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 larme à gauche (vid)

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Sidney Kasabian

Sidney Kasabian
Coyote
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MessageSujet: larme à gauche (vid)   larme à gauche (vid) EmptyMer 5 Sep - 15:16

Yeux rivés sur le plafond, il concentre toute son attention sur le souffle lent et régulier de Mads qui a fini par s'endormir blottie contre lui, terrassée par le chagrin. Il a cru qu'elle s'arrêterait jamais de pleurer. Peut-être qu'elle recommencera à la seconde où elle se réveillera, il en sait rien. Il est pas sûr de vouloir rester pour le découvrir. Parce qu'il ne se sent plus assez solide pour gérer sa peine en plus de la sienne, parce que le goût amer de ses lèvres est resté incrusté sous sa langue. Il aimerait se laisser happer par Morphée lui aussi, tout oublier et enfin respirer, jusqu'à demain. Mais il n'y arrive pas. L'heure tourne et il fixe toujours le plafond, cervelle en ébullition. Il pense à Nash Mads Malo Vic, tout se mélange et il n'arrive plus à faire le point ; il se noie. Il peut plus rester là.

Drainé de toute énergie, ses gestes sont mécaniques quand il se détache doucement de Mads, veillant à ne pas la sortir de son sommeil. Il remonte un peu le drap sur elle et se lève, ramassant ses affaires avant de quitter la pièce en silence. Rien d'autre qu'un texto envoyé dans le hall en guise d'au revoir. Il fait encore nuit quand il conduit jusqu'au centre-ville, mais l'aube n'est plus très loin. Peut-être quatre ou cinq heures du matin. Il sait plus. Il a perdu toute notion du temps qui passe.

Son pas est lourd, lent, godasses qui râpent chaque marche de l'immeuble, épaules plus voûtées qu'une putain d'église. Il porte toujours son uniforme, et il a jamais semblé aussi minuscule sous le tissu mal taillé.

Il ne fait même pas attention au bruit qu'il fait en entrant dans l'appartement, abandonnant ses clés sur le meuble dans l'entrée avant de s'avancer jusqu'au salon. Vic est là. Leurs regards se croisent et peut-être qu'il pourrait demander pourquoi elle est déjà debout ou bien pas encore couchée, peut-être qu'il pourrait aussi s'excuser de n'pas avoir prévenu de son absence – il aurait dû être rentré pour vingt-et-une heures. Il pourrait dire un tas de choses mais il ne le fait pas. Tout juste capable de baisser la tête et lui tourner le dos pour aller s'engouffrer dans la cuisine. Il ouvre le frigo, en scanne l'intérieur trop vide, soupire. Pas de bière à l'horizon. Il se rabat sur le placard où ils ont l'habitude de ranger l'alcool mais plus rien non plus – il a un vague souvenir d'apéro raté et de bouteilles vidées. Y a plus rien. « On a pas fait les courses. » Sa voix est rauque, ça lui ressemble pas. Du papier de verre venu râper ses cordes vocales, un rouleau-compresseur qui continue de s'acharner sur son myocarde. Il bascule un peu en avant, son front qui vient s'appuyer contre le placard qu'il vient de refermer. À croire qu'il a même plus la force de tenir debout. « Fait chier. » Y a plus aucun bar d'ouvert à cette heure-ci, et de toute façon il est pas sûr d'avoir le courage de ressortir. Il est presque sûr qu'il s'écroulerait avant d'arriver jusqu'à l'épicerie de nuit.

Ses yeux fuient ceux de Vic quand il revient au salon, préférant s'échouer sur la table basse qu'il a laissée en bordel la veille. Y a tout son attirail pour rouler. Parfait. Il va se vautrer lamentablement dans le canapé, déboutonnant les premiers boutons de sa chemise en espérant que ça l'aide à mieux respirer. Ça marche pas. Y a rien qui marche et il espère qu'un joint l'aidera à se calmer parce qu'il a les mains qui tremblent et la gorge nouée – c'est pas dans ses habitudes de se laisser submerger comme ça. Ses phalanges se mettent à la tâche mais il est maladroit et il perd patience, s'y reprenant à trois fois sans réussir à rouler. Tout lui file entre les doigts. « PUTAIN. » Il balance sur la table tout ce qu'il tenait, ses coudes qui s'appuient sur ses cuisses alors qu'il prend sa tête entre ses mains. Les émotions continuent de déferler en lui mais il est trop épuisé pour les exprimer ; ses yeux sont secs et toute trace d'énergie l'a quitté. Il sent toujours la présence de Vic dans la pièce et ça lui pèse. Il voudrait lui dire de s'en aller mais l'idée de se retrouver seul l'angoisse, il voudrait lui demander de venir plus près mais il n'y arrive pas. Il sait plus ce qu'il veut, ni ce qu'il fait. Trop dévasté pour garder son calme légendaire, y a tout qui se fait la malle et il peut rien faire pour inverser la tendance, il est pas assez fort. Il l'a jamais vraiment été.
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MessageSujet: Re: larme à gauche (vid)   larme à gauche (vid) EmptySam 8 Sep - 4:39

une fermeture qui s’est faite désirer, qui a étiré le temps donnant comme l'impression d'une fin qui ne vient jamais et puis à quatre heures du matin, les portes se sont enfin refermées. Le silence et les corps qui se relâchent. elle ne s’y attendait pas à ce rythme, à ce que son corps lui fasse mal et la fatigue comme nouvelle amie, comme nouvelle partenaire de vie. à y voir de plus près, la fatigue avait bon dos, elle lui permettait toujours d’avoir une excuse, une excuse pour s’éloigner un peu plus de sid. vic dit qu’elle est fatiguée pour se faire oublier, pour rester coucher mais ça ne lui enlève pas toutes ses pensées, ce vide qui se crée toujours un peu plus, et qui grandit. elle le sent ce vide au fond de son estomac, dans les tréfonds de son cœur qui s’installe tranquillement, sans faire de bruit.

elle avait bu avec ses collègues, juste un verre pour réchauffer les cœurs. elle n’a pas veillé très tard avec eux, comme une envie de rentrer chez elle pour laisser son corps s’effondrer dans le canapé et ne plus à avoir à bouger au moins pour les trois prochaines heures. suzie est partie en même temps qu’elle et lui avait proposé de la raccompagner. proposition acceptée très rapidement par vic qui ne se voyait pas rentrer à pied. cela faisait déjà deux semaines que sa voiture était tombée en panne. elle l’avait bien dit à sid qui lui avait répondu qu’il y jetterait un œil et puis il a dû oublier… comme il l’oublie parfois. alors, vic s’est accommodée de ne plus avoir de moyen de locomotion, elle se débrouille comme elle peut – elle a toujours ses deux jambes. elle pourrait s’en occuper elle-même mais elle n’a pas assez de fric pour l’instant alors elle met ses tips de côté dans une enveloppe qu’elle cache dans ses petites culottes. et pendant ce temps-là, sa voiture est garée sur le parking avec un mot scotché sur le pare-brise ‘elle n’est pas abandonnée’ – il ne manquerait plus qu’elle se fasse embarquer par la fourrière.

l’appartement est plongé dans le noir quand elle y pénètre. elle laisse son sac dans un coin de l’entrée. le calme avant la tempête. elle se dit qu’elle devrait aller s’coucher et en même temps, elle n’a pas vraiment envie d’aller dans sa chambre, elle n’a pas forcément envie de voir sid, pas tout de suite alors après s’être lavée les mains et s’être démaquillée vic est allée s’installer dans l’canapé, à la place qu’elle s’était attribuée. elle attrapait le plaid qui avait été abandonné vulgairement dans un coin avant de s’enrouler dedans. elle avait allumé la télé, histoire de passer le temps, d’essayer de s’en dormir. elle avait une chaîne mexicaine qui rediffusé des épisodes d’une télénovela qu’elle avait déjà vu. elle n’avait pas mis le son très fort, elle espérait s’endormir devant la télé et elle entend les clés dans la porte, les pas de l’entrée. le bruit des clés ressemble à celui de sid alors elle lève la tête et elle le voit. et toujours ce même silence. très vite vic repose son regard sur l’écran de télévision.

il râle en ouvrant les portes des placards, du frigo – symphonie culinaire. vic préfère rester silencieux – elle aurait pu lui répondre un truc à sa phrase, on a pas fait les courses mais elel n’était pas d’humeur, peut-être trop fatiguée pour chercher la confrontation.

elle l’observe d’un coin de l’œil. il galère à rouler un joint alors c’est avec un certain étonnement que vic se redresse et se saisit du matériel de sid. elle commence à lui rouler un joint. vic avait appris en regardant ses frères – elle se débrouille pas mal en vrai. elle le trouve bizarre sid, pas bizarre comme d’habitude. il s’est passé un truc, elle le voit bien il est d’une humeur de chien et vu l’heure ça ne présageait rien de bon. vic voudrait lui demander ce qu’il a mais elle préfère se taire, parce que c’est plus simple ou parce qu’elle n’a peut-être pas envie de savoir ce qu’il a. si tu ne demandes pas, on ne te réponds pas et tu ne sais pas. vivre dans l’ignorance. il y a plein de chose que vic aurait préféré ignorer…  

elle lèche la feuille doucement qu’elle colle d’un geste délicat. elle regarde le résultat, elle est plutôt satisfaite et elle lui pose devant lui avant de s’enfoncer dans le canapé. elle fixe la télévision mais elle pense à autre chose.
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MessageSujet: Re: larme à gauche (vid)   larme à gauche (vid) EmptyLun 10 Sep - 10:35

Vic ne parle pas. Y a rien d'autre que les voix de la télé en fond et le vacarme dans sa tête, la tempête qui fait rage au creux de sa poitrine. D'habitude son silence ne le dérange pas – c'est devenu la routine pour eux, ne pas s'parler et tout faire pour éviter de trop se croiser. Pourtant ce soir, il crève d'envie qu'elle ouvre la bouche. Qu'elle parle et qu'elle parle encore, jusqu'à en user toute sa salive et s'en érailler la voix, parler jusqu'à l'aider à oublier. Elle pourrait même gueuler, l'insulter, n'importe quoi. Tout pourvu que ça fasse taire le chaos de ses émotions. La tristesse la colère la frustration, tout se mélange et ça fait un mal de chien.

Visage planqué entre ses mains, il finit par écarter doucement les doigts en la sentant bouger, s'approcher. Il l'observe poser le joint devant lui, comme une offrande un peu foireuse. Ses nerfs sont toujours à vif mais la tension redescend d'un cran. « Merci. » Il a la voix aussi tremblante que ses doigts quand il attrape le spliff et le glisse entre ses lèvres ; obligé de s'y reprendre à trois fois avant d'enfin réussir à l'allumer. Il prend une longue taffe et retient tout pendant quelques secondes, avant de laisser la fumée s'échapper dans un soupir. Sa carcasse retombe mollement contre le canapé, ses jambes écartées, un bras étalé sur le haut du dossier, l'autre qui porte l'anesthésiant à ses lèvres régulièrement. Il voudrait que ça suffise à éteindre ses neurones, mais c'est pas le cas. Il essaie de prêter attention au programme que Vic regarde mais il n'arrive pas à se concentrer et de toute façon, c'est en espagnol. Il saisit quelques mots ici et là – pas assez pour comprendre le sens global. Ça lui arrache un soupir, sa main qui glisse sur ses traits fatigués alors qu'il bascule sa tête en arrière pour observer le plafond. C'est blanc, c'est lisse, y a rien à voir.

Derrière sa rétine, ce sont les images de Nash qui se superposent.
Il revoit son cadavre.

La nausée le prend subitement, de manière si brutale qu'il lâche son joint sur le canapé et se précipite dans la cuisine – plus proche que la salle de bains. Juste à temps pour gerber dans l'évier, phalanges agrippées au rebord du meuble, le ventre qui se contracte douloureusement. Il rend tout ce qu'il a jusqu'à ne plus rien avoir du tout, jusqu'à ne cracher que de la bile. Il hoquette et il suffoque, l'impression qu'il va se noyer, qu'il est peut-être en train de crever. Ça dure un moment avant qu'il soit capable de se redresser enfin, silhouette tremblante et jambes qui flageolent. Il actionne le robinet pour tout nettoyer sommairement, avant de se laver les mains et se passer de l'eau sur le visage. Et il reste là. Perché au-dessus de l'évier, courbé, les omoplates qui ressortent et la tête rentrée entre ses épaules. Il sent la présence de Vic et il sait pas si elle vient d'arriver ou si elle a tout vu, mais dans l'fond quelle importance ? Il ouvre la bouche et il a envie de mentir, lui dire que ça va, qu'il est fatigué, qu'il a sûrement tiré trop fort sur le joint qu'elle lui a roulé. Pourtant tout ce qui sort c'est : « Nash s'est suicidé. » Nash elle le connaît, elle l'a croisé quelques fois mais pas tant que ça. La querelle entre lui et Sid a pris trop de place trop vite, ça fait trop longtemps qu'ils se parlent plus. Mais elle l'a rencontré, il en a parlé, elle sait qui il est. Elle sait le poids de l'amitié partie trop vite en fumée.

« C'est d'ma faute. » Pas que d'la sienne il le sait, mais il reste convaincu qu'il a eu son rôle à jouer. Que s'il avait fait mieux, s'il avait parlé, s'il l'avait empêché de finir en taule, ça serait pas arrivé. Si Nash était resté libre, il aurait peut-être pas eu envie de crever.

Il a même pas la force de se redresser ou de regarder Vic, toujours appuyé sur l'évier, yeux fermés, l'eau qui dégouline sur son visage. Il sait pas quoi faire pour chasser le souvenir de Nash à la morgue et Malo devenu un automate et Mads, putain Mads. Mads qui a pleuré jusqu'à l'épuisement, Mads qui a essayé de se raccrocher à lui, Mads qui l'a embrassé en pensant à Nash. Y a tout qui se mélange, sa douleur et la leur, c'est trop lourd pour lui et il a l'impression de tomber en morceaux lentement, sûrement. Il a oublié comment faire pour respirer.
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