pas normal.
Il se tourne vers les autres gars qui nous fixent sans rien dire.
Les garçons, quelqu'un a un problème avec ce que viens de nous dire JJ ?
Je relève les yeux, un peu craintif. Pourtant, je ne vois que des visages amicaux. Tout le monde qui fait non de la tête. Akker me sourit. Comme s'il était fier de moi. Je comprends de moins en moins. Je me redresse un peu plus, j'ai l'impression d'avoir un poids en moins sur ma conscience. Don tapote ma joue, comme un père.
T'es pas l'seul ici à avoir frappé, tué, violé. Personne te jugera jamais, quoi qu'tu fasses. T'es plein de potentiel JJ et si les autres sont pas foutus de le voir, tant pis pour eux.
Il finit par venir me serrer contre lui, étreinte brève mais puissante, j'ai l'impression que je viens d'inspirer une bouffée d'oxygène pur. Je voudrais m'accrocher à lui mais il ne m'en laisse pas le temps.
Va t'changer et les autres, allez manger.
La masse se disperse, Don me rattrape, pose sa main à l'arrière de mon crâne.
Ça va ?
Oui.
Tu m'en veux ?
Silence. Je lève les yeux vers lui et l'évidence me frappe.
Non.
Il me sourit.
T'es un bon garçon JJ.
Je lui souris. Il s'éloigne et je marche seul jusqu'à ma cellule.
Je suis un bon garçon. Je suis un garçon.
Et je souris de plus belle, libéré d'un truc atroce. Léger. Tellement léger.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyJeu 19 Avr - 11:56

Détenu 323 ? Y a comme un bug dans la matrice. Hein ? Moi et les trois autres gars de ma cellule on se retourne en même temps pour jeter un regard à celui qui vient de parler. Détenu 323 ? Sérieusement ? Ici, les matons connaissent tous nos noms et nous appellent avec. On détaille l'inconnu, un nouveau. Puis on se détaille entre nous, avant de ricaner un peu et de retourner vaquer à nos occupations. Il s'approche de moi. — C'est toi ? Je hausse les épaules. — J'sais pas. J'crois pas qu'ma mère m'ait donné c'nom là. Les autres se marrent, lui, beaucoup moins. Il s'approche encore, tire sur la manche de ma tenue que j'ai nouée avec l'autre au niveau de ma taille. — Le port de ta tenue n'est pas règlementaire, rhabille toi correctement. Je commence à m'irriter. Je me lève, le dépasse d'une tête facilement et le toise, énervé. — Et tu vas faire quoi ? Il se met à rire aussi, nerveux. Je le défis du regard et au moment où ça promet de devenir intéressant - de mal finir quoi - y a une voix qui nous interrompt. — JJ. Je relève la tête, le calme qui revient aussitôt. — Fais ce que le monsieur te dit. Je fronce les sourcils et penche légèrement la tête sur le côté, sans comprendre pourquoi il fait ça. Les matons ne lui donnent jamais d'ordres à lui. D'un signe de tête il me somme de lui obéir et, à contre-cœur, je m'exécute. J'enfile les manches et remonte la fermeture éclaire, les dents serrées, le regard fixé dans celui de Don. — Bien, comme ça je peux voir qu'effectivement, le détenu 323 c'est toi. J'inspire profondément, j'ai envie d'éclater mon front sur son nez. Mais y a Don qui surveille. Alors je ne fais rien. — Tu es transféré dans une autre cellule, ramasse tes affaires et suis-moi. Quoi ? Nouveau regard sur Don, il est serein. Encore un mouvement de tête de sa part, pour me dire de me mettre en mouvements. Je ne comprends pas. Mais je m'y attèle. Rassemble tout et récupère mes draps avant de suivre le gardien. Don part dans l'autre sens, me laissant seul avec l'autre. Je me retourne plusieurs fois pour le regarder, mais lui ne se retourne pas. Et il disparait dans un autre couloir. Méfiant, je me tends un peu, jusqu'à arriver devant une cellule que je connais très bien. — Tu prends le lit du haut.

Je souris.

Salut O'Reilly. Sur le lit du bas, Akker. J'oublie le gardien, dépose mes affaires sur ma couchette et viens serrer la main d'Akker, soulagé. — Putain, c'est trop cool !

Tu ranges tes affaires et après tu discutes. Je fais volte-face, prêt à l'encastrer dans le mur le plus proche, mais la main d'Akker attrape mon poignet et me retient. — Laisse, c'est un nouveau. Don a pas encore eu le temps de... Tu vois. Non, je ne vois pas. Et visiblement, le maton non plus. On se dévisage deux secondes, tout les deux un peu perplexe et je me retourne finalement vers Akker, l'interrogeant du regard. Il me fait un clin d’œil, mais je ne comprends toujours pas. Il me tire vers lui, pour me détourner de mon objectif premier et il se lève tout en s'adressant au maton. — Je vais l'aider. A deux, il nous faut moins de trois minutes pour refaire mon lit et trouver de la place pour mes affaires. Le maton, satisfait, finit par déguerpir. Dès qu'il a disparu, je retire le haut de ma tenue pour revenir la nouée autour de ma taille. — Putain, quel casse couilles celui-là. Akker se marre.

Comment ça s'fait que j'ai été transféré ici ?
C'est grâce à Don.
Je m'assois sur son lit, secouant la tête en haussant les épaules, signe que je ne comprends pas.
Dis toi que dès qu'il t'arrive un truc cool ici, c'est grâce à Don.
Comment il fait ?
Il est là depuis 8 ans, il connait tout sur tout le monde et il a des tas de contacts à l'extérieur. Alors...
Je crois que je commence à saisir. Je hoche lentement la tête de bas en haut, songeur.
T'as pris combien toi ?
Il se contracte, le regard fuyant.
Quinze ans.
QUINZE ANS ?
Je le dévisage, estomaqué. Comment on peut survivre autant de temps dans un endroit pareil ? Je deviens déjà fou et je n'ai que 5 mois à tirer. Il fait la moue.
Tu t'es fait arrêter pour quoi ?
J'ai frappé et violé mon agent de probation.
Merde. J'sais pas quoi dire. On ne dit plus rien pendant quelques secondes, à s'éviter du regard. Finalement, je demande.
Elle était bonne ?
Il remonte les yeux vers moi, étonné.
Ouais ?
On se fixe. Silence. Et finalement, on se met à rire, c'est nerveux. Le fou-rire dure un certain temps, le calme qui peine à revenir. Je viens m'adosser contre le mur, m'installant en tailleur sur son lit.
Putain...
Je secoue la tête de gauche à droite, un sourire hilare toujours sur les lèvres. Le silence revient petit à petit. Je tourne la tête vers lui, calmé.
Don, tu le connaissais d'avant ?
Ouais.
Je l'interroge du  regard.
C'était l'mec de ma soeur.
Je fronce les sourcils.
J'croyais que t'avais été abandonné ?
Ma sœur et moi, ouais.
Je hoche la tête doucement, compréhensif.
Ils sont plus ensemble ?
Il fait non de la tête.
Elle vient t'voir parfois ?
Il fait non de la tête. Sujet sensible visiblement. Je ne dis plus rien. Les secondes qui filent, avant qu'il se remette finalement à parler, sa voix qui vibre de colère. Je ne l'ai jamais entendu parler comme ça. Akker est toujours calme. Toujours.
Faut pas qu'tu fasses confiance aux femmes JJ. C'est toutes des salopes, t'entends ? Y a qu'la bande qui compte. Crois-moi.
Je fronce les sourcils, un peu perplexe. Ne plus faire confiance aux filles ? Cette idée, bien que douloureuse fait son chemin doucement et j'essaye d'imaginer. Ça me serre le cœur.
J'étais comme toi avant. Tout l'temps en colère et j'faisais n'importe quoi. Résultat, j'ai pris 15 ans. J'vais passer les meilleures années de ma vie en prison.
Il se penche vers moi, l'air tellement sérieux que je n'ose rien dire.
La plupart d'entre nous ont terminé en taule à cause d'une gonzesse. Elles t'apporteront rien d'bon. Tu les prends, tu les baises et tu les jettes. J'ai changé grâce à Don et si tu l'écoutes, il te changera aussi. Il te laissera pas tomber quand tu sortiras. Fais lui confiance.
Il fait une pause.
Fais moi confiance.
Il se laisse retomber sur son oreiller, la mâchoire serrée. Et moi je reste silencieux, complètement perdu. Ses mots qui me travaillent, qui me perturbent. Peut-être qu'il a raison. Après tout, j'ai fini ici moi aussi. A cause d'une fille. Je crois. Je sais plus vraiment au final.
Tu regrettes c'que t'as fait ?
Il se marre.
Non. Elle a eu ce qu'elle méritait.
Silence.
Toi ?
Je sais plus. Peut-être.
Non plus.
Bonne réponse JJ, bonne réponse. Si tu l'as fait, c'est que y a une bonne raison.
Toutes des allumeuses, hein ?
Il redresse la tête vers moi, se marre et tend son poing pour qu'on check.
Toutes des allumeuses.
Je me détends et lui rend son sourire. Il a raison. C'est pas d'ma faute.

Toutes des allumeuses.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyVen 20 Avr - 15:29

Et voilà, y reste plus rien.
Merci Duke, j'te rapporterais ce que tu m'as demandé.
Je passe une main sur mon crâne, en effet il ne reste plus rien. Même pas quelques millimètres. Nada.
Content ?
Je tourne la tête vers lui et souris.
Grave, j'en pouvais plus !
Faut dire que je ne m'étais pas tondu depuis que je suis arrivé en prison, ça commençait à être n'importe quoi. Et même si je ne les ai jamais eu aussi rasés que ça, ça me plait. Ça me plait carrément même. Il tapote mon épaule.
Merci Don.
C'est rien. Oublies pas d'aller cantiner, c'est jusqu'à 16h.
Je hausse les épaules.
J'ai pas d'thunes sur mon compte.
Il soupire.
Va les voir et regarde la liste, tu reviendras me dire ce que tu veux. Je te prendrais un truc pour cette fois.
Sérieux ?
Il hausse un sourcil, l'air de dire : j'ai l'air de faire des blagues ? Légère euphorie qui me traverse alors que j'ai l'impression que c'est mon jour de chance. Je brandis ma main vers lui, il l'attrape et je la serre, plein d'entrain.
Putain, merci !
Il se marre un peu et je file de là à toute vitesse, remontant les couloirs pour aller m'occuper de ça sans attendre. L'horizon qui se profile devant moi me semble parfait, sans accroc. Et pourtant, au détour d'un couloir, je bascule. Choc à la tête qui m'assourdis et me projette contre l'autre mur. Mon corps qui s'éclate contre, avant que je ne m'écroule par terre, sonné. Je n'ai rien vu venir. Des tâches noires devant les yeux m'empêche de distinguer ce qui m'entoure. Souffle coupé, je tente de me relever sans comprendre ce qui m'arrive. Coup de pied dans la mâchoire, le sang qui explose dans ma bouche. Je ne crie même pas. Coup de pied dans mon estomac. Je ne peux plus faire de bruit. L'air ne passe plus. Une main m'agrippe au niveau de l'épaule et me redresse légèrement, qui rapproche mon corps vers un autre. Et tout ce que je vois, c'est un bras. La peau noire et les poils hérissés. Et d'un coup, douleur vivace dans le bide. J'écarquille les yeux, la bouche grande ouverte mais toujours aucun son qui sort. Je me sens déchiré de l'intérieur, mes mains qui agrippent un tissu au hasard et qui s'y accrochent, les muscles contractés sous l'effet de la douleur. Et d'un coup, plus rien ne me tient. Je m'écroule au sol, courant d'air glacé dans les entrailles. Je me recroqueville par réflexe, mes mains qui viennent s'appuyer sur mon ventre, comme pour tenter de calmer le chaos qui le retourne. Les bruits autour qui me parviennent enfin. Des hurlements. Des bruits sourds. Je ne comprends rien. Il me semble percevoir la voix de Don, celles des gardiens. Je crois. J'ai l'impression qu'ils sont mille. Et devant mes yeux, dansent des ombres. Des jambes que je n'arrive finalement même plus à distinguer les unes des autres. Je ferme les yeux, comme pris d'une fatigue terrible. Mes doigts qui remuent un peu sur mon ventre.

J'ai les mains poisseuses.
J'ai, je-.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyLun 14 Mai - 11:36

Salut. Je relève la tête, Akker. Grand sourire, je me redresse sur le lit de l'infirmerie. — Ah putain enfin d'la visite, j'me fais trop chier ici. Il se marre, pourtant il n'a pas l'air particulièrement amusé. Il attrape une chaise et s'installe à côté de mon lit. Machinalement, je regarde la porte par laquelle il est arrivé, comme si j'attendais autre chose. Je fronce les sourcils et tourne la tête vers lui. — Il vient pas Don ? Silence. Je ne comprends pas. Une tension que je n'explique pas envahi brusquement la pièce. — Non, pas aujourd'hui. Il ne me regarde pas, il soupire, étire ses jambes et enfonce ses mains dans ses poches. Je le fixe, lueur de contrariété au fond des yeux. — Pourquoi ? La question est sèche, brutale, pas foutu de masquer mon trouble intérieur. Il fait claquer sa langue contre son palais dans un mouvement agacé avant de relever la tête vers moi. Il hausse les épaules.

Ça va mieux ton ventre ?
Pour-quoi ?

J'insiste, la rage qui gronde déjà sous ma peau.

Ils ont transféré Bart.

Je fronce les sourcils, l'incompréhension qui se lit sur mon visage. Ouais, et ? Ma réaction ne lui plait pas visiblement puisqu'il me fusille du regard. Comme s'il était sidéré que je ne réagisse pas plus que ça. Il passe une main sur son visage, excédé. — Putain, JJ. Y a des reproches dans sa voix et je ne sais pas si ça m'énerve ou si ça me déstabilise. Je ne dis rien, ma main que je passe machinalement sur mes bandages. — Bart est l'ami de Don depuis qu'ils sont gosses. Ils ont jamais été séparés, même pas en prison. Ils.. C'est comme s'il était d'sa propre famille, tu comprends ? Ils l'ont transféré à cause de toi. Et Don a rien pu faire contre et ça le rend dingue. Il est pas bien pour l'instant et il n'a pas envie d'te voir. Je tremble face à ses derniers mots. — Il s'demande si ça valait vraiment l'coup tu vois ? Et... C'est pas l'seul.

Quoi ?!

Je me penche vers lui, prêt à me lever alors que je suis censé rester couché. J'ai viré blême, ses révélations qui me font bien plus mal que le coup de couteau que j'ai reçu il y a une semaine. Ma voix étranglée par l'émotion. De sales émotions. Celles qui me front vriller, celles qui me font sentir minable. — Ça veut dire quoi ça ? Putain c'est quoi votre problème ?! Pourquoi, pour-pourquoi vous changez d'avis comme ça ? Vous allez m'laisser tomber c'est ça hein ? Je commence à hurler, Akker me dévisage stupéfait. Il se lève et me fait signe de baisser le volume, s'approche de moi et me choppe par les épaules. — Hey mec, calme-toi ok ? Je me dégage de son emprise, m'agite, on lutte l'un contre l'autre et je ne fais pas gaffe à la sensation de mes entrailles qui se déchirent, les coutures qui sautent, la plaie qui se rouvre. — J'le savais putain, j'le savais que c'était qu'du vent tout ça, je-JJ PUTAIN ! Il me coupe dans mon élan et j'me tais, les yeux exorbités, nos rétines qui s'écorchent. — On t'laisse pas tomber, j'ai pas dit ça. Don aurait jamais sacrifié Bart s'il ne croyait pas en toi, ok ? Il doute juste du fait que tu veuilles vraiment être des nôtres. On doute tous. Je secoue la tête de gauche à droite, affolé. — Mais non, j'veux vraiment. J'te l'jure. Je-je f'rais tout c'que vous voulez pour vous le prouver. Promis, j'ferais n'importe quoi ! Ses mains qui serrent mes épaules, comme pour me garder avec lui. Il hoche lentement la tête. — On verra JJ. Je l'espère.

Qu'est-ce qui s'passe ici ?!

Interrompu par l'arrivée de l'infirmier, Akker me relâche et recule. — J'avais dit que vous deviez le laisser se reposer et- Ses yeux qui s'arrondissent brusquement. — C'est pas vrai, il saigne ! Hein ? Nos regards qui se baissent en même temps sur les draps légèrement tâchés de rouge au niveau de mon ventre. — Vous, vous sortez tout d'suite. Putain. Akker lève les mains devant lui en gage d'innocence et après un dernier regard pour moi il tourne les talons et quitte l'infirmerie, me laissant à nouveau seul. Je laisse l'infirmier faire son boulot sans broncher, complètement indifférent. J'ai l'esprit focalisé sur les mots d'Akker. Faut que je leur prouve. Faut que je leur prouve. Mais comment ? N'importe. Je ferais c'qu'ils demandent. Je ferais tout. J'veux être l'un des leurs.




Alors ?
C'est bon, ça a eu son petit effet t'avais raison. J'pense que tu peux lui demander n'importe quoi maintenant.
Bien, merci Akker.
Il hausse les épaules.
Tu sais où a été transféré Bart ?
Don ne répond pas. Akker n'insiste pas.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyMar 15 Mai - 23:36

Heeey, regardez qui voilà !
Toute la tablée qui se retourne brusquement devant mon arrivée et ça m'accueille bruyamment. Akker qui se lève même pour me saluer personnellement, Don qui me sourit et me fait signe de prendre place à côté de lui. Sourire scotché aux lèvres je ne me fais pas prier. — C'est bon, c'est guéri ? Qu'il me demande sur un ton soucieux, peut-être même un peu paternaliste. Je hoche la tête. — Ouais en gros, j'dois juste y retourner de temps en temps pour refaire le pansement mais sinon, c'est cool. Il secoue la tête, sérieux avant de venir passer sa main sur mon crâne, comme si je n'étais qu'un gosse. — Tu nous as fait peur, p'tit con. Je ricane, savoure pleinement cet instant ou toute l'attention est dirigée sur moi. — Fallait pas, j'suis increvable. Ça rit autour de moi, ça vit et putain, ça me fait du bien. Je commençais à croupir à l'infirmerie, coincé sur ce lit à attendre que le temps passe. Et rapidement, la conversation dérive pour parler de vengeance, de représailles. Visiblement, ils ont déjà tout prévu. Mais y a trop de gardiens dans le coin, alors ils parlent tout bas et ne s'éternisent pas. J'essaye de capter des bribes d'informations, mais j'ai du mal à bien suivre. Jusqu'à ce qu'une voix nous interpelle.

Don, j'suis prêt, c'quand vous voulez.
Ça marche, on arrive.

Je fixe l'homme, curieux, le regarde s'éloigner puis disparaitre avant de me retourner vers Don.

C'était qui ?
Il s'fait appeler Le Cabo.
Je fronce les sourcils, ne comprenant pas franchement ce nom.
C'est lui qui tatoue les prisonniers ici.

Je hoche la tête, finalement assez peu intéressé. Les tatouages, j'en ai quelques uns, la plupart réalisé sous l'effet de l'alcool. Ça ne ressemble pas à grand chose, ils sont assez petits, éparpillés n'importe où, pas très nombreux. J'en ai même un dont je n'ai aucun souvenir. Aucune idée de ce qu'il représente, de ce qu'il signifie. Je devais être sacrément arraché ce jour-là.

Tu veux en faire un ?
Je hausse les épaules.
Mouais, j'sais pas. J'pas vraiment d'idée.
Ils se lancent un petit regard que je capte à peine, avant que Don ne reprenne la parole. Il se tourne un instant, le temps pour lui de me désigner son tatouage à l'arrière de son crâne.
Tu sais c'que c'est ?
Pas la moindre putain d'idée.
Ben, j'sais pas, un genre de croix ?
C'est ça, une croix gammée. Tu sais c'qu'elle représente ?

Je secoue la tête de gauche à droite, franchement peu concerné par cette discussion. Moi les croix, la religion, c'est vraiment pas mon truc. La dernière fois que j'ai foutu les pieds dans une église ça s'est pas hyper bien terminé - tous des enculés ses papes.

C'est quelque chose de très important pour nous. Chacun d'entre nous en a une, elle représente nos convictions, nos valeurs. Elle représente le groupe et tout ce qui nous unit.
Il commence à m'intéresser. J'écoute, attentif.
Tu devrais t'en faire une.
Je tique un peu. Je n'ai pas spécialement envie de me faire un nouveau tatouage. Après, le motif n'est pas dégueu, mais je reste moyennement convaincu sur le principe. Mais les souvenirs de ma conversation avec Akker du début de semaine me revient en mémoire et me stresse. Sans réfléchir, je hoche la tête de bas en haut pour approuver.
Ben ouais, grave, ça peut être sympa.

Je ne demande même pas ce que sont leurs valeurs, je m'en fous. Je veux juste faire partie du groupe, juste prouver à Don et aux autres que je ferais n'importe quoi pour les contenter. Je prendrais leurs valeurs, je me ferais les mêmes tatouages, j'obéirais aux ordres. Tout ce qu'ils veulent tant qu'ils ne me laissent pas tomber.

Il vient claquer sa main sur mon épaule, l'air satisfait. Et il n'est pas le seul, les autres gars aussi on l'air ravi. Je leur souris à tous, soulagé finalement de voir que mon retour parmi-eux se passe si bien. Si facilement. Moi qui appréhendais. — Super, allons-y alors.

L'instant d'après je me retrouve dans la cellule du mec, assit sur une chaise. Autour de moi, Don, Akker et quelques autres gars qui attendent leur tour.
Tu la veux où ta croix fiston ? Comme Don ?
Brève hésitation. Je regarde encore une fois son tatouage, mais l'idée d'avoir un truc aussi visible ne me fait pas spécialement sauter au plafond. Je tire sur le col de mon t-shirt et désigne ma clavicule gauche avec mon index.
Non, ici plutôt.
Pas trop p'tite par contre.
Ouais, non, bien sûr, pas trop p'tite.

J'ai du mal à être convaincu par tout ça. Mais les mots d'Akker raisonnent encore. Et la peur de tout perdre - encore - est plus forte que tout le reste. Je lève les yeux vers Don, cherche son approbation, son soutien. Il me sourit et croise les bras sur son torse.
Ça marche, c'est parti. Enlève ton t-shirt.

✽✽✽

Je regarde encore et encore le résultat dans le petit miroir qu'il a pu acheter. Elle est pas énorme, mais elle est voyante. Elle est épaisse et stylisée. Je devine bien que dès que je porterais un t-shirt au col un peu usé, un peu détendu, on risque d'en voir les extrémités. D'en voir le relief et l'encrage qui s'étale sur plusieurs centimètres. Est-ce que je regrette ? Je tourne la tête vers Don, il a le sourire jusqu'aux oreilles et la fierté qui ruissèle de son regard clair. Non.
Elle te plait ?
Ouais, grave !

Pas franchement. En fait, je m'en fous un peu. J'ai dit que je ferais n'importe quoi pour que Don sente mon implication. Pour qu'il comprenne que je suis sérieux. Que je veux vraiment faire partie de leur clan. Plus que tout. Parce que je n'ai plus rien.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyVen 18 Mai - 15:41

Don ? J'peux t'parler ?
Il lève les yeux vers moi, reposant ses cartes sur la table, face cachée.
Maintenant ?
Je passe une main à l'arrière de mon crâne, nerveux.
Euh, non, 'fin, quand tu veux.
Long silence, il me dévisage. Finalement, il se lève et fait signe aux garçons qu'il quitte la partie pour l'instant. Il pose une main dans le haut de mon dos et m'incite à me mettre en route.
Marchons.
Je prends le temps de lever les yeux vers le ciel dégagé. Il fait chaud aujourd'hui et ça fait du bien. Mais ça me manque de ne pas pouvoir profité de l'extérieur comme bon me semble. De savourer le plein air que quelques heures par jour. C'est dur de tourner en rond. De ne plus voir la mer. De ne plus déambuler parmi les gens normaux dans les rues de la ville. C'est dur putain. C'est dur.
Alors ?
Je sors de mes pensées et relève la tête vers lui quelques secondes.
Oh euh, oui.
Et je m'agite, tortille mes doigts les uns contre les autres, souffle et inspire bruyamment, quelques spasmes musculaires au niveau du visage.
Tu sais, j'voulais t'parler, de.. Enfin, t'sais du gars, le..
Oui.
Il a compris, merci. Je sais que je ne suis pas censé en parler, mais là, j'en ai besoin. Là, j'ai trop de questions qui m'assaillent. Et je crois qu'il a compris, car il se tait, me laisse le champ libre pour évoquer le sujet.
Ben, dans les films, ou même aux infos ce genre de trucs, ils disent que quand on tue quelqu'un ça nous hante. Genre, j'sais pas. On fait des cauchemars, ou on y pense souvent. On culpabilise, on s'sent mal quoi. Ou même, genre, y en a qui disait qu'ils avaient l'impression de voir la personne qu'ils ont buté tout l'temps. Dans la rue, chez des gens, dans un reflet...
Pas forcément, non.
Je fronce les sourcils.
Comment ça ?
Il pose une main sur mon épaule.
Ce genre de réaction, ça t'arrive si tu ne voulais pas tuer quelqu'un. Si tu as tué un innocent, si t'as commis une erreur. Tu vois ?
Je hoche lentement la tête, le regard perdu dans le vague, pas certain de suivre.
Toi, c'était de la légitime défense. C'était une mauvaise personne. Finalement, tu as fait quelque chose de bien. Tu as rendu service à pleins de gens. Va savoir combien y sont passés avant toi ? Combien y serait passé ensuite ?
Progressivement, je commence à comprendre. Je me redresse un peu, le stress qui me quitte petit à petit.
Ouais... ouais, carrément. Donc... c'est normal si ça m'fait rien ?
C'est ça.
Je retrouve le sourire.
Ça m'fait rien parce que j'ai fait quelque chose de bien finalement. 'Fin, c'est pas bien d'tuer, sauf si c'est pour le bien commun en fait.
Exactement.
Je pousse un long soupire de soulagement et je secoue mes mains, agite un peu mes pieds, comme si j'étais subitement débarrassé d'un poids énorme.
Pfiou, putain, ça m'rassure oh.
Il s'marre.
Ça va mieux ?
Je viens frotter frénétiquement mon visage avec mes deux mains, comme si je le lavais pour le débarrasser de tout ce qui pesait dessus.
Mais grave.
Il ralentit et s'arrête, je l'imite, curieux. Il regarde autour de lui et finit par m'entrainer un peu plus à l'écart. Je me laisse faire sans trop comprendre. Il pose ses deux mains sur mon visage, ses doigts qui s'enfoncent dans ma peau sans me laisser de porte de sortie. Je le fixe intensément, nerveux. J'aime pas me sentir oppressé comme ça. J'ai envie de lui hurler de me lâcher. Mais je garde les lèvres scellées.
Est-ce que t'as vraiment compris c'que j'viens de t'dire JJ ?
Le front qui se plisse sous l'incompréhension. Mes mains viennent agripper les poignets de Don par automatisme, sans faire pression dessus pour autant.
Euh, ben oui.
Que je réponds rapidement, un peu agacé.
T'es sûr ?
Silence. Il a l'air de vouloir sous-entendre quelque chose et ça m'échappe. Je déglutis et finis par secouer la tête de gauche à droite. Non, j'suis pas sûr.
JJ, qu'est-ce que tu serais prêt à faire pour un gars du clan ? Pour moi par exemple, ou pour Akker ?
Je fronce les sourcils, de plus en plus nerveux. Je m'agite entre ses doigts. Mon regard clair qui vire orageux.
Ben, j'sais pas, tout ?
Tu pourrais tuer quelqu'un pour nous ?
J'ai des palpitations. Je le fixe sans le voir, ça me fait mal aux yeux. J'me sens pas bien. Ma respiration qui s'accélère.
L-lâche-moi Don.
Il resserre son emprise.
Réponds à ma question.
Et je sens la rage qui glisse dans mes veines, je commence à serrer ses poignets, les narines qui se dilatent.
Lâche. Moi.
Réponds.
Il serre mon visage encore plus fort, j'ai l'impression qu'il va exploser. J'ai le souffle court, envie de hurler, de le frapper. Mais les mots d'Akker raisonnent encore dans ma boîte crânienne. Et d'un coup, il me secoue. Je me sens vriller. Cabot infecté par la rage. Je serre les dents, plante mes doigts dans sa peau, je veux l'étriper. Et là, il fait pression sur moi, m'oblige à me baisser, à me foutre à genoux.
Lâche-moi, lâche-moi, lâche-moi.
Que je répète au bord de l'implosion. Je ne comprends pas à quoi il joue, ce qu'il fout. Je me retrouve les genoux à terre, tous les muscles bandés.
Réponds.
P'tain, je, lâche-moi, j'vais m'énerver.
Tu l'es déjà. Réponds.
J'ai la voix qui tremble, qui vacille.
N-non, j'le suis pas encore là. Arrête putain, arrête, lâche-moi.
Il serre encore plus fort, j'étouffe un râlement rauque, des larmes de frustration qui viennent humidifier mon regard. J'vais m'énerver. J'vais lui faire mal. Ce sera de sa faute.
Concentre-toi JJ. Je t'ai posé une question.
Mais je n'arrive pas à me concentrer avec la pression de ses mains. Je commence à gémir, la folie qui veut sortir et que je contiens tant bien que mal.
Respire, calme-toi, et réponds-moi.
Et il se met à respirer fort, comme la fois où j'étais rentré en transe après avoir tué le mec dans les douches. Pour que je me calque dessus. Et c'est chaotique, mais j'essaye. Et au fur et à mesure que ma respiration devient régulière, je sens la pression retomber progressivement. Ça dure un moment, avant qu'il réitère.
Bien, maintenant : réponds à ma question.
Je-, oui, oui j'le f'rais J'le f'rais d'accord ? J'le ferais.
Et, enfin, ses mains me libèrent. Je m'écroule en avant, les avants-bras qui heurtent le sol, le dos voûté. Je tremble. Il me faut quelques secondes avant de retrouver un peu de contenance. Je me redresse péniblement, toujours à genoux, je renifle et viens essuyer mes yeux et les quelques gouttes de transpiration qui ont perlé sur mon front et mes tempes.
Pourquoi t'as fait ça ?
J'comprends pas. Il se remet debout, calme.
J'ai besoin d'en savoir plus sur toi JJ. Savoir ce que tu tolères ou non. Savoir si j'peux te gérer quand tu t'énerves.
Il se rapproche.
Savoir si j'peux compter sur toi.
Je déglutis et hoche lentement la tête, encore un peu abasourdis.
Ça veut dire que va y avoir d'autres... tests ?
Oui.
Putain. Je serre les dents et me remets debout sans le regarder, regard fuyant. Comme un gosse fâché. Et ça ne lui échappe pas.
Regarde-moi.
Je n'en ai pas envie. Mais j'obtempère malgré tout. La mine renfrogné, les yeux encore un peu rouges. Il m'observe quelques secondes avant de venir vers moi et de m'offrir une brève étreinte. Ça libère mes poumons et me calme.
Rappelle toi que j'fais ça pour toi JJ. Rejoins les autres maintenant.
Il me lâche, tapote mon épaule et s'en va, me plantant là. Encore un peu retourné, il me faut quelques secondes avant de me remettre en mouvement et de rejoindre la table des garçons. Akker m'observe de loin, il vient à ma rencontre.
Ça va ?
Je hausse les épaules.
Ouais, ouais, ça va.
Que je grogne, encore un peu contrarié par tout ça. Je me retourne pour voir Don s'engouffrer à l'intérieur de la prison, sans savoir où il va. J'sais plus quoi penser de lui. Ma main droite que je passe machinalement sur ma peau encore à vif, là où j'ai fait mon tatouage. Il me brûle tout particulièrement à cet instant.
Tu joues ?
Je tourne la tête vers lui, cligne un peu des yeux, il me faut quelques secondes pour comprendre.
Ouais.
Et je viens m'attabler à ses côtés, attendant qu'on me distribue mes cartes.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyMar 29 Mai - 12:49

Je remonte les couloirs derrière le gardien, la démarche assurée, le haut de ma combinaison que j'ai noué à ma taille. On a pas le droit en principe, mais maintenant que je fais partie du groupe de Don, j'ai tous les droits - ou presque. Et ça me fait me sentir comme le roi de la prison. Menton relevé, le corps qui se balance de gauche à droite, démarche d'un caïd. J'vous écrase tous, moi. Les portes qui s'ouvrent au fur et à mesure qu'on avance, jusqu'à ce que le gardien s'arrête.  — Box numéro 3. Je passe devant lui, le jauge de la tête aux pieds, sans un merci, petit sourire narquois au bord des lèvres. Il lève les yeux au ciel et soupire avant de refermer la porte derrière moi. Je me laisse tomber sur la chaise et décroche le téléphone, le regard de mon avocat qui se braque sur mon torse. Il fronce les sourcils avant d'écarquiller les yeux, comme stupéfait. — Qu'est-ce t'as ? M'reluque pas p'tain. Il relève la tête, il a l'air paniqué. — C'est quoi, ça ? Qu'il lâche précipitamment, en désignant mon nouveau tatouage. Voilà, il est devant moi depuis 5 secondes et il me gonfle déjà. Putain de gratte papiers à la con. Mouvement de tête provocateur, je m'affale sur la chaise, sans la moindre tenue. — Ta mère en string. Il bloque, me dévisage trois secondes dans un silence de plomb avant de souffler bruyamment en passant sa main sur son visage. — J'vous avait dit de ne pas vous faire remarquer. Vous avez du sursis, au moindre faux pas ça peut devenir du ferme. Je secoue la tête de gauche à droite en signe de négation. — Y m'arrivera rien, t'inquiète. Il ouvre la bouche pour surenchérir, mais je le coupe dans son élan. Ma main que j'agite dans les airs pour balayer ses mots. — Bon bref, tu veux quoi ? Je sais que ça l'énerve que je le tutoie, du coup, ça m'amuse. Il baisse les yeux une seconde pour regarder ses papiers et devient subitement nerveux. Putain, c'est quoi la mauvaise nouvelle ? Je me tends aussi sec. Il cherche ses mots, semble ne pas savoir par où commencer. — J'ai été contacté par une femme qui voudrait vous rencontrer, mais pour ça vous devez donner votre accord pour qu'on l'ajoute à votre liste. Il tourne autour du pot, ça m'agace. — Une femme ? Si c'est une pute, j'veux bien, j'suis grave en manque, mais j'paierais rien par contre. Il ferme les yeux et inspire un grand coup, je vois bien qu'il prend sur lui pour ne pas me planter là. — Elle s'appelle Niamh O'Leary. Elle dit être votre sœur. J'éclate de rire, un truc bref mais bruyant. Je me penche en avant, posant mes coudes sur le petit rebord, la vitre proche du plexiglas. — Putain elle a des délires chelous votre pute. Les jeux d'rôles ok, mais l'inceste... mec, non, ça craint. Il s'impatiente, s'énerve. Sa main libre qui s'agite avant qu'il ne ferme ses doigts, les serrant contre sa paume. Je hausse un sourcil. — Il ne s'agit pas d'une pute. J'vous dit qu'une femme m'a contacté parce qu'elle prétend être votre sœur et veut vous rencontrer. Y a comme une tempête qui se lève dans ma tête. Je me redresse et recule dans le fond de ma chaise, j'ai perdu mon sourire. — C'est des conneries, j'ai pas d'soeur putain. Il hoche la tête de bas en haut, compréhensif. — Je sais. Mais elle m'a donné le nom de vos parents, de toute évidence elle sait des choses. Écoutez, elle n'a pas voulu me donner les détails, c'est tout ce que j'ai. Vous l'ajoutez à votre liste, oui ou non ? Je ne dis plus rien, plongé dans une profonde incompréhension. C'est qui cette Niamh ? Et pourquoi elle se fait passer pour ma sœur ? Une partie de moi ne peut pas s'empêcher de se dire que c'est un coup foireux. Que c'est peut-être quelqu'un qui l'envoie pour me nuire. C'est ça, c'est forcément ça. Ça ne peut être que ça. Je me braque, les muscles bandés, la jambe qui s'agite nerveusement. — Elle a quel âge ? Il hausse les épaules. — J'en sais rien, mais j'dirais qu'elle est plus vieille que vous. Une grande sœur alors ? Je me mets à ricaner, nerveux. Ma langue que je passe au ralentit sur ma lèvre inférieure avant de venir la mordre. — N'importe quoi. J'ai toujours désiré ardemment avoir une famille. Une vraie famille, celle du sang. Et comme par hasard, une sœur sortie de nulle part me tombe dessus aujourd'hui ? Non, je n'y crois pas. C'est un piège, une connerie. Je m'attends presque à voir la caméra cachée surgir d'une seconde à l'autre. Je souffle, les pensées qui fusent dans ma tête jusqu'à devenir incohérentes. Je finis par agiter ma main dans un signe d'acception. — T'sais quoi ouais, vas y, ajoute la à ma liste, j'règlerais ça moi-même. Elle va r'gretter de vouloir m'prendre pour un con. Il se remet à parler, mais je ne l'écoute plus. Je fixe le vide devant moi, envahi par une colère que je n'explique pas. Qui ose me faire ce coup-là ? Me mentir sur ça ? Est-ce que ce serait la voix de Samih qui aurait eu cette idée ? Je passe mes doigts tremblants sur ma tempe, contrarié. Au moins autant que je suis paumé. C'est faux JJ, t'emballe pas. C'est forcément faux, commence pas à espérer. Commence pas à te faire des films. C'est une erreur, une connerie, une arnaque. Sûrement une connasse qui se trouve des taulards pour les plumer ou quelque chose dans ce goût-là. Espère pas putain, espère pas, tu vas encore être déçu.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyVen 6 Juil - 22:15

T'étais où ? Je sursaute légèrement sur ma couchette, me redresse et fixe Don qui vient d'apparaitre dans ma cellule avec d'autres gars de la bande. Pas de Akker à l'horizon. Je me tends. — Où tu veux qu'j'aille ? Que je rétorque, agacé, fronçant les sourcils. Je hausse les épaules. — Nan j'avoue, j'suis partie m'offrir une petite virée à Bali avant de revenir ici parce que ça me manquait. A peine le temps de me laisser retomber sur ma couchette qu'il s'est déjà jeté sur moi, empoignant mon col au passage et me redressant vivement. — T'es un sale petit con O'Reilly. J'ouvre la bouche pour protester, mais je n'ai pas le temps de dire quoi que ce soit que son poing s'abat sur mon visage avec violence, me coupant dans mon élan. Sonné, étonné, je ne réagis pas de suite, commençant par balbutier alors que déjà un goût de ferraille recouvre ma langue. — Mais qu-qu'est ce qui t'prend ? Je n'arrive même pas à me mettre en colère, parce que je ne comprends pas. La désillusion est violente. — Je sais où t'étais, je sais avec qui tu étais. Putain, je sais toujours tout, tu l'as pas encore compris ça ? J'te donnais une chance de me le dire toi-même, et toi tu fais quoi ? Tu te fous ouvertement de notre gueule ? Deuxième coup de poing. Cette fois, je me réveille enfin. Je me débats et le repousse vivement, mais la seconde d'après ils sont cinq à me tomber dessus et à me tirer du lit pour me jeter au sol et m'y bloquer, quelques coups qui pleuvent ici et là, me coupant le souffle et faisant grimper ma colère de façon exponentielle. Les envies de carnage qui reprennent de plus belle, le cerveau qui ne tourne plus rond. Frapper, frapper, frapper, y a plus que ça qui raisonne dans ma tête.  — Je t'ai dit que je ne voulais plus que tu vois les gens de ton ancienne bande. Et encore moins ta copine, t'es plus censé avoir de copine, tu comprends ça ? Je serre les dents, grogne, j'enrage, ne l'écoute même plus. Animal fou furieux qui veut désespérément retrouver sa liberté. Les coups qui reprennent, un de don dans la mâchoire qui m'assomme à moitié. Je m'immobilise, vision troublée. La pression autour de moi se relâche et Don s'accroupit à côté de moi. Il me force à m'allonger sur le dos et attrape mon visage entre ses doigts rugueux. — JJ, c'est la dernière fois que je te le demande. T'es avec nous, ou contre nous ? Je serre les dents, les yeux qui s'agitent ne parvenant pas à se stabiliser dans les prunelles de Don. Le cœur qui se fracasse dans ma poitrine, je balise, hémorragie interne. Mes sentiments qui s'échappent et encrasse mes veines. J'veux pas répondre, mais je n'ai plus le choix. J'ai retardé l'échéance autant que possible, mais aujourd'hui, ça se termine. Les mots qui restent bloqués dans ma gorge encore un moment avant de se décider à sortir, maladroits et douloureux.
Avec vous.
Il me relâche et se redresse en soufflant. — T'auras plus d'autres chances JJ. La prochaine fois que je viendrais pour toi, ce s'ra plus pour poser des questions. Me déçois pas. Il me jette un dernier regard, la déception qui brille dans ses yeux sombres et il m'enjambe, quittant la pièce avec les autres. Moi, je reste allongé là, à fixer le plafond. Y a tout qui se casse la gueule dans ma tête alors que je comprends vraiment. Y a un sentiment d'injustice terrible qui vient m'étreindre et me flinguer. Le myocarde qui se vide de son sang. Don qui me retire tout ce que j'aime. Tout ceux que j'aime. Celle que j'aime. Et pendant une seconde, j'imagine un avenir sans Eanna.

J'n'y arrive pas.

Je viens poser mes mains sur mon visage ensanglanté, les nerfs à vifs, envie de violence, de tout cramer, de buter tout le monde. Envie de hurler, de me tirer d'ici, aller la retrouver et qu'on se barre ensemble. Rien que tous les deux. Y a longtemps qu'on aurait dû faire ça. Vie de cavale, on s'en fout, on s'aime. On s'aimait. On a plus le droit maintenant. Je plante mes doigts dans ma peau et la seconde d'après je me relève brusquement. L'adrénaline qui surplombe la douleur de mon corps qui vient de se faire fracasser. Je sors de ma cellule et chope le premier con que je croise et dont je n'ai rien à foutre. Ma tête qui s'écrase contre son nez, le sang qui gicle, le cri qui perce et ça se retourne contre moi. Déferlement de bêtes sauvages. J'peux pas pleurer la douleur qui me transperce jusque dans mes os, alors je cogne, avec la furieuse envie de sentir les corps s'éteindre sous mes poings.

Cogner, pour ne pas penser.
Pas penser à elle.
Penser à elle.
Elle.
J'n'y arriverai pas.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyVen 6 Juil - 23:08

O'Reilly, t'as de la visite. L'atmosphère qui se tend brusquement autour de nous. Je ne bouge plus, les doigts qui se crispent sur mon jeu de cartes. Je fixe la table devant moi, refusant de regarder qui que ce soit alors que je sens tous les regards braqués sur moi. Je n'attendais personne et une partie de moi sait déjà parfaitement de qui il s'agit. Je déglutis et demande, un peu fébrile. — Qui ça ? Le garde souffle, pas vraiment intéressé. — Hmm, Eanna. Eanna, G-...J'irais pas, dites lui de partir. Ça fuse rapidement, les mots qui trébuchent un peu sur ma langue, bousculés par l'émotion qui me fait subitement vibrer de la tête aux pieds. Je ne regarde toujours personne. Le garde soupire et secoue la tête de gauche à droite, lançant un petit regard désapprobateur à Don avant de faire demi-tour et de nous laisser. Un long silence s'installe et moi je n'entends plus que ce bourdonnement dans mes oreilles. C'est mon cœur qui tremble de colère. Douleur vivace qui se répand de partout et qui bouffe tout sur son passage. J'ai envie de me lever et de courir vers le parloir, d'envoyer valser Don et ses principes à la con, de briser le plexiglas et d'attraper Eanna entre mes bras. Elle est là, juste là, tout prêt. Je pourrais, je peux encore. Je relève les yeux vers Don. Il me fixe avec insistance, sévère. Je baisse les yeux. J'peux pas. — A ton tour de jouer JJ. Sa voix m'énerve et je voudrais lui faire bouffer les cartes. Mon visage qui commence à se faire tirailler par des spasmes nerveux, il le voit tout de suite. — JJ. Calme-toi. Je relève la tête vers lui. On se dévisage un moment et, finalement, je me lève brusquement et jette les cartes sur la table avant de la quitter, hors de moi. Je l'entends dire à Akker de se rasseoir et moi je me tire de là, retournant à l'intérieur. Je me dirige vers les douches, elles sont vides à cette heure. Et je me mets à cogner les murs en criant. Faut que ça sorte. Les chocs de ma peau contre le mur dégueulasse la fendille, l'ouvre, le sang qui sort et la fureur avec. Je m'arrête en entendant un craquement suspect, douleur vive qui remonte le long de ma main droite. Je m'arrête et recule en grimaçant. J'viens de me péter deux doigts. Je finis par poser mon front contre le mur désormais tâché de ma rage, désespéré. Je n'arrive pas à encaisser, à accepter. J'imagine son désarroi quand le garde est venu lui dire que je ne viendrais pas. J'imagine son incompréhension, sa colère, sa douleur. Je l'imagine parce que je la ressens aussi. Je me laisse glisser au sol, commençant à me demander si je ne suis pas en train de me planter sur toute la ligne. Mais c'est trop tard, trop tard. Je pose mes doigts ruisselants sur mes paupières closes, migraine terrible qui m'emporte dans un tourbillon infernal. J'me suis planté. Et c'est trop tard.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyMar 10 Juil - 13:37

J'abandonne les gars qui trainent devant la télévision et remonte le couloir en direction de la porte qui mène vers l'extérieur. Une fois dans la cour, je zieute un peu les alentours, pour voir qui est là. Il pleut un peu aujourd'hui, le temps est couvert, la plupart des prisonniers sont à l'intérieur. Tous les gars du gang en tout cas. Tant mieux. Mon regard scrute tout le monde jusqu'à ce que je trouve ma cible. Je m'élance, le pas sûr, tout en longeant un peu les murs pour ne pas me faire trop remarquer. Dans un coin un peu plus loin, y a Marcus. Il parle tout seul, encore. Ce mec est bizarre. Plutôt inoffensif d'après ce que je sais, mais totalement perché. Les autres détenus racontent qu'il n'est jamais vraiment redescendu d'un mauvais trip. Je viens me glisser à côté de lui, de sorte à être le moins visible possible par les autres gars qui trainent encore dehors.
Hey Marcuuus, ça va mon gars ?
Je l'écoute déblatérer des trucs que je ne comprends qu'à moitié, pas franchement intéressé ; plutôt pressé. Je jette constamment des coups d’œils autour de nous, pour surveiller la porte, m'assurer que personne ne fait attention à nous.
Ouais ouais, Marcus. Écoutes, si j'suis venu te voir c'parce que j'ai un service à te demander. Et en échange, tu pourras m'demander ce que tu veux ok ?
Don m'a dit que c'est comme ça que ça fonctionnait ici. Un service contre un service, la prison c'est pas une œuvre de charité.
J'ai plus d'argent pour m'acheter des trucs et j'veux des Reese's.
C'est tout ? Il ne sait même pas ce que je vais lui demander. Je le fixe quelques secondes, légèrement dubitatif avant de hausser les épaules.
Ok, j'en prendrais la prochaine fois, pas d'souci.
Il sourit, il a l'air satisfait.
Alors, t'veux quoi ?
Je me colle un peu plus contre le mur et parle plus bas, juste au cas ou.
Il m'faudrait un téléphone. Y parait que t'en as.
Il confirme et me dit qu'il me le donne demain. J'insiste un peu, lui dit que c'est urgent mais il commence à s'agiter, à s'énerver. Je recule d'un pas et brandis mes mains devant moi en signe de résignation.
Ok ok ! demain, sans faute. Mais pas ici. A la bibliothèque, dans l'allée des sciences, ok ?
Il hoche la tête et je ne traine pas plus, repartant aussitôt.

***

Installé dans un chiotte, un des rares qui a une porte qui ferme encore - une porte tout court - je fixe le téléphone que Marcus m'a refilé. J'hésite depuis dix minutes, me mordille nerveusement la lèvre inférieure. C'est pas une bonne idée putain. C'est même une horrible idée. Mais une partie de moi sait déjà qu'il est trop tard pour faire demi-tour. J'inspire une grande bouffée d'air et compose le message rapidement avant de rentrer le numéro et d'envoyer le tout. Ma gorge qui se noue. Y a plus qu'à attendre une réponse maintenant. Je reste les yeux fixés sur l'écran, lisant et relisant encore le seul "mot" que j'ai envoyé.

+ (956) 446-0664 : salut.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyMer 11 Juil - 22:06


Spoiler:

Alors comme ça elle est serveuse maintenant ? Intéressant. Faut absolument que je découvre où. Je sors bientôt et après ce qu'il s'est passé entre nous, y a 0 chance pour que je la croise au loft à priori. Mon seul moyen de la retrouver facilement, c'est de trouver où elle bosse. De toute façon, je m'en fous, je ferais tous les trucs de bouffe de Savannah s'il le faut. Je soupire et laisse tomber ma tête lentement sur le mur de la cabine où je me cache. Mes yeux qui parcourent les quelques messages échangés et je me mets à sourire bêtement. C'est comme une nouvelle rencontre.

Et je me souviens des débuts. On était que des amis à la base. Plus ou moins en tout cas. J'crois que j'ai craqué pour elle dès le début, sans même m'en rendre compte. Elle était toute petite à l'époque, rien qu'une môme chétive, avec ses grands yeux déjà salement détraqués. J'me souviens de ce mec dans sa classe, comment il s'appelait déjà ? Stephen je crois ? Un nom de merde de toute façon. Il voulait sortir avec elle, il arrêtait pas de la coller à l'époque. Y avait fallut attendre que je le chope à la sortie pour le fracasser pour comprendre que ce n'était pas juste une amie. Que cette jalousie qui me dévorait déjà les tripes à l'époque impliquait bien plus. Mais j'aurais jamais pensé que ça nous mènerait aussi loin. P't'être qu'on aurait fini par se marier si j'avais pas atterri ici. P't'être que c'est pas encore trop tard.

HEY ? P'tin tu fous quoi ? C'est mon tour !
Putain ! Je sursaute et grogne.
OUAIS BEN 2 MINUTES !
Tu t'fous d'moi ? Ça doit faire 2 ans que t'es là dedans, tous les chiottes sont pris, dégage !
Les doigts tremblants de contrariété, je renvoie un dernier message à Eanna pour lui dire que je ne serais plus disponible de la journée, avant de me lever, de tirer la chasse d'eau pour de faux et de sortir de la cabine. Je toise l'autre gars, en colère.
P'tain, y a pas moyen de chier tranquille dans cette prison ?
Si t'avais envie d'chier tranquille, fallait pas t'faire arrêter connard.
Je fais volte-face alors que je m'étais déjà éloigné, prêt à lui sauter dessus. Mais je me ravise. J'ai le téléphone sur moi et si je le perds dans la bagarre ou si je me fais choper par un gardien, j'suis foutu et adieu mon super plan. Je serre les dents et les poings.
T'as d'la chance pour cette fois, mais tu perds rien pour attendre fils de pute.
Il se marre et me balaie d'un revers de la main avant de rentrer dans la cabine. Je m'éloigne à grands pas, me faisant la promesse de lui retomber dessus rapidement pour lui faire payer de m'avoir interrompu dans mon échange avec Eanna. Elle me manque déjà.
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MessageSujet: Re: muselière.    muselière.  EmptyLun 16 Juil - 13:27

Hey ! Y a un nouvel arrivage !
Et d'un coup, c'est la cohue dans la cour. Tous les prisonniers déjà dehors se lèvent et se précipitent vers les grilles et très vite, d'autres qui étaient encore à l'intérieur débarquent à toute vitesse. Faut dire que c'est un peu la seule animation qu'on a ici. C'est aussi un bon moyen pour voir tout de suite qui débarque. Inconnus, amis, ennemis. Je suis le mouvement et m'approche du grillage avec les gars. Je me retrouve au deuxième rang, entre Don et Akker, tous deux agrippés aux fils de métal qui nous séparent du monde extérieur. Autour de nous, ça crie, ça s'agite, ça secoue le grillage. Il me semble même percevoir quelques menaces de mort dans le lot. On dirait des animaux en cage, tous devenus fous à force de tourner en rond. Mes yeux scrutent les condamnés un à un, sans grand intérêt. Je n'en connais aucun de toute façon. A chaque fois c'est la même chose.

Ou plutôt c'était.

Put... Je ravale mon juron alors que mes yeux s'écarquillent en reconnaissant un visage familier. Trop, familier. Le palpitant qui rate un battement, plusieurs même, l'impression qu'il dégringole dans ma poitrine. Putain, putain, putain. Je peine à croire ce que je vois. Sam. C'est lui. C'est Samih. Avec sa tête de déterré, comme s'il ne savait pas ce qu'il foutait là. Comme si on venait de le tirer du lit pour l'emmener ici. Il n'a pas l'air bien. Il n'a jamais l'air bien en fait, mais j'avais presque oublié depuis le temps. Don se tourne vers moi et me dévisage. — Quoi ? Je cligne des yeux, encore un peu abasourdis et je fronce les sourcils, finissant par tourner la tête vers lui tout en la secouant de gauche à droite. — Rien, y a rien. J'ai cru que... Mais j'me suis planté. Y a rien. Don me scrute un moment, il a l'air contrarié. Je hausse les épaules et lui souris, comme si de rien était. Il finit par se détourner de moi et je le sens qui scrute la foule avec un peu trop d'intérêt. Mais je l'oublie vite. Mon corps pivote au fur et à mesure que Sam avance et je ne le lâche plus du regard.

Putain, qu'est-ce qu'il fout ici ?

Je ne comprends pas ce qu'il a pu faire pour finir ici. C'est à cause de la voix ? Elle lui a fait faire des choses qu'il ne voulait pas ? Je me mets à respirer bruyamment alors qu'une tension nouvelle me serre les muscles. Je me sens pas bien. Comme un mauvais pressentiment. Les tripes qui se tordent dans tous les sens et une multitude de pensées qui m'assaillent, me laissant légèrement fébrile. Un mélange entre désarroi et colère. Je passe une main sur mon crâne, puis sur ma bouche, comme pour m'empêcher de dire quoi que ce soit, de me vendre, de gaffer. Les nouveaux venus finissent par rentrer dans le bâtiment et la foule se disperse déjà pour foncer vers l'intérieur. Don et Akker se retournent et me font face. Don me fusille du regard avant de s'éloigner sans un mot. — Qu'est-ce qu'il a ? Je hausse les épaules et fais la moue, menteur jusqu'au bout. — Aucune idée.Il a dû voir quelqu'un qu'il n'avait sûrement pas envie d'voir. Je hoche la tête, un peu distrait. — Ouais.. Ouais, sûrement. Il s'éloigne, je ne bouge pas. J'ai l'impression de m'être pris une tonne de briques sur la tête. J'sais pas quoi faire. — Tu viens ? Je me redresse et secoue la tête en signe de négation. — Non, je, j'ai un truc à faire, je reviens après. Et je m'éloigne à grandes enjambées pour retourner entre les murs.

Et je fais quoi maintenant ? Je l'évite ? Je vais le voir ? On est en bons termes ou pas ? Il va m'ignorer ? Me taper dessus ? Chercher du soutien pour ne pas être tout seul ? Et Don, il va dire quoi ? Il va faire quoi ? Putain, ça fait beaucoup trop de questions et pas assez de réponses. Je panique un peu, ayant la sale sensation que le contrôle des choses m'échappe complètement subitement. Pourquoi il s'est fait arrêter putain ? Pourquoi y a fallu qu'il finisse ici lui aussi ? Merde. Je me réfugie dans ma cellule, en principe les nouveaux ne passent jamais par-là, ils sont affectés dans un autre coin du bâtiment pendant quelques jours, le temps d'être répartis dans leurs cellules définitives. Je m'installe sur ma couchette, le cerveau qui cogite. Je fais quoi ? Je fais quoi putain ? Pour la première fois, y a personne pour me guider, pour me conseiller. Je suis seul face à moi-même. Et je n'aime pas ça. Pas du tout. Ça fait des nœuds dans ma tête, j'y vois plus clair. Tout se mélange, tout s'affole, je deviens nerveux. Le visage secoué de légers spasmes par intermittence alors que j'ai l'impression d'être en plein bug de mon système. Angoisse sous-jacente qui grimpe de plus en plus, sans que je ne l'explique. J'ai pas peur de Sam. J'suis pas habitué à avoir peur de quoi que ce soit, de qui que ce soit. Faut croire que j'ai été dépourvu d'instinct de survie à la naissance. Non, c'est pas ça cette angoisse. C'est pas la peur qu'il me tombe dessus. Ça, j'en ai rien à foutre. Ce serait pas la première fois. Non, c'est autre chose. Mais je n'arrive pas à mettre le doigt dessus. C'est un truc plus violent encore, plus profond. Ça touche aux émotions. Comme jamais encore.

Je reste prostré dans ma cellule jusqu'à l'heure du repas. Et je n'en sors que lorsqu'Akker passe me chercher. Je le suis à contre-coeur, j'aurais préféré gagner du temps encore. Ne pas sortir d'ici avant demain. Ma nervosité est palpable, je le sais. Akker finit par la sentir et m'interroge, je nie tout en bloc. Quand on rentre dans le self, je scrute la pièce rapidement. Pas de Sam à l'horizon. Je me dépêche de prendre mon plateau, mon repas et d'aller m'installer à notre table. Le dos voûté, j'essaye de me faire tout petit, tout discret. Pas évident quand on fait 1m88 et qu'on traine avec une bande comme la mienne. J'arrive au dessert quand soudain, je le vois qui rentre dans la salle. Je me ratatine encore plus. Visiblement, j'ai décidé de ne pas le confronter. Pas encore en tout cas. Il passe plus loin sans me voir et je le zieute discrètement, nerveux. Mais je m'arrête bien vite quand je vois le regard de Don qui s'est fixé sur moi. — Un problème JJ ? Je fais la moue et avale mon dessert d'une traite. — Non, nickel. Et sans plus tarder, je me lève, sous les regards un peu étonnés des autres. Faut dire que je n'ai pas dis un mot du repas et que j'ai expédié ça en deux temps trois mouvements. Moi qui d'habitude traine et fais l'animation en parlant sans m'arrêter. Je prétexte me sentir brassé par la bouffe de ce midi et je m'éclipse. Dernier regard en direction de Sam avant de partir, il ne m'a pas vu. Tant mieux.

Bon et maintenant, je fais quoi ?
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