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| here's the pencil, make it work (lenny) | |
| Auteur | Message |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: here's the pencil, make it work (lenny) Dim 7 Jan - 15:09 | |
| Y a cette nana dans un coin de sa tête. « Je m’appelle Daria » elle dit et elle ressemble pas du tout à la fille qui lui sert de patronne, les cheveux courts et un sourire beaucoup trop large sur la gueule, les yeux brillants. « Je m’appelle Daria » répète la nana dans sa tête et c’est une autre Daria, le fantôme de quelqu’un d’autre, la Gloria d’un autre. Il l’a rencontrée avant de se trancher les veines. Il a mangé à côté d’elle. Un jour, deux, il sait plus bien. Il s’en fout un peu, Merle, à ce moment-là. Il écoute à peine, les histoires de transfert et les histoires d’avant, le passé qui s’accroche au corps des détenus. Ça le concerne pas, Merle. Ça le concerne pas et puis la nana dans sa tête dit : « Il s’appelle Lenny. » et y a tout qui trébuche, tout qui chancelle, ses yeux qui se relèvent, qui sondent, qui cherchent. Il se souvient pas d’elle, en réalité. Il se souvient de sa voix, de la façon dont elle a agité la main comme pour dire que ce n’était rien, de la façon dont leurs yeux se sont rencontrés, une fraction de seconde à peine et la façon dont il a eu envie d’arracher l’expression qu’elle avait sur le visage, parce que c’est injuste, putain, parce qu’il voulait pas savoir ça, parce qu’il voulait pas la rencontrer, parce qu’il voulait pas l’entendre, parce qu’il voulait pas se rappeler.
Il a jamais aimé Lenny, Merle. Il a jamais aimé Lenny parce que Peadar l’aime, parce que Jael l’aime, parce que River l’aime, parce qu’Otto l’aime. Il a jamais aimé Lenny parce que Lenny avait pas besoin qu’on l’aime, parce qu’il avait déjà tout ce que Merle n’avait pas, parce qu’il avait besoin de rien et qu’il volait tout, parce que ça lui donnait envie d’hurler, de tempêter, de se jeter contre les portes, les murs, parce que c’était pas juste, putain, parce que y avait pas de justice au final de toute façon, rien que Lenny sur qui tous les yeux étaient braqués, Lenny qui est intelligent et gentil, Lenny qui subit, qui encaisse, qui fuit plutôt que de le renvoyer paître, qui cherche pas à le provoquer, qui cherche pas à comprendre, non plus. Il a jamais aimé Lenny, Merle. Il a jamais cherché parce que ça lui brise le coeur et que ça lui donne envie de vomir, parce que y a l’Envie tapie au fond de ses entrailles qui le pousse à le tourmenter, à enfoncer ses doigts dans les failles pour le faire crier, parce qu’il a envie de le blesser, de lui faire du mal, de faire taire la Jalousie et le Besoin, de faire taire les petites voix qui lui murmurent que Lenny vaut mieux que lui, vaut mieux que ça.
« Il s’appelle Lenny » souffle l’autre Daria et il a envie de lui arracher son prénom de la bouche. Il comprend mieux, maintenant. Il comprend mieux parce qu’il y a une Gloria dans la vie de Lenny, une Gloria en prison, une Gloria qui agite la main comme si ce n’était rien, une Gloria qui l’a laissé là et qui l’a laissé finir chez les Lost Boys, une Gloria qui l’y a peut-être poussé. Il comprend mieux, Merle, quelque part, et peut-être qu’il s’en veut un peu, et peut-être qu’il a envie d’arrêter d’envier Lenny, parce que ça ne rime plus à rien maintenant, parce que de la douleur a coulé sous les ponts et que ça n’a plus d’importance, parce que Lenny vaut mieux que ça, parce que Merle essaye de valoir mieux que ça. C’est peut-être pour ça qu’il le cherche, maintenant, attend à la fac, assis en tailleurs sur un banc, parcourt la ville dans l’espoir d’apercevoir l’arrière de sa tête, les sourcils froncés quand il ne l’y trouve pas, peut-être pour ça qu’il se pointe au Troisième Œil cette fois-là, pour demander à Caïn de tirer les cartes. Il y croit pas, pas trop, mais peut-être que Caïn a des informations, de toute façon, mais il a envie de voir Caïn, dans tous les cas.
Il s’attend pas tellement à trouver Lenny là, lorsqu’il monte à l’étage, lorsqu’il fait un crochet par la cuisine pour attraper du lait dans le frigo, parce que les vieilles habitudes ont la vie dure, parce que tout est silencieux. Il se fige, sa bouteille à la main et le regard fou, scanne, son visage et ses cheveux et ses vêtements, parce que revoir Lenny c’est comme revoir un fantôme, parce qu’il était prêt à lui parler mais pas prêt à le trouver par hasard, parce qu’il se sent pris de court et vulnérables, les doigts crispés sur la brique de lait, pris en faute comme s’il volait alors que Caïn a toujours eu une vision de la propriété particulièrement libérale, coincé.
« Je suis désolé. » Il bredouille, et il a l’air de tomber de haut, Merle, un oiseau à qui on a coupé les ailes et la respiration courte. « Je te cherchais. » Et il a l’air con, parce qu’il est incapable de lâcher son lait. « Enfin je cherchais Caïn pour tirer les cartes pour te trouver. Et je piquais du lait. » Il fronce les sourcils, parce qu’il sait qu’il noie le silence, parce qu’il sait que c’est débile, parce qu’il se doute que Lenny doit s’en foutre. « Je voulais te dire que j’étais désolé pour tout ce que je t’ai fait. C’est pour ça que je te cherchais. Je voulais te dire merci aussi. »
Il a même acheté un bouquin pour lui, putain, un truc qu’il se rappelle l’avoir entendu mentionné, une fois. Enfin il l’a piqué, dans une librairie, mais c’est un détail, c’est pas grave. Il l’a pas sur lui, évidemment, cela dit, et il agite les mains dans le vide avant de reposer la bouteille dans le frigo et d’en claquer la porte, la maladresse au bout des doigts.
« Quoi de neuf ? » il murmure, et il espère que Lenny saisira la main qu’il tend vers lui.
Il a les yeux qui piquent et il ne veut pas y penser. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: here's the pencil, make it work (lenny) Sam 20 Jan - 0:07 | |
| Il a l’impression que ça fait des siècles qu’il n’a plus revu Peadar et tous les autres, même pas River et Jael. Seulement Otto, et il rougit à chaque fois qu’il y pense, ou qu’on lui demande qui était ce garçon, l’autre jour. En fait, il a l’impression que ça fait une éternité qu’il n’a plus mis les pieds dehors pour autre chose qu’une course à l’épicerie de l’autre côté de la rue. Il a juste envie de rester terré au Troisième Œil, de faire tout ce qu’il faut pour se faire pardonner auprès de Caïn et ne plus jamais partir, nulle part. Il n’a plus envie de rien, au fond, il veut seulement faire plaisir à ceux qui l’entourent encore, les voir sourire et tâcher de ne pas leur donner de raisons valables de l’abandonner à son tour. Il se dit que si eux sont un peu heureux grâce à lui, il pourra être un peu heureux lui aussi, et ça lui suffit. Après tout, ses rêves n’ont jamais été à sa portée, dès l’instant où il n’y a plus eu Darja pour l’épauler, de foyer pour lui apporter une stabilité toute bancale, mais bien plus stable que toutes les familles d’accueil où il a échoué ensuite. Avec Darja, il avait des objectifs clairs et précis, un but dans la vie qui valait la peine de surmonter tous les obstacles, de se battre pour avoir ce qu’il voulait, de croire en ses idéaux. Il n’avait aucun mal à croire que lui, gamin du Bronx élevé par une mère célibataire bossant comme une acharnée, pourrait devenir un danseur renommé ou faire de grandes études dans une université prestigieuse, tout en étant quelqu’un de bien, d’éthique. Il n’avait aucun mal à y croire, à tout ça, parce que c’était la seule option qui se présentait à lui, pour plaire à Darja. Et plaire à Darja était tout ce qui importait. Avant. Maintenant il n’y a plus rien, plus de danse depuis trop d’années, plus de cours de droit à l’université de Savannah, lui qui avait si brillamment réussi la première et fait la fierté de Peadar, plus de Darja, plus de but dans la vie, plus rien. Même plus d’éthique, y’a qu’à voir comment il s’est comporté avec Otto, à le manipuler pour arriver à ses fins, pour les pires raisons qui soient, et Otto qui ne s’est sans doute rendu compte de rien, parce que tout le monde le voit encore comme le garçon innocent qu’il a toujours été. Pourtant il n’y a plus rien, il se sent vide et les minutes de bonheur qu’il parvient à grappiller en s’attachant aux autres ne font que l’empêcher de couler plus au fond, mais il a déjà la tête sous l’eau.
Il traîne les pieds, lorsqu’il sort de sa chambre au premier étage. C’est nouveau, ça aussi, il ne faisait pas ça, avant, se promener en chaussettes dans la maison en traînant les pieds. Il a toujours marché correctement, Lenny, jamais comme un ado attardé, jamais, jusqu’à ces jours-ci, jusqu’à ce qu’il ait l’impression de traîner quatre boulets derrière lui en permanence avec des chaînes indestructibles. Il s’y est habitué, ce n’est pas si terrible que ça, finalement. Il traîne les pieds, donc, jusqu’à la cuisine pour choper une pomme, les yeux qui ne s’arrêtent pas vraiment sur l’occupant des lieux. Il s’y est habitué aussi, à cette maison toujours pleine de gens. A vrai dire, c’est la voix, qui l’alerte, lui fait tourner la tête vers le frigo alors qu’il vient de s’emparer du fruit convoité, la bouche qui s’entrebâille sans pouvoir émettre le moindre son. Je suis désolé, il a dit, et ça n’a aucun sens, et il se demande si ce n’est pas qu’un mauvais rêve. Merle. Merle, il avait disparu avant lui, comme il disparaissait souvent, de toute façon. Merle, il s’inquiétait pour lui, parfois, même si ça ne devait pas être réciproque, parce que Merle ne l’a jamais aimé. Il le sait, et il ne comprend pas pourquoi il est soudainement désolé, pourquoi il le cherchait. Ça n’a aucun sens, Merle dans la cuisine de Caïn, Merle qui parle de Caïn comme s’il le connaissait. « Merci ? » Il répète, tout doucement, hébété, incapable de comprendre ce changement d’attitude, pourquoi il s’excuse, le remercie, pourquoi il bafouille un peu, et pourquoi il a perdu l’air menaçant qu’il avait avant. Ça fait des mois qu’ils ne se sont plus vus, c’est sûr, mais ça n’explique rien. « Ce n’est pas Peadar qui t’envoie, hein ? » C’est seulement un murmure, parce qu’il connait la réponse d’avance, même s’il fixe la main de Merle longuement avant de la serrer, comme pour faire la paix, il ne sait pas. « C’est mon parrain. Caïn. Il m’a hébergé quand on a voulu me renvoyer en famille d’accueil. » On, c’est ridicule, pour ne pas dire la police, pour ne pas repenser à cet épisode honteux de son existence. « Tu es revenu depuis longtemps ? Chez Peadar ? » Il s’efforce de faire la conversation, sans trop savoir où il va, les questions qui s’entrechoquent et s’emmêlent dans son crâne. Il a envie de demander si les autres vont bien, et si lui, il va bien, mais il n’ose pas, les lèvres entrouvertes, pourtant rien d’important ne sort, comme s’il craignait de casser cette chose fragile qui les unit tout à coup, sur laquelle il n’arrive pas à mettre le doigt, mais qui existe, il le sent, il le voit, dans le regard que Merle porte sur lui, dans sa main tendue, aussi. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: here's the pencil, make it work (lenny) Jeu 1 Mar - 14:44 | |
| Y a la main de Lenny dans la sienne et un nœud un peu trop gros dans sa gorge. Y a des excuses qui demandent qu’à être vomies, des tonnes et des tonnes de mots, des centaines d’envies qui roule comme la marée au creux de son ventre, bien trop d’années de rancœur et de mauvaise blague, de jalousie soigneusement cultivée et de mauvaise idée. Il l’a détesté à en crever. Il l’a haï, il l’a envié, et il s’accroche à sa main comme à une bouée, une seconde, parce qu’il ne sait pas ce qu’il fait, en définitive, parce que le monde est trop petit, parce qu’il voulait pas savoir des choses que Lenny lui aurait pas dit, parce qu’il a jamais voulu s’introduire dans sa vie. Y a la main de Lenny dans la sienne et ses mots qui se déversent dans le silence et Merle le fixe, démuni, parce qu’il lui demande s’il est retourné chez Peadar et qu’un incendie brûle dans son ventre, parce qu’il lui demande s’il est là en mission pour Peadar et que Merle voudrait lui dire qu’il mourrait plutôt que de le livrer, qu’il crèverait plutôt que de le renvoyer là-bas, qu’il crèverait dans le bas-côté si ça voulait dire que personne n’aurait plus jamais à traverser la fausse bonté de Peadar. Il secoue la tête, plutôt, incapable de faire confiance à sa voix, secoue la tête pour chasser les larmes qui débordent déjà, secoue la tête parce que c’est pas son genre, de se mettre à pleurer comme ça, parce que Lenny lui a manqué de façon inattendu et étrange, parce qu’il a pensé, quelque fois, à ce qu’il ferait à sa place, parce qu’il n’a pas la réponse mais que c’était réconfortant d’imaginer, apaisant de rêver.
« Jamais. » Il finit par expliciter, et il a une lame dans la voix. Jamais, parce qu’il faudrait le foutre en laisse pour l’y ramener, jamais, parce que ce serait la trahison ultime, jamais, parce que Merle n’a jamais aimé Lenny mais qu’il hait Peadar à en crever. Jamais Peadar l’enverra, jamais il retournera là-bas, jamais il le laissera reprendre la main, jamais il se laissera aller à l’aimer une nouvelle fois. C’est cruel, ce jamais, c’est un trait tiré sur l’avant, une barre nette et précise sur ce qu’il a été, une rature rageuse sur la confiance et l’affection et l’admiration et la reconnaissance, sur les bons moments avant que tout ne fonde, avant que tout ne disparaisse, avant que tout ne se transforme. Peadar est un de ces monstres aux milles visages, sauveur, frère, bourreau, le poison au bout de la langue et la conviction absurde de faire le bien dans les mains. Il le sait, il ne sait pas si Lenny le sait. Il pense que Lenny le sait, parce qu’il est parti, après tout, parce qu’il a foutu le camp, finalement, parce que de tout ceux qui aurait pu partir, c’est Lenny qui l’a fait et Merle ne sait pas quoi en penser, au bout du compte. « Pourquoi t’es parti ? » Il demande, et peut-être qu’il y a de l’admiration, dans sa voix, de la surprise, certainement, parce qu’il est heureux mais que c’est inattendu. « Je veux dire. Je pensais pas. Il a toujours tout fait pour qu’on sache que t’étais à envier. » Il se passe une main sur le visage, fait une pause. « Je fais tout à l’envers. Je suis chez Asher. Savannah est minuscule, je dormais chez Caïn, de temps en temps, avant. »
Il oublie, une seconde, que Lenny sait pas. Il oublie qu’il sait pas avant quoi, parce qu’il y a des choses qui pressent plus, parce qu’il y a les questions qui se bousculent entre ses lèvres, parce que faute de savoir quoi faire, il se laisse tomber au sol, assis en tailleurs, cherche la bouteille des yeux avant de se rappeler qu’il l’a rangé, soupire profondément. Ça fait pas longtemps qu’il est là, Merle, mais c’est déjà drainant parce qu’il sait que Lenny a tout à lui reprocher, parce qu’il sait qu’il l’a brutalisé, parce qu’il sait qu’il méritait pas, pas vraiment, que Peadar a attisé les braises sur lesquels il a pris feu, que Peadar a tout fait pour créer le gouffre qu’il a continué à creuser sans se questionner. Il se croyait malin, Merle, à l’époque, pourtant. Il pensait qu’il avait compris à quoi il jouait, il pensait qu’il avait saisi les règles. Il pensait pas foncer tête baissée dans le piège, pensait pas que c’était ça, qui se jouait, avait pas réfléchi.
« J’étais en prison. » Il finit par ajouter, abruptement, et dariadariadaria passe devant ses yeux. « Je veux dire. C’est pour ça que j’ai disparu. Enfin je suppose que tu t’en fous mais j’ai pas juste lâché l’affaire. »
Il a pas de raisons de s’en soucier, Lenny, des mois de prison et de la douleur, pas de raisons de se questionner sur pourquoi il est parti. Ca a dû le soulager, en réalité, de pas avoir Merle dans les pattes, Merle qui le réveille en pleine nuit parce qu’il est plus intelligent, Merle qui le malmène en journée, Merle qui sait pas se montrer gentil avec lui, Merle qui boue, Merle qui enrage, Merle qui est toujours à deux doigts de se jeter à sa gorge. Merle qui regrette mais qui peut plus rien changer.
« Je me suis renseigné sur la testostérone. Grâce à toi. » Il essaye de nouer les questions restées en suspens. Il essaye de le remercier pour tout ce qu’il a fait alors que Merle ne méritait pas. « C’est pour ça que je voulais te dire merci. En fait. »
Parce qu’il lui a offert sa liberté, ce jour-là. Parce qu’il a même pas dû réaliser. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: here's the pencil, make it work (lenny) Mar 20 Mar - 23:38 | |
| Il a trop de pourquoi qui lui traversent le crâne, Lenny, pourquoi Merle est là maintenant, pourquoi Merle n’était plus là, avant, pourquoi il lui dit merci et pourquoi il n’a plus l’air animé de la même animosité à son égard, pourquoi il a même l’air désolé quand il le regarde, pourquoi il a presque l’air de se soucier de lui, à présent. Il n’est pas venu à cause de Peadar, et ça lui enlève un poids de la poitrine, le cœur qui arrête de s’emballer, parce qu’il ne veut pas que leur ancien bienfaiteur sache où il est, surtout lorsqu’il est aussi proche, quelques pâtés de maison qui le séparent de l’appartement des Lost Boys où il a passé tant de temps. Merle n’est pas comme d’habitude, Merle n’est pas comme avant, y’a un changement d’attitude qui trouble Lenny, à ne pas savoir s’il a vraiment la même personne en face de lui. Y’a plus de haine, dans son regard, plus de jalousie, plus d’envie, plus de celle qu’avait cultivée Peadar avec trop de ruse, à l’ériger sur son piédestal sans que les autres ne puissent rivaliser. Il est trop intelligent, Lenny, trop plein de bonté et d’innocence pour qu’on lui demande de se salir les mains. Il en était heureux, Lenny, même reconnaissant à Peadar de ne pas l’avoir forcé à vendre de la drogue comme ses camarades d’infortune, même s’il trouvait cela injuste, même s’il voulait que tout le monde arrête et puisse aller à l’université. Mais il ne pouvait rien y faire, ce n’était pas son argent et Peadar l’intimidait trop pour qu’il ose contredire ses théories douteuses sur le bien commun. Il aurait dû essayer, sûrement, peut-être que ça n’aurait rien changé, peut-être que ça aurait empiré sa situation à lui au lieu d’aider les autres, peut-être que Peadar l’aurait écouté, aussi. Il ne sait pas, et c’est trop tard pour penser à ça. Il n’est plus là, Merle non plus. Et ça l’apaise, quelque part, de savoir que d’autres s’éloignent de Peadar, il espère que River et Jael pourront faire pareil. Pourquoi t’es parti ? Et il a les yeux qui s’agrandissent, Lenny, parce que ça lui semble évident, mais parce que c’était pas tellement prévu non plus. Juste un enchevêtrement d’événements malheureux, qui s’est achevé sur une note moins triste, Caïn là pour le réceptionner à l’arrivée. Il soupire, légère grimace qui s’imprime sur ses lèvres. « Ce n’était pas vraiment voulu, c’est juste arrivé. Il y avait trop de choses et puis je ne pouvais pas y retourner. Je suis content que tu ne sois plus là-bas. » C’était mauvais pour toi. Comme c’était mauvais pour Otto, et il est heureux qu’il n’y soit plus non plus, la présence toxique de Peadar au point d’en devenir fou. Il a toujours du mal à se le représenter ainsi, mais c’est difficile de ne pas voir les manigances derrière le masque de bonté. Il sait que Peadar peut avoir bon fond, parfois, mais il sait aussi qu’ils ne partageront jamais la même philosophie. Et puis il entend le prénom, Asher, et « Asher », il souffle, les yeux qui se baissent, soudain songeur, « il va bien ? », et ses prunelles reviennent se loger dans celles de Merle, se laissant tomber à sa suite sur le sol froid de la cuisine.
Merle parle encore, et Lenny cligne longuement des yeux avant de saisir, le cœur qui se remet à battre trop rapidement. Prison, il a dit prison, Merle, et il n’y a que des bêtises qui sortent de sa bouche. « Oh. Tu. Oh. Je suis désolé. Je. Je ne savais pas. » Il y a de la culpabilité qui s’amuse à poindre dans sa voix, en se souvenant du soulagement qu’il avait ressenti quand Merle avait disparu pour la énième fois, redoutant son retour qui ne s’était finalement jamais produit. Et aujourd’hui, c’est différent, complètement différent, parce qu’il n’est plus terrifié, quand il le regarde, parce que Merle n’a plus l’air de vouloir le réduire en miettes, parce que Lenny aussi, a grandi, et qu’il sait que Merle avait toutes les raisons du monde de le détester. Peadar avait tout fait pour, après tout, et il n’avait jamais tenté de l’en empêcher, acceptant ses privilèges parce qu’il avait toujours tellement peur qu’on lui demande de faire des choses illégales. « C’est rien, c’est normal, Merle. Ils te l’ont donnée, en prison ? » Il s’inquiète réellement, Lenny, son empathie trop grande qui refait surface, toujours si attristé de l’injustice de l’univers. Merle en prison, et Peadar n’a rien fait. Peut-être qu’il ne savait pas. Sûrement qu’il n’a pas cherché. « J’aurais pu t’aider mieux que ça. Si j’avais su, je. » J’aurais utilisé le diplôme de droit que je n’ai pas pour te sortir de là, peut-être ? Il soupire de dépit, déçu de ses propres échecs, incapable de poursuivre sa phrase, alors il abandonne. « Tu étais loin ? » Il se sent stupide, avec ses questions, il se sent stupide et il ne sait pas quoi dire d’autre. Nouveau soupir. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: here's the pencil, make it work (lenny) Ven 27 Avr - 4:00 | |
| Il n’a plus l’habitude de Lenny. Il n’a jamais eu l’habitude de Lenny, en réalité, parce qu’il n’a jamais cherché à le connaître, jamais cherché à le comprendre, parce qu’il l’a toujours regardé avec de la colère dans les yeux et un filtre noir et opaque jeté sur la réalité. Il apprend Lenny, à ce moment-là, comme on apprend une nouvelle langue, s’accroche sur des mots qui ressemblent à un langage qu’il connaîtrait déjà, tâtonne pour le reste. C’est facile. Le sujet est difficile mais c’est facile, de se prendre au jeu, facile, d’essayer en tout cas, de laisser de côté la culpabilité qui roule dans son estomac et cette femme qui parlait de lui comme s’il n’était rien, facile de le regarder, facile de se dire que s’il l’avait croisé en d’autres temps et d’autres lieux il l’aurait sans doute aimé comme il aime River. Facile. Ça ne s’est pas produit comme ça mais il y a un début, quand même, des mains tendues et des mots bredouillés plutôt que crachés, un terrain propice à une entente. Lenny a quitté les Lost Boys et c’est quelque chose qui mérite qu’on s’y attarde parce que c’était lui, qui profitait le plus du système, lui qui vivait presque à leur crochet, lui qui était intelligent à crever le coeur et qui n’avait pas de raisons de s’en aller. Lui. Peut-être que c’est pour ça que ça ne devrait pas l’étonner, en réalité, parce que Lenny est un crève coeur, parce qu’il est trop intelligent mais trop gentil non plus, parce que peut-être que c’est le seul à même de réaliser l’ampleur de l’ambiance malsaine qui s’était installé. Peut-être. Merle sait pas. Merle veut pas poser de questions, pas vraiment, mais il le respecte d’avoir tourné les talons, le respecte d’avoir claqué la porte, le respecte d’avoir filé. Il a pas besoin des raisons, c’est le premier pas, le plus compliqué, celui qui franchit le hall, celui passe le seuil. Peu importe pourquoi ; Lenny l’a fait.
« C’est compliqué. » Il répond, quand Lenny lui demande comment va Asher. Compliqué n’englobe pas tout, en réalité, parce qu’Asher combat des démons toute la journée et que Merle ne sait pas comment l’aider, parce qu’il est presque sûr qu’il le coule plutôt qu’il ne le sauve, presque certain de faire plus de mal que de bien, parce que y a ses propres démons qui se pètent la gueule de ses fissures et se jettent sur la personne la plus proche de lui. C’est Asher. Evidemment que c’est Asher, il dort dans la pièce d’à côté, peut-être un peu trop près, évidemment que c’est Asher, et c’est dur à expliquer et il est pas sûr d’avoir envie parce que Lenny bafouille presque, parce que Merle peut sentir la culpabilité qui suinte et qui a pas sa place, qui devrait pas exister, qui a rien à foutre là. Il a rendu Slight responsable de ses malheurs beaucoup trop longtemps pour le laisser se blâmer cette fois-là, parce qu’il y peut rien et qu’il pouvait pas prévoir, parce que de toutes les personnes qui l’ont connu, c’est bien la seule qui avait pas de raisons d’essayer de le retrouver. Il secoue la tête, un peu trop fort, se râcle la gorge, pour libérer sa voix, c’est difficile de parler de la prison, difficile mais c’est lui a foutu ça sur le tapis, compliqué mais il faut bien que ça vienne. « Lenny, Lenny, Lenny, » il appelle avec une fausse décontraction et il sait que ça prendra pas, pas vraiment, mais il tente le coup quand même en espérant qu’on le foute pas en face de son propre bluff. « C’est pas ta faute, mec. T’y peux rien. » Y en a d’autres qui auraient pu faire un truc, Caïn qui s’est pas inquiété de le voir plus foutre les pieds ici, Asher qui a juste pensé qu’il était parti sans un mot, Jael qui l’a foutu aux orties, Otto qui a même pas daigné répondre à son sms, Peadar, aussi, Peadar qui devait être tellement soulagé qu’il soit parti, Peadar qui pense peut-être qu’il a crevé dans un coin, Peadar qui a dû se frotter les mains. Peadar, connard. Lenny n’y peut rien, il est aussi paumé que lui, dans le fond, il a tout autant les mains liés et puis c’est pas comme s’il avait des raisons de pas espérer qu’il soit crevé dans un fossé. « J’ai pas eu de la testo tout de suite mais ça a fini par arriver. » Il parle pas de la tentative de suicide, frotte nerveusement ses poignets, parle pas du reste, non plus, des traumatismes récoltés. Il se racle la gorge, parce qu’il sait qu’il évite la question brûlante en réalité, le où. C’est ce qui rend la situation pathétique. T’as disparu où, ils demandent, et il était pas loin, deux heures à peine et personne pour le chercher, personne pour le retrouver, personne pour demander. C’est injuste de leur en vouloir, il le sait bien. Ça fait mal quand même. « J’étais à Jacksonville. » Il hésite, une seconde, finit par ajouter :
« Je crois que j’ai croisé ta mère. »
Il a l’impression de lâcher une bombe, au milieu de la conversation, et peut-être qu’il est terroriste ?
« Elle te mérite pas. »
Il sait même pas ce qu’il essaye de dire à cet instant-là. |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: here's the pencil, make it work (lenny) Ven 18 Mai - 12:24 | |
| Compliqué, il n’y a sans doute pas de meilleur mot pour expliquer Asher, son cœur trop grand et ses paroles parfois discutables, ses actes héroïques et ses remontrances trop adultes que Lenny ne supportait plus d’entendre, ce jour-là, au poste de police. Son désespoir, aussi, au point de se passer la corde au cou, littéralement, s’il s’était seulement marié, Lenny ne s’en voudrait pas comme ça. Et puis Merle qui vit avec lui, maintenant, même ça, c’est beaucoup à digérer, même ça, c’est compliqué, parce qu’il ne sait pas trop comment ils se connaissent, ni ce qu’ils font ensemble, il est peut-être un peu jaloux, dans un sens, d’avoir tout gâché avec Asher alors que Merle a le droit d’habiter avec lui. Mais il sourit faiblement, acquiesce en silence, parce qu’il sait aussi que c’est idiot, qu’il n’y a pas de jalousie à avoir dans des situations si délicates et qu’il est simplement irrationnel parce qu’il s’en veut encore des mots qu’il a eus pour Asher. Qu’il aimerait bien s’excuser en face à face et qu’il n’en a pas encore eu l’occasion, du coup ça reste dans un coin de sa tête et ça le hante un peu. Pourtant, ce n’est pas le moment de penser à tout ça, de poser toutes les questions qui lui passent par l’esprit. Au contraire, il mesure ses mots, il est prudent, comme il a toujours été prudent avec Merle, à toujours avoir peur de faire un faux pas. Il s’est retenu peu à peu d’être lui-même avec lui, ayant bien compris que plus il serait un intello à ses yeux, moins il l’aimerait et plus il le persécuterait. Alors il a fait attention, dès qu’il a saisi que ça ne jouerait jamais en sa faveur d’avoir réponse à tout. Et il fait encore plus attention aujourd’hui, angoissé à l’idée de détruire ce fragile équilibre qui vient de s’installer entre eux. Il n’a pas envie de retrouver l’ancien Merle, il n’a pas envie de retourner à cette relation de bourreau et de victime qu’ils ont entretenue quand Merle était chez les Lost Boys. Et pas loin en prison. Il soupire doucement, lorsqu’il lui dit que ce n’est pas sa faute. Il le sait, bien sûr, mais il se dit qu’il aurait au moins pu faire quelque chose, si seulement il avait pris la peine de chercher. Ne serait-ce que lui envoyer une lettre, avec les autres, n’importe quoi qui puisse réconforter dans un environnement hostile. Mais il ne peut plus rien changer, à présent. C’est trop tard pour regretter.
C’est trop tard pour s’excuser, aussi. Parce que Merle vient de dire Jacksonville. Décharge électrique. Ça lui parcourt l’échine et ses yeux s’agrandissent, scrutent ceux de Merle en quête de la réponse à la question qui lui brûle les lèvres. Il ignore si Merle est allé dans une prison de femmes ou une prison d’hommes, mais il sait qu’il y a une prison de femmes à Jacksonville. Et il sent que Merle n’a pas terminé sa phrase, qu’il y a un détail laissé en suspens, qui vient alourdir l’air dès qu’il poursuit sur sa lancée. Je crois que j’ai croisé ta mère. « Darja ? » Le prénom qui sort presque abruptement de sa bouche, comme pour avoir confirmation que c’était bien elle, et pas une autre, de l’espoir plein le cœur qui bat la chamade. Il oublie, Lenny, l’espace d’une seconde, il oublie ce qu’elle lui a dit au téléphone, il oublie le meurtre, les policiers, les familles d’accueil et l’abandon final, il oublie la dureté de sa mère, sa cruauté, il oublie tout ça, et il y a son regard qui s’illumine, pendant un battement de cils, chiot laissé au bord de l’autoroute qui croit apercevoir son maître dans le lointain. « Elle te mérite pas. » Ce n’est pas un pavé dans la mare, mais un pavé en pleine figure, qu’il se prend à cet instant, le regard qui se détourne brusquement, s’abaisse sur ses mains qui ne savent plus où se mettre. Lui non plus, il ne sait pas où se mettre, sourire contrit, dépité, trop conscient de s’être fait de fausses illusions. Il a envie de demander des tas de choses, et en même temps, il redoute les réponses, a-t-elle parlé de lui ? Sûrement qu’elle n’a fait part que de ses déceptions à son égard, il n’a jamais été capable d’arriver à sa hauteur, à se brûler les ailes avant même d’avoir atteint le soleil. « C’est une bonne mère. Elle n’a pas eu une vie facile, et c’est difficile de montrer de l’affection pour les autres lorsqu’on a vécu ce qu’elle a vécu. » Des excuses, toujours les mêmes. Ça lui a toujours été si simple d’en trouver pour les autres, surtout pour Darja, alors qu’il trouve ses fautes à lui, aussi minimes soient-elles, toutes plus impardonnables que les autres. Il marmonne un peu, conscient que ce n’est pas si valable que ça, que c’est ce qu’il se disait quand il était petit pour se consoler de ne pas se sentir aimé. Il la défendra toujours, Darja, même si elle lui fait du mal, même si c’est vrai qu’elle ne le mérite pas. « Enfin. Elle ne veut plus me voir, de toute façon. » Y’a un rire triste qui s’échappe de la gorge, quelque chose de brisé et de terriblement douloureux à entendre, un rire de désillusion parce qu’il constate qu’il est encore sur le point de pleurer et qu’il est las de ses propres réactions, prévisibles et inutiles. « J’aurais aimé qu’elle m’aime un peu plus, c’est tout. » Il ne prend même pas la peine de sécher les larmes qui dévalent ses joues pour finir leur course sur son jeans, tête obstinément baissée pour éviter le regard de Merle. |
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