Dans le fond, la vie à Savannah n’était pas si différente de celle que tu avais pu mener ailleurs, il suffisait juste de savoir où traîner et ne pas être trop regardant. La cité des anges te manquait mais tu ne pouvais pas y retourner, pas tout de suite. Tu avais merdé Valerian et aussi longtemps que tu n’aurais pas la décence d’assumer tes conneries, tu passerais ta vie à filer de villes en villes pour une vie éphémère et trop intense pour un seul homme. Dire que tes connards de frère t’en voulaient pour ça ! Ce connard de Seven n’avait d’ailleurs pas hésité à te le faire payer à sa manière mais de quoi se plaignait-il ? Aucun d’entre vous n’était né des chaînes aux pieds, seuls vos choix vous clouaient sur place. Toi, tu t’en étais servi pour aller loin de Savannah, il était qui pour te le reprocher quand il n’avait jamais pris la peine de se sortir les doigts du cul ? C’était trop facile putain de te reprocher sa vie de merde, p’têtre bien qu’il la méritait finalement. T’avais passé l’âge de t’excuser de tes différences, pas non plus la grandeur d’âme pour faire mine d’être gêné de ta réussite, aussi illusoire soit-elle.
Et ça t’énervait parce que t’étais là, à boire un cocktail pas si mauvais que ça, ruminant contre ton salopard de frère qui t’avait bousillé ta bagnole. T’étais bien obligé de la faire réparer, tu ne pouvais décemment pas rouler avec un gros « connard » gravé sur la carrosserie. Aussi vraie l’insulte soit-elle, t’aimait mieux pas l’afficher. Heureusement qu’on t’avait refilé une belle voiture pour te dépanner ! Le genre qui attirait le regard, ça t’allait bien.

Jouant un instant avec le glaçon de ton verre, tu repérais assez vite la blonde qui s’approchait d’un pas plus décidé qu’il n’y paraissait. Surtout quand elle vint se planter devant toi avec cet air intimidé. Ça ne collait pas. Qu’importe, quand elles étaient jolies, tu ne faisais pas la fine bouche. Tu la laissais néanmoins faire son numéro, légèrement incliné en arrière, l’écoutant d’une oreille distraite alors que tu passais davantage en revue le galbe rond de ses seins qui pointaient sous sa robe serrée. Putain, et après elle osait se la jouer petit moineau effarouché ? Elle était magique ! Mais tu la laissais faire parce que t’étais curieux, t’étais un bon épicurien, tu prenais la vie comme elle venait, surtout quand elle était blonde avec une belle bouche de suceuse. Grave que tu la prenais, la vie. « Prend toute la place que tu veux » acceptais-tu avec ce petit sourire au coin des lèvres, curieux de voir ce qui l’amenait réellement. Parce que de mec louche, t’en avais pas vraiment remarqués donc…Deux options, où elle voulait une bonne excuse pour te parler (hey, t’avais jamais prétendu être humble !) où alors, elle avait une idée derrière la tête et toi, dans les deux cas, ça t’allait. Peut-être bien que la soirée serait moins ennuyante que ce qu’elle annonçait ? « Qui te dit que je ne suis pas encore plus chelou ? » questionnais-tu, le sourire amusé au bord des lèvres.

Tu la regardais te jouer son grand jeu et t’aurais pu y croire, t’aurais vraiment pu croire qu’elle était vraiment ce qu’elle prétendait être, une pauvre fille tombée là par hasard…quoique en fait, non. Tu n’étais pas assez débile pour te laisser berner par ses manières quand tout le reste puait la femme pute. Ça te plaisait bien en réalité, tu n’avais pas la prétention de t’intéresser aux vierges effarouchées. Ce n’était pas ton genre, de perdre mille ans à jouer au lover quand d’autres se faisaient moins difficiles. Tu la laissais néanmoins faire son numéro, un petit sourire flanqué au coin des lèvres, coudes posés devant toi, l’ongle du pouce coincé entre tes dents.
Elle était bien jolie en plus, bien gaulée dans sa belle robe qui moulait ses formes comme celles d’une statue antique, la bedaine en moins. Tu n’étais pas si difficile que ça, brunes blondes ou rousses, ça allait, mais là, il fallait dire qu’elle te plaisait bien et outre ses faux airs de chaton effrayé, tu étais curieux de connaître les règles de son jeu. Sur quel échiquier jouait-elle ? Tu avais hâte de le découvrir et pour ce faire, tu voulais bien jouer au crétin, fermer les yeux sur ses manières et te laisser mener par le bout du nez.
Tu ne pus pourtant t’empêcher de la provoquer un peu. Et si tu étais aussi chelou que le type qui l’aurait emmerdée ? Et si tu étais pire encore ? A vrai dire, tu ne te voyais pas comme un prédateur ou quoique ce soit de si terrible mais on pourrait difficilement te qualifier comme mec bien. A moins que la définition ait perdu de sa superbe. « Bon, si tu le dis ! » admis-tu avec un petit rire en portant ton verre aux lèvres, avalant quelques gorgées avant de le reposer bien en visu. Même avec des blondes incendiaires, tu restais sur tes gardes. Et oui, tu l’avais déjà vécu et l’expérience ne t’avait pas fait rire du tout. « Tu m’as l’air joueuse. » commentais-tu d’un petit sourire de coin en arquant le sourcil alors qu’elle annonçait vouloir prendre le risque. OK mais toi, quel risque étais-tu en train de prendre en sa compagnie ? Si ça se trouve, c’était elle la psychopathe ! Ou pas, tu te sentais du moins en mesure de te défendre du haut de ton mètre quatre-vingt treize. Ce n’était pas ce petit bout de femme qui avait de quoi t’impressionner. « Valerian. On peut dire ça comme ça… » souris-tu sans préciser ton vrai nom. Tu doutais que les temps aient changé avec tes bolosses de frère pour tenir le cap en ton absence. Bizarrement, pour dorer le blason des Popescu, tu ne leur faisais pas franchement confiance. « J’ai grandi là mais je ne connais plus rien ni personne » précisais-tu, histoire qu’on ne puisse pas te reprocher d’avoir menti. Portant à nouveau ton verre aux lèvres, tu te tournais légèrement vers elle. « Alors, on joue à quoi ce soir ? »