Frappe ! Ca claque dans l’air, ordre sec, elle s’exécute immédiatement. Bam bam, le poing qui s’écrase contre la garde de Connor, la frustration qui grimpe un peu plus. Frappe putain ! La rage qui grimpe, alors qu’elle s’élance encore une fois contre lui, sang chaud, analyse trop mauvaise. Le coup qui n’atteint pas, que du vide qu’elle rencontre alors qu’il en profite pour la frapper à droit dans l’abdomen. Souffle coupé, elle se plie en deux, la douleur qui grimpe, sueur qui coule sur son front. « Putain ! » Quoi putain, t’as qu’à plus ouvrir les yeux ! voix acide de Connor qui lui donne envie de se relever d’un coup pour lui apprendre la vie, frapper son visage jusqu’à ce qu’il n’en reste plus rien. Mais elle se retient. « On recommence » quand elle se redresse, essuie son front du revers de son bras, les yeux rivés dans ceux de son adversaire. Elle a la flamme qui crame dans ses iris Penelope, bien décidée à en faire de la chaire à pâtée.
Sauf que ça ne marche pas.
Pas aujourd’hui. Encore une fois. Encore une fois elle finit à terre, encore une fois c’est Conor qui la domine, parce que y a plus rien qui fonctionne dans son crâne, plus rien qui marche dans ses réflexes pourtant ancrés dans ses os. C’est stupide, le cerveau trop pleins d’idioties, de Junior par ici, de Junior par-là, de BD à lui passer et de saloperies à raconter pour rigoler, pour se marrer, main dans la main, aller ailleurs, se changer les idées. Le truc c’est que ça se répercute sur la vie de tous les jours. Ca se répercute sur sa présence au Breaking Point, ça se répercute sur sa capacité à se concentrer pour un combat aussi insignifiant qu’avec Connor. Elle s’en était pas rendue compte, trop obnubilée par le reste , par la sensation heureuse dans le creux de la poitrine. Mais ça la frappe maintenant alors qu’elle reste allongée sur le ring, le souffle saccadé, tout son corps qui souffre un peu plus à chaque instant à cause des coups portés. Tu te ramolli Calamity. C’est décevant. Le regard de Connor qui rencontre le sien, bref instant de curiosité avant qu’il ne se détourne. T’as intérêt à te remettre debout ton prochain cours commence dans 15 mn débile « ta gueule » qu’elle marmonne avant de rouler, ventre contre le tapis, elle ferme les yeux un instant. Comme un besoin d’un temps mort, d’une pause, d’essayer de remettre les choses en place pour comprendre ce qui se passe dans sa vie. Trop de bouleversement, même pour elle, trop habituée à ne jamais s’arrêter, ça fait un an qu’elle stagne, les choses changent, et ça brûle dans la poitrine. Douloureusement.
Tu fous quoi Penelope, c’est ridicule lui murmure la petite voix dans sa tête. Rire moqueur qui s’élève dans les recoins de son cerveau, ça la fait grimacer alors qu’elle se relève d’un bond, sort du ring pour ne pas donner raison à ses pensées incohérentes.
Il ne lui faut pas longtemps pour repasser par le vestiaire, se laver rapidement le visage, les traces de rouges en trainées sur son menton, de quoi se rendre présentable pour le reste de l’après-midi. Les gens ont l’habitude. Mais c’est toujours mieux de paraitre présentable, c’est ce que Tom lui a toujours dit. Alors elle plaque un sourire sur son visage, même si ça tire sur la peau fissurée, rajuste sa tresse et retourne dans la salle, prête à enseigner.

C’est pas un cours classique, juste une permanence habituelle, conseiller les membres, replacer les mains au bon endroit, proposer des alternatives. Incapable de rester dans son coin elle papillonne de sac de boxe en sac de boxe, trop bavarde quand elle aide à parer quelques minutes, noie tout le reste sous le flot de paroles, histoires banales qu’elle échange avec le reste. Ca chasse presque tout, sauf quand y a la porte qui s’ouvre et que le visage de Finn s’imprime instantanément dans ses rétines. « Ah non » qu’elle marmonne, partagée entre l’envie de se tirer au plus vite ou d’aller lui sauter dans les bras. Elle sait jamais avec lui Penelope, sur quel pied danser, comment réagir. Surtout pas aujourd’hui, alors qu’elle est déjà pétée, qu’il pourrait la défier et que cette fois ci il pourrait gagner. Ca la fait frissonner. Alors discrètement elle essaye de tourner le dos, marche tranquillement vers la sortie quand son cœur bat trop fort, l’appréhension au ventre, parce qu’à coup sur il va la repérer.
Quelle foutue journée