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⊹ life can hurt ▹ posts envoyés : 101 ▹ points : 7 ▹ pseudo : élodie/hello (prima luce) ▹ crédits : miserunt (av), sign/ vocivus (icons) ▹ avatar : indyamarie jean
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| Sujet: paradis perdu (noeven) Lun 19 Mar - 19:29 | |
| Cours, Noa, fuis les ombres, suis le silence. Elle s’élance dans l’opacité sans fond, se prend les pieds dans des obstacles invisibles. Elle poursuit des tâches incertaines, des tâches aux formes indistinctes à la présence humaine à l’intangibilité. À l’espoir qui meurt et aux cendres qui deviennent crainte. À l’insouciance absente, à la psychose abondante. Elle a conscience d’une présence dans son sillage, des mouvements insoupçonnés pourtant bien palpables dans ses pas. Noa ne sait pas ce qui la suit l’oblige à fuir, elle sait seulement qu’elle a peur qu’elle ne doit pas se laisser rattraper, surtout pas se rendre captive de cette course-poursuite. Elle ne connait pas l’identité de la chose, ne ressens que son abyme qui s’abat un peu plus sur elle à chaque mètre en moins qui les sépare. Ses mains s’accrochent à une branche ; les abysses d’une nuit sans étoiles sans vie se muent dans une forêt chaotique, de la peinture vermeille suinte sur les troncs et les feuilles des arbres meurent instantanément sur son passage pour s’échouer à ses pieds. Elle trébuche s’essouffle s’esquinte l’épiderme sur tous les obstacles, ne pense pas ne pense plus – la terre se meurtrie en même temps que ses pensées ricochent dans le néant. Ses pieds s’écorchent sur les brisures éparpillées sur le sol, les bouts de verre les bouts d’elle ; mais elle ne s’arrête pas dans sa course, surtout pas, il ne faut pas. Elle ne sait jamais ce qui la poursuit, mais elle sait toujours ce qui l’attend. Ce qu’elle trouve au bout du chemin, cet effroi qui lui déchire les tympans dans un hurlement muet. Elle fuit ce qu’il y a derrière elle, mais elle ne peut pas fuir ce qui se trouve devant – et la chute est inévitable incontestable encore là. Cours frêle détraquée mais ne fuis pas ta peur, sinon tu en deviendras esclave. Désordre dans les mauvais songes, quand la raison de son encéphale se fait la malle et que les souvenirs se fracassent dans les trous noirs. Quelque chose ne se passe pas comme d’habitude, comme si plusieurs souvenirs se mélangent sauf qu’elle sait pertinemment que certains d’entre eux ne passent pas la barrière de son subconscient et qu’à son réveil, ils se seront envolés. Pourtant, il y a bien la silhouette qui se dessine au loin. C’est bien sa silhouette irréelle ce fantôme maudit qui lui tend la main mais qui l’esquive une fois qu’elle essaie d’entrelacer ses doigts. Elle veut crier s’arracher les poumons, Noa, elle veut lui demander de l’attendre de ne plus partir de rester auprès d’elle. Mais les mots ne sortent pas se font poussières au bord des lèvres, et elle s’étouffe crache pleure et trépasse. Le silence oppressant, la fuite qui touche à sa fin. La silhouette, elle, bascule par-dessus la balustrade alors que la forêt s’est transformée en bitume sans qu’elle ne s’en rende compte. L’effroi s’arrache dans ses entrailles, s’entrechoque avec sa panique montante et lorsqu’elle se penche dans le vide, elle la voit si loin mais si près, le corps étendu sur du macadam nuage trop sombre. Son visage, tout en bas, qui lui parle et qu’elle entend pourtant. « Pourquoi t’as fait ça, Noa ? » Elle sait qu’elle ne peut pas lui répondre, elle ne peut jamais le faire dans ce rêve. Multiples formes pour un dessein similaire, celui de la punition de la promesse mauvaise de faire en sorte qu’elle n’oublie jamais. « Pourquoi tu m’as tuée ? » Cours, n’oublie pas de vivre. « ALISHA ! » Les paupières qui s’ouvrent dans la déflagration, le corps qui se soulève dans l’impulsion du cri percutant les murs de sa chambre pour s’abandonner dans un écho misérable. Sueur perlant sur son front et le cœur au bord des lèvres, Noa cligne des yeux plusieurs fois pour chasser les fantômes les cauchemars. Elle est assise dans son lit complètement défait comme si une démente si était débattue, les ongles enfoncés dans les draps et la peau tremblante. Je suis désolée Alisha, tellement désolée. Je suis désolée désolée désolée c’est pas ma faute tu sais je suis désolée c’est pas moi. Litanie de son agonie, le corps qui bascule d’avant en arrière qui n’a rien de naturel de serein.
La crise s’estompe enfin, les derniers vestiges d’une panique nocturne se dissolvent dans l’heure tardive qui s’effiloche. Un renfoncement sur son matelas laisse supposer qu’un de ses chats, peut-être même les deux, dormaient là paisiblement avant que le réveil en éclat de leur maîtresse ne les enjoigne à prendre la fuite loin d’elle. La pression abandonne doucement ses muscles, pourtant la contraction est toujours là. Tension de dépendance, du seul besoin qui parviendra à la calmer complètement. Noa glisse en dehors de ses draps et commence à retourner la pièce, incapable de mettre la main sur son précieux. Des sachets vides glissent entre ses doigts et une nouvelle panique s’immisce dans ses veines alors qu’elle prend conscience que la maigre poussière qui lui reste ne vaut rien. Ses mains se perdent dans ses cheveux tirent s’accrochent, viennent chercher son numéro frénétiquement sur l’écran de son portable. Réponds, Seven, réponds réponds je t’en supplie. Son visage s’est imposé naturellement derrière sa rétine fiévreuse, dealer de sa poudre blanche de ses sentiments qui n’ont rien d’étanche. Elle n’a pas conscience de l’heure qu’il est, oublié que c’est le beau milieu de la nuit – elle n’est obnubilée que par l’absence de réponse, de la tonalité qui se percute sous son crâne à lui donner envie de vomir. Entre les multiples sms et messages de détresse laissés sur son répondeur, sa frénésie vint retourner le dernier bastion de sa chambre : les tiroirs où s’accumulent les médicaments oubliés les pilules censées étouffer ce qu’il y a en elle. Celles qu’elle a promis de continuer à prendre sans jamais le faire ; mais ce n’est pas de cette came qu’elle a besoin, pas de ce mensonge aux allures de trouble compulsif qu’elle veut réveiller. Il y a des larmes qui laissent des stries de désolation sur ses joues, mais Noa est trop loin pour s’en rendre compte.
Elle ne sait pas ne sait plus comment elle s’est retrouvée dans la pièce qui lui sert de studio d’enregistrement, encore dans son large tee-shirt qui lui sert de pyjama et le casque vissé sur ses oreilles comme pour se rendre hermétique au monde extérieur. Sauf que le seul rempart dont elle a besoin est contre elle-même, et il n’existe pas. Il n’y a que la musique pour étouffer les murmures insensés les doutes les peurs, que dans ses mots noirs arrachant les pages de son carnet pour amoindrir sa psychose. Noa n’a pas conscience du temps qui passe alors que les notes électroniques s’enchaînent ; qu’elle rouspète soupire voudrait s’arracher la peau et les pensées. Elle ne se rend pas compte de la porte d’entrée qui claque et des chats qui miaulent d’agacement, enfermée dans sa bulle insonorisée. Il n’y a que lorsque des mains s’abattent sur le dossier de son siège pour la faire pivoter brutalement, que le cri de surprise explose au bord de ses lèvres et qu’elle prend conscience qu’elle n’est plus seule. Myocarde affolé cervelle aliénée, il lui faut plusieurs secondes pour reconnaître les traits du visage de Seven. Lorsque ses prunelles s’accrochent aux siennes, l’évidence est vibrante et elle ne comprend pas comment elle aurait pu douter autant de temps. Elle bondit de son siège et vient passer ses mains autour de son cou, s’accrochant à lui comme à l’ancre qui lui a fait défaut cette nuit alors qu’elle a chaviré. « T’es enfin là ! Pourquoi t’as pas répondu ? T’étais où hein ? » Les mots qui se fracassent dans sa voix chevrotante, alors qu’il la repousse rapidement et que ses fesses retrouvent leur assise dans un froncement de sourcils. Elle l’observe sans vraiment le voir, ses ongles qui viennent gratter frénétiquement sa peau ses cicatrices et ses pieds qui s’agitent se balancent dans le vide – est-ce qu’il a lu ses messages, est-ce qu’il en a, est-ce qu’il l’a amené est-ce qu’elle va pouvoir retrouver son souffle ? Son regard s’accroche quand même, tient bon, voudrait ne pas lâcher prise. Elle a du mal à respirer, dans sa présence son rejet, dans son absence son manque. Parce que Noa l’aime de chaque battement de son cœur de cocaïnomane. Elle sait que la suite n’est que souffrance. Elle sait, mais elle n’entend pas.
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| Sujet: Re: paradis perdu (noeven) Ven 23 Mar - 19:01 | |
| Il sait plus combien d'heures il a passé dans ce hall aseptisé, à regarder les aiguilles tourner et à se retenir d'exploser. L'impression que ça fait des jours et des jours, ou seulement cinq minutes. Ça fait des heures qu'il l'a trouvée mais la douleur est aussi vivace que s'il revivait l'instant en continu. Il revoit clairement son corps inerte sur son lit, les secours qui la posent sur le brancard, les portes qui se referment quand elle disparaît entourée de médecins dans le couloir. Il a laissé Mihail seul là-bas, pas un mot ni un regard quand il s'est levé, quand il est parti. C'est juste le temps de rentrer prendre une douche et essayer de dormir avant que sa tête n'explose, juste deux ou trois heures et il y retournera.
Pourtant, quand il passe la porte de son appartement il a des nœuds dans le bide et un étau autour de la gorge. Il devrait foncer dans la salle de bains puis aller comater sur son canapé, mais il en est incapable. Ses pieds prennent les commandes et le mènent jusqu'à la chambre même s'il veut pas y aller, même s'il veut pas voir la scène de crime. Les draps légèrement froissés, la seringue abandonnée. Le flacon explosé à l'autre bout de la pièce, les éclats éparpillés.
Les vestiges d'Anca qui essaie de crever.
Ça le prend aux tripes si violemment qu'il se précipite jusqu'aux chiottes pour vomir, mais son estomac est vide, tout ce qu'il crache c'est de la bile qui lui brûle l'œsophage. Il se penche ensuite au-dessus du lavabo et fait couler l'eau froide, ses mains qui la recueillent pour se frotter le visage, essayer de se remettre les idées en place. Ça marche pas. Il lève la tête et il croise son reflet dans le miroir, la nausée qui revient. Il arrive plus à dire s'il a envie de chialer ou hurler, se rouler en boule ou tout casser. Comme souvent dans ces cas-là, il se rabat sur sa rage pour pas sombrer.
Ses mâchoires sont aussi crispées que ses poings quand il retourne dans sa chambre, la seringue qu'il attrape et jette au sol pour écraser son pied dessus à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'elle soit réduite en bouillie. Il se met à fouiller frénétiquement dans toutes ses affaires, à foutre le bordel pour sortir la drogue qui traîne ici et là, vider une bonne partie de ses stocks sur son lit, les sachets qui s'accumulent et s'entassent les uns après les autres. Il emmène tout avec lui et se met à tout vider dans les toilettes, la poudre les cachets l'herbe les cristaux, il balance tout ce qu'il peut, tire la chasse, recommence. Ses mains tremblent tellement qu'il vise à côté une fois sur trois – il réalise pas que les tremblements s'étendent à sa carcasse toute entière, l'échine secouée par les émotions qui l'assaillent et qu'il ne sait pas comment gérer. Il jette et il jette et ça finit par ne plus vouloir s'évacuer avec l'eau, les poisons qui flottent et le font enrager, ses phalanges qui s'acharnent sur la chasse jusqu'à menacer de la casser. Ça n'passe plus dans les tuyaux pourtant il continue, finit par jeter les sachets plastique avec, quitte à tout boucher. Sa fureur qui éclate encore et encore, son pied qui se lève et se met à cogner la cuvette, le mur, la porte, tout ce qu'il peut atteindre. Il vient de ruiner un sacré paquet de fric mais il n'en a rien à foutre – et au final il n'a même pas vidé tous ses stocks, il en reste encore. Sa carcasse qui s'échoue sur le sol, son visage qui tombe dans ses mains alors qu'il cherche désespérément à reprendre son souffle, à calmer la tempête. Il n'y arrive pas.
Dans sa poche son téléphone vibre encore et encore, ça l'enrage, quand il le sort c'est dans l'optique de le balancer à l'autre bout de la pièce pour avoir la paix. Pourtant quand il voit le prénom de Noa s'afficher sur l'écran, son geste reste en suspens. Il prend pas la peine de lire ses textos, d'écouter ses messages vocaux. Tout ce qui tourne en boucle dans sa tête c'est qu'il peut pas rester là ; pas quand il a l'impression de sentir planer le fantôme d'Anca. Y a pas de meilleur endroit où se réfugier que chez Noa, et de toute façon c'est pas comme s'il lui restait beaucoup d'options. Les Yobbos c'est plus la peine, il s'est disputé avec Malo, et c'est pas comme s'il pouvait appeler Anca à la rescousse, putain.
Putain. Faut qu'il sorte, il étouffe.
Il sent la crise arriver et il sait qu'il pourra pas la gérer, alors il se lève à la hâte et il part sans se retourner, la porte qui claque derrière lui mais qu'il ne prend même pas la peine de verrouiller. Il s'enfonce dans la nuit, dans les rues, traverse la ville en sens inverse sans tenir compte de sa fatigue. La colère en guise de carburant, il avance encore et encore, guidé par l'instinct puisque son esprit est absent – coincé quelque part entre sa haine et sa culpabilité. Quand il arrive devant la baraque de Noa il ne s'annonce pas, entre sans y avoir été invité, comme il le fait toujours. Il ne prête même pas attention aux chats qui miaulent quand il leur passe devant, arpente les pièces vides vides vides putain il supporte plus tout ce vide.
Salle d'enregistrement. Il aurait dû s'en douter. Il voit sa tignasse dépasser de son siège et il la rejoint rapidement, ses grandes mains qui viennent saisir le dossier pour la faire pivoter brusquement. Elle crie, il reste silencieux. Elle lui saute dessus, il ne bouge pas. Les mains qui passent derrière son cou et qui s'agrippent à lui, l'enthousiasme débordant qui le pique à vif, comme chaque fois. « T’es enfin là ! Pourquoi t’as pas répondu ? T’étais où hein ? » À l'hôpital. Il le pense si fort que ça le fait grimacer, pourtant il ne le dit pas. Il fronce les sourcils, crache un « Lâche-moi » trop sec avant de la repousser vivement, la laissant retomber sur sa chaise. Elle le regarde et il voudrait lui dire d'arrêter, elle le fixe et il a l'impression que tout peut se lire sur ses traits – sa rage sa détresse sa tristesse, le trop-plein d'émotions qui menace de le faire chavirer. « J't'ai déjà dit d'pas me harceler comme ça. » L'attaque en guise de bouclier, parce que c'est la seule défense qu'il connaisse, parce qu'il a aucun autre moyen de se protéger. « La prochaine fois j'te fais bouffer ton téléphone. » La menace sonne creux, parce qu'il a beau être furieux c'est pas contre elle et elle n'a rien d'une bonne cible, ça suffira pas à calmer sa haine. Il est trop fatigué pour prétendre, pour exploser, pour tout fracasser. Épuisé de corps aussi bien que d'esprit, tout ce qu'il voudrait c'est qu'on le laisse dormir des siècles pour lui laisser le temps de panser toutes les plaies qui continuent de s'infecter. « J'ai besoin d'crécher là quelques temps. » J'ai besoin, moi, l'égoïsme à l'état pur, ses envies à lui avant les siennes, toujours. Comme si elle n'était qu'un jouet, un pantin trop facile à manipuler. Il demande pas son avis parce qu'il est convaincu qu'elle acceptera, il n'en doute pas une seule seconde. Pourtant il finit par soupirer, son regard qui s'accroche à elle, à cette façon qu'elle a de se gratter, de faire balancer ses pieds dans le vide. On dirait une môme perdue, enfant insupportable qui attend le bon moment pour réclamer – tout, rien, trop de choses qu'il n'est pas en mesure de donner. « J'ai pas ta came. » Il n'a pas lu ses messages mais pas besoin de ça pour savoir, pour lire entre les lignes. C'est inscrit sur sa tronche et dans sa posture, dans cette façon qu'elle a de s'accrocher à son regard. Il sait. Mais ce soir il n'a rien, plus rien. Des restes de myocarde agonisant dans la poitrine, et un étau qui se resserre autour de sa gorge. C'est peut-être pour ça qu'il est là. Parce que s'il se sent suffoquer, il pourra toujours essayer de lui voler son oxygène pour se sauver. Sa peau au prix de la sienne. |
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| Sujet: Re: paradis perdu (noeven) Sam 21 Avr - 22:15 | |
| À chaque fois qu’elle croise son regard, elle a la raison qui s’effrite et le cœur qui s’agite, les idées folles et les envies multiples. Elle a toujours eu diverses attirances pour tous les dealers qui ont peuplé sa route de monts et merveilles, mais simplement parce qu’ils avaient sa dépendance entre leurs mains. Pour le grand brun devant elle qui se braque dès qu’il sent ses mains dans sa nuque, c’est différent. Noa ne dira pas qu’il a suffi d’un regard, c’est juste qu’il lui a témoigné trop d’attention dans l’un de ses beaux jours, et ça a été suffisant pour qu’un bout de sa cervelle folle vrille, s’accroche à lui. « Lâche-moi » l’intonation est sans équivoque, parsemée d’éclats d’obus. Elle l’a déjà vu en colère, Seven, même si généralement il est surtout agacé, mais il parvint toujours à trouver un bout de paix dans la grande baraque. Sauf que là, il y a quelque chose qui diffère, quelque chose de méconnaissable. Le ton tranchant mais le regard alarmant. Une volonté assez brutale pour qu’elle ne rechigne pas, quand il la repousse sèchement et qu’elle se laisse retomber dans son siège. Elle ne dit rien, pas une protestation. En réalité, elle n’a pas la concentration très encline à faire une démonstration – maintenant qu’elle n’a plus la symphonie saccadée dans ses oreilles, c’est l’état de manque qui revint s’enliser dans ses neurones. Condamnée à vivre dans la dérive, qu’elle voudrait juste survivre. Le regard un peu hébété par ce geste, elle le dévisage en ayant du mal à s’accrocher à son visage. Elle a surtout les prunelles vaseuses, comme son estomac – et peut-être bien que ce n’est que psychologique, mais son corps la rappelle à l’ordre, son organisme à l’aide. Elle n’a pas le temps de cerner les inquiétudes de Seven, elle perçoit simplement son corps qui se tend sous son regard quand elle commence à s’attarder un peu trop, et il l’attaque verbalement une nouvelle fois. « J't'ai déjà dit d'pas me harceler comme ça. La prochaine fois j'te fais bouffer ton téléphone. » Elle s’enfonce imperceptiblement dans son siège sous la menace, fronçant les sourcils pour montrer sa contrariété, perplexité au bord des lèvres qu’elle vient malmener de ses dents. « Desculpa, je … Je savais pas qui d’autre appeler. » Elle n’apprécie jamais quand il lui fait cette remarque, mais c’est un cercle vicieux entre les deux. Parfois elle déraille, comme cette nuit, et elle se met à le harceler comme une sauvageonne. Il lui gueule dessus, à raison, et elle s’excuse – avant que le manège recommence, quelques temps plus tard. Il peut lui fracasser le téléphone contre un mur, elle en aurait un nouveau le lendemain. C’est une voie sans issue, à moins qu’elle ne s’étouffe vraiment avec. Affaire réglée. Mais il n’oserait pas, n’est-ce pas ? Quand elle panique, il est souvent le premier nom qui lui vient en tête – surtout quand les stocks sont vides. « J'ai besoin d'crécher là quelques temps. » Son cœur manque un battement, et déjà une adrénaline nouvelle se propage dans ses veines. Avec les restes de sa panique nocturne encore dans un coin de son crâne, la perspective de ne pas rester seule dans cette trop grande baraque la soulage. « Está bem ! Tu sais que tu peux crécher à la maison quand tu veux » C’est encore mieux quand c’est Seven, même s’il est dans une colère noire, et même s’il cohabite mal avec les chats. Elle ne devrait pas avoir ce sourire trop large sur les lèvres, mais après la nuit qu’elle vient de passer, c’est le soulagement qui retombe un peu sur ses épaules. Elle ne devrait pas prendre cette considération pour acquis, non plus. Mais elle s’en fiche, qu’il ne lui demande pas vraiment la permission ; de toute façon, elle ne lui a jamais fermé la porte.
Noa est à la dérive, et maintenant il le voit très bien. Malgré les émotions en pagaille qui se battent en duel depuis qu’il a retourné son siège, malgré le soulagement de savoir qu’il sera encore là ce soir, il n’est pas la seule médecine qu’il lui faut. Il n’est pas tout ce dont elle a besoin, pas tout de suite. Elle a les veines qui réclament subsistance, l’organisme qui se liquéfie dans les restes de son cauchemar. Le cerveau qui se rend malade, depuis qu’il a assimilé tous les sachets vides qui se sont glissés entre ses doigts. C’est ça, le pire. De savoir qu’elle n’a plus aucune ressource, autre que les médicaments qui l’assommeront et qu’elle refuse de prendre depuis des années. Elle n’est jamais aussi négligente, jamais. Mais parfois elle a des moments d’absence, de ceux qui lui font perdre le fil du temps. C’est à partir de là, généralement, que tout se met à déraille ensuite. Le point de rupture. « J'ai pas ta came. » L’exécution s’abat, et la tête tombe. Conscience défractée par le manque, les mots entrent en collision. Ses pieds s’immobilisent, mais ses doigts viennent gratter l’épiderme un peu plus fort, et même s’ils ne peuvent plus éventrer les vieilles cicatrices blanches, ils peuvent toujours ouvrir la chair. Elle a envie de hurler, de pleurer et de rire en même temps. Ce ne sont pas seulement les nerfs qui lâchent, mais tout le corps. C’est l’encéphale maladif qui a besoin, ce sont les pensées en désordre qui lui déchirent les tympans. Ce sont les cris dans sa tête, les siens sans vraiment l’être, qui se fracassent par vague. Il lui faut quelques secondes pour percuter, pour se stabiliser sur une option. Et soudainement, sa bouche qui s’était affaissée s’étire à nouveau et elle se met à rire, d’un éclat déraillé qui la laisse dubitative quelques secondes, pas certaine que ce soit réel ou dans sa tête, avant de reprendre de plus belle. Minha filha, você é insana. Não mamã, c’est le monde qui ne tourne pas rond. Elle a éclaté brusquement, mais elle se calme plus doucement. « Ok ok » Elle murmure, plus pour elle que pour Seven. Elle a des sanglots réprimés au fond de la gorge, elle ne sait pas comment elle va faire – elle ne sait pas, si elle pourra tenir comme ça. Elle soupire, s’apaise quelques secondes, assez pour abandonner ses bras et passer ses mains sur son visage. Elle voudrait s’arracher les yeux, aussi bien que les fermer pour retrouver son calme. Son regard se perd sur le plancher, plus facile à fixer pour reprendre le contrôle de son cerveau aliéné. « D’accord, ça va le faire. » Non, ça va pas le faire. Pourtant elle sait, que même la musique ne suffira pas. Alors elle s’accroche à la seule came qui lui reste, celle qu’elle n’aura jamais dans la peau mais qui empêche sa conscience de tomber en lambeaux. Ses prunelles noisettes viennent percuter le visage de Seven, et elle lui sourit d’un sourire timide, d’un sourire d’infortune. Ce n’est peut-être qu’une question de temps avant qu’il fasse comme tous les autres, qu’il lui piétine sa folie sentimentale pour ne laisser derrière lui que des brisures de son cerveau malade. Mais elle veut y croire, Noa. Elle veut se dire qu’avec lui, ce sera différent de tous les autres. Et tant pis si elle ne pourra jamais l’avoir comme elle le voudrait, tant qu’elle a sa présence pour l’apaiser. Elle scrute son visage et commence enfin à discerner ce qui ne concorde pas, ce qu’il a essayé de refouler en la déstabilisant, encore loin de s’imaginer le drame qui l’a ébranlé lui. « Ça va ? Tu ... Tu veux quelque chose ? T’es super pâle » Seven a le regard d’un homme au bord du précipice, elle a vu trop de personnes perdre les pédales autour d’elle pour comprendre quand la chute est amorcée. Elle est certaine qu’il n’est pas en train de devenir fou au sens premier du terme, il n’a pas le même éclat luisant que certains patients en hôpital psychiatrique – pas le même éclat qu’elle. Mais elle a bien l’impression qu’il est en train de devenir dingue, ça se ressent dans l’énergie qu’il dégage. Ça se voit au fond de son regard, qu’il y a une plaie béante. Et tout un tas de choses qui se fracassent certainement contre sa raison. Elle hésite à tendre la main, après qu’il l’ait repoussée elle n’est pas certaine que ce soit la meilleure chose à faire – et elle n’a pas envie de revivre l’expérience. « T’es peut-être en hypoglycémie, c’est quand la dernière fois que t’as mangé ? » Ça pourrait être n’importe quoi, en fait. Elle ne sait pas pourquoi elle pense à ça d’abord, certainement parce que c’est le plus simple, le plus évident quand on en a l’impression qu’une personne va faire un malaise. Et ça ne serait pas la première fois que Seven débarque chez elle au bord de l’agonie, parce qu’il a le ventre vide et la fierté débile pour ne pas avouer qu’il n’a pas vraiment mangé depuis quelques temps. Changement d’humeur en un claquement de doigts, c’est l’inquiétude à son égard qui prend la place de la désolation au fond de son être. Elle saute sur ses pieds et lui attrape les bras, alors que la seconde précédente elle se disait encore que ce n’était peut-être pas le geste à avoir. Elle l’attire doucement vers elle, ne cherche pas à le contraindre mais l’incite quand même à suivre le mouvement. Elle s’écarte pour le faire pivoter, et le pousse tranquillement dans le siège qu’elle vient de quitter. « Assieds-toi » Elle a peur qu’il s’effondre, elle ne pense pas une seconde à ce qu’il puisse la repousser. Elle le dévisage, soucieuse, cherche un indice pour savoir comme agir. Noa n’a pas de paradis à lui offrir, mais peut-être que son monde lui suffira.
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| Sujet: Re: paradis perdu (noeven) Jeu 26 Avr - 11:15 | |
| « Desculpa, je... Je savais pas qui d’autre appeler. » D'un regard il la fusille alors qu'elle s'enfonce dans son siège, comme si elle cherchait à se faire plus petite qu'elle ne l'est déjà. Il serre les poings, serre les dents. « Qui tu veux mais pas moi. J'suis pas ton putain d'contact d'urgence. » Il veut pas l'être. Il veut pas qu'elle se tourne vers lui quand elle est dans le besoin, qu'il s'agisse de drogue ou d'autre chose. Pourtant c'est ce qu'il fait – c'est exactement pourquoi il est là. Parce qu'il a besoin. Parce qu'il savait pas où aller. Il fait tout ce qu'il lui interdit, exige sans vouloir donner quoi qu'ce soit en retour, à tout lui arracher sans jamais rien lui laisser. L'égoïsme qui frôle la cruauté. « Está bem ! Tu sais que tu peux crécher à la maison quand tu veux. » Et bien sûr qu'elle accepte, bien sûr qu'elle se laisse pas abattre par son ton agressif et ses fausses menaces. Quoi qu'il fasse quoi qu'il dise, Noa ne le repousse jamais comme elle le devrait. C'est pas pour rien qu'il a choisi de venir ici. Peut-être qu'il aurait pu sourire, s'il en avait eu la force. Parce qu'il a gagné même s'il était seul à jouer, parce qu'il a obtenu ce qu'il voulait sans avoir à fournir le moindre effort. Mais ses traits restent tirés, même s'il se détend très légèrement. Pas un mot, pas un merci, il se contente de hocher le menton en continuant de la fixer.
Il voit la façon qu'elle a de s'agiter sur son siège, ses ongles qui grattent et grattent encore, ses yeux qui ont tendance à se perdre dans le vide. Il sait de quoi elle a besoin, mais il n'a rien à lui donner. La sentence tombe et elle s'immobilise. Il n'a toujours pas bougé, planté à la jauger attentivement, silencieux. Et il voudrait la secouer, lui dire d'arrêter, la forcer à revenir à la normale. Il a jamais aimé faire face aux drogués en manque – mais ce soir c'est trop. Ce soir il veut rien voir qui soit lié aux putains d'seringues où Anca a voulu trouver refuge. Mais Noa est en train de perdre pied il le sent, il n'y a plus que ses doigts qui bougent, grattent toujours, grattent plus fort. Au point de commencer à rompre la peau, les égratignures qui se teintent peu à peu de rouge. Elle éclate de rire. Il fronce les sourcils sans la quitter du regard, toujours debout face à elle. Il ne dit rien. Il ne cherche pas à la sortir de la spirale infernale dans laquelle il l'a lancée d'une simple phrase. « Ok ok. » Elle a l'air au bord du gouffre et il reste là, éloigné du bord, sans même daigner lui tendre la main. À attendre de voir si elle va sombrer ou trouver quelque chose à quoi se raccrocher. « D’accord, ça va le faire. » Ils savent tous les deux que non. Elle tiendra pas longtemps dans cet état. Peut-être qu'il pourrait lui proposer un passage éclair chez lui – il n'a pas vidé tous les stocks, y a encore de quoi la dépanner. Mais il veut pas foutre un pied là-bas, il veut pas approcher le moindre sachet. Il veut pas et tant pis pour ce dont elle a besoin, tant pis pour la détresse qu'il perçoit dans son sourire hésitant. Il ne pense qu'à lui.
Monstre d'égoïsme.
Elle le scrute. Ça le crispe de la tête aux pieds et il voudrait lui cracher d'arrêter, mais ses lèvres restent pincées. Alors il détourne les yeux, il fuit les siens comme si ça pouvait suffire à le soustraire à son analyse, comme si ça pouvait l'empêcher de voir la détresse qui est marquée au fer rouge sur ses traits. Il n'a nulle part où se cacher. « Ça va ? Tu... Tu veux quelque chose ? T’es super pâle. » Une sorte de ricanement lui échappe dans un souffle alors qu'il ferme les yeux une seconde, pour mieux les diriger vers elle la suivante. Y a comme un avertissement au fond d'ses iris – le barrage qui menace de céder. « Arrête. » Il veut pas qu'elle pose de questions, qu'elle s'inquiète de son état, qu'elle fasse mine de s'occuper de lui. Il veut pas faire face à tout ça mais c'est Noa et bien sûr qu'elle n'écoute pas, il se demande même si elle l'a entendu. « T’es peut-être en hypoglycémie, c’est quand la dernière fois que t’as mangé ? » Le plus triste c'est que même s'il voulait lui répondre, il pourrait pas. Il a oublié. Ça fait des mois qu'il mange presque rien, à se remplir avec le reste – poison dans ses veines et violence au creux des tripes, à frapper et baiser pour tenter de combler le vide, sans que ça n'marche jamais. Ça suffit pas. L'impression de devenir un creux béant qui n'pourra jamais se remplir, peu importe tout ce qu'il emporte dans son sillage. Trou noir qui finira par s'avaler lui-même.
Il se tend au contact de ses mains sur ses bras, muscles bandés comme s'il était prêt à lui sauter à la gorge. Pourtant il ne le fait pas. Il ne cherche ni à la repousser ni à lui résister, presque docile quand elle le fait pivoter et le pousse doucement vers le siège. « Assieds-toi. » Quand il s'écrase mollement dans le cuir, il sait pas si c'est parce qu'il est trop vidé pour continuer à attaquer, ou parce qu'il se rend compte que ses jambes peinent à le porter. La fatigue lui retombe dessus brutalement, ça pèse sur ses épaules et sa poitrine, ça lui serre la gorge autant que le cœur. Et Noa qui continue à le dévisager, comme si elle cherchait le mode d'emploi, comme si la réponse pouvait se trouver quelque part sur sa gueule. Ça l'horripile.
Sa main est rapide quand elle attrape le t-shirt de Noa brutalement, à tirer dessus pour la forcer à se pencher dans sa direction. Ses doigts s'accrochent à son col et son dos se redresse sans qu'il ne se lève, son visage qui s'approche du sien, prunelles vrillées aux siennes et souffles mêlés. « Arrête ça j't'ai dit. » Sa voix est basse, éraillée. Il n'a plus la force de s'énerver – tout ce qu'il lui reste il l'utilise pour la tenir en place. « Me regarde pas comme ça. » Comme s'il était une plaie géante à recoudre, comme s'il avait besoin qu'elle le répare. Il veut rien de tout ça, encore moins venant d'elle. La douceur dont elle fait preuve l'agresse plus violemment que n'importe quel coup qu'il pourrait recevoir.
Il sait encaisser la violence, pas la délicatesse.
« J'ai pas besoin qu'tu t'occupes de moi. » Pourtant il sait que c'est faux. P't'être qu'au fond il aurait aimé pouvoir l'y autoriser. Se laisser aller, lui donner les rênes et essayer de respirer. Mais y a trop longtemps qu'il sait plus faire ça, trop longtemps qu'il pense que ça lui est interdit, que c'est signe de faiblesse. « Tout c'que j'veux, c'est prendre une douche et dormir là. C'est tout. » Il la relâche enfin, sa carcasse qui retombe contre le dossier, sa tête basculée en arrière. Il ferme les yeux et tente de prendre une inspiration mais son souffle est tremblant, comme ses mains même s'il ne s'en rend pas compte. La rage retombe et emporte avec elle toute l'armure qui lui permettait de tenir debout, qui l'a fait tenir à l'hôpital, qui l'a fait marcher jusqu'ici. Sans elle il reste l'épuisement et la tristesse comme une putain de vague qui le submerge, ses épaules qui s'affaissent, son souffle qui se fait irrégulier. Quand il ouvre les yeux à nouveau pour les replonger dans les siens, le brasier n'est plus qu'un amas de cendres qui l'étouffent. « J'suis fatigué, tu piges ? » Comme si son état était le seul qui comptait et tant pis pour Noa, tant pis pour tout ce qu'il lui refuse, tant pis pour le manque qui lui assèche les veines. Incapable de voir plus loin que ses propres problèmes, incapable de voir quoi qu'ce soit tout court, aveuglé par les émotions qu'il sait plus comment gérer. Réduit à l'état de môme centré sur lui-même, trop éreinté pour continuer de jouer au plus fort. Seulement capable d'entrer en collision avec le monde des autres, puisque le sien s'écroule. |
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| Sujet: Re: paradis perdu (noeven) Dim 20 Mai - 17:41 | |
| Son regard ne le lâche pas, ne l’abandonne pas ; elle observe chaque parcelle de sa peau abîmée, chaque trait de son visage fatigué, et même l’usure au fond de ses prunelles ne lui échappe pas. À côtoyer trop de personnes à la dérive, trop de personnes devenues tarées, à être l’une de ces déséquilibrées tout simplement, elle sait ce que ça donne, ce que ça fait, d’être écroulé dans son propre corps, aliéné par ses propres pensées. Et elle ne lui souhaite pas, à Seven, même s’il feule insulte ou lui crache au visage, même s’il laisse l’empreinte de ses doigts sur sa peau métissée, elle voudra toujours le protéger d’un monde où les gouffres n’ont rien d’autres à offrir que la folie et la désolation. Il lui dit d’arrêter mais elle ne l’entend pas, les syllabes effleurent sa carcasse tourmentée par la nuit agitée, par le manque aveuglant, par son angoisse qu’il s’effondre entre ses doigts. Alors Noa cherche, elle creuse doucement sur la surface, essaie de mettre des mots sur ses maux. Elle ne peut pas s’immiscer trop loin, il ne l’a jamais laissé faire – mais elle peut toujours épancher certaines de ses douleurs, au moins les plus simples. Si elle doit se focaliser sur lui pour s’oublier elle, alors elle sera un pansement comme un autre. Peut-être qu’en absorbant sa douleur et ses peines, elle oubliera les siennes. Peut-être qu’en existant à travers lui, elle trouvera un sens aux battements effrénés de son cœur. Elle commence à se convaincre qu’il fait probablement une crise d’hypoglycémie, mais elle sait que ce n’est une vérité noyée dans les tourments qui l’accablent et qu’elle ignore. Elle met beaucoup de douceur dans son geste, pour ne pas le brusquer, pour ne pas qu’il la repousse alors qu’elle cherche à l’attirer contre elle – et par miracle, il ne dit rien et se laisse faire. Son corps s’affale dans le siège en cuir comme un château de cartes qui s’effondre, et soudainement elle a l’impression de voir tout la vulnérabilité du monde qui l’ébranle au fond de son regard, dans ses épaules affaissées. C’est en le dévisageant comme ça, avec toute sa peine, qu’elle n’anticipe pas sa réaction. Elle a bien senti ses muscles se tendre à son contact, mais elle en a tellement l’habitude qu’elle ne l’a pas perçu comme une menace, ni même un avertissement. C’est pourquoi il la surprend si facilement, alors que ses mains s’emparent brutalement de son t-shirt. Il y a un éclat d’alerte qui s’allume quelque part dans ses pensées affolées, alors que son myocarde semble abandonner le combat. Seven s’est redressé, s’est approché, s’est accaparé tout son espace vital – de cet espace qu’elle a besoin de maintenir entre eux pour ne pas sombrer, alors qu’elle a toujours crevé dans l’espoir de voir cette distance disparaître. Elle ressent son souffle chaud contre sa peau, si bien qu’elle en oublie un peu de respirer. Elle perçoit la proximité saisissante de ses lèvres, de celles pour lesquelles elle pourrait se damner, de celles qu’elle a toujours voulu conquérir. Tout se mélange dans sa tête, et son cœur s’affole et son souffle panique et tout son corps est au bord de la défaillance. « Arrête ça j't'ai dit. » Ses paroles l’effleurent sans réellement prendre sens, dans l’indifférence ou dans l’inconscience. Elle s’est perdue au fond de ses yeux, ceux qui ont la même couleur que les siens mais qui ont perdu leur lumière, qui n’ont plus que des éclats délavés face aux atrocités de son monde. Son regard la brûle, de la surface de son épiderme au fond de son âme – elle voudrait s’accaparer toute sa misère pour l’en délester, comme elle voudrait se perdre dedans pour ne plus jamais retrouver la surface. Ce n’est pas pour rien que Seven est devenu une drogue pour son système nerveux – elle vit à travers lui comme elle pourrait vivre à travers une de ses substances illicites. Elle ressent son absence comme un manque, alors qu’elle trépasse encore plus dans sa présence indifférente. Mais cette drogue-là, c’est le fièvre d’une extase qui ne lui appartient pas vraiment et qui le rend encore plus désirable. « Me regarde pas comme ça. » Ses mots la percutent brutalement, cette fois-ci. Ils s’accrochent contre son âme, se brisent contre sa passion en détresse, s’entrechoquent avec sa volonté fêlée. La douleur s’installe quelque part au fond d’elle, son rejet lui fait mal, ce soir plus qu’un autre soir, et si elle ne dit rien, elle n’est pas certaine d’être assez forte pour ne pas lui dévoiler cette fissure. Alors Noa cligne des yeux, pour estomper le sortilège qu’il a instauré en s’approchant trop près d’elle, pour ne pas défaillir complètement devant lui alors que c’était lui, qui avait besoin d’aide. Pour cesser de le regarder comme ça, tout simplement, faire ce qu’il dit pour ne pas qu’il la foudroie ; pour qu’il ne prenne pas la fuite, qu’il ne l’abandonne pas. Il y a comme un vide dans leur échange visuel, comme un creux dans leur confrontation. Elle sent bien que la violence de Seven s’est essoufflée, que ce ne sont que des miettes de façade même si elles arrivent à l’atteindre assez pour que son cœur se comprime. Elle a les bras ballants autour de son corps, son t-shirt remonté au-dessus de ses fesses par la poigne qui la maintient, mais elle ne s’en rend même pas compte. Tout ce qu’elle voudrait, c’est prendre ce visage entre ses mains et lui dire que tout ira bien. «J'ai pas besoin qu'tu t'occupes de moi. » Elle vient se mordiller la lèvre inférieure, contrite de devoir lui accorder cette victoire – « Je sais » – en sachant pertinemment qu’elle le fera quand même, en essayant de ne pas se montrer excessive. En essayant de ne pas l’accabler de sa présence, il n’a pas besoin qu’une âme à la dérive vienne s’écorcher sur la sienne. Même si ce mal est déjà fait et que personne n’en dit rien. « Tout c'que j'veux, c'est prendre une douche et dormir là. C'est tout. » C’est tout, Noa. Il n’a pas besoin de toi, pas besoin de tes sourires ou de ta chaleur. Pas besoin que tu lui transmettes tes démons, il a déjà bien assez de ses tourments. Une esquisse discrète se glisse à la commissure de ses lèvres, mais ce n’est que l’écho de la fissure qui s’agrandit dans le coin de son cœur malmené. Il la relâche et son âme se brise en mille morceaux sur le plancher en même temps qu’il instaure à nouveau une distance physique. Elle recule de quelques pas pour ne pas lui laisser l’opportunité de recommencer, elle n’y survivrait pas – pas sans obtenir ce qu’elle voudrait et qu’il ne peut lui donner. Seven s’est de nouveau affalé contre le dossier, et ses yeux l’empêche de voir sa réaction. Elle secoue la tête de gauche à droite, le froncement de sourcils qui se voudrait sévère mais qui ne fait rien d’autres qu’approfondir l’inquiétude dans les traits de son visage. « Non. Il faut que tu manges d’abord. » Elle tire sur son t-shirt trop long pour le remettre en place, qu’il recouvre ses cuisses et elle sa dignité – en se disant en même temps qu’il faudrait peut-être qu’elle abandonne son pyjama maintenant qu’elle n’est plus seule dans la baraque. Le corps perdu contre le cuir semble abandonner toutes ses résistances alors qu’elle continue de l’observer, incapable d’émettre le moindre mouvement de peur que les morceaux brisés se reconstituent et qu’il retrouve sa façade fracassée. Elle détourne le visage vers son matériel avant qu’il ouvre les yeux, en espérant qu’il ne lui fasse aucune remarque, qu’il n’ait pas remarqué qu’elle le dévisageait encore comme il lui avait demandé de ne pas le faire. Elle sent la brûlure de son regard sur sa peau et ses mains viennent se crisper sur son vêtement, tissu qu’elle tend dans la folie de ses sentiments, ou dans sa folie pure tout simplement. « J'suis fatigué, tu piges ? » Ses mots viennent affaisser ses propres épaules, elle aurait aimé être le réceptacle de cette fatigue, et elle le sera. Elle relève son regard vers le sien, se perd dedans, sombre avec sa détresse. « Je sais » qu’elle souffle encore une fois, sincère. Elle sait, Noa, elle comprend. C’est à lui de comprendre qu’elle ne l’abandonnera pas au milieu de ses cendres, qu’elle n’est pas comme tous les autres qui s’écorchent contre son existence – qu’avec elle, il peut tout abandonner, de ses peines à sa colère. Elle sera toujours là pour ramasser ses brisures de vie, et reconstruire l’édifice. Son empathie l’étouffe, son désir l’achève. Pourtant, elle ravale la distance qu’elle a instauré en s’éloignant un peu, le rejoint sans vraiment vouloir s’approcher trop près de son corps. Elle se penche devant lui seulement pour attraper le casque qu’elle a ôté quand il l’a surprise, se dépêchant de ne pas accaparer son espace pour ne pas entendre ses mots ravageurs se fracasser contre elle. Noa se redresse, n’hésite pas une seconde, ne lui demande aucune permission – elle ne le fait jamais. Elle glisse l’objet sur le crâne de Seven, lui intime d’un regard qu’elle veut persuasif, de ne pas s’en défaire. Un nouveau sourire s’affiche sur ses lippes, apporte l’éclat solaire de la comète qu’elle représente et même si elle crève d’effleurer son front avec ses lèvres, elle retourne s’affairer sur sa table de mixage. Elle enclenche le son sur lequel elle a travaillé toute la nuit, sur lequel elle a exprimé toute la détresse de son cauchemar et les espoirs qu’un jour sa vie sera meilleure qu’une existence ballotée par une pathologie psychiatrique. La musique se déverse seulement dans les oreilles de Seven, ne l’entend pas mais s’imagine sans aucune difficulté chaque note, des profondeurs aux envolées, chaque effluve électronique de ce son inédit. C’est dans la musique que Noa trouve un second souffle, qu’elle apaise ses maux, et elle espère que ça l’aidera à la calmer, à panser les premières plaies, à trouver une certaine sérénité dans ce bulle sonore coupée du reste du monde. Elle s’efface doucement de son champ de vision, laisse la musique faire son œuvre, absorber les tourments, rompre les barrières, dissoudre sa carapace brutale. Elle lui accorde un dernier regard triste qu’il ne peut pas voir avant de disparaître par la porte, la vague à l’âme. Noa passe d’abord par sa chambre, trébuche sur tous les médicaments qu’elle a renversés sur le parquet, ces cachets qui ont toujours éteint sa conscience pour la rendre aussi molle qu’un légume dans un asile, et cette vision réanime sa détresse. Le sang vient battre dans ses veines, contre ses tempes, et le manque la fait défaillir à nouveau, dans le tremblement incontrôlé de ses mains. Elle enfile un short détendu pour ne pas retourner voir Seven à moitié nue, même si son t-shirt a toujours tout caché, et elle glisse une pilule attrapée dans une des boîtes dans sa paume, qu’elle sert avec force comme si sa vie en dépendait. Son chemin trouve ensuite celui de la cuisine, et de ses chats. Elle se s’accroupit pour les caresser et leur souffler des mots d’amour, sous les ronronnements de plaisir de ses colocataires d’infortune de cette maison trop grande pour elle. Elle pose le médicament sur le plan de travail, attrape un couteau pour l’effriter sous le plat de la lame, avant d’attraper un verre, une bouteille de rhum de son île natale et le jus d’orange rangé dans le frigo. Elle se sert un petit verre, assez pour faire passer le mélange avec la poudre glissée dedans – et pourtant elle sait, Noa, que ce ne sont pas des pilules magiques, qu’elles ne se mélangent pas avec l’alcool. Elle a déjà vrillé pour ça, déjà fait du mal pour ça, déjà connu l’overdose pour ça, déjà fait peur à ses parents pour ça. Mais le manque est puissant et elle ne peut pas se permettre de s’écrouler devant Seven, elle n’est pas certaine que ce soit le meilleur remède pour l’aider à faire face au mal qui l’accable. Elle fait attention, de toute façon, à ce que la dose ne soit pas trop forte, qu’elle ne vienne qu’effleurer ses veines temporairement, que la sensation d’apaisement soit éphémère. Quelques minutes de soulagement sont toujours mieux que des heures de souffrance, du moins c’est ce que se répète un cerveau camé plongé dans le besoin. Quand son affaire est fait, elle sort le lait pour en boire quelques gorgées et faire disparaître l’odeur du rhum. Puis, elle remplit un grand verre, dispose des cookies sur une assiette, et retourne à sa salle d’enregistrement, en espérant que Seven n’aura pas bougé d’un millimètre de son piédestal. Elle s’avance prudemment dans la pièce, ses chats sur les talons appâtés par le lait et les biscuits, et vient déposer le verre et l’assiette devant le grand brun. Elle appuie son bassin contre la table pour lui faire face et vient croiser les bras sur sa poitrine, attendant qu’il soit prêt à l’écouter. « Tiens, mange ça. Le sucre va te faire du bien. » Pour l’enjoindre à suivre le mouvement, elle attrape un cookie et vient le grignoter doucement entre ses lèvres – sans aucune conviction même si une bonne dose de sucre pourrait stabiliser son système nerveux en détresse, mais elle espère se montrer assez convaincante. « Je te promets que je te laisserais aller te doucher après. » Pour Seven, elle serait prête à remettre les briques en place en oubliant les siennes en bas. Reprendre par les bases, reconstruire son édifice – lui donner la force nécessaire pour qu’il retrouve sa carapace. Pas celle qu’il lui montre, à ses yeux celle-là a déjà tout perdu, n’a plus rien d’une prestance, n’est que le signe de sa déchéance. Noa veut lui offrir la sécurité d’un toit, la sécurité de ses bras – alors elle se contente d’apporter un baume de douceur pour panser ses plaies. J’te lâcherais pas.
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| Sujet: Re: paradis perdu (noeven) | |
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