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 bad luck club (ronney)

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Sidney Kasabian

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MessageSujet: bad luck club (ronney)   bad luck club (ronney) EmptyVen 11 Mai - 14:15

Un verre, deux verres, trois verres, une bouteille entière. On s'arrête et on recommence, on couple ça avec un ou deux joints, peut-être plus. Les veines saturées, le poison qu'il s'administre encore et encore comme si c'était un stock de glue destiné à le réparer de l'intérieur. La tête à l'envers, le cœur en vrac, les tripes qui se tordent et ploient sous les assauts. Overdose.

Il se réveille la joue collée à la cuvette des chiottes, les restes recrachés de sa soirée solitaire qui flottent encore dans l'eau trouble. Il ouvre un œil puis l'autre, met plusieurs secondes avant de réussir à les garder ouverts tous les deux. Lentement il s'éloigne de son oreiller improvisé, restant à genoux, grimaçant alors que tout son corps lui fait regretter ses excès. Les phalanges qui s'agrippent aux toilettes pour l'aider à se lever difficilement, échine courbée, jambes tremblantes. Il tire la chasse et traîne des pieds jusqu'au lavabo, s'appuyant sur le rebord alors que son regard croise son reflet. Il a l'air d'un déchet, le teint blême et des cernes qui soulignent ses yeux injectés de sang, les joues creusées, le torse un peu trop décharné. Pendant les histoires de kidnapping il a perdu l'envie de bouffer et maintenant qu'il est simplement en caleçon il a l'impression qu'on ne voit que ça. D'habitude il peut se planquer sous ses couches de fringues, sa grande carcasse perdue dans ses sweats et son uniforme mal ajusté. C'est toujours mieux que le reflet auquel il fait face – il a jamais été très costaud mais là il ferait presque de la peine.

Soupir. Il se passe de l'eau froide sur le visage comme si ça pouvait l'aider à se réveiller. Y a un bourdonnement à ses oreilles, une douleur diffuse dans toute sa boîte crânienne, l'impression qu'on a enfermé sa tête dans un étau qui se resserre encore et encore. Il a la nausée, la gorge et les yeux qui brûlent, envie d'aller dormir pour plusieurs années, tout oublier et enfin venir à bout de cette fatigue qui lui colle à la peau. Pourtant il sait que ça ne marcherait pas – c'est pas le genre de fatigue qu'on efface en dormant. C'est celle qui s'incruste jusqu'au creux des os, qui serre le cœur et donne l'impression d'être enroulé dans du coton, la douleur qui devient sourde et le monde qui tourne au ralenti. L'épuisement est psychologique plus que physique, et tant qu'il aura pas recollé les morceaux ça changera pas.

Le problème, c'est qu'il est pas sûr d'y arriver cette fois.

Sa carcasse se traîne jusqu'au salon, il trébuche sur le pantalon qui traîne par terre, pose un œil atterré sur le bordel environnant. C'est jamais rangé à la perfection, mais c'est jamais aussi chaotique que ça. Y a des cadavres de bouteilles un peu partout, des bières et du cognac surtout, toute la consommation faite cette semaine qui s'étale sur la table et le sol – il n'était pas toujours seul. Le cendrier est plein à craquer, complété par un verre à moitié rempli de mégots. Des sachets d'herbe se sont paumés dans tous les coins, une boîte d'allumettes renversée par terre, des briquets vides abandonnés, des feuilles et des petits bouts de carton qui n'attendent qu'à être roulés. Deux cartons de pizza près du canapé, des fringues roulées en boule, des dessins avortés, des papiers froissés, des crayons au sol. Une manette cassée, une tour de capsules, un portable qui n'est pas le sien, une veste oubliée. Son appartement a des airs de champ de bataille, à mi-chemin entre la piaule d'adolescent trop fêtard et le squat d'une bande de punks à chiens. Ça sent l'alcool et la weed, une odeur de renfermé qui prend au nez et le force à aller ouvrir les fenêtres. Les bruits de la rue assaillent ses tympans, les rayons du soleil agressent ses rétines. Il plisse les yeux et s'éloigne rapidement pour s'enfoncer dans la cuisine – en vrac elle aussi – et attraper le tube d'aspirine qu'il a laissé sur le plan de travail. Vide. « Fait chier. » Sa voix ressemble à un croassement, trop grave et éraillée. Il se penche jusqu'à étaler son torse sur la surface, paupières closes et front posé contre son bras. Il est presque sûr qu'il pourrait s'endormir là, comme ça, mais le son de la porte d'entrée l'empêche de sombrer. Quelqu'un entre. C'était même pas fermé, et de toute façon y a trop de gens à qui il a dit où trouver la clé. Ça peut être n'importe qui.

Il espère juste que c'est pas Mads.

Il veut pas lui faire face et surtout, il veut pas qu'elle le voie dans cet état. Alors il grogne avant de se redresser, revenant sur ses pas pour voir qui est l'intrus, priant pour que ça soit juste Oli ou même Nemo – peu importe pourvu que ce soit quelqu'un qui se fout de le voir comme une épave. Mais c'est ni l'un ni l'autre. Il se fige quand son regard tombe sur Ronnie, l'envie soudaine de lui bander les yeux et la forcer à faire demi-tour. Pourtant il est incapable de bouger, planté là comme un con, se maudissant de n'pas avoir pris la peine de s'habiller. C'est pas vraiment de la pudeur – de toute façon elle a déjà vu tout ce qui était à voir – c'est juste qu'il est en piteux état et qu'il aurait préféré cacher les os un peu trop saillants sous l'un de ses t-shirts distendus. « Oh, euh. Salut. » À défaut de bouger il est au moins capable de parler, le malaise palpable dans son intonation. Il passe une main sur son crâne mal rasé, les cheveux qui repoussent et dont il ne s'est pas occupé, comme la barbe négligée qui assombrit son visage. « Désolé pour l'bordel. J'savais pas que tu comptais passer aujourd'hui, alors, hm. J'ai même pas encore pris ma douche et euh... C'est... » Il tente un geste vague dans la direction du salon, sans finir sa phrase. Y a pas grand-chose à dire, en réalité. Ses yeux supplient à la place de sa bouche, regarde pas et dis rien comme une prière dans sa tête, avec l'espoir stupide qu'elle lise dans ses pensées et qu'elle s'y plie.

Il finit par se détourner pour attraper un jogging perché sur une chaise, l'enfilant à la va-vite avant de se rabattre sur le premier sweat qu'il voit pour finir de se couvrir. Ce n'est qu'une fois habillé qu'il ose croiser son regard encore une fois, affichant un sourire un peu raté, un peu comme lui. « Comment tu vas ? » Se concentrer sur elle pour faire oublier le reste, pour diriger l'attention sur son état plutôt que le sien. De toute façon elle est celle dont il faut vraiment se soucier ; c'est elle qui a fait partie des kidnappés, c'est elle qui a passé trop de temps à l'hôpital. Son sourire se fane et soudain il se sent ridicule, à se déchirer pour un cœur brisé, des remords des regrets et la culpabilité qui l'étouffe quand il repense à tous les disparus, à l'état de certains, à la mère de Mads. Il a l'impression de se morfondre comme un lâche alors que Ronnie est là, debout et digne malgré ce qui lui est arrivé – ça le heurte comme un mur de briques. Elle est forte. Il est pathétique.
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MessageSujet: Re: bad luck club (ronney)   bad luck club (ronney) EmptyVen 18 Mai - 20:39

Sidney. Un murmure dans les branches ou dans les ondes de la télé, ça s’insinue dans sa tête au moment où elle ouvre les yeux pour ne pas vraiment la quitter. Sidney. Elle garde les mirettes ouvertes sur les étoiles phosphorescentes de son plafond, écoute d’une seule oreille la respiration calme d’Abel qui dort juste à côté, essaie de calquer la sienne dessus. En vain. Besoin d’un respirateur de toute urgence, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond et qu’elle ne peut pas vraiment exprimer, qu’elle ne peut pas vraiment décrire, qu’elle peut tout juste sentir jusqu’au bout de ses doigts crispés sur les draps. Sidney. L’incohérence la brutalise, elle aurait dû le voir là-bas, elle aurait dû le voir à l’hôpital, elle aurait dû le voir après et ça doit faire deux semaines, ça doit faire davantage, les jours se ressemblent trop quand on tourne en rond dans une cage. Elle écrase un baiser sur la tempe d’Abel et se lève un peu trop précipitamment, part se doucher, l’idée d’aller le voir qui commence à trotter un peu trop vite dans sa caboche. Pour ne pas perdre de temps elle lâche un message à Eoin en avant de foutre le pied dans la baignoire, lui demande de venir la chercher dès qu’il peut pour l’escorter. Sid. Le prénom devenu pseudonyme, à peine une interjection, ça lui serre la poitrine alors qu’elle se décrasse à grandes eaux en espérant que le bruit ne sera pas suffisant pour réveiller son éphèbe. Le psy lui a dit que c’était pas bon. Ça. Se préoccuper des autres alors que c’est elle qui est en miettes. Elle n’a jamais été du genre à s’apitoyer sur son sort, Veronica, jamais du genre à planter son nez en l’air en attendant que le temps passe, à regarder ses blessures trop longtemps pour en oublier que les autres aussi peuvent saigner. Ses godasses se sont trop usées sur la route, déchirées quelque part en chemin à force de se prendre les cailloux semés par une ribambelle d’autres avant elle, des plus esquintés, des estropiés aux membres manquants, des clowns tristes qui se sourient dans la glace pour ne pas chialer à la place. Des Abel, entre autres, et ce serait égoïste que de mettre sa propre misère en évidence au risque d’oublier la leur. Le mot n’existe pas dans son vocabulaire, au contraire d’abnégation. Elle s’est à peine séché les cheveux qu’elle sort presque en trombe de la salle de bain, en même temps que ça cogne contre le bois de la porte. Sur son passage, elle griffonne un mot, le laisse ostensiblement trainer sur le comptoir de la cuisine, indication pour son bel endormi même si elle sait pertinemment qu’il doit tendre l’oreille. Je sors voir un ami, je suis accompagnée. Je ramènerai à manger pour ce soir. À tout à l’heure. Autant de précisions qui font qu’Abel ne paniquera pas quand il ne la verra pas à côté de lui dans le lit. Ou qu’il paniquera moins, ce qui est déjà pas mal.
Ses talons claquent sur le macadam alors qu’elle tient silencieusement le bras d’Eoin. Ça fait du bien de se raccrocher à quelque chose, à quelqu’un, au-delà des bruits ambiants de la ville qui l’enveloppent sans vraiment lui donner une impression de sécurité, les jambes qui tremblotent à chaque fois qu’un bruit sort un peu de son tintamarre habituel. Elle a peur et ça se voit, dans la façon qu’elle a de gonfler la poitrine, de planter son regard droit devant elle, dans la manière dont ses mâchoires se serrent, laissent deviner les muscles tendus derrière la chair de ses joues. On n’a pas de chance par ici, hein Ronnie, on se laisse porter par le courant en attendant la déferlante de trop, la vague qui emportera tout sur son passage. Même toi. Même Sid. « C’est là », elle souffle à Eoin, écrase un baiser sur sa joue avant de s’engouffrer dans l’immeuble un peu crado, un petit signe de la main au gérant du bar en-dessous sans lui laisser le temps de demander pourquoi ça fait des semaines qu’il ne l’a pas vue. Occupée. Elle était occupée. À survivre, certes, mais c’est une occupation comme une autre, faut croire. Le soleil lui crame les yeux, elle n’est pas mécontente de se retrouver entre quatre murs, dans une cage d’escaliers un peu trop petite, qui sent un mélange d’alcool, de renfermé et d’herbe. Elle espère juste que toutes ces émanations toxiques ne proviennent pas de chez Sidney.

Douche froide. Quand elle pousse la porte, ça lui saisit les bronches, l’oblige à tousser un peu, les pas qui avancent incertains vers le salon dont elle ne reconnaît presque pas le décor, avec son parquet jonché de bouteilles et ses fringues qui trainent un peu partout. Dans le lot y a des habits qu’elle reconnaît, qu’elle soulève du bout des doigts, pour découvrir d’autres étoffes moins familières, de mecs ou de filles, difficiles à vraiment identifier. « Sid ? » La demande est formulée doucement, de peur de se heurter à un silence trop assourdissant qui lui laisserait présager le pire. Elle est déjà suffisamment inquiète, suffisamment alerte, pour ne pas se laisser emporter par un écho silencieux. Il apparaît au moment où elle l’attend le moins, dans l’embrasure d’une porte, les cernes un peu trop marqués sous ses joues trop pâles et le visage salement creusé. Il apparaît et ça lui met un petit coup au cœur, lui fait retenir son souffle pendant une seconde à peine, le temps d’être sûre qu’il est bien là, qu’il respire, qu’il n’est pas qu’un curieux fantôme qui aurait pris naissance dans son imagination. Il lui refile des explications toutes faites et ça lui fend le cœur, quelque part, qu’il pense devoir se justifier alors qu’il n’a pas à le faire, que personne ne devrait avoir à expliquer son malheur, à dérouler une thèse en trois parties pour être pris au sérieux. Elle l’a déjà compris dans le passé, à mesure qu’ils apprenaient à se connaître, un coït après l’autre, les lèvres trop sûres quand il s’agissait de marquer sa peau. Elle l’a déjà compris et elle peut encore le faire, elle en est sûre. Alors, quand il demande comment il va, elle fronce les sourcils, esquive la question d’un petit geste de la main. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Un bout d’elle veut qu’il réponde, l’autre veut qu’il ignore soigneusement sa requête, lui dise que tout va bien. Qu’il va bien. Mais ça n’arrivera pas, hein ? Plus trop naïve, Ronnie. Les contes de fées, c’est bon pour les gens qui n’ont jamais vécu enfermés dans une cave. Faut croire qu’elle est un peu plus brisée qu’elle ne veut bien le prétendre. « Je suis là, ok. Je vais t’aider. » S’impliquer pour les autres et éviter de toucher le fond. Elle n’a jamais été très bonne nageuse, c’est quasiment sûr qu’elle ne remonterait pas si ses orteils effleuraient la faïence trois mètres en-dessous. Elle laisse tomber son sac dans un bruit sourd près du canapé, s’approche de son ami pour mieux contempler l’ampleur de la catastrophe, tenter de savoir par où commencer. Sa paume se pose sur sa joue, la frôle tout juste, avant de glisser sur sa nuque pour l’attirer contre elle, l’autre bras qui l’attache comme une chaîne à son corps encore trop fragile. Et ses lèvres roulent le long de son cou car elle n’a jamais su parler que comme ça, avec lui. Jamais su dire que des mots sourds, des mots qui s’embrassent, des mots qui se touchent.

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MessageSujet: Re: bad luck club (ronney)   bad luck club (ronney) EmptyDim 27 Mai - 12:05

Le regard de Ronnie pèse sur lui et il voudrait disparaître, sentir le sol s'ouvrir sous ses pieds pour l'avaler, rester prisonnier sous la surface pour n'plus avoir à affronter quoi que ce soit. Mais il est là et elle est face à lui, ils sont là et il peut pas s'empêcher de détourner les yeux. « Qu’est-ce qui s’est passé ? » Elle prend même pas la peine de répondre à sa question, comme si c'était pas important. Il voudrait insister mais il n'en a pas la force, ses prunelles qui croisent les siennes une seconde avant de revenir trouver le sol. Il sait pas quoi répondre. Il sait pas par où commencer, il sait pas s'il y a vraiment quelque chose à dire, il sait pas s'il a une explication valable. Il sait pas il sait rien et tout ce qu'il peut faire c'est hausser les épaules finalement, une main qui vient frotter son crâne, ses lèvres qui se pincent. « Je suis là, ok. Je vais t’aider. » Il lève enfin la tête – juste à temps pour la voir lâcher son sac et s'approcher. Il a envie de lui dire que ça va, qu'elle n'a pas à s'inquiéter, que la question c'est pas lui c'est elle. Il a envie de lui mentir mais les mots se heurtent à ses dents serrées, sans pouvoir passer la barrière. Ses yeux fatigués ancrés aux siens alors qu'elle effleure sa joue, il reste immobile quand elle finit par l'attirer contre elle. Planté là, bras ballants et épaules affaissées, il se laisse faire mollement. L'impression d'être un jouet cassé, pantin désarticulé.

À deux doigts de se désintégrer.

C'est quand il sent les lèvres de Ronnie glisser contre son cou qu'il bouge enfin, les bras qui s'enroulent autour de sa silhouette doucement et les yeux qui se ferment. Il la serre tout contre lui, avec délicatesse mais désespérément, comme s'il avait peur de se noyer s'il la lâchait. Peut-être que c'est le cas. Peut-être qu'il se sent sombrer et qu'elle est la bouée venue le sauver du naufrage, les lueurs d'un phare planqué derrière le brouillard. Ses doigts s'accrochent au tissu dans son dos avec force et il tire et il froisse, il s'y agrippe comme un forcené, comme s'il était prêt à craquer. Son visage qui vient se nicher dans le creux de son cou doucement, il cale son souffle sur le sien, se concentre sur la chaleur qui émane d'elle et qu'il voudrait emmagasiner. C'est pas comme celle de Mads ou de tous les gens qui peuplent sa vie, c'est pas brûlant, c'est pas les flammes destructrices qui le réduisent en lambeaux. C'est doux, c'est rassurant, ça crépite jusqu'au creux de ses entrailles et ça vient chasser un peu le froid qui a élu domicile entre ses côtes.

Il voudrait rester comme ça pendant des heures des années pour l'éternité. Loin de tout ce qui le ronge, plaqué contre elle comme s'il voulait fusionner jusqu'à ne plus rien sentir, ne plus exister. S'enfouir sous sa peau et se disperser jusque dans ses os.

Pourtant c'est lui qui met fin à l'étreinte. Il se sépare d'elle lentement, presque à contre-cœur. Regard de nouveau fuyant, un pas en arrière, échine courbée. Il se racle la gorge et inspire un grand coup avant de tenter un sourire un peu terne, salement fissuré. « Tu m'as pas répondu, tu sais. » Lui non plus. Faut croire que ça se joue à qui réussira à panser les plaies de l'autre pour oublier les siennes.

Sa boîte crânienne toujours secouée par un séisme sourd, douloureux, il a les gestes lents et la carcasse ramollie – on dirait qu'il se ratatine un peu plus à chaque seconde qui passe, écrasé par un poids invisible. Il lui tourne le dos pour retourner s'enfoncer dans la cuisine, enjambant les affaires qui jonchent le sol comme un terrain miné. « Tu veux quelque chose ? » Il ignore sciemment les questions de Veronica, se met à ouvrir les placards et le frigo successivement, moue contrite quand il voit que tout est presque vide. Des restes avariés en fond de tupperware, des bocaux périmés et des miettes oubliées. Il propose mais il n'a rien à offrir. « Merde. » C'est soufflé tout bas, comme s'il réalisait petit à petit l'ampleur de son laisser-aller. Il a toujours de quoi manger, de quoi cuisiner, toujours quelque chose à donner. Mais aujourd'hui y a plus rien, que ça soit dans ses placards ou au fond de son regard délavé. « J'suis désolé en fait je... » Il se mord l'intérieur de la joue, soupire, fixe le carrelage dégueulasse. « Viens. » Il supporte plus ce chaos et encore moins si Ronnie est là, il veut pas voir les traces de son désespoir ridicule, contempler la pente sur laquelle il se laisse lâchement glisser. Il veut pas rester au milieu du champ de bataille.

Alors il se met en mouvement, s'éloigne vers la seule pièce un peu épargnée – sa chambre. Y a juste des feuilles qui traînent partout et quelques fringues au sol, ses draps défaits alors qu'il dort sur le canapé depuis des jours. Il va jusqu'au bout de la pièce, bassin appuyé contre le bureau et phalanges accrochées au rebord, ses prunelles qui se lèvent vers elle. Il l'observe une seconde, esquisse un nouveau sourire – sincère cette fois-ci. « J'suis content de te voir. » Même s'il aurait préféré d'autres circonstances, un peu moins d'inquiétude dans les yeux de Ronnie et un peu moins de fatigue dans les siens. « D'ailleurs j'suis désolé de pas avoir été là, à l'hôpital et après. Y avait beaucoup de trucs en même temps et juste... J'ai pas bien géré. » Pourtant il a passé du temps entre les murs aseptisés, mais c'était surtout pour s'occuper de Mads et sa mère. Rien que d'y penser il a des nœuds dans le bide. Il aurait voulu être là pour tout le monde en même temps. « En plus ils t'ont gardée longtemps, me semble. Est-c'que ça va ? » L'inquiétude qui pointe dans sa voix, toute son attention tournée vers elle. Elle est debout et elle ne tangue pas mais il sait qu'il faut pas se fier aux apparences – il sait que Ronnie est capable de s'oublier au profit du reste du monde, quitte à en délaisser ses propres blessures. Il veut pas la voir s'éroder sur la roche des autres jusqu'à finir en miettes.
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MessageSujet: Re: bad luck club (ronney)   bad luck club (ronney) EmptyVen 8 Juin - 20:13

Elle ne s’en souvient plus tout à fait, Ronnie, du temps où elle était insouciante. C’était il n’y a pas si longtemps, pourtant, qu’elle fichait ses yeux dans les étoiles à la recherche d’un ailleurs lointain, inaccessible, qu’elle ouvrait grand les mirettes pour se faire aspirer par le ciel. Pas si longtemps qu’elle tentait de battre des ailes, de se jeter au dehors et à l’inconnu le bec devant, à agiter les bras pour ne pas s’écraser, pas si longtemps non plus depuis le départ de chez maman et la vie en solo. Pas si longtemps et pourtant trop d’années, trop de mois, trop de différentes Veronica, une par saison avec les humeurs vagabondes correspondantes, le pied au plancher pour éviter de se prendre le mur au ralenti. Trop de temps parce que quelques petites semaines isolée du monde c’est beaucoup, suffisamment pour crever le cœur, casser les os, assez pour l’inciter à ne plus battre des cils et s’endormir vraiment. Anesthésiée, c’est le mot, parce que les tracas de sa propre vie roulent sur elle et qu’elle ne fait rien pour les arrêter de dégringoler, pour tenter de les retenir, de les comprendre, de les appréhender. Peut-être parce que tout ce qui peut bien lui arriver lui est absolument égal désormais, déconnectée de son enveloppe charnelle, coquille vide sans cœur qui pulse en son centre. Ça lui fait du bien de sentir les bras de Sid se refermer sur elle parce qu’elle a l’impression de retrouver un bout de maison, d’infini, de regagner une place qui a toujours été la sienne malgré Mads, Abel, malgré leur pas-tout-à-fait amour qui prend pourtant trop d’importance quand en vient le moment de faire les comptes, tirer les conséquences de tout ce qu’elle a pu faire dans sa vie. Baiser Sid n’a jamais été une mauvaise décision, un choix irraisonné. Il est doux, Sid, il est calme et tendre et jamais violent, jamais méchant, jamais blessant, il tente toujours de faire du mieux qu’il peut, ce qui le rapproche fatalement d’elle quelque part. Les deux faces de la même pièce qui se pète au sol quand il avorte leur étreinte.
Un bout d’elle qui reste dans ses bras à lui.
Elle sait qu’elle ne lui a pas répondu. C’est volontaire. Ça se greffe sous ses nerfs comme un besoin obsédant d’aimer sans se briser les dents, sans s’acharner après des ambitions impossibles. Elle ne lui a pas répondu parce que ça ne le regarde pas, au fond. Elle n’a pas à lui parler de là-bas, des coups, du rappel saignant à ses années adolescentes entre les quatre murs d’une maison où on ne voulait pas d’elle, du bébé perdu et de la maison retrouvée sans vraiment se la réapproprier. Elle ne lui a pas répondu parce que c’est inutile, y a ses yeux qui pleurent déjà sans faire couler de larmes et elle ne veut certainement pas verser du sel sur ses plaies. Mieux vaut endurer, dans ces cas-là, serrer les dents et faire comme si tout allait bien. Son regard de biche glisse sur Sid alors qu’elle laisse le bout de ses doigts trainer sur l’assise usée du canapé. « Ne t’inquiète pas, j’veux rien, merci. » Champ de bataille. Il n’aurait rien de mieux à lui offrir que des carcasses d’obus, elle en est sûre. Même demander un verre d’eau semble risquer dans de pareilles circonstances, alors autant faire profil bas, le suivre lorsqu’il s’éloigne jusqu’à la chambre qu’elle connaît trop bien, les murs qu’ont vu danser leurs silhouettes plus d’une fois. Un arrière-goût de nostalgie derrière la langue, elle laisse ses yeux glisser sur les moindres contours de la pièce comme si elle n’était pas venue depuis une éternité. Faut dire qu’elle n’est pas venue depuis qu’elle fréquente Abel dans le sens biblique du terme, ça doit aller chercher dans les quelques petits mois, ça. Un soupir manque de se faire la malle, elle le retient tout juste, s’assied sur le lit pour faire face à Sid qui a préféré poser son cul sur le bureau. « C’est pas grave, Sid », elle murmure quand il dit qu’il est désolé de ne pas avoir été là. Si, c’est grave. Bien sûr que c’est grave. C’est grave de revenir pour avoir l’impression que personne ne vous a vraiment cherché, n’a vraiment essayé, pour se rendre compte qu’on ne vaut pas la peine qu’on remue ciel et terre pour nous. Si, c’est grave, mais lorsqu’elle relève la tête, c’est encore un sourire qui lui barre les joues. Trop bonne actrice. Droite comme un i.

Y a quelque chose qui se fait la malle dans ses convictions, ses volontés d’apparaître comme une dame de fer, lorsque Sid lui demande si ça va. Elle aurait dû savoir qu’il la connaît beaucoup trop bien pour avaler ses couleuvres, prétendre qu’il ne voit pas clair derrière son jeu. « C’est pas mon appart qui est ravagé. » Un petit rire au bord des lèvres et puis plus rien. Le dernier rempart pour sauver les apparences. Elle se laisse tomber sur le lit, les jambes qui tombent du bord, à deux doigts de laisser couler des larmes si seulement elle n’avait pas déjà assez pleuré. Ses paupières se ferment, comme si ça pouvait empêcher la pluie de rentrer, de se montrer. Elle croise les mains sur son ventre, protection illusoire, instinctive, comme pour éviter un nouveau coup et alors même qu’elle voue une confiance sans limite à son ami flic. Les habitudes se prennent aussi vite qu’elles se perdent. « C’était plus simple avant, non ? À quel moment ça a commencé à devenir compliqué ? » Ça, la vie, toi, moi, nous, le reste du monde et peut-être même tout l’univers. À quel moment on a décidé que 20 piges c’était l’âge idéal pour se laisser crever, pour claquer doucement, s’endormir aux shots d’héro, au Xanax pour elle, faut croire que ça se justifie. C’était plus simple avant, quand ils pouvaient baiser toute la nuit et manger des gaufres en regardant un cartoon le lendemain, quand ils avaient des moments pour se déconnecter, s’oublier, graver dans leurs avant-bras des faux souvenirs de guerre. Y a plus rien qu’est faux, aujourd’hui. Tout se casse la gueule à mesure que le temps avance. Et les mots déboulent tous seuls, ceux qu’elle n’a même pas dits à Eoin. « J’me sens seule. » Tellement seule.
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