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 maybe we can learn how to start again (merle)

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MessageSujet: maybe we can learn how to start again (merle)   maybe we can learn how to start again (merle) EmptySam 17 Mar - 15:39

C'est pas souvent que le passé se rappelle à lui comme quelque chose de lumineux. Ça arrive quand il remonte trop loin dans sa mémoire, avant l'accident, et que pendant une fraction de seconde il oublie ce qui a suivi, mais un sang noir finit toujours par revenir s'y répandre et tout maculer de son encre indélébile. Ça n'arrive quasiment jamais quand il pense à New York, puisque New York c'était après et qu'il n'a plus beaucoup vu le soleil, après. C'est pas souvent qu'il est content, pas heureux, ça jamais, mais content dans le sens le plus élémentaire du terme, satisfait, le sentiment d'un vide comblé. C'est-à-dire pas en suspension entre son quotidien précaire et le trou noir qui lui sert de cœur.

Mais il y a le commentaire de Merle qui apparaît sur son écran et son cœur qui fait un saut périlleux. Périlleux oui, c'est le mot. Ça lui fait presque peur de ressentir tout ça d'un coup alors que ce n'est pas arrivé depuis... Eh bien, New York. Peut-être même Merle. Il ne savait pas qu'il lui manquait. C'est difficile à remarquer, un manque de plus quand on a déjà tant perdu. Et puis c'est difficile à accepter, parce qu'il n'en a sûrement pas le droit, ni de penser tu m'as manqué, ni d'être content, ni d'avoir envie de le retrouver. Sûrement pas. Pourtant ses doigts pianotent sur le clavier du Mac du bureau, pourtant il détourne le regard de la glace du studio et autorise ses doigts à quitter sa table de mixage pour y préférer l'écran lisse de son Iphone. Le plus étonnant n'est pas que ça arrive, il est encore assez humain pour se faire surprendre par des émotions de temps en temps, le plus étonnant est que ça dure toute la journée et qu'il n'arrive même pas à prétendre le contraire. « Bah alors, t'as reçu une très très bonne nouvelle ou tu vas enfin tirer un coup ? » lui fait le manager quand il le voit sourire une fois de trop ce jour-là.

Il est content mais il est aussi inquiet. Il n'a pas trop relevé la mention de la prison dans le sms de Merle parce que c'était lancé avec trop de légèreté pour ne pas être grave. Enfin, peu importe comment il lui aurait dit ça, Ghost n'aurait pas pu y rester indifférent et ça lui semble un sujet trop sensible pour des sms. C'est un sujet trop sensible tout court, pour lui aussi, et il n'était pas prêt à y réagir. Quand il descend de chez lui pour aller chercher Merle devant le McDo du coin, il se demande s'il le reconnaîtra du premier coup. Il a dû changer en deux ans. On peut changer rapidement entre la fin de l'adolescence et le début l'âge adulte et, dans le cas de Merle, il y aussi que la testostérone est peut-être passée par là depuis l'année où ils se sont connus. Il en aura vite le cœur net. Il tourne au dernier angle, croise un fumeur auquel il lance un regard de biais parce que ça lui fait envie et il est à deux doigts de lui demander une clope quand il remarque Merle deux mètres plus loin. Il a changé. Ghost le reconnaît immédiatement quand même. D'accord, y a pas tellement de monde devant le McDo, mais c'est pas seulement ça, c'est l'attitude et le regard et il ne sait pas quoi d'autre, juste le tout. Toujours le même oiseau sans plumes. Il sourit, c'est discret mais c'est là, c'est léger mais faut pas s'y fier, ça bouillonne en lui, tout ce qu'il a envie de lui demander, tout ce qu'il a envie de lui dire, tout ce qu'il a envie d'espérer. Il a peut-être retrouvé un ami dans son exil. Ils ont même plus de choses en commun qu'avant. Prison buddies. Ça en jette. Et y a la culpabilité qui essaie de jeter son froid dans tout ça mais autant essayer de refroidir un volcan en jetant une poignée de glaçons dedans. « Hey. J'suis en retard ? » Non, il croit pas. Il se fait juste pas confiance pour dire autre chose qu'une banalité, là. « Enfin, oui, me dis pas. De deux ans. » Ou de six mois au moins. Il a dû arriver à Savannah juste après que Merle se soit retrouvé en taule. Il aurait aimé être là, il aurait aimé lui éviter ça, il avait pas besoin de ça pour être déglingué, ce gamin (gamin, il se dit toujours, parce qu'il faisait plus jeune que son âge avant et maintenant c'est peut-être l'inverse mais il pense quand même gamin).
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MessageSujet: Re: maybe we can learn how to start again (merle)   maybe we can learn how to start again (merle) EmptyLun 23 Avr - 0:44

Ca arrive jamais, ce genre de trucs. Ça arrive jamais à Merle en tout cas. Merle Brekker c’est pas un chanceux, Merle Brekker c’est un poissard, il arrive pas ce genre de trucs interstellaires à Merle Brekker. Il navigue jamais sans but sur Instagram, il tombe jamais sur des vieilles connaissances qu’il aime encore, il reprend jamais contact. C’est juste pas dans l’ordre des choses, c’est tout, c’est rien de grave, c’est juste comme ça et il s’y est fait depuis trop longtemps. C’est pourtant ce qui se passe ce jour-là, quelques mots échangés en-dessous d’une photo et un numéro qu’il n’a jamais eu rentré soigneusement dans son répertoire et c’est Ghost qui réapparaît dans sa vie, Ghost qui veut le revoir, Ghost qui a l’air heureux de le voir reprendre contact. Ils se sont pas quittés fâchés. C’est pas ça. Mais ils se sont quittés et Merle a fui, parce que les cadavres de Valmont et Victoire étaient froids et qu’il ne pouvait pas rester à New-York, parce que la solitude de la ville lui donnait envie de vomir, parce que le deuil et la panique étaient ancrés sous sa peau, parce qu’il ne pouvait pas s’imposer plus. Ils ne se sont pas quittés fâchés mais ils se sont perdus de vue, parce qu’il n’avait pas son numéro, parce qu’il n’avait pas moyen de le retrouver, parce qu’il avait peur de revoir son passé lui exploser à la gueule, toutes les nuits passés dans l’appartement de la sœur de Ghost à essayer de pas avoir misérable et à échouer lamentablement, les sons écoutés et critiqués parfois plus violemment que ce qu’ils méritaient, les yeux de Ghost, trop doux, parfois, insupportables, insondables, le cœur encore fragile de Merle qui ratait souvent un battement, parce que c’était facile, de s’attacher à Ghost, facile de l’aimer, facile de se laisser apprivoiser, les yeux larges, animal sauvage, le sommeil léger et un sursaut dans le corps, prêt à courir, à fuir, à riposter, dans les premiers temps. Il a jamais eu de raisons de le faire. Ghost lui a jamais donné de raisons.

Merle n’est plus un oiseau affolé, à présent. Ou, du moins, plus pour les mêmes raisons. Il a récolté des nouvelles cicatrices, des nouvelles médailles accrochés à sa poitrine pour chacun de ses traumatismes. Il a changé, et ça lui fait un peu peur, parce que peut-être que Ghost le reconnaîtra pas, pas vraiment, peut-être qu’il tournera les talons, peut-être que ce sera bizarre, peut-être que ce sera différent. C’est effrayant, comme pensée, parce qu’il a laissé l’homme derrière lui mais qu’il a jamais cessé de penser à cette première soirée, trop de bruits dans les oreilles et des crevettes plein la bouche, le cul sur le carrelage trop propre des chiottes d’une maison de bourge et ce mec étrange avec son thé glacé qui appartient à ce monde mais pas tout à fait. Quand il y réfléchit, ça a fait clic à ce moment-là, parce qu’il a aimé la musique et parce que le mec avait l’air un peu décalage, un peu en biais, là mais pas tout à fait. Un peu comme lui, en fait, et pas comme lui en même temps, une espèce d’équation qu’il a jamais tout à fait résolu.

De toute façon, Ghost sait lui parler, et visiblement, ça, ça n’a pas changé. Merle a toujours aimé les McDonald’s et c’est un cheeseburger à la main qu’il attend tranquillement qu’il se pointe. Il est arrivé un peu en avance, de toute façon : la faute à la nervosité, il se dit, l’impatience, certainement aussi, ça fourmille sous sa peau et ça le tourmente depuis qu’ils ont convenu de se voir et il a rongé son frein toute la journée avant d’arriver là, un sourire un peu trop large plaqué sur le visage et les yeux un peu trop brillant. C’est con, parce que malgré tout ça, il le reconnaît pas, lorsqu’il s’approche, alors même qu’il scanne la foule du regard. C’est le hey, qui le fait sursauter, attire son attention, le hey qui lui arrache un sourire un peu trop radieux. Ça fait longtemps qu’il a pas souri comme ça, ça fait longtemps qu’il s’est pas senti aussi léger. Il rit, lorsque Ghost lui parle de retard.

« T’es pile à l’heure. » Il colle son cheeseburger même pas entamé dans la poche de son blouson en jean, fourre les mains dans les poches de son pantalon. « C’était pas deux glorieuses années, t’arrives pile au sommet de ma gloire, t’inquiète. »

Enfin peut-être qu’il devrait s’inquiéter, il est pas sûr que ce soit vraiment le sommet de la gloire d’être sorti de prison, la gorge esquintée et des problèmes par paquet de douze, mais c’est un joli souhait, en tout cas.

« Qu’est-ce que tu fous à Savannah, alors ? » Il ressemble plus à un gosse que jamais, à ce moment-là. « Je suis content que tu sois là. »

Putain, ce que c’est vrai. Putain, ce que ça fait du bien. Gentiment, il pointe du menton la rue.

« J’ai choppé des chips et des machins avec des trucs sains dedans qui croustillent, je savais plus si tu bouffais de la viande, vu que tu bois déjà des trucs de hipsters. » Il se balance d’avant en arrière. « On va chez toi, alors ? »

Il a l’impression de rembobiner sa vie et ça le grise.
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MessageSujet: Re: maybe we can learn how to start again (merle)   maybe we can learn how to start again (merle) EmptySam 19 Mai - 13:54

« J'imagine ouais. » Il pense pas que Merle ait eu beaucoup d'années glorieuses et il dit ça sans plaisanter, sans prendre l'air compatissant non plus, sans avoir l'air de rien en fait, comme d'habitude. Putain de robot. Il fait pas exprès, mais il a pas l'énergie pour se forcer à avoir l'air humain. Il arrive quand même à esquisser un sourire quand Merle lui dit qu'il est content de le voir. Merle est comme lui, pour ça, quand il dit quelque chose c'est qu'il le pense. Pas sûr qu'il dise tout ce qu'il pense comme le fait parfois Ghost, pour le meilleur et pour le pire, mais Ghost lui fait confiance pour être sincère avec lui. Et ça, même lui, ça le fait sourire, parce que ça lui fait plaisir de l'entendre, parce qu'il est content aussi. C'est à peu près la seule expression qu'on lui arrache et même ça il le fait pas toujours correctement, mais Merle en particulier lui en a volé beaucoup. Il fait un haussement d'épaules. « Le boulot. » C'est toujours le boulot avec lui, comme n'arrête pas de lui faire remarquer Ivy. Le boulot qui remplace tout, le boulot qui prend le plus de place dans sa vie trop vide. Heureusement qu'il a cette sale habitude de récupérer les chats errants et les oiseaux blessés pour sauver ce qui lui reste d'humanité — non, ça veut pas dire juste Catastrophe et Crowbar. Ça veut aussi dire la fille éjectée de son appartement qu'il a laissée s'échouer chez lui sans opposer la moindre résistance, et ça veut dire ce gamin qui a vachement grandi mais qui en a encore un peu l'air lorsqu'il se balance d'avant en arrière. « Et puis j'avais besoin de soleil. » Ghost n'est pas une créature de la nuit ordinaire, eh oui. Ce n'est pas tant la chaleur que l'absence de neige qui l'a fait migrer vers le sud — et il se rappelle qu'il s'est bien fait troller en début d'année, pour ce qui était de la neige, putain de karma —, mais finalement il s'y fait bien à ses promenades au soleil. Il jette un œil aux provisions de Merle. « C'est cool, et j'mange pas trop de viande nan, t'as bien fait. Ouais, c'est pas loin. » Il se met en route vers là d'où il vient d'arriver.

Il le fait marrer Merle avec le cheeseburger fourré dans sa poche, ça doit être une vieille habitude de clochard de faire des stocks de bouffe à planquer un peu partout sur soi, quand on en a. « Mais j'te ferai pas la morale hein, tu peux bouffer ça devant moi tu sais. » C'est vrai qu'il a du mal à s'empêcher d'imaginer le carnage des abattoirs quand il se retrouve face à face avec un bout de viande, mais c'est plus une histoire de dégoût personnel que de principes éthiques. Il en a pas tellement, des principes, et il a jamais été du genre à vouloir imposer les siens à qui que ce soit. Surtout pas Merle. C'est quelqu'un de bien qui a déjà assez de préoccupations comme ça. C'est pour ça que ça le touche qu'il ait pensé à lui et se soit quand même posé la question quand il a fait ses achats. Peut-être qu'il lui faut pas grand-chose. Peut-être que c'est surtout le cas quand c'est Merle. Pas sûr qu'il le remarquerait autrement. « Et toi alors, pourquoi Savannah ? » Il laisse encore de côté la question de la prison qui refuse se faire oublier, mais c'est pas encore le moment. « Tu fais quoi maintenant, pour avoir le luxe d'une douche presque à toi ? » C'est dingue comme ça l'a rassuré de lire qu'il ne vit plus à la rue, même si c'est sans doute moins pire ici qu'à New York, tant qu'à faire. Tout en marchant à côté de lui, il lui jette des regards en coin, pas sûr qu'il ait l'air d'aller beaucoup mieux qu'avant mais c'est difficile à dire vu comme il a changé.
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