Même si ces grosses carlingues volantes ne me rassurent qu’à moitié, j’aime les aéroports. Le ballet des gens en transit, les courses effrénées pour attraper son vol, les râleurs parce qu’il y a toujours trop d’attente, les mômes impatients qui braillent à en faire saigner les oreilles, les filles qui refont leurs valises pile au moment de passer la sécurité, les hommes d’affaires trop occupés à scroller sur leur téléphone et les p’tits vieux qui regardent le monde bouger trop rapidement pour eux. C’est drôle à regarder. Mais c’est aussi dans ce genre d’endroits que les gens perdent le plus leurs affaires. Suffit de zoner au bon endroit -un peu comme une crevarde, certes. Mais au moins, j’peux récupérer de tout et remplir mes petites valises. Que je revendrais à la sauvette en ville dans quelques heures ou que je garderais dans ma malle à souvenirs en inventant une autre vie. Et au milieu de tout ça, il y a les livres. Les oubliés, les abandonnés sur les sièges des zones d’attente. Ça m’rend triste quelque part qu’ils aient été laissés là. Alors j’les lis, j’les dévore, j’les prends avec moi et depuis quelques temps, j’les remplace aussi. J’laisse un autre bouquin, que j’ai trouvé ou troqué ailleurs. En m’disant que quelqu’un le prendra et en laissera un autre. Ça forme une chaîne sans que jamais personne ne se voit, ni ne s’en rende compte C’est presque un autre genre de jeu.

Et puis d’un coup, il y a eu ces petits mots, trouvés entre les pages d’un livre en particulier. Destinés à la “chasseuse de livres”. J’ai trouvé ce surnom cute, au moins il me traite pas de voleuse. Mais je croyais tout de même que personne ne m’avait vu. J’suis déçue. “Je t'offre celui-ci dans l'espoir qu'il te plaira, un de mes préférés. Hésite pas à me donner ton avis au prochain livre que tu abandonneras. x"
Au début, j’ai bien cru à une farce. J’me suis dit que jamais je n’aurais de réponse. Pourtant j’ai veillé à laisser un autre livre et un autre mot, au même endroit où j’avais trouvé le premier. À partir de là, c’était juste une nouvelle ritournelle qui s’encrait. À coup de “il n’aurait pas dû faire ça” ou “j’aurais préféré que ça se termine autrement” ou encore “page 69, 4e paragraphe… je foooooods pas toi ?” Fallait pas m’lancer à ce p’tit jeu d’enfant, j’sais pas m’arrêter. Même si j’ai aucune fichue idée de qui peut être l’auteur de ces petits mots, même si l’idée que ce soit un stalker creepy ne m’a pas effleurée un seul instant, j’trouve ça juste terriblement cool. Comme une amitié secrète qu’il fallait protéger. De quoi ? J’en sais rien. Mais si ça se trouve, il doit vivre incognito. Un espèce d’agent mystère qui veille à la sécurité des gens à l’aéroport ? Un héros inconnu peut-être. Qui, entre deux sauvetages, lit des bouquins ? Ça fait sens, c’est plausible, non ?

Sauf que maintenant, y a ces lettres qui m’invitent à le retrouver au Starbucks, de commander un truc et de l’attendre. La semaine prochaine, même jour, 11h. Y a eu un vent d’excitation dans mes veines. Pas de peur, non. Juste l’euphorie de me dire que je vais enfin connaître son identité. Parce que j’ai beau essayer de l’imaginer à partir des courbes de son écriture, il n’y a aucune silhouette qui se stabilise dans mon esprit. Tantôt femme, tantôt homme. Vieux ou jeune. Grand ou petit. Maigrichon ou enrobé. Je ne sais pas. Mes idées s’balancent, funambules sur le fil de mon imagination. Cette personne aura forcément du charisme. Un imaginaire un peu audacieux. Un être qui plane un peu au-dessus des autres. Forcément. C’est évidemment quelqu’un de bien et d’ouvert. J’suis déjà à l’aise. Presque comme si on était déjà amis depuis longtemps. J’ai hâte…

Bardas sur le dos, l’étui de violon en plus parce que je n’aurais pas l’temps de repasser au cirque avant de me poser à Wormsloe tout à l’heure, mes pas précipités me mènent à destination à l’heure prévue. Coup de bol que moby ne m’ait pas lâché en cours de route cette fois. Et j’ai des fourmis d’impatience dans les jambes quand je vois la queue au comptoir. Je guette en me demandant si c’est cette rouquine deux personnes devant moi. Ou si cet homme élégant aux cheveux poivre et sel qui feuillètent son journal avec sérieux. Nan. J’crois pas. Je souffle, un peu frustrée de ne pas (déjà) savoir. De ne pas l’avoir reconnu. Mais quand vient mon tour au comptoir, les prix affichés pour un simple café m’donne envie de m’étouffer. J’peux prendre de l’eau ? Ils vont pas faire payer l’eau quand même ? Remarque si c’est probable. Autant prendre un truc. Le moins cher, c’est quoi ? Bonjour. Vous avez quoi pour moins de… quatre dollars ? On peut avoir un chocolat chaud pour ça ?, que j’demande en sortant les pièces de la poche de mon jean. Comment ils font tous ces gens pour en prendre tous les jours ? J’refuse de piquer dans la tirelire d’Isa et Bella. Mais heureusement que hier j’ai fait un peu de bénéf.

Cela faisait combien de temps qu'il jouait à ce petit jeu maintenant ? Reid ne s'en souvenait plus exactement, mais il sait qu'il avait trouvé cela parfaitement stimulant. Lui qui, depuis sa position à ce petit Starbuck au milieu de tout, pouvait absolument tout voir de la zone la plus dynamique de l'aéroport, il n'avait pas pu passer à côté de cette jeune fille, cette autre outsiders qui jamais ne voyageait. Elle était un peu comme lui dans un sens, elle venait sans jamais partir et elle observait... observait et chapardait bien sûr ! Quelque chose qui pour le coup différait de lui mais le faisait beaucoup rire. Mais si cela aurait pu s'arrêter là, au simple divertissement apporté par une petite voleuse des aéroport, ne prenant jamais dans les poches mais récupérant toujours ce qui avait le malheur d'être oublié, il avait été particulièrement surpris en voyant qu'elle était aussi une petit chasseuse de livres, incapable de laisser un pauvre livre seul. Et ça forcément, ça l'avait charmé ! Car personne ne vole des bouquins pour un intérêt financier, tous ceux s'adonnant à ce jeu étaient des amateurs d'histoires, tout comme lui.

Alors un jour il avait commencé son petit manège, prenant un bouquin, y laissant un petit message à l'attention de la chasseuse de livres, un joli message bien sûr, avant de le déposer là, quelque part où il savait que personne ne s'y intéresserait sauf elle. Et cela avait marché ! Alors commença la relation la plus étrange qui soit, se faisant par le biais de livres échangés et où seul un des parti connaissait l'identité de l'autre. Et il trouvait cela passionnant Reid, bien entendu, très romanesque justement et il adorait avoir les retour de cette jeune fille qui s'était au final totalement prise au jeu. Mais Reid savait qu'il ne pourrait pas continuer avec ce mode opératoire pour l'éternité, il viendrait forcément un moment où la lassitude prendrait le dessus et où ces livres finiraient de nouveau seuls sur ces bancs. Il avait donc décidé de passer à la vitesse supérieur, profiter de ce moment où l'intérêt était au plus haut pour enfin faire s'écrouler le mur. En clair il allait organiser une rencontre !

Alors dans le dernier livre qu'il avait laissé pour sa petite camarade il avait mit un message très spécial. Cette fois pas d'analyse détaillé du livre ou de conseil sur les prochaines lectures ou quoi que ce soit, mes des informations afin de se retrouver. Reid comptait bien utiliser son boulot pour l'aider. Car après tout, quand un inconnu vous proposer de le retrouver au café, qui s'attendrait à ce que ce soit le serveur qui vous fasse venir là ? Il trouvait cela amusant, bien entendu. Même si au fond il avait peur qu'elle ne vienne tout simplement pas. C'était con à dire mais cela lui aurait brisé le cœur alors qu'il n'y avait pas de raison. Pour lui elle était déjà une amie mais pour elle ? Il était un inconnu définit par rien d'autre que sa calligraphie. Mais heureusement elle fut bien là à l'heure prévu, avec son air pas commode qui faisait déjà sourire Reid. Il le voyait son regard, sautant d'une personne à l'autre, tentant de l'identifié, elle ne se doutait de rien. Quand son tour arriva finalement elle sembla plus préoccupé par le prix des consommations que par autre chose, ce qui eut pour mérite de le faire rire Reid, bien qu'il ne voulait pas se montrer moqueur car oui... il se doutait que si elle volait les boites de gâteaux laissées ici et là c'était bien car elle n'avait pas les moyens d'en acheter sans devoir se priver ailleurs. Mais il avait tout prévu bien sûr, absolument tout « Pas grand chose j'en ai bien peur mademoiselle. Cela dit, puisque vous parlez de chocolat chaud... j'ai bien celui ci qui n'a malheureusement personne pour le boire, lui qui malheureusement a même eut le droit à un surplus de chantilly ! Peut être le voudriez vous ? Pour rien du tout bien entendu. Puis je ne sais pas... je crois qu'il vous attendait. » alors Reid, qui avait posé le gobelet devant elle, tourna ce dernier afin de montrer le nom écrit dessus : La chasseuse de livres. Accompagné d'un petit dessin de livre que Reid s'était amusé à faire en la voyant approcher du comptoir entre deux commandes.

L’impatience dans les jambes qui battent de l’aile. L’excitation bouillant dans le sang. La respiration précipitée alors que je suis déjà arrivée, pile à l’heure du rendez-vous. Mais j’y peux rien. J’ai l’impression d’avoir des puces dans tout l’corps. J’ai hâte de savoir, j’ai hâte de rencontrer cette personne, mettre un visage sur ces p’tits mots. C’est un peu comme le matin de noël, les voeux qu’on fait avant de souffler les bougies à son anniversaire ou devant un feu d’artifice. J’ai l’sentiment qu’un gros cadeau m’attend et que je n’aurais peut-être pas la patience de le déballer soigneusement. Parce que soyons clair, je sais d’avance que j’vais forcément faire foirer un truc à un moment donné et j’ferais fuir l’inconnu. Mais en attendant, la rencontre sera géniale et ce qui arrivera arrivera. Aucun effort ne pourra l’éviter. Pas même le manque de thunes pour s’payer un chocolat chaud.

Sérieux ?! Pas même un chocolat chaud ?! Pupilles écarquillées, la déception tombe vite dedans, faisant dégringoler mon attention sur mes baskets pendant de petites secondes. Mais le serveur que j’ai à peine regardé arrive à lever de nouveau mon intérêt -j’dois avoir l’air d’une girouette. Un chocolat chaud abandonné ? Sans gourmand pour le savourer, lui et son surplus de chantilly ? Et gratis en plus ?! Je souris, exaltée, affâmée. Il sait me parler. J’ai déjà entendu mes mamans se moquer des hommes que l’on peut manipuler facilement en pouponnant leurs bijoux de famille et leurs estomacs, et bien ça doit probablement être aussi le cas pour moi. Enfin pour la partie estomac. Y a que ça de vrai pour m’amadouer totalement. Rien à voir avec sa punchline donnant des airs de destinée à cette rencontre entre le chocolat chaud et moi. Nope. Ohmondieu ! C’est trop gentil... Mais dans mon enthousiasme pour récupérer mon cadeau, j’me suis emmêlée les pieds et les mains dans cette maladresse qui me caractérise sur la terre ferme -j’ai ma théorie là-dessus. Bref. Dans tous les cas, le gobelet pourtant fermé a dégouliné de presque moitié sur mon débordeur et le comptoir. Et c’est le dépit et la honte qui viennent nuancer mon visage. Les yeux bondissant partout sauf sur le blond. Oh fuck ! J’suis désolée vraiment, désolée, j’suis un boulet ambulant. Pardon, pardon, pardon ! Des excuses que je m’empresse de jeter entre nous comme si ça pouvait éponger la catastrophe comme je le fais avec toutes les serviettes en papier que j’ai pu trouver pour essuyer le comptoir. Mais euh c’est bon hein ! Il en reste encore un peu, je vais le boire quand même ! Malgré l’affolement coupable encore perceptible entre mes mots, je garde le gobelet contre moi comme si ça avait été mon doudou préféré. J’m’en fous, je le boirais quand même. J’m’en fous d’en avoir mis partout. J’m’en fous de ralentir la file de clients. Allez hop, d’ailleurs, je le finis.

Sauf que non. Sous mes doigts, un petit livre volant a été crayonné et mon surnom le précède, dans cette calligraphie familière. Il pourrait être l’auteur du conte de mon enfance favori que l’effet serait le même. La lune et les étoiles s’allument en moi, et je lève illico la tête vers l’inconnu. La surprise de la découverte apaise la panique instantanément, tranchant un peu l’air dans mes poumons et faisant légèrement chuter ma mâchoire avant que je ne courbe les lèvres. C’est- … C’est toi ? L’inconnu aux petits mots ? Les yeux ronds comme des billes, il se transformerait quasiment en cupcake si j’pouvais -en réalité, mon imagination me le permet. Avec un extra chantilly s’il vous plaît. J’en oublie presque les dégâts que j’ai causés. Presque. Oh merde ! C’est la honte. La gêne grimpe dans mes veines et sous ma peau. L’image qu’il va avoir de moi… olalala. La première impression Ninel, ça sera jamais ça avec toi. Encore pardon, c’est- Je me décale enfin du lieu du carnage et demande tout de même nerveusement si il a bientôt fini son service et surtout si il veut toujours bien discuter. Parce que bon, je comprendrais si il ne souhaitait pas s’afficher avec miss catastrophe et squatteuse invétérée de l’aéroport. Mais si il a proposé cette rencontre, c’est qu’il devait avoir un peu de temps libre, alors je me dis que j’ai peut-être encore un peu d’espoir. Mais j’aimerais aussi pouvoir me débarbouiller un peu, histoire d’avoir encore la possibilité de faire bonne figure devant l’énigme vivante et brillante à laquelle je me suis déjà trop attachée… Rien que pour des bouts de papier.

Il l'a préparé ce coup, il l'a vraiment bien préparé et depuis tellement de temps. Tout de même... c'est fout quand on y repense, tout ce temps, tous ces efforts fait pour quoi ? Pour le plaisir simplement de faire quelque chose de fou et au final, peut être, découvrir quelqu'un de fantastique ? Cela ressemble à un film... non, cela ressemble à un livre ! Un comme ceux qu'ils n'ont fait que s'échanger encore et encore pendant tout ce temps, accompagné de juste quelques petits mots tandis que lui seul savait la vérité sur leur situation. Donc forcément il a tout préparé, il a pris soin à ce que tout se passe à la perfection. Il l'a fait venir dans un endroit qu'il connait, il l'a fait venir à une horaire où il pourrait se consacrer totalement à elle mais surtout il a bien fait attention, en lui donnant ce rendez vous, de faire en sorte que cela ne lui coûterait rien. Donc quand elle est arrivé là sa camarade qui ne le sait pas encore, quand elle a montré le bout de son jolie minois, cherchant désespérément un article à la hauteur de son budget, il a réussit à la surprendre la jeunette, la surprendre en lui offrant ce gobelet où il lui révélait, dans un sens, la vérité sur lui, la vérité sur tout ce mystère qu'ils ont entretenu jusqu'à maintenant.

Sauf que voilà, sa petite chasseuse de livres... sa chasseuse de livre est une vraie maladroite ! Elle renverse le gobelet, s'en met partout et Reid... Reid il ne peut pas s'empêcher de rire car il trouve ça incroyablement craquant. Il l'aide aussi, bien entendu, à éponger au maximum et tout ça, amusé aussi par le fait que du coup... elle ne s'est encore rendu compte de rien ! Car oui, forcément, elle n'a pas vu le dessin sur le gobelet, mais Reid ne panique pas, il se dit que c'est juste un contre temps. Et puis ça l'amuse tellement de la voir, s'agrippant à ce gobelet en partie vidé comme ci il s'agissait de la chose la plus importante du monde. Puis elle se rend compte... et le sourire de Reid s'élargit. Enfin elle comprend, enfin elle commence à capter à quoi tout ce petit manège rime. Et voilà, elle le dit enfin et le visage de Reid s'illumine encore plus « C'est bien moi. Ravi d'enfin te parler de vive voix ma petite chasseuse de livre. » Puis il éclate de rire à nouveau face à la panique de la jeune femme qui, du coup, ce sens encore plus honteuse vis à vis de sa maladresse maintenant qu'elle sait qui est en face « Mais non c'est rien t'inquiète, c'est qu'un gobelet. On a franchement vu pire ici. Puis j'en ai un autre. » Alors il attrape un autre gobelet, un marqué seulement d'un « X » car c'était là le siens, qu'il avait juste marqué de cette manière pour que ses collègues ne le servent pas mais ça il ne le dira pas à sa chasseuse. Il fait alors signe à un collègue « Je fini mon service, je te passe le relais ! » Et avant de partir il choppe le gobelet qu'il a en main, un prévu pour un client à la base et il lui dépose un baiser sur la joue à son collègue qui déjà râle car il sait qu'il va devoir recommencer. Il retire donc son tablier, quitte le petit comptoir en centre de la pièce et rejoint celle qu'il veut apprendre à connaître ce soir.

« Bon, j'imagine qu'un petit tour vers les toilettes pour sécher ton haut semble une priorité, non ? Hahaha ! » Car oui, la pauvre est dans un sale état ! À moitié trempé et en plus c'est très loin d'être que de l'eau. Reid lui offrirait bien un nouveau haut mais... l'aéroport, malgré ses commerces, n'est pas le meilleur des centres commerciaux. Et à dire vrai il est assez limite niveau argent lui même et ça l'attriste un peu de ne pas pouvoir faire des cadeaux à tous les gens qui l'intéresse mais si il veut garder sa maison... Enfin bon, cela ne gâchera pas ce moment c'est clair ! Le mec et en kilt et la fille au t-shirt taché... c'est parfait, non ? « On pourra parler après. Sauf si tu préfère laisser ça sécher à l'air libre, hahaha. On sera juste les deux originaux de l'aéroport ! Quoi que... à tous les coups il y a plus originaux que nous ici et ça c'est triste ! J'aurais aimé avoir ce titre ! » Et il rit à nouveau, sachant à quel point il doit paraître atypique mais bon... c'est lui ça !

Est-ce qu’il peut deviner que j’ai gardé tous ses petits mots dans une de mes trop nombreuses boîtes à trésors ? Est-ce que ça se voit qu’il est littéralement dans mes petits papiers ? Qu’il s’apparente à une licorne pailletée, un Pégase revisité ? Il est ravi. Il dit que je suis “sa” chasseuse de livres. Ça fait rebondir mon rire contre le sien et détend mon ventre chamallow. Trop bon feeling. Il a l’air trop gentil. Ça clignote sous mes paupières comme des néons technicolores. J’observe sa gestuelle venue d’ailleurs à mesure qu’il me rassure… ou mieux qu’il me chouchoute. Oui, c’est ça ! En quelques mots, en quelques gestes, j’me sens bien, comme à la maison ou dans mon coin lecture secret préféré. Un cocon rempli de fauteuils patapoufs où on irait causer bouquins en pantoufle. Si j’étais chat, je ronronnerais déjà.
J’le décrypte atrocement généreux quand il embarque de nouveaux gobelets et embrasse son collègue comme si c’était la chose la plus normale du monde. Ça m’fait sourire, cette simplicité, loin des soucis du cirque et de ses habitants. Y a des gens bienveillants partout. J’ai raison de faire confiance. Surtout si c’est pour découvrir des phénomènes pareils. C’est impossible que je ne remarque pas son kilt. Et c’est impossible que je désapprouve. Woah j’adore ! J’en veux un. Tu crois que ça m’irait ? Demande sincère alors que je tire à peine dessus pour sentir le tissu. En plus ça pique pas, j’suis étonnée…

Bon, j'imagine qu'un petit tour vers les toilettes pour sécher ton haut semble une priorité, non ? Hahaha ! Ah oui c’est vrai. J’acquiesce rapidement, j’avais déjà oublié mais c’est vrai que je pourrais choper la mort en restant à moitié trempée. On pourra parler après. Sauf si tu préfère laisser ça sécher à l'air libre, hahaha. On sera juste les deux originaux de l'aéroport ! Quoi que... à tous les coups il y a plus originaux que nous ici et ça c'est triste ! J'aurais aimé avoir ce titre ! Il me fait rire. Non mais rien n’est joué, on a toujours nos chances ! Enfin TU as toutes chances ! J’veux dire, j’peux t’aider à monter un plan et tout. Mais faut que tu me fasses faire le tour pour jauger la concurrence. Faut connaître nos rivaux pour les surprendre. Acolyte du jour, bonjour. Si il dit oui, faut que je tienne mes promesses et qu’il ne sache surtout pas dans quoi il s’embarque. Ça ne sera pas l’épopée d’un avion de chasse. Plutôt celle d’un p’tit coucou sur-boosté. Mais quand même, ça sera bien. Parce que quand j’l’abandonne devant les toilettes des filles, j’ai cette sensation qui réchauffe dans mon sang. Que malgré les tours et les détours que je peux nous faire prendre, on va avoir tellement d'histoires pas croyables à vivre si il savait… Des histoires qu’il ne peut même pas imaginer. Qui nous emporteront très loin, tellement haut, en mode fusée. J’fabule pas et ce n’est pas non plus juste de l’instinct. Ce sont mes heures passées à côtoyer les diseuses de bonnes aventures. J’suis persuadée d’avoir développé un nouveau sens. Si ça se trouve, dans une autre vie, j’étais devin. Parce que je ne me trompe pas siiii souvent que ça. Mes compétences en calculs mathématiques étant souvent décriées (toujours arrondir à la dizaine du dessus, c’est la base en affaires), j’tente pas de vérifier. J’ai personne à convaincre de toute façon. Juste du chocolat perdu à éponger.

Bon ça fera l’affaire ! J’te suis ! On va où ? On fait quoi ? J’me pends déjà à son bras, comme de vieux amis d’enfance, prêts caresser trop de légendes du bout de leurs rêves éveillés, avant d’en devenir une.

C'est étrange comme manière de se rencontrer, il le sait bien Reid, mais tout ce qu'il fait n'est-il pas étrange déjà ? Il suffit de voir comment toute cette relation a été créée ! Par des mots laissés dans des livres, des massages cachés et anonymes abandonnés mais avec la conviction qu'ils allaient être trouvé par la bonne personne. Qui fait ça franchement ? Qui fait ça dans le monde réel ? Eh bien lui ainsi que cette fille... donc cette rencontre est-elle vraiment si absurde quand on voit les deux personnalités voués à se connaître ? Pas tant finalement. Puis cela lui donne l'impression d'être dans un livre Reid, dans une de ces fictions qu'il n'a pas arrêté de lui recommander. Comme ces love story qui font rêver alors que c'est bien niais si ce n'est que lui est gay mais... franchement, qu'est-ce qu'on s'en fout ? Tout ce qu'il sait c'est que cela fera une jolie histoire, une qui commence par de la maladresse et des rires et qui fait chaud au cœur. En même temps Reid ne s'est pas trop mouillé, ceci dans tous les sens du terme, car contrairement à elle il savait qui elle était et qu'il a donc pu l'observer et décider si oui ou non il désirait la connaître mieux. Et c'est dommage dans un sens, car le grand blond aurait adoré lui aussi être dans le brouillard, se retrouver face à un contact anonyme et avoir la surprise de la véritable personne en face... une autre fois peut être !

En tout cas il trouve que ça commence bien Reid, très bien même et il rit à sa remarque en voyant son kilt « Les kilts vont bien à toute personne sachant les porter, c'est à dire en les assumant ! Donc ouai, je pense que cela t'irait comme un gant. » qu'il dit avec un sourire allant d'une oreille à l'autre. Surtout que c'est vrai ! Pour lui un kilt est toujours beau et élégant, c'est la façon dont les gens le porte ensuite qui change tout. Car quand ce n'est pas porté de manière assumé cela se ressent dans la manière de se tenir et ça fait plus étrange qu'autre chose. Et quand c'est porté par « blague » cela devient juste vulgaire... et c'est quelque chose qu'il trouve très triste mais bon... c'est ainsi ! Mais ce n'est pas le moment de se lancer dans un débat philosophique, car la jeune demoiselle est trempé et Reid reste un gentleman. Il l'accompagne donc aux toilettes histoire qu'elle puisse se nettoyer un peu, se sécher au moins, avant de se l'accaparer, préférant qu'elle soit bien plutôt que mal à l'aise. En tout ça sil joue un peu d'humour, tente de la mettre à l'aise même si il ne sait pas au final si elle a vraiment besoin d'aide pour ça et il s'amuse de ses réponses. Elle est vraiment aussi fraîche et adorable qu'il se l'était imaginé en premier lieu. « Moi et ? Et pourquoi moi en particulier ? Suis-je si bizarre que ça avec mon kilt et tout ça ? Hahaha ! » qu'il commence en riant « Et bien ma petite demoiselle, je te propose de en effet faire un tour ! Et voir qui sont les super héros de l'aéroport ! » Les supers héros de l'aéroport... encore un de ses délires qu'il a eut une fois qu'il s'ennuyait et regardait tout ce petit monde s'agiter et attendre leurs avions... se demandant ce que cela donnerait si certain d'entre eux étaient des supers héros de ce petit univers singulier.

Il lui laisse donc du temps à la jeune demoiselle, du temps pour aller se refaire une beauté un peu avant de commencer leur petite séance de voyeurisme car c'est ce que c'est au final, du voyeurisme ! Et il n'y a sans doute pas plus voyeur que Reid même si personne ne s'en doute et pourtant... il suffit de voir ses statues qui toutes sont inspiré de gens réel. Cependant là il s'agit d'observer des gens bizarre et il aime ça aussi Reid, chercher la bizarrerie qu'il y a dans ce monde et non pour se moquer mais car il trouve ça fascinant. Alors quand elle revient c'est toujours avec le sourire qu'il lui tend la main « Que dirais tu de voir dans les couloirs menant aux guichets ? A défaut de pouvoir se rendre dans la zone d'attente des passagers, cela nous permettra de voir les quelques originaux qui vont décoller. Et d'ailleurs je ne connais toujours pas ton nom ma petite chasseuse de livres, moi c'est Reid, à ton service. » Qu'il lui dit, faisant la révérence, soulevant légèrement son kilt comme une demoiselle soulèverait sa jupe avant de la guider à travers les couloirs de l'aéroport, espérant qu'ensemble ils pourront trouver des perles rares et inventer des histoires les concernant.

Commandant Reid, moi c’est Ninel !, que je lâche tout en exécutant un espèce de salut militaire, persuadée d’avoir déjà vu des pilotes faire ce geste. J’te suis direction les guichets alors. En totale confiance, ça m’botte bien. Parce que je me doute qu’il n’a pas accès à toutes les coulisses de l’aéroport. Starbucks est partout, mais Starbucks n’est pas aussi puissant. Dommage mais c’est pas grave. Je n’ai aucun doute qu’on trouvera des gens intéressants à épier là-bas. Rien que sur le chemin, on peut s’amuser à deviner la vie des autres. La mère de famille autoritaire qui fait pousser à son esclave de mari un chariot rempli de bagages, alors que la marmaille tourne autour dans un tourbillon épuisant. Courage petit papa, tu vas survivre. Les copines de vacances qui font l’tri de leurs bagages à même le sol pour éviter la surtaxe dû à quelques kilos en trop. Tu peux garder le string qui dépasse. Un bout d’ficelle, c’est léger. La grand-mère émue qui vient de déposer ses petits-enfants après des vacances un peu trop chouettes et vivantes. Elle va se sentir seule, peut-être même dépérir. L’homme d’affaires pressé qui s’attendait à mieux de la compagnie aérienne et dont seule la vue d’une hôtesse de l’air dans les parages apaise son caprice arrogant. Et si tu donnais quelques uns de tes miles à ceux qui sauront en profiter ? Radin. C’est un peu la jungle et j’adore ça. Reid aussi apparemment.

Mais bon l’objectif : dégoter de nouveaux héros. Je le laisse nous trouver la meilleure place pour observer tout ce beau monde. Monde soudainement énervé quand l’annonce d’un vol annulé grésille dans les hauts-parleurs. Ça se bouscule vite, entre ceux qui veulent être remboursés, ceux qui veulent changer d’itinéraire, et ceux qui y croient et assomment d’un milliard de questions le personnel d’officine. J’aimerais pas être à leur place... Pas fan des conflits, pourtant quand il faut, j’me débrouille avec c’que j’ai. Éducation Kida oblige. Mais je pointe vite du doigt une grande blonde plantureuse juste à côté de nous qui semble vouloir négocier avec un p’tit rabais pour son prochain vol. Aphrodictus. Belle comme la déesse mais avec sa voix de cactus, ça perce les tympans. Elle perd tout son charisme dès qu’elle émet un son. Ça déstabilise l’ennemi à tous les coups. Les gens doivent pas comprendre ce qui leur arrive quand elle vient leur parler. La pauvre. Je la plains un peu. Elle pourra se reconvertir en banshee si jamais sa carrière d’héroïne ne décolle pas. Pensées partager avec mon commandant, comme les sourires complices. Je désigne ensuite le petit brun qui ne doit pas mesurer plus d’un mètre soixante. Élastomée. Je réfléchis un instant, obnubilée par le chewing-gum qu’il mâchouille avec ferveur et la clope qu’il tire en même temps. Il fait des bulles plutôt impressionnantes. Mais je parie que ses poumons sont déjà noir charbon. Capable de rendre son corps élastique… Facile. Mais aussi tout ce qu’il touche et mange. Il lui suffit même de souffler sur sa cible pour le rendre tout mou et informe. Comme de la pâte à modeler. J’hausse les sourcils, un peu fière de mes trouvailles et prête à défier Reid de faire mieux. Pourtant je ne fais que m’échauffer. J’suis comme Moby. Diesel baby.

Au final ça avait porté ses fruits ce petit jeu de pistes, ces petits messages cachés entre les pages de divers livres abandonnés ici et là dans l'aéroport. C'était un jeu qui avait duré longtemps, un jeu qui avait joué beaucoup sur l'anonymat d'un des deux participants, de Reid pour être exact qui avait tiré les ficelles dans les coulisses. Mais le résultat en avait été on ne peut plus plaisant dans la rencontre de la jolie et gentille Ninel, lui ayant déjà offert de grands moment à sourire par une maladresse que Reid avait trouvé tout à fait merveilleuse. Car il aimait ce genre de rencontre Reid, de rencontre improbables car chaque rencontre de ce genre était l'assurance de tomber sur quelqu'un sortant vraiment du lot et pour le coup ça n'avait pas raté. En cette jeune femme il avait trouvé... quelqu'un en qui il arrivait à se retrouver. Un esprit un peu à part et capable de voir le monde d'une manière totalement différente, surtout ici, dans l'aéroport, où les histoires étaient si nombreuses mais visible que pour ceux qui savaient observer. Il avait donc proposé un jeu à la jeune femme, un jeu qu'il aimait faire quand il était seul à son petit comptoir, que les clients ne se pressaient pas ou alors au moment du départ, attendant patiemment qu'un ami vienne le chercher pour le ramener en ville : Le jeu d'observer les gens et de trouver, parmi eux, les super héros du quotidien et des aéroport.

Mais pour cela il fallait trouver un lieu quelque peu plus populeux. Alors certes la place où se trouvait son petit lieu de travail était on ne peut plus fréquenté ! Mais il voulait chercher ailleurs, dans un endroit qu'il n'avait pas déjà passé des heures à observer aujourd'hui et où il trouvait que les super héros étaient plus visibles, c'est à dire vers les guichets d'embarquement. De là Ninel avait, semble-t-il, vite trouvé ses marque ! Les postant à un endroit où la vue du monde qui passait était en effet imprenable puis commençant à décrire ses quelques trouvailles. Et cela le fit rire Reid, beaucoup rire ! Car elle avait l'esprit assez léger pour s'amuser et en effet il y avait quelque chose dans ce qu'elle venait de trouver, Reid acquiesçant de la tête et tentant de s'imaginer les choses qu'elle lui décrivait « C'est pas mal j'avoue ! » Cependant les héros que Reid imaginait était bien différents ! Sans doute moins amusant que les personnages décrits par sa partenaire mais il espérait... qu'elle y verrait quand même la magie que lui y voyait. Il se concentra donc, scrutant la foule avant qu'un sourire ne vienne illuminer son visage.

Posant sa main sur son épaule il se rapprocha de Ninel pour lui indiquer du regard une certaine personne « Regarde... » Il y avait là une femme, proche de la cinquantaine, bien en formes et entouré de plusieurs enfants qui tournaient autours d'elle. Les gamins chahutaient, hurlaient, se battaient mais elle... elle était là, au centre, l'air posé et le dos droit. Elle fit un geste seulement vers ses enfants pour qu'aussitôt la petite troupe se rassemble, leur donnant leur goûté, calmant ainsi les terreur avant de reprendre cette posture droite et fière qu'elle avait, toujours aussi sereine « Tu vois cette femme ? Elle ne paraît pas comme ça mais c'est un vrai super héros. Vois tu cette douceur dans son regard ? Mais aussi cette prestance dans sa façon de se tenir ? Elle a l'étoffe d'une vraie héroïne, véritable Wonder Woman des aéroports elle est la digne fille d'Hippolyta, possédant force, sagesse et amour, veillant sur le monde mais surtout sur son petit monde, ceci dans la sérénité la plus totale. Oh et tu vois là bas. » Montrant à présent un homme, l'air perdu sur un petit objet emballé qu'il tenait dans la main, ce dernier ayant été sortit d'un sac d'une des boutique de l'aéroport « Lui c'est Superman. Il n'est peut être plus aussi au taquet qu'avant, il a peut être laissé le temps et l'âge le rattraper, mais il fait toujours de son mieux, ayant fait tout son possible et ceci même si c'est à la dernière minute pour ramener une preuve de son amour à Loïs Lane. Ce ne sont peut être pas les super héros les plus palpitant que l'on puisse voir dans les médias, mais ce sont ces héros du quotidien qui nous donne envie d'en faire tout autant. » Il avait présenté tout cela avec un immense calme Reid, un immense sérieux car au final... il y croyait vraiment à tout ça, au héros caché en chacun. Il se tourna alors vers sa camarade avant de dire « Je sais, je suis un peu fleur bleue. » le tout avec un immense et doux sourire.

Spoiler:

Wow, on dirait une déesse... Pendant trois secondes, la fille d’Hippolyta m’a fait envie, j’ai voulu être comme elle, j’me suis tenue plus droite et mon sang s’est calmé. Elle aurait été une licorne venue d’un univers parallèle grâce à un nuage de papillons multicolores que ça m’aurait fait le même effet (l’excitation boostée mise à part). Mais un bout de paix dans le coeur. Puis les Wonder Woman ont toujours eu la classe, alors ça ne gâche rien. Et en parlant de vrais héros, Reid dégote Superman. Mes yeux s’écarquillent et passent sur la silhouette plus aussi musclée qu’elle ne l’était par le passé avant de retomber sur l’objet précieux dans sa main. Il avait l’air attendri et c’est quelque chose que je reconnais. J’fais probablement partie de la catégorie matérialiste parce que je garde tout, collectionne encore plus et je me raccroche aux objets comme des trésors. En réalité, j’suis certaine que les objets ont une âme, une mémoire, une empreinte, bref peu importe ce que c’est ou comment on l’appelle, ce sont des témoins chargés de souvenirs, attachés à des sentiments, des moments. C’est super important. Regardez comment il fond devant l’truc, c’est beau, c’est tendre, ça fait sourire. Je sais, je suis un peu fleur bleue. J’chope son bras et m’y accroche trop facilement en riant. T’es amoureux des gens, c’est parfait ! J’suis perdue entre vouloir l’observer et vouloir dénicher le prochain héros dans la foule. Parce que je suis persuadée que Reid peut tomber amoureux à chaque coin de rue… d’une seconde à l’autre. DONC j’ai peut-être une nouvelle chance dans mon destin de Cupidon. Mes ailes ne sont pas encore coupées !

Raconte-moi autre chose ! Mais oui en fait, y a des priorités dans la vie. Manger et écouter/lire/raconter des histoires et pas forcément dans cet ordre. Trouver l’amour pour Reid, baaaaah ça viendra quand je saurais quel type de personnage il préfère. T’as déjà lu des contes à des enfants ? Nan parce que tu as la voix parfaite pour ça ! Faudrait qu’on se fasse ça la prochaine fois ! Dans le parc en ville, tu lis et moi j’fais l’instru derrière. Et puis on grattera quelques sous comme ça aussi. Jamais perdre le nord dans la vie. J’allais d’ailleurs même lui proposer de venir au cirque gratis du coup, parce que bon, ça mérite au moins ça d’me faire rêver comme ça. Mais c’est à ce moment que la sonnerie tonitruante de mon téléphone se met à résonner. J’dégaine l’engin à clapet (c’est vintage) comme une vraie pro et j’me fais immédiatement bousiller le tympan par Monsieur Loyal. Nan mais j’suis en ville là, j’distribue des tracts pour le cirque hein, j’peux pas rentr- La voix qui hurle derrière moi pour annoncer l’ouverture de l’embarquement du prochain vol pour Caracas ne me trahit absolument pas. Je ne viens pas non plus de perdre trois teintes de peau en une seconde. Déconfiture totale. Et j’aurais beau retarder l’inévitable, j’vais avoir droit à un beau savon. J’préférerais presque avoir un accident avec Moby sur la route. D’accord d’accord, je rentre. J’raccroche, résignée, trop déçue. Quel rabat-joie. Co za gówno ! Il m’a tout cassé. J’suis dépitée. J’ose à peine regarder Reid. Bon… Faut que j’y aille. Le roi de la fête vient de sonner la cloche… Il n’est vraiment pas drôle. Mais on remet ça hein ?! C’est un peu désespéré comme demande, mais j’veux pas déjà perdre un ami que je viens de me faire, sinon je jure, je jète Loyal aux lions, ils seront rassasiés. J’cherche un énième bout d’papier dans tout mon barda et finalement j’extirpe Moby Dick et y griffonne mon numéro de téléphone. Si j’survis, j’t’appelle et cette fois c’est moi qui te paye un truc à boire que je renverserais pas promis ! Et puis on se racontera encore plein de choses et et tiens ! La bise sur la joue, j’lui laisse entre les mains un autre bouquin, petit recueil de poèmes trouvé aujourd’hui même à la porte D, puis j’file vers la sortie. Direction ma Moby à moi, mon cirque et mes héros personnels. Et j’en oublie que je n’ai pas pris son numéro. J’réaliserais tout à l’heure, j’paniquerais à ce moment-là, avant de capter que je n’aurais qu’à revenir au starbucks de l’aéroport. J’sais où le trouver et pas lui. Ça c’est une toute autre histoire à écrire.