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 (can you lead me to the light), salegar.

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MessageSujet: (can you lead me to the light), salegar.   (can you lead me to the light), salegar. EmptyLun 16 Avr - 17:59

Salem.
Tu ne devrais pas être ici.


La voix dans sa tête hurle à s’époummoner. Salem, tu devrais pas être ici. Salem, on va te voir. Salem, on va te trouver et t’enlever ta seule délivrance. Si on la voit c’est fini. Elle est défoncée et elle le sait. Elle essaie de se tenir droite, mais elle sait que son corps doit la trahir. Que ses muscles doivent être trop tendus, son pas un peu trop de travers. Elle garde les yeux baissés, glissant sur l’herbe entre ses orteils, elle sait que ça la vendra. Heureusement il fait nuit, des heures que la représentation est terminée, des heures avant la prochaine. La majorité des caravanes sont plongées dans la noirceur et sont silencieuses. Il est tard, ou peut-être pas tant que ça, elle ne sait pas trop. Une lumière ici et là, un rire qui éclate, de la musique étouffée. Salem avance dans l’ombre. Elle sait être discrète, elle sait ne pas se faire remarquer. Dans la noirceur c’est encore plus facile. Étoile filante. On cligne des paupières et elle n’est plus là. Heureusement. Heureusement pour elle ce soir. C’est mieux comme ça, c’est mieux qu’on ne le voit pas, qu’on ne l’ait jamais vue. Elle s’était promis de ne pas venir ici. De ne jamais venir au cirque en étant défoncée, surtout qu’elle a abusé ce soir. Que les émotions étaient trop fortes et que c’était trop tentant d’essayer de les faire complètement. Alors elle a pris un peu plus de trucs que d’habitude, sans se contrôler, sans rien maîtriser. Tu ne sais pas ce que tu fais, Salem. T’es pas en contrôle. Tu devrais foutre le camp avant que la mauvaise personne tombe sur toi. Mais elle ne peut pas partir - ne veut pas partir. Trop stoned pour réaliser qu’elle l’est trop. Le souffle court, le coeur menaçant de lâcher. Tu pourrais te tuer. Elle balaie la pensée d’un coup de tête. C’est son boulot de risquer sa vie sur le fil. Pas si différent de tout ça.

Des larmes plein les yeux, des larmes qui refusent de tomber, obstinées, collés au coin de ses yeux, ce n’est même pas qu’elle pleure, elle ne sait pas pourquoi. La tête qui tourne, la gorge sèche, la bouche pâteuse, le coeur délirant. Elle veut Zyki. Zyki saura quoi lui donner. Zyki aura les suggestions, aura la panoplie de pilules à lui offrir. Zyki et la pilule miracle, qui la sortira de son bad trip pour lui redonner la léthargie dont elle a besoin. Alors elle s’allongera, alors elle fermera les yeux, et se laissera bercer par le vide. Faut juste qu’elle le trouve, le grand Kida. Il doit être là quelque part, non ? Où chercher, sinon au cirque ? Elle pourra lui dire qu’elle a besoin de lui et elle pourra se reposer. Le coeur qui sursaute. Oh. Et si ce n’est pas Zyki qu’elle trouve ? Et s’il est parti ? S’il est n’est plus là, s’il est à sec ? Elle fera quoi, elle ira où ? Va-t’elle être obligée de rester avec ce mauvais feeling au bord des lèvres, à envoir envie de vomir sans rien avoir à vomir ? Pas toute seule, non pas toute seule. Le noir est trop noir la drogue est trop forte son coeur est trop lourd bon sang calme toi Salem calme toi.

Un sanglot écorché, le monde qui bascule. Elle se cache la tête entre les mains et manque de tomber à genoux. Respire putain respire. Putain prend sur toi. Des pas qui approchent, y’a quelqu’un juste là, ils vont la voir, on te vois Salem, c’est foutu, c’est fini. Laissez-moi tranquille. Je vous déteste, je vous déteste. Lève la tête. Ouvre les yeux. Personne. Regarde autour. Cligne des yeux.

Hagar.

Fuck. C’est une hallucination ? Ça fait ça, les drogues ? Hagar dans l’éclat de la lune, elle peut pas être vraie, elle est trop belle, là. On dirait qu’elle ressort du passé, qu’elle est apparue de nulle part, songe éveillée pour venir la hanter, lui rappeler ce qu’elle a fait et ce qu’elle n’a pas fait, lui rappeler la solitude qu’elle s’est donnée et celle qu’elle a semée autour d’elle. Ça ne peut pas être Hagar, ce n’est que son souvenir, la peau douce et les yeux sauvages. Détourne les yeux, Salem. Faut pas qu’elle sache. Surtout pas elle. La honte lui colle à la peau, elle garde la tête baissée. Elles ont pas échangé un mot depuis combien de temps, au juste ? Et pourtant y’a eu une époque où elles avaient pas de secrets. Elle ne sait même plus ce qu’elle est devenue, même plus ce qu’elle fait, ce qu’elle pense. Salem relève les yeux rapidement. Elle n’a pas bougé. Ce n’est pas une hallucination. Hagar est là, tout près. « Je cherche Zyki. » Elle articule finalement les mots. Sa voix est étonnamment stable et calme. Peut-être qu’elle y arrivera, peut-être que Hagar remarquera pas. Elle s’étire le dos, détourne la tête, cherche la fuite. Elles n’ont plus rien en commun. Hagar la laissera partir. Ne posera pas de questions. Elle tourne les talons, avance de quelques pas, s’éloigne. Me suis pas, Hagar. S’te plaît. Que ta haine reste ce soir. Ne me regarde pas.

Laisse moi partir.
T’es mieux sans moi.
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MessageSujet: Re: (can you lead me to the light), salegar.   (can you lead me to the light), salegar. EmptyMer 18 Avr - 23:49

▼▲▼

Mal au coeur. Ça ne veut pas s'en aller, c'est incapable de refluer. Elle a mal au coeur, et elle voudrait vomir tout ce qui le remplit depuis quelques temps. L'ignorance de Jax, la douleur dans les yeux de Salem. La méfiance constante dans les yeux d'Halina, et le désir dans ceux des hommes qui passent à ses côtés. La violence dans le regard de Malo. Et, partout, la solitude. Qu'elle soit en train de répéter, rattrapée par les mains habiles des autres trapézistes, ou qu'elle soit seule sur la plage. Qu'elle se perde dans les bras d'un inconnu, se fasse posséder, ou s'abandonne dans son lit froid. La solitude est toujours là. Partout où Hagar arrive, elle la précède. Éreintante, étouffante. Et ce soir, elle semblait l'être plus que jamais. À lui dévorer l'âme, malgré les rasades d'alcool ingurgitées pour oublier. Il n'y avait plus rien pour la retenir. Plus rien pour l'aider. Même l'alcool avait échoué.

Elle a le pas lourd, hésitant. Mais elle avance sans travers. Y a que ses yeux un peu voilés pour dénoter l'état dans lequel elle se trouvait. Et elle prend une petite bouffée d'air frais. Les larmes au bord des yeux, depuis près d'une heure déjà. Et pourtant incapable de pleurer. La vie lui donnait le vertige, et se remémorer tout ce qui clochait lui flanquait la nausée. Elle aurait peut-être dû attendre, avant de retourner sur le terrain du cirque. Attendre d'avoir assez dégrisé pour que personne ne la voie dans cet état. Elle n'aurait pas voulu avoir à affronter le regard de qui que ce soit. Jax, Salem, Halina, Zyki, Ninel, Pia. Les Kida, les Souza. N'importe quelle paire d'yeux posée sur elle aurait été une plaie plus vive que toutes celles qui striaient son coeur. Une marque de sa déchéance, imprimée dans l'esprit de quelqu'un d'autre. Alors elle se déplaçait entre les caravanes, tentant de se tenir debout jusqu'à la sienne, de ne pas flancher, de ne pas s'écrouler, de ne pas vomir dans un coin et abandonner. Âme errante, prête à tomber. Rien ne la retenait. Ses mains pouvaient glisser du trapèze à tout instant. La chute fatale aurait pu l'attirer, et l'emporter avec la même fureur qu'elle avait pris Miro. Miro.

Miro.

Miroslaw.


Nausée qui lui remonte dans la gorge, dans le nez dans le cerveau. Elle a à peine le temps de faire deux pas pour se cacher dans l'ombre d'une caravane, et ses tripes se soulèvent. Elle vomit l'alcool, vomit sa vie. Vomit son deuil, l'absence de Miro. L'absence de son soutien, de sa voix, de son sourire. De ces yeux dans lesquels elle se noyait. Les seuls capables de vraiment la comprendre. De vraiment la cerner. Elle avait longtemps pensé que Jax et Salem possédaient également cette faculté, mais la dernière année l'avait brisée en même temps que ses certitudes. Seul le souvenir de Miro parvenait désormais à lui faire garder la tête hors de l'eau. Tout en l'y enfonçant, cruellement. Cercle vicieux d'une tristesse impossible à épancher. Pourquoi t'es plus là ? Comment je suis supposée faire, sans toi ?

Des larmes sur ses joues, et un souffle saccadé. Elle s'est redressée, s'est appuyée silencieusement contre la caravane. La tête qui bascule vers le ciel, ses yeux qui accrochent les étoiles. Respire, Hagar. Le temps s'écoule trop lentement, alors que les souvenirs du corps brisé de Miroslaw refusent de quitter ses pensées. Ça lui prend un temps avant de vraiment recommencer à respirer. La nausée qui a reflué, et l'ivresse qui gît à ses pieds en une flaque écoeurante. Elle ferme les yeux, perd les étoiles. Essuie les larmes qui barbouillent ses joues, et se force à respirer. Lentement. Sûrement. Faut retrouver pied.

C'est un sanglot étranglé qui achève le processus déjà bien entamé. Ses paupières se rouvrent, et sa curiosité l'emporte sur la peur de se présenter. Son instinct la force à se décoller des ombres et à en sortir. Retourner dans les allées creusées par les caravanes alignées. Et alors que son regard se pose sur la silhouette qui s'y tient, elle se fige. Non. Pas elle. Mais c'est elle. C'est bien elle. Et Salem l'a vue. Il n'y a plus de moyens de s'enfuir. Elle le voudrait, pourtant. Férocement. Jusqu'au moment où ses yeux vitreux détaillent un peu plus attentivement l'allure de la polonaise. Et ça met quelques secondes à se frayer un chemin dans son esprit. Quelques longues secondes, durant lesquelles ses paupières battent pour tenter de se raccrocher à la réalité. Battent pour essayer de se soustraire à l'influence de l'alcool. « Je cherche Zyki. » Le reste des connexions se fait, et Hagar sent son coeur se briser encore davantage. Non, Salem. Non. Pas toi.

Salem n'attend même pas sa réponse. Salem tourne les talons, et Salem s'éloigne. Mais Hagar ne la laissera pas. Hagar ne le peut pas. Pas toi, Salem. Pas toi. Ses longues jambes avalent avec assurance la distance qui la sépare de la polonaise. Avant même qu'elle ne s'en rende compte, sa main a attrapé son poignet. L'alcool la fait serrer plus fort qu'elle ne le voudrait, et elle se force à se calmer. À laisser sa prise s'atténuer. Dans sa bouche, les mots se sont emmêlés. L'ivresse ne l'aide pas, mais elle essaie de s'appliquer. Trouver quoi lui dire. Trouver comment l'aider. « Non. » C'est pas un bon départ, et elle le sait. Mais ça a le mérite de sonner comme une supplication. Non, Salem. Tu ne peux pas. Pas toi. « T'en va pas. » Ça n'a aucun rapport. Rien à faire là. Ce n'est pas ça l'idée, mais elle n'a pas pu s'en empêcher. Et alors qu'elle s'entend parler, elle reste bête. Les yeux écarquillés, la bouche ouverte. Choquée de ses propres mots. Choquée que son coeur ait parlé sans qu'elle n'ait pu l'empêcher. Apeurée à l'idée que, même dans son état, Salem soit capable de faire les liens et de comprendre. « J'te laisserai pas. » Ça sonne davantage comme des mots censés. Mais au fond, une autre vérité résonne en miroir. J'te laisserai pas t'éloigner. Me tourner le dos. M'abandonner. Pas cette fois. « Qu'est-ce que t'as fait ? » C'était pas la bonne question. Pas ça qu'elle voulait demander. Qu'est-ce que t'as pris ? aurait été plus juste. Mais ça ne lui vient pas. Tout ce qu'elle peut dire lui brise la voix, et achève de l'isoler. L'isoler dans ses pensées et ses réflexions. Dans tout ce qu'elle n'a jamais été capable de lui dire. Et dans tout ce qu'elle ne lui dirait pas. Ne t'en va pas, Salem. Ne t'en va pas. Reste avec moi. Ne les laisse pas te voir comme ça. Ne les laisse pas te voir. Ne me laisse pas.

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MessageSujet: Re: (can you lead me to the light), salegar.   (can you lead me to the light), salegar. EmptySam 21 Avr - 5:40

Fuis, continue d’avancer. Fuis jusqu’à ce qu’elle ne te voit plus, jusqu’à ce que la nuit t’engouffre et te fasse disparaître, fuis, fuis fuis. Peut-être qu’elle ne te suivra pas, peut-être que tu pourras disparaître. Pendant un instant, Salem y croit. Croit qu’elle pourra juste fuir, juste s’éloigner, et qu’Hagar la laissera faire. Que le poids des derniers mois sera suffisant à l’empêcher de la rattraper. Que les coeurs resteront brisés, le passé ignoré. Qu’elles resteront étrangères, malgré ce qui leur serre la poitrine, malgré les souvenirs d’une amitié trop forte pour être oubliée. Salem y croit, et elle a presque envie de sourire, lève les yeux sur le ciel noir, elle trouvera Zyki, avalera quelque chose et tout ira mieux. Elle continue d’avancer, l’herbe lui chatouille les orteils, on dirait que le bad trip passe, elle se sent bien, libre, elle respire, elle avance, elle a évité le pire. Évité le regard d’Hagar, évité les questions, évité la fin. Le vertige de la drogue redevient agréable, l’amertume se transforme en sucre, pas si mal finalement cette soirée, pas si mal finalement cette nuit. Puis, Salem sent un main lui attraper le poignet, la serrer fort. Elle s’arrête sous la surprise, sous la force de l’emprise. Aussitôt l’emprise s’adoucit, mais c’est déjà trop tard, elle est arrêtée, et elle tourne sur ses talons pour lever des yeux ronds vers la coupable. Hagar. Et alors, tout revient d’un coup. Le mauvais goût dans la gorge, l’envie de hurler au bout des lèvres, le bad trip, tout revient en un fracas et Salem a envie de lui hurler au visage. Pourquoi tu m’as suivie ? Pourquoi tu pouvais juste pas me laisser partir ? Pourquoi tu me fais ça ? Pourquoi tu nous fait ça ?

Et pourtant, aucun mot ne sort de sa gorge alors qu’elle observe Hagar. Son visage est assez proche, à présent, pour qu’elle puisse bien la voir. Le teint de sa peau, la couleur de ses yeux. Sourcils froncés, Salem ne peut cependant pas riposter, quelque chose l’en empêche, un reflet d’elle-même dans les yeux d’Hagar, pas la même chose, mais presque, un voile qu’elle n’avait jamais vu auparavant chez la trapéziste. Oh.

Toi aussi.

« Non. » Le mot glisse jusqu’aux oreilles de Salem, et elle comprend à l’odeur qui parvient jusqu’à ses narines que leur mal n’est pas tout à fait le même. Hagar sent l’alcool, Hagar est ivre, Hagar est perdue. Comme toi, Salem. Ça bouleverse quelque chose dans la poitrine de Salem, qui ne peut que la toiser, bouche entreouverte, coeur battant. « T’en va pas. » Ses sourcils se froncent de plus belle, son coeur se serre encore plus. Hein ? Elle ne comprend pas, ne comprend pas la supplication dans les mots, ne veut pas comprendre, ne veut pas entendre. Oh, Hagar, s’il te plaît. La trapéziste aussi paraît surprise. Salem cligne des yeux, secoue la tête, le vertige la prend soudainement. T’en va pas. T’en va pas. Elle se rappelle du jour où elle est partie, où elle a balayé un baiser de la main, où elle a refusé de voir la vérité en face. « Je - » « J’te laisserai pas. » La drogue l’empêche de penser clairement, de pouvoir dire quelque chose à Hagar, de trouver une excuse, de se déprendre de sa main qui entoure toujours son poignet. Les mots d’Hagar s’emmêlent dans son esprit, et Salem ferme les yeux, non non non non non. « Qu’est-ce que t’as fait ? » Les yeux de Salem s’ouvrent à nouveau, se plante dans ceux de la trapéziste. Elle sait que c’est foutu, que Hagar a tout compris, qu’elle sait à présent, que tout est fini, plus jamais elle ne pourra recommencer. Ça devrait la soulager, ça devrait lui faire du bien, et pourtant ça ne fait que lui remuer les tripes, je veux pas arrêter, je veux pas que ça s’arrête. Arrêter ça veut dire tout ressentir à nouveau, tout le temps, et ça, Salem n’en veut pas. Alors une moue étire ses lèvres, ses yeux se plissent et elle retire sa main de l’emprise d’Hagar d’un geste sec. Ramène sa main contre elle, reculant d’un pas, empêchant la belle de l’empoigner à nouveau. Non.

« Et toi alors, hein ? Qu’est-ce que t’as fait ? » Crois pas que j’te vois pas, Hagar. Le vertige la prend, et elle titube un peu, son coeur ne cesse d’accélérer, sa gorge est sèche. Elle continue de reculer, le monde autour semble se rétrécir et se tordre, elle entend des bruits partout, on lui murmure à l’oreille, on crie au loin, et pourtant la nuit est tranquille, la nuit est paisible, except in our heads. « J’ai pas besoin de toi » dit Salem, fermant les yeux, secouant la tête. « Zyki… C’est Zyki qu’il me faut. » Reste concentrée. Rappelle toi ton objectif. Y’a peut-être encore un petit espoir qu’Hagar la laisse partir, si elle est assez horrible avec elle, si elle la repousse suffisamment longtemps, qu’elle oublie ce qu’elle a vu, et pourtant Salem est incapable de s’y résoudre, quelque chose dans le regard de Hagar l’a happée, lui a tordu les tripes. Pourquoi t’es comme ça, Hagar ? T’as toujours été si forte. Tellement plus forte que moi. « J’suis désolée, Hagar. » Son nom glisse contre sa langue, comme c’est bon de le dire à nouveau. La pensée rend Salem confuse, et elle secoue la tête de plus belle, lève une main comme pour empêcher Hagar d’avancer. « J’peux pas… Je peux pas. » Je peux pas rester avec toi. Pas comme ça. C’est pas bien. « Faut - faut que tu repartes et que - que t’oublie tout ça. Je - j’vais bien, j’te jure, ça va aller. »

Salem.

« Hein ? » Son corps vacille alors que son cou se tord, observant un point noir à sa droite. Elle mettrait sa main à couper que quelqu’un a murmuré son nom. Pourtant il n’y a personne, personne sauf l’obscurité, personne sauf le vide. Ses yeux se baissent. Elle les frotte d’une main lourde. « J'dois - j'dois y aller... » Je vais bien, j’te jure. Ça va aller. J’dois juste trouver Zyki.
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MessageSujet: Re: (can you lead me to the light), salegar.   (can you lead me to the light), salegar. EmptyDim 22 Avr - 6:02

C'est douloureux. Trop douloureux. Hagar voudrait avoir les esprits clairs pour penser, les esprits clairs pour la regarder. Elle voudrait voir le voile sur les yeux de Salem sans savoir celui qui cache également son regard. Elle voudrait que les choses soient plus simples. L'aient toujours été. Qu'elle ne soit jamais tombée amoureuse, en premier lieu. Que Salem ne l'ait jamais repoussée. À l'adolescence, mais également après leur baiser. Elle voudrait que Salem ne se soit jamais mariée. Et, par-dessus tout, elle voudrait pouvoir la préserver de toutes les mauvaises choses qui étaient en train de lui arriver. La sauver de la drogue, ce monstre de quantités infimes mais assassines. Cette drogue qu'elle voyait danser dans ses yeux, prendre possession de son corps. C'était la seule chose qui expliquait tout à la fois. La seule. Et Hagar ne le supportait pas. Pas toi, Salem. Pas toi.

Pourtant, elle n'est pas mieux — et elle le sait. Elle le sait, mais ça fait tout de même mal d'entendre les mots dans la bouche de la polonaise. Mal de devoir les accueillir, les accepter, et de ne rien pouvoir y répondre pour se justifier. Il n'y a rien à dire. « Et toi alors, hein ? Qu’est-ce que t’as fait ? » Hagar secoue la tête, Hagar baisse les yeux. La soudaine envie de pleurer qui étreint sa gorge, mais qui laisse ses yeux aussi secs qu'à l'ordinaire. La différence entre ce qui broie son coeur, et ce que son corps peut exprimer. Un gouffre qu'elle n'a jamais, au grand jamais, réussi à combler. Et c'est la honte qui la force à rester loin de Salem. À conserver les yeux baissés, sans pouvoir s'empêcher de lui jeter des coups d'oeil régulier. Elle tient sa main contre elle, comme si la pression l'avait faite souffrir. Comme si Hagar l'avait blessée. Non. Non. Ne pas y penser. C'est sûrement une réaction déplacée. Sûrement un instinct, pour se protéger. « J’ai pas besoin de toi. » Et soudain, l'envie de dégueuler revient. Le coeur qui se brise et les copeaux qui se broient, détruits par la cruauté de cette sincérité que seule la drogue pouvait si ingénument porter. Est-ce que tu réalises seulement ce que tu dis, Salem ? « Zyki… C’est Zyki qu’il me faut. » Et ça lui reste dans la gorge, boule de larmes qui ne veut ni monter ni redescendre. J'ai compris. J'ai compris. C'est Zyki. Juste Zyki. J'ai compris. Elle sait que ça n'a rien à voir, mais la plaie se rouvre pareil. L'amour que l'alcool a réveillé, ce même amour en train de lui ravager les tripes et de lui donner envie d'aller s'écrouler derrière sous une caravane pour s'y laisser oublier. Pourquoi tu me fais ça, Salem ? « J’suis désolée, Hagar. » Et alors, les yeux de la portugaise se relèvent vers ceux de la polonaise. Il y a une larme ou deux qui s'y sont accumulées — trop petites pour même y briller. Mais elle le sait, elle les sent. Ça lui brûle la rétine, ça lui donne envie de se frotter les paupières et de tourner la tête pour les cacher. Arrête d'être désolée. Arrête. Arrête.

Arrête.


« J’peux pas… Je peux pas. » Les rejets qui s'empilent, et Hagar qui ne les supporte pas. Ne les supporte plus. Ce sont ceux de trop. Ceux qu'elle ne peut plus encaisser. Ceux qui sont en train de multiplier les larmes dans ses yeux, et de transformer la colère de ces derniers mois en un chagrin qu'elle ne peut plus contenir. Regarde ce que tu fais, Salem. Regarde ce que tu fais de moi. « Faut - faut que tu repartes et que - que t’oublie tout ça. Je - j’vais bien, j’te jure, ça va aller. » C'est un mensonge, et Hagar le sait. Mais que peut-elle bien faire pour l'en empêcher ? Que peut-elle bien dire pour la retenir ? L'ivresse qui paralyse ses muscles, et la peur d'à nouveau faire du mal à Salem qui la retient de s'avancer. Le vide se fait au fond de son coeur, alors qu'elle voit la polonaise prête à repartir. Prête à s'en aller. Attends, Salem. « Attends... » T'en va pas.

« Hein ? » Pour peu, Hagar en sursauterait. Mais elle comprend que l'onomatopée ne lui est pas adressée — et elle comprend que Salem n'a sûrement pas réalisé la supplication qui avait passé ses lèvres pour lui demander de rester. Elle regarde dans la même direction que la polonaise. Ne voit rien, n'entend rien. Et alors, ses prunelles se reposent sur la jeune femme. Belle, si belle. Étreinte par les mauvais effets de la drogue, dévastée par ce qu'elle ne sait pas supporter. Ça lui prend quelques secondes, mais elle comprend l'hallucination. Le chagrin remonte dans sa gorge, et les larmes continuent de se multiplier. Non. Pleure pas, Hagar. Pleure pas. « J'dois - j'dois y aller... » Elle se frotte les yeux, la petite Salem. Funambule égarée, incapable de savoir vers quelle extrémité du fil marcher. L'équilibre qui se perd, et elle est au bord de tomber. Tu peux pas la laisser, Hagar. Tu le sais.

« Attends. » Comme chaque fois, elle a l'impression que ce n'est pas sa voix. Déconnectée. « Attends. » Elle répète, pour bien assimiler le mot qu'elle est en train d'essayer de prononcer. Le mot que l'ivresse ne parvient pas encore à gommer. « Pars pas. » C'que j'veux dire, c'est que tu peux pas y aller. Que personne ne doit te voir comme ça. C'est dangereux, tu sais. Dangereux pour toi. « Je... J'te laisserai pas. » Ça sonne presque comme une question, et ça emploie le ton d'une légère interrogation. Elle ne sait pas si c'est ce qu'elle est supposée répondre. Ce qu'elle est supposée faire. Tout ce qu'elle sait, c'est que son instinct lui crie de ne pas laisser Salem. De ne pas la regarder s'éloigner, sans au moins essayer de l'en empêcher. « J'ai ce qu'il faut pour t'aider. Je crois. » C'est un mensonge. Un mensonge éhonté, quand elle sait qu'aucune drogue n'est en sa possession. Que tout ce qu'elle aurait serait de l'alcool. De l'alcool et des baisers. « Je... » Viens avec moi. Viens avec moi. Viens avec moi. Je vais t'aider. Je te le promets.

Elle déglutit lentement, s'approche d'un pas. Douce et féline, apeurée à l'idée que Salem fuie en la voyant venir ainsi. « J'ai compris, tu sais. » Compris que tu ne voulais pas de moi. Que je ne serais jamais ce qu'il te faut. Que ça ne changera pas. J'ai compris. T'en fais pas. « Mais tu peux pas rester là. » Et son dernier pas est vacillant. Première fois qu'elle titube, depuis de longues minutes. La honte qui lui broie le coeur, lui casse les genoux. Honte de supplier. Honte de vouloir être accompagnée. Honte de ne pas être en état de véritablement l'aider. « Est-ce que... Est-ce que tu me fais confiance ? » Elle ne sait pas pourquoi elle dit ça. Elle se doute que la réponse lui brisera le coeur, mais elle n'y pense pas. L'alcool aura moins ce mérite-là. Et il lui fait tendre la main, lentement. Lui fait lever les yeux vers ceux de la polonaise. Les larmes toujours là. Mais elles ne couleront pas. Regarde-moi, Salem. Regarde-moi.

Viens avec moi.
Je vais t'aider.
Je te le promets.

Et je ne te toucherai pas. Je ne te toucherai plus. J'ai compris que tu ne peux pas. Que tu ne veux pas. Que tu ne voudras jamais, que ça ne changera pas. J'ai compris. J'ai compris. Mais s'il te plait, viens avec moi. Laisse-moi te porter. Laisse-moi te guider. Laisse-moi t'aider.

Laisse-moi t'aimer.

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MessageSujet: Re: (can you lead me to the light), salegar.   (can you lead me to the light), salegar. EmptyMar 15 Mai - 16:28

On dirait une scène sortie tout droit d’un rêve. Une prémonition brumeuse, épaissie par les nuages. Des mots chuchotés, hachés, qui ne forment pas vraiment une conversation, l’illusion d’un échange entre deux âmes flottantes. L’une noyée dans l’ivresse, l’autre égarée dans la brume des drogues. Et pourtant Salem et Hagar n’ont jamais été aussi proches que depuis des années, il lui semble. Une éternité qu’ils ne sont pas vraiment parlées, et on dirait que le filtre s’est envolée. Longtemps que l’honnêteté n’a pas été aussi brutale, quoique presque faussée par les substances. Salem ne voit rien clairement, tout est flou et sombre autour d’elle - et pourtant elle n’a jamais vu Hagar aussi clairement. La belle Hagar, dans l’éclat de lune, ça lui fait penser des choses qu’elle a enfoui, ça lui rappelle des souvenirs qui semblent appartenir à une autre personne. Elle avait tout cru envolé avec Hagar, et pourtant alors qu’elles se retrouvent au point de non-retour, elle réalise que la distance n’était peut-être qu’une illusion. Que leur connexion va au-delà des départs et des trahisons. Peut-être. Tout est flou. Tout lui glisse entre les doigts, les liens ne se font pas, elle a envie d’être sobre, elle a envie d’être encore plus défoncée, tout est confus, plus rien ne fait du sens. Que tout s’arrête. Que je m’enfonce six pieds sous terre, que tout s’arrête. On dirait que les voix se multiplient, qu’elles sonnent en écho sur chaque paroi de sa tête, elle est écrasée, elle vole. Salem. Non. Laissez-moi tranquille.

Il faut garder Hagar loin. Loin d’elle, loin de tout ça. Trouver Zyki, prendre la pilule miracle, et faire en sorte que ce cauchemar se termine. Peut-être qu’elle se réveillera et qu’Hagar se réveillera et qu’elles auront tout oublié. Que cet épisode se perdera et que le moment cessera d’exister avec leurs oublis respectifs. Et pourtant Salem sent une lourdeur dans sa poitrine, que c’est foutu à présent, qu’elles se sont trouvées et elles se sont vues, et qu’il n’y a plus de retour en arrière possible. La vérité leur est imposée, et il leur faudra lui faire face. Non. Pas Hagar. Je lui ai déjà fait assez de mal comme ça. Mais c’est la belle trapéziste qui est là. Qui la regarde. Qui tente de l’attraper du bout des doigts. Salem se défile. Encore et encore. Pour combien de temps ? Elle n’en sait rien. « Attends. » Le mot se répète, Salem ne saurait dire combien de fois. Elle secoue la tête, yeux toujours baissés, repliée sur elle-même comme une huitre. Rester loin, si Hagar la touche c’est terminé. Il faut rester la brise dans l’air, disparaître avant de pouvoir être attrapée. Comme ça, elle ne fera de mal à personne. À part elle-même. « Pars pas. » Salem relève les yeux, vois Hagar, la confusion dans ses yeux, l’éclat dans son regard. Ça fait danser quelque chose dans l’estomac de Salem. « Je… J’te laisserai pas. » Salem la regarde, les yeux ronds, la tête qui a envie de se secouer dans tous les sens. Pourquoi ? Pourquoi tu me laisseras pas ? Les lèvres brûlent de la question, et elle ouvre la bouche pour la dire, mais Hagar la devance. « J’ai ce qu’il faut pour t’aider. Je crois. »

Salem s’arrête. Regarde Hagar. Ça ne se peut pas. Hagar ne peut pas avoir ce qu’elle a besoin - et pourtant elle la croit. La partie d’elle trop partie, trop perdue, ce raccroche à cette promesse. À cette lueur d’espoir. Peut-être qu’elle n’aura pas à trouver Zyki. Peut-être que ça pourrait être facile. C’est trop tentant pour ne pas y croire. « Je… J’ai compris, tu sais. » Salem ne réalise même pas qu’elle approche. Tout ce qu’elle voit, c’est que le visage d’Hagar devient de plus en plus clair, que sa vision semble se préciser. « Mais tu peux pas rester là. » La funambule déglutit, cligne des yeux, les yeux dans ceux d’Hagar. Maintenant incapable de regarder ailleurs que dans la tempête de son regard. Elle a raison, Salem. Hagar titube. Salem la voit presque tomber, la voit chuter, et son corps se penche vers l’avant pour la rattraper. Son instinct a parlé. Mais Hagar n’a pas besoin d’elle, elle se reprend, ne tombe pas. Continue de se tenir debout, plus forte que Salem, plus forte que tous les autres. « Est-ce que… Est-ce que tu me fais confiance ? » Salem baisse les yeux vers la main qui se tend. Alléchante, douce, lumineuse. Roc dans la tempête. Salem a envie de se jeter sur elle, de la glisser contre sa joue, d’y déposer un baiser. Mais elle ne peut pas. Elle ne peut pas laisser Hagar entrer dans cette tornade qu’elle s’impose, dans ce vide dans lequel elle tombe, doucement et sûrement. Elle ne peut pas lui faire ça, Hagar, qui a clairement déjà ses propres soucis, ses propres démons. Ne sois pas égoïste, Salem. Éloigne-toi. Fais demi-tour. T’as déjà fait assez de dégâts.

Salem tend la main et attrape celle d’Hagar. Glisse ses doigts entre les siens, la serre. Doucement, fermement. Ses grands yeux se posant sur le visage rassurant de la trapéziste. Tellement belle. « Oui » dit-elle. Déglutit. « Je te fais confiance. »

Oh, Salem. Mais qu’est-ce que tu as fait ?

Elle s’approche doucement, ne lâche pas la main d’Hagar. La distance entre elles se réduit. Les voix se sont tues, le vertige s’est calmé. Elle peut se rattraper à Hagar, point d’ancrage dans la noirceur. Lui tient la main, ne la relâche pas, pas une seule seconde. S’approche jusqu’à ce qu’elle soit assez proche pour sentir son odeur. Les jambes molles, les poumons qui font mal. Mais ça va étrangement mieux avec sa main dans celle d’Hagar. Le monde semble moins noir, fait plus de sens. « Emmène-moi quelque part » souffle-t’elle à la trapéziste, secret, confidence, paroles qui resteront à jamais entre leurs deux souffles. « Sors moi d’ici. »

T’as raison. Je peux pas rester ici. Alors emmène-moi. Là où tu voudras. Tant que je suis avec toi.
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