Invité ☽ ☾
| Sujet: électromagnétisme (kistiel) Jeu 12 Juil - 21:14 | |
| Tu n’es pas l’un d’eux. Tout semble le hurler. Les voix fortes et les lèvres mutiques. Eux qui gesticules trop, presque désarticulé, et toi qu’es presque immobile même quand tu marches. Les yeux fixés sur un seul objectif que tu es bien décidé à atteindre indemne. Tu serpentes entre les corps, force de répulsion naturelle entre toi et les autres. Rien ni personne qui ne fasse que e frôler jusqu’à c’que tes doigts trop blafards atteignent le comptoir du bar, et que tu te hisses maladroitement sur un tabouret. C’est toujours le même rituel quand t’arrives dans les lieux qui se veulent sociaux, que tu voudrais sociaux, mais t’arrives pas à faire éclater la bulle qui t’entoure. Bulle de crainte, de mauvaise onde, d’application à s’effacer pour n’être que mieux ignoré du danger. T’as la frousse. Mais ça te terrifie encore plus de rester “à la maison”. Alors tu sors, et tu paris sur l’intégrité de tes os à chaque fois. C’est peut-être exagéré. Peut-être. Tu sais pas. Ça fait sept ans que tu t’es rien cassé, mais ça fait sept ans que t’as abandonné tout espoir de vivre normalement. Vivre. Avais abandonné. C’est ça qui t’fous la trouille. Abandonné encore. Alors voilà, tu sors. Et quand le type éméché deux mètres plus loin laisse tomber sur verre qui se brise sur le sol, ça résonne dans ta psyché et dans ton squelette à t’en filer la gerbe. Mais tu dis rien, tu restes immobile et invisible jusqu’à ce que le regard du barman croise le tien et que tu puisses enfin te commander du vin. Du vin ouais, un blanc sec pour commencer. On voit vite par quels types de personne t’as été élevé. Pas par de ceux qui fréquentent les bars.
Mais faut pas croire que tu monde n’est régit que par des forces de répulsions, Cassie. T’échoues pas ici parce que la maison de repousse plus que la rue, qui te repousse encore davantage que ce bar, ou tu échoues, coincé entre des corps qui te repoussent tout autant. C’est pas si triste, c’est pas si sombre. T’as toujours vu un semblant de lumière au bout du tunnel, la plupart du temps entre les pages d’un bouquin. Et tu voles vers elle, papillon paumé. Tu sais que tu finiras par trop t’en approcher. Avec un peu d’chance ce sera pas dans un brasier que tu finiras pas cramer. Avec un peu de chance. La lumière, ce soir, tu connais toujours pas son nom. C’est juste « celui avec les cheveux roses », à qui t’as vaguement adressé la parole, une fois, à l’hôpital, et dont le profil, les yeux et le rose sont restés englués dans ta jungle mentale. En lisière, jamais loin. Assez proche même pour que tu t’surprennes à divaguer à son sujet. Parfait inconnu pour qui t’as forcé la main du destin. Juste pour le revoir une fois au détour d’une rue. Et une autre dans un bar. Et une autre dans celui-ci. Et puis toutes les autres fois. Encore une ce soir. Mais tu connais toujours pas son nom. Tu souviens à peine de son de sa voix que t’arrives parfois à raviver en attrapant des brides de ses conversations. Son image c’est tout c’que t’as et que tu permets d’avoir. T’as pas encore décidé des risques, t’as pas encore trouvé s’il est une diode électroluminescente, une lampe à combustion, ou un feu de forêt. Si tu restes là, assis, une main qui porte distraitement l’alcool à tes lèvres et tes yeux qui cherchent les mèches cerises, c’est certainement que tu penches plutôt pour les deux dernières options.
Tant que tu n’auras pas choisis, ce sera encore une soirée comme les autres. Tu resteras là, un, puis deux, peut-être trois verres de Riesling qui dilueront ton sang, ou tu prendras peut-être du rouge après. Tu seras peut-être obligé d’appeler Peter pour qu’il vienne te chercher. Surtout si tu en prends un quatrième. Peut-être comme l’homme flamant viendra pas ce soir, alors tu vas boire, rester dans l’ombre, mal dissimulé derrière tes mèches ébènes, mais personne pour faire attention à toi de toute façon. Ou alors s’il sera là, ça changera pas beaucoup la donne, sinon que ton attention à toi lui sera dédiée. Et que tu passeras juste assez près de lui en partant pour réimprimer le timbre de sa voix entre tes temps. Et tu rentreras.
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