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 le genre de problème qui casse un cœur (fantie)

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MessageSujet: le genre de problème qui casse un cœur (fantie)   le genre de problème qui casse un cœur (fantie) EmptyMar 3 Juil - 10:35

Ding, clang, bam, ouf.
Les bruits devenus familiers de l’hôpital envahissent mes oreilles. Un stéthoscope qui tombe, des chariots en métal qui heurtent l’angle d’un couloir, une porte qu’on claque, un soupir qu’on s’avoue à demi-mot. L’odeur caractéristique à ce lieu s’accroche à ma peau, désormais, malgré le parfum que je mets tous les matins je la sens, je m’en imprègne – elle définit aussi mon territoire, après tout.

Aujourd’hui, ça va. Ma blouse est propre et repassée, mon nom joliment brodé sur ma poitrine, un carnet dans une poche, les stylos dans l’autre. Une vraie petite médecin en chef, avec mes cheveux relevés en longue queue de cheval, dont la pointe effleure mon dos à chaque mouvement de tête. Faut dire, je suis assez contente : pas de crise, pas de panique, tout va bien. Un petit message à Artie pour lui dire qu’il me manque, et j’espère qu’on pourra passer notre pause dej ensemble. Ma tournée des patients vient de se terminer et je peux pas m’empêcher de sourire en pensant à M. Donovan. C’est le vieux de la chambre au fond du couloir que j’ai opéré hier matin. La rémission se passe bien… il peut continuer de reluquer les infirmières. Dégueu ? Maybe, mais au moins, on lui a sauvé la vie, et c’est ce qui compte.

Un coup d’œil à ma montre m’indique qu’il reste encore plusieurs minutes de flottement avant que je sois à nouveau sollicitée. Quelques minutes, seulement – ça me semble des heures de liberté. Le temps de prendre un café – noir, serré, sans sucre, immonde – pour une dose d’énergie supplémentaire et… et quoi ? Autour de moi dans la salle de pause, deux-trois internes sont enfoncés dans le canapé défoncé, en train de dormir ou de glander, le cerveau en « off » tandis que leur corps récupère, leur laissant les yeux vitreux et la bouche ouverte. Le spectacle est loin d’être glamour, aussi, je m’éloigne. Mes pas m’emportent assez loin pour que je me retrouve finalement devant la chambre de Bo, sans même y penser, sans avoir cherché à éviter ce chemin. Je frappe un coup discret. Pas de réponse. À peine deux secondes d’hésitation avant que je n’ouvre la porte : Bo, c’est mon ami aussi, j’ai le droit de venir le voir n’est-ce pas ? La chambre est vide, le lit défait, et l’émotion qui me serre le cœur se situe à mi-chemin entre le soulagement et le désarroi.

Bo est devenu l’ombre de lui-même. Je l’ai à peine vu depuis son retour miraculeux, mais je sais qu’Artie a passé un sacré nombre d’heures avec lui. J’ai pas pu vraiment lui parler, non plus. Pourtant j’avais un discours tout prêt dans ma tête… j’pense pas que ça serait sorti. Il avait les yeux dans le vague, tournés en direction d’un autre monde. Une expression indéchiffrable sur le visage, à un moment j’ai même cru qu’il me reconnaîtrait pas. Honnêtement, ça m’a foutu les jetons. Ce jour-là je m’étais pas attardée. Évidemment il a jamais répondu à mes messages…

La fenêtre de la chambre est ouverte, je m’avance pour la fermer. Je suppose qu’il est parti faire un tour : les infirmières ont dû vouloir l’aérer, le promener un peu, ou l’emmener je ne sais où. Mais y’a encore toutes ses affaires ici : il va revenir. Tiens, même son dossier médical est posé sur la petite table de chevet. Je fronce les sourcils, c’est négligeant. Qui est l’infirmière ou le médecin idiot qui laisse ce genre de document à portée du premier venu ? J’attrape le dossier pour le remettre à sa place. Une fois entre mes doigts, délicatement, les feuillets se tournent tous seuls. Déformation professionnelle et réflexe, vraiment. Mais Bo est mon ami, j’ai aussi le droit de savoir quelles sont les conclusions du médecin qui l’a examiné. Artie ne s’est pas étendu, il a juste dit que Bo n’avait pas besoin de suivi psy et que ça irait. J’avais envie de le croire… mais bon, avec quelqu’un qui ne connaît pas Bo, on ne sait jamais. Peut-être qu’Artie ou moi on pourrait dépêcher quelqu’un de confiance pour refaire un examen, au cas-où. Après tout, il devrait sortir très bientôt, ils l’ont juste gardé en observation. Un tel choc peut avoir des conséquences inattendues, parfois c’est bien de faire un second check. Je feuillette le dossier distraitement : pas besoin de tout lire en détail, les principales informations me suffisent. J’veux juste vérifier que t…

What ?

Ma respiration se bloque et j’ai l’impression de tomber. Oh, Lord. C’est pas possible… ? Je me pose sur le lit, étale le dossier devant moi, sort la feuille qui vient de me faire perdre le sang-froid durement acquis ce matin. C’est pas son nom inscrit en haut, là, c’est celui d’un autre interne, Mark, le grand blond. Mais les rayures et l’écriture nerveuse… non, non, c’est pas possible, il aurait pas fait ça. Parce-que ça, c’est compromettre la sécurité et la santé du patient, c’est taire un risque et piétiner le principe de précaution, c’est idiot, stupide, dangereux… Je fais un effort pour respirer, pour m’assurer que les trois lettres griffonnées à la va-vite à côté de la case « état psychiatrique » sont bien les siennes mais je sais, j’le sais parce-que je l’ai vu écrire Fanny Martins un paquet de fois et les lettres R.A.S. en font partie et putain… Putain, putain, merde !

* * *

Ding, clang, bam, putaaaaain...
J'entends plus aucun bruit hormis mon allure de course contre le lino, ma respiration erratique quand j'pousse enfin la lourde porte du couloir qui me mène aux urgences. J'entends à peine les "bonjour Fanny", j'm'en fous tellement sur le moment que je leur accorde à peine un coup d'oeil. J'débarque là au milieu et oh fuck c'est calme ce matin, y'a personne, y'a rien, y'a juste quelques internes en mal d'adrénaline. Je croise un regard un peu hostile, c'est surement écrit sur mon visage que mon côté sombre a pris le contrôle mais j'arrive pas à faire autrement. J'ai le dossier dans les mains, j'peux sentir les plis du froissement provoqué par mon angoisse. Juste un signe de tête et je repère Arthur, plutôt tranquille. L'image de l'innocence, clairement, c'est pas la culpabilité qui l'étouffe et ça me rend juste...

« Super. Bravo. » Je surgis à côté, je slamme le dossier contre la table. Il sursaute, bouh, surprise. Je lui laisse pas le temps de parler, j'ai pas envie qu'il m'embobine, alors d'un regard j'indique le dossier. Y'a Bo Carter écrit en lettres capitales sur l'étiquette, voyons si ça lui parle. « Faut que j'te voie en privé. Maintenant. » Sans attendre je tourne les talons et je sors des urgences. Là c'est pas une scène de couple, là c'est une erreur qui pourrait le faire renvoyer. J'attends qu'il sorte, et dès que sa tête apparaît je ne vois plus que ses yeux brillants de stress. Je brandis à nouveau le dossier. « Tu m'expliques ?? "R.A.S. état psychiatrique" ? » Je fais un effort pour garder un ton bas, le couloir est vide, mais on ne sait jamais. « Mais Artie bon sang il t'es passé quoi par la tête ??? »
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Arthur Teague

Arthur Teague
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MessageSujet: Re: le genre de problème qui casse un cœur (fantie)   le genre de problème qui casse un cœur (fantie) EmptyDim 8 Juil - 2:42

Quand on arrive en médecine, et plus particulièrement aux urgences, on se dit que le pire ça serait les nuits de garde, le rythme effréné et les patients qui s'enchaînent. On vous dit pas que le pire, c'est une nuit de calme plat. Lily, l'autre interne - avec qui j'ai couché il y a deux semestres de ça quand j'étais en pédia-, David l'infirmier et moi on est là, sur le comptoir à passer le temps comme on peut. J'suis sur la chaise de l'infirmière en chef, parce qu'elle a des roulettes et qu'elle tourne. Lily jette des dragibus dans ma bouche et je recule de quelques centimètres de plus à chaque fois, mais ils tombent tous à côté. La fatigue m'empêche de garder les yeux ouverts. Ce n'est pas tellement que je suis là depuis longtemps, juste une fin de garde comme une autre. Simplement qu'en ce moment je ne dors pas de la nuit et qu'en plus j'ai l'impression qu'ils ont changé le café dans la machine du 1er et que maintenant ils ont mis du déca à la place de la caféine. Mouais. Après un énième dragibus qui roule par terre jusqu'au lieu d'un patient, Lily regarde sa montre, c'est déjà l'heure pour elle d'amener un autre patient au scan, je soupire bruyamment. Au moins elle a un truc à faire, moi non. On échange un regard avec David et je roule jusqu'au comptoir pour m'y accouder, la joue contre la paume comme un enfant qui s'ennuie. C'est chiant quand c'est mort comme ça aux urgences. qu'il commente, David. Je sursaute et m'éclate le visage contre le comptoir, car ma joue glisse de ma main. AIE. Il ne faut jamais, JAMAIS, JAMAIS dire que c'est mort aux urgences. JAMAIS. C'est toujours là qu'un truc horrible se produit.

Super. Bravo. Fanny.
Je foudroie du regard David.
Foutue malédiction des urgences.

Je tourne mon fauteuil vers elle et lui faire un large sourire. J'tombe nez à nez avec sa tête des mauvais jours. En six ans j’ai eu le temps de lister ses différentes expressions faciales et le niveau d’alerte. On est sur un bont 8/10 sur l’échelle du pétage de plomb. Du coup je garde ma bouche entrouverte, coupé en plein élan. Le regard de David passe de moi à elle, d’elle à moi. Mais je n’y fais pas attention, perdu dans les billes noires de Fanny, je fronce légèrement les sourcils, mettant quelques secondes à comprendre jusqu’à ce que mes yeux cernés ne glissent jusqu’au dossier qu’elle brandit, au plutôt qu’elle écrase entre ses mains crispées. Bo Carter. Mon coeur loupe un battement, soudain un silence entre nous, et un grand coup de chaud qui s’abat complètement sur moi. Merde, merde, MERDE. Comment elle peut être au courant ? Est-ce que quelqu’un d’autre est au courant. Où est Bo bordel ? J’avale ma salive et détourne le regard pour me plonger vers un dossier qui n’est même pas un patient à moi, comme si j’étais très très occupé. Faut que j'te vois en privé. Maintenant. Là je lève la tête vers elle et hausse les épaules d’un air désolé : Tu sais, David vient de lancer la malédiction des urgences du coup, j’m’attends à un carambolage à tout moment. Elle s’en fout royalement et a déjà pris le chemin de la sortie de quoi me donner la nausée. Si elle sait pour Bo, qui lui a dit ? Comment elle a eu l'info ? Comment elle s'en ait rendu compte ? Est-ce que son état a empiré ? Est-ce que quelqu'un a remarqué que le dossier était trafiqué ? Fuck putain. Fais chier !

Dès qu’elle a passé la porte, David explose de rire en me donnant une tape amicale dans le dos. Avec qui t’as encore couché mon pauvre Arthur ? J’inspire profondément, expire, ferme les yeux, attrape le café que j’ai pris une demi-heure avant et pas encore terminé, le vide d’une traite, le café est froid, c’est dégueu. Je donne un coup de pied sur le lino pour me faire rouler en arrière et me relève en rassemblant le peu de courage qu’il me reste et improvise un “non, non, c’est rien” à l’attention de David, pas sûr qu’il m’ait vraiment entendu. Là je prends d’un pas fébrile le chemin de la sortie pour la rejoindre, j’enfonce une main dans la poche et pose l’autre sur la porte battante, une seconde le temps de me concentrer et je la rejoins dans le couloir.

J’ai même pas passé un orteil qu’elle me saute dessus. Je fais attention à refermer la porte derrière moi avant de lui répondre et avance jusqu’à la faire reculer un maximum pendant qu’elle me secoue la feuille d’examen de Bo. Tu m'expliques ?? "R.A.S. état psychiatrique" ? Je me racle la gorge et hausse les sourcils d’un air indifférent : Tu devrais demander à Mark, c’est lui qui a fait la consult'. Ma voix est terne et je sais parfaitement que ça ne passera pas. Il n’y a qu’une personne sur cette planète capable de reconnaître mon écriture et faut que ça soit Fanny. Elle ne me croit pas, elle sait que j’ai rayé les recommandations de Mark. Elle sait que c’est moi. Elle sait que j’ai foiré. Et mes yeux se mettent à piquer tellement j’me sens pris au piège. Parce que si prenait à Fanny l’envie de me dénoncer, ça pourrait tout foutre en l’air. Bo et ma carrière j’entends. Alors je lui tends une dernière perche, la toute dernière chance d’oublier cette histoire avant d’être complice de mon mensonge. Avec un sourire tordu et un faux-air amusé, j’ajoute sans vraiment y croire : Mais j’suis presque sûr que R.A.S ça veut dire "rien à signaler". Ça ne la fait pas rire, tant mieux, moi non plus.

Mais Artie bon sang il t'es passé quoi par la tête ??? j’hésite à bluffer. J’ouvre la bouche d’un air tout à fait normal et me ravise immédiatement voyant bien que de toute façon, c’est peine perdue. Je regarde au-dessus de son épaule, puis derrière moi et attrape Fanny par le bras pour l’entraîner dans un autre couloir, encore moins fréquenté. Écoute, Bo va bien, ok ? Ça va il est sonné mais y a pas de quoi s’inquiéter. Maintenant si tu me disais plutôt ce que tu fais avec son dossier, hm ? Changer de sujet, c’est parfait ça, très bonne stratégie. Et puis ça fait tilt dans ma tête : non, sérieusement ? Qu’est-ce qu’elle fait avec son dossier ? Ce n’est pas son patient, elle n’est pas sensé y avoir accès, ni même le lire, encore moins les trimbaler dans l’hôpital. Pourquoi elle fouillait dans les dossiers déjà ? Dans son dossier ? Je croise alors les bras contre ma blouse.
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MessageSujet: Re: le genre de problème qui casse un cœur (fantie)   le genre de problème qui casse un cœur (fantie) EmptyMer 8 Aoû - 18:55

Ça me soûle déjà.

J'aimerais ne pas être là, ne jamais être tombée sur ce putain de dossier et sentir mon coeur battre à tout rompre, les mains tremblantes d'entendre la confirmation de ce que je crains. Ou pire, de l'entendre nier. À force de le connaître je sais qu'il le fera, qu'il dira que ce n'est pas lui, qu'il n'y est pour rien... affronter ses conneries c'est pas son fort. Les deux secondes d'attente dans le couloir me paraissent infinies et quand la porte s'ouvre, son expression moins contrite qu'arrogante achève de pulvériser l'infime réserve de patience et de compréhension qu'il pouvait me rester. ARGH.

« C'est ça fous-toi de ma gueule. » Je m'entends répondre au quart de tour, une voix lointaine et sèche qui résonne dans ma tête. Sans un cri, pourtant. Le visage d'Arthur se décompose lentement mais surement, sa belle assurance plaquée sur ses traits qui fond comme la neige au soleil, plutôt comme un glaçon dans un four chauffé au max. La peur dans ses yeux, son expression fuyante, je lis tout ça mais ça ne m'atteint pas. Je sais que ça devrait... je devrais le prendre dans mes bras, l'asseoir dans un coin et parler de ça avec lui. Une discussion. C'est comme ça qu'on fait, non ? Quand quelqu'un a merdé. On console, on aide, on comprend et ensuite on essaie de réparer. Or là, j'en suis incapable. Je ne suis pas psy, j'suis pas son assistante sociale. Quoique parfois, ça pourrait. Et malgré ses yeux brillants, il trouve le moyen de m'enfariner, de tenter une blague, encore... Est-ce qu'il se rend seulement compte de l'énormité de sa tromperie ? Un instant je me détourne, je cherche à reprendre mon souffle, à calmer mon coeur qui s'emballe, à chasser la sueur que je sens perler partout - elle surgit dans ma nuque et s'empare de mon dos, glisse entre mes seins, serpente sur mes tempes. Et il ose tenter d'en rire, avant de m'entraîner plus loin. Chaque mètre qui nous éloigne d'un passage potentiel confirme mes soupçons et les grave dans le marbre avant qu'il ne me débite sa défense.

Bo va bien. Sonné. Pas d'inquiétude.

Si on était dans un dessin animé je pense que mes yeux me sortiraient de la tête. Sans parler de la suite. « Donc tout ce que t'as retenu de tes années d'études c'est qu'un avis pour séjour en psychiatrie signifie que tout va bien ? Je sais bien qu'à force de te bourrer la gueule et de sortir tous les soirs certaines infos doivent rentrer de travers mais quand même ça c'est la base nan ? », je réplique d'une voix que je déteste. Fuck. Agression gratuite, un peu violente. « Contrairement à toi je m'inquiétais réellement pour lui. Bzzz, propos injustifié. C'est lâche de l'attaquer sur ce front, mais je ne suis pas celle qui doit se justifier. Je sais que c'est son meilleur ami, son double pour la vie mais c'est dégueulasse ce qu'il lui fait. « Il a vécu quelque chose de grave, je suis donc passée le voir, et je n'ai trouvé que son dossier. Et ton mensonge. » Je n'aime pas ses sourcils qui se fronçant, je n'aime pas le ton condescendant et sec que ma voix s'applique à employer presque contre mon gré. Un soupir, un effort, et je pose mes mains sur ses épaules, capte son regard. « Artie, tu es conscient de ce que ça veut dire ? Non, Bo ne va pas bien... t'as pas pu ne pas t'en rendre compte. Tu le sais, et si t'es persuadé du contraire alors regarde-moi en face et dis-moi qu'il va bien, je lâche, à bout de souffle. Je tente de ne pas paniquer mais j'ai l'impression que la situation est déjà hors de contrôle. Tu dois le protéger, Art, du mieux possible, et ce n'est pas ce que tu fais en lui... en lui... en ignorant les potentiels problèmes psychiatriques qu'il peut avoir. Si ça se trouve tu le condamnes ! T'as vraiment envie qu'il développe d'autres troubles ?? »

Le sujet est sensible pour lui, je sais. Mais ce n'est pas qu'une histoire exclusive d'Arthur et Bo. Une douleur me traverse la poitrine et mes lèvres s'entrouvrent pour lui dire que c'est sensible pour moi aussi. Qu'à cause de ses conneries peut-être que Bo risque d'être cassé, définitivement, et qu'il ne me parlera plus jamais. Que je sais très bien qu'il n'y aura pas de "comme avant". Que le seul à me témoigner un peu d'intérêt par delà l'égoïsme monstre d'Arthur, c'est lui, c'est Bo, et que à cause de ce même satané égoïsme, sans prise en charge, alors je retournerai aussi dans la gris des murs, dans la masse de personnes informes à laquelle j'appartiens dans mes cauchemars.

Ma bouche se referme, et on se dévisage comme deux idiots.
Overreacting ?
Sûrement.

Mais je sais que j'ai raison.

Je lui tend le dossier.
« Répare ton erreur. »
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Arthur Teague

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MessageSujet: Re: le genre de problème qui casse un cœur (fantie)   le genre de problème qui casse un cœur (fantie) EmptySam 11 Aoû - 17:04

Je sais d’avance que y a rien au monde, non pire que ça, rien dans l’univers qui pourrait la convaincre que j’ai raison et qu’elle a tort. C’est déjà compliqué quand j’ai vraiment raison, alors pour ce genre de cas, c’est carrément mission impossible. Ses dents qui se serrent, ses joues qui rougissent de colère et cette façon qu’elle a de soupirer entre deux phrases comme si elle luttait pour ne pas m’étrangler. Réflexion faite, j’pense qu’elle lutte vraiment pour ne pas m’étrangler. Mais on s’y fait. J’ai presque plus peur qu’elle finisse par me tuer à coup de scalpel. Presque. Parce que là, on n’est pas loin. Donc tout ce que t'as retenu de tes années d'études c'est qu'un avis pour séjour en psychiatrie signifie que tout va bien ? Je sais bien qu'à force de te bourrer la gueule et de sortir tous les soirs certaines infos doivent rentrer de travers mais quand même ça c'est la base nan ? J’esquisse un sourire mauvais en me grattant la tête. On va pas se lancer là-dessus, ça finit toujours par mal tourner. Elle marque un point cela dit, mais ça, je préfère mourir que de l’admettre. Au lieu de ça, je réplique : Non, tu vois, j’ai appris ça en étant son meilleur ami ces dix dernières années. Aucune valeur médicale dans cette information, mais moi je sais que je connais Bo. Il est toqué ce type, je le sais moi et je sais le gérer. Je peux le gérer. Et c’est pas parce qu’un débile d’interne a jugé bon de lui faire passer une consultation psychiatrique qu’il en a besoin. À quoi bon prendre le risque ? Pourquoi un psy serait plus habilité que moi à prendre soin de lui et à lui faire dépasser son traumatisme ? Hein ? Heureusement j’garde ça pour moi, parce que j’entends d’ici la voix de Fanny réfuter tous mes arguments. À ce jeu-là, elle est plus douée que moi.

Contrairement à toi je m'inquiétais réellement pour lui. J’me mets à rire. Ok, ok, retiens-toi Arthur, sinon, elle va comprendre que je suis jaloux de leur relation depuis des semaines maintenant. Depuis que Bo m’a avoué être amoureux d’elle. Et faut surtout pas qu’elle l’apprenne. Alors je fais trois pas sur le côté et je tente par tous les moyens de ravaler la remarque acerbe qui me brûle les lèvres. Je fais quelques pas mes deux mains sur mon stéthoscope pour les occuper. Il a vécu quelque chose de grave, je suis donc passée le voir, et je n'ai trouvé que son dossier. Et ton mensonge. Putain elle me cherche ou quoi. J’me retourne et penche la tête sur le côté avec ironie : Trop mignon. Que j’l’aisse échapper. Je respire un grand coup. Si tu le cherches, je l’ai ramené à l’appart. Parce que comme je viens de te l’expliquer, je sais qu’il va bien et que je peux gérer ça. J’ai pas la patience de le répéter une troisième fois, alors ça a plutôt intérêt à s’imprimer dans son crâne. J’ai pas l’air aussi sûr de moi que ce que je viens de dire pourrait le laisser penser. Peut-être bien qu’au fond je suis aussi terrorisé qu’elle. Peut-être qu’au fond je panique complètement. Parce que ça fait plusieurs jours maintenant et que y a pas d’amélioration. Que Bo se réveille toujours la nuit, qu’il à l’air perdu en permanence, qu’il est complètement à côté de ses pompes. Mais je donnerai tout ce que j’ai, absolument tout, pour le sortir de là. Faut qu’elle comprenne ça, Fanny. …Non, Bo ne va pas bien... t'as pas pu ne pas t'en rendre compte. Tu le sais, et si t'es persuadé du contraire alors regarde-moi en face et dis-moi qu'il va bien. J’aimerais bien qu’elle arrête de s’infiltrer dans ma tête ! Quand ça fait six ans qu’on partage avec quelqu’un, faut croire qu’on se connaît mieux qu’on ne le croit. Mes lèvres restent scellées, parce qu’elle a tapé juste, trop juste. Malgré tout j’peux pas lui mentir sur un truc pareil. Et j’ai beau répéter encore et encore qu’il va bien, ça sonne faux. Autant dans ma tête que dans la sienne. Mes yeux continuent de piquer. Je la regarde d’un air boudeur un moment avant de baisser mes yeux sur le sol. J’suis adossé contre le mur en face d’elle. On fait quoi maintenant ? Hein ? J’allais clairement pas me dénoncer, et elle non plus. Tu dois le protéger, Art, du mieux possible, et ce n'est pas ce que tu fais en lui... en lui... en ignorant les potentiels problèmes psychiatriques qu'il peut avoir. C’EST CE QUE JE FAIS que j’ai envie de hurler. Je l’aide, je le protège. Je peux le faire. Je sais que je peux y arriver. Quand Ben s’est lancé dans l’héro j’étais trop jeune pour savoir l’aider, j’avais pas détecté sa dépression derrière ses grands sourires, j’ai mis du temps à voir son addiction. Maintenant je sais comment ça marche, je sais comment l’aider. Je vais y arriver. Le protéger, c’est ce que je me tue à faire ces dernières semaines. Alors pourquoi ça fait si mal de l’entendre ? Pourquoi j’ai l’impression que Fanny tire trop juste. J’ai la même sensation que quand j’étais gosse, que je venais de foirer horriblement et que je n’osais pas le dire. Alors j’attendais en priant pour que personne ne me choppe. Fanny m’a choppé sur ce coup. Si ça se trouve tu le condamnes ! T'as vraiment envie qu'il développe d'autres troubles ? J’arrive même plus à prendre de l’air, ma gorge est nouée. Je regarde toujours mes pieds. Cette phrase rase tout chez moi, je suis bloqué pendant quelques longues secondes. Le temps pour Fanny de m’écraser le dossier contre mon torse. J’ai l’impression de me prendre une balle de paintball (ça fait vachement mal ces trucs). Je veux pas le prendre, son dossier. Ca serait comme si elle avait gagné si j’le faisais. Mais voilà, y a un des titulaires qui tournent dans le couloir. Quand je l’aperçois, j’attrape le dossier et recule d’un pas pour me laisser lourdement tomber contre le mur. Il passe, sans un regard pour nous deux. Quand il s’éloigne, je me rapproche à nouveau de Fanny, attrape de ma main libre un de ces poignets pour qu’elle me regarde, y a rien d’affectueux, au contraire : Et c’est quoi la solution, hein ? Me dénoncer aux titulaires, risquer de foutre en l’air ma carrière ou au mieux, celle de Mark. Faire revenir Bo, mentir, dire que son état se détériore et qu’on avait pas remarqué ça à la consult ? Le faire interner ? INTERNER ? Cette pensée me file une sueur froide. Et toi, elles t’ont appris quoi tes études de médecine ? Que les patients internés en psychiatrie étaient heureux et bien traités peut-être ? J’ironise. Je crois que c’est ça le problème : j’en sais trop. Je sais comment ça se passe à l’hôpital. J’ai fais mes stages obligatoires en psy pendant l’externat. J’ai vu ce qui s’y passe. Les infirmiers en sous effectif, les médecins qui se moquent, les patients assommés de calmants. Et j’peux pas envoyer Bo là-bas. Je me le pardonnerais jamais. C’est mon meilleur ami. On signe pas la fin de la vie “normale” de son meilleur ami, pas maintenant à vingt piges. Je peux pas prendre cette décision. Bon, génial, je pleure.

Je lâche Fanny et me retourne pour essayer de sauver l’honneur. J’essuis les larmes et fais quelques pas. C’est là que mon bipper sonne. L’occasion parfaite de m’éclipser. Merde, c’est pas une urgence. J’y jette un coup d’oeil rapidement et m’étire, courbaturé de stress. Les deux mains sur le crâne, j’expire un grand coup et me retourne vers Fanny. Fanny, j’te demande d’être de mon côté sur ce coup. Je sais que j’peux m’occuper de Bo tout seul. Je me mords les lèvres et m’approche d’elle, tente une approche en passant ma main sur sa taille. Elle déteste quand je fais ça, mais j’ai encore oublié. T’as confiance en moi ?. Lol. Evidemment que non.
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