parle leur de batailles, de rois et d'éléphants

01 ; y'a plusieurs versions de l'histoire, un coup ça balance un feu qu'aurait surgit de sa peau, un coup c'est une mauvaise chute qu'a arraché sur son passage une bonne partie de sa tronche. la vérité c'est que sal il s'est fait claquer par les crocs du gentil clébard de son père - faut dire qu'il était sympa duke, faut dire qu'il avait même pas prévu qu'un jour il lui choperait la gorge et en ferait des lambeaux. mais duke il a été attrapé par le collier, duke il s'est bouffé une caillasse en pleine tête - encore un peu et sal aurait eu qu'une gueule cassée. en attendant y'a que son cou, son épaule à déplorer, lui donnant un air de vilain de films d'horreur, de ceux qui butent la blondasse peu avant le générique de fin.
- putain y t'est arrivé quoi ?
- j'sais pas j'suis né comme ça. et toi ta tronche on en dit quoi ?
- j'sais pas, j'suis né comme ça.
- bah voilà.
il avait bien neuf ans quand c'est arrivé sal - et par on ne sait quel miracle il a tenu le coup, même si ça a foutu des bâtons dans les roues à l'intérieur du couple king.

02 ; noir c'est noir, sans trop d'espoirs. noir c'est pas non plus un surplus de désespoir. c'est juste qu'il a le mal des couleurs sal, que ça lui file comme le tournis, une chute soudaine qui lui ferait s'écraser une vague sur sa face - ça reste toujours un peu sombre, de quoi se glisser dans la masse sans trop attirer l'attention. il recherche rien sal, pas même à ce qu'on le percute, ni qu'on le remarque - au mieux par un poteau qu'il se prendrait faute d'avoir bien regardé devant lui. toujours trop large, toujours trop - et les pantalons déchirés c'est pour pas choper froid en plein hiver. du reste, ses pompes, il doit en avoir deux, les deux qui datent de périodes trop lointaines - les deux qu'ont des lacets flingués et de la terre jusque dans le tréfond des semelles.

03 ; il a le soupir facile, c'est comme un vent éternel, une genre de tornade excessive mais minuscule. l'est lassé, fatigué avant même d'avoir vécu - et qu'a avoir passé trop de temps à l'hôpital, il en ressort qu'une amertume d'avoir vu tant de mocheté. ici ça crève, ici ça pleure, ici ça se chie dessus, là-bas ça va tabasser l'infirmière parce que ça fait une crise de nerfs, dans le coin ça attend de se faire emporter par un cancer, de l'autre ça se bouffe les cheveux jusqu'à s'en étouffer. c'est laid, putain que c'est laid - et il se dit qu'à sa manière, en soupirant de façon aussi outrancière, qu'il réapprend juste à respirer.

04 ; se tenir droit, pas avoir les yeux de travers, éducation à la militaire. le père c'est un bon, c'est un grand, c'est un qui se fait tailler les cheveux toujours de la même manière, qu'a des fringues pour le lundi, le mardi, jusqu'au dimanche. c'est un type qu'a déjà cassé sa pipe y paraît, et surtout qui pose sa paire sur la table - avec ses armes dans l'armoire où sont les robes de la mère. parmi sa collection y'en a un qui a servit à abattre son cher chien - les autres c'est souvent pour faire peur. plus il y pense sal, plus il percute qu'il se met à ressembler à ces péquenots perdus dans les marais.

05 ; la mère elle a de grands yeux verts qui mènent vers l'univers, la mère elle a toujours de jolies fringues bien repassées qui dépassent jamais. elle est la ménagère parfaite qui bouffe toutes les informations qu'on lui fout au bec, qui irait se batailler contre une armée de gonzesses comme elle pour le nouveau éplucheur à pommes dernier cri. elle a le sourire facile - et elle lave tout le temps aussi, elle aime pas la crasse, elle aime pas quand ça fait des tâches dans sa cuisine blanc cassé. elle est belle, profondément belle, elle est triste, profondément triste - il jurerait avoir déjà vu ses joues se dégueulasser de mascara sur lequel y'avait marqué water proof.

06 ; il doit avoir le syndrome façon alice qui déboule de l'autre côté du miroir. il peut pas voir son reflet, il doit cacher ce qui déconne, ce qui détonne - il doit essayer de trouver une part de pas trop affreux dans tout ce qui lui sert de corps. alors il évite, la salle de bain ça reste rapide, juste pour se laver, pour se sécher, passer un coup dans ses cheveux. du reste il a jamais pris le temps de bien se jauger, de capter ses cernes qui creusent des tranchées, son sourire pauvret qui vaut un minimum d'or quand il est tout étiré.

07 ; il aurait aimé apprendre des tas de choses, sal. le tir à l'arc, le piano, le violon dans un délire plus pathos, pourquoi pas même à grimper sur le dos d'un canasson. il aurait aimé apprendre des tas de choses, sal. il a toujours abandonné avant même d'avoir essayé, d'en parler à ses parents - il en voyait pas l'utilité, il savait pas où se caler ni comment se retrouver une place à proprement parler. il aurait aimé - mais il a déjà un peu existé, c'est pas plus mal. parce qu'il se souvient d'avoir aimé quelqu'un une fois puis deux, il se souvient des discussions nocturnes sur le pc, sur le portable ou même sous les étoiles, il se souvient même du premier pain qu'il a collé dans la gueule à quelqu'un - ça lui a fait tout drôle de sentir ses jointures se décolorer.

08 ; génération y un peu tardive, il a toujours les écouteurs dans les oreilles qui pendent, qui font tinter diverses musiques, passant du metal au classique, de la dubstep à la pop. il écoute de tout, sal, il est pas chiant, juste totalement dans son sarcophage une fois qu'il a décidé de se déconnecter - il supporte pas les bruits sourds, la lourdeur du silence qui s'écrase sur ses épaules. il préfère fantasmer, se faire des films, quelques idées, s'évader pour trois pauvres minutes, ou une, ou dix.

09 ; yeux rivés sur des lignes ou des images, fervent lecteur qui en quelques jours seulement peut s'enfiler tout un roman - ils peuvent parfois  s'étaler en des mois lorsqu'il prend une pause. accompagné sans cesse de fantasmes, de mythes, de légendes et parfois de futurs désastreux, il s'intéresse aussi aux mangas, aux comics et tout ce qui pourrait nourrir son esprit jamais rassasié.

10 ; diverses manies ponctuent ses habitudes, en l'occurrence il se ronge les ongles, se gratte parfois sa cicatrice, tout ceci dans des situations stressantes bien plus qu'à l'accoutumée. en outre, ses tendances à se dévorer la lèvre inférieure font de sa bouche un champ de bataille qui pisse parfois - et si ce n'est pas elle, c'est sa langue qu'il mordille. toujours quelque chose à croquer, comme s'il voulait se dévorer.