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 so typically me (Peadar)

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River Albarn

River Albarn
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MessageSujet: so typically me (Peadar)   so typically me (Peadar) EmptyMar 19 Déc - 16:16

« Merde merde merde. Putain, » il répète comme une litanie, mais c'est pas ça qui va ramener le paquet disparu. Il trace droit devant lui sans accorder un regard aux passants qu'il bouscule parce qu'il fait pas attention, et pour une fois il ne leur demande pas pardon. Il réserve ça à Peadar et ça va déjà être difficile. Il hésite entre rire et pleurer quand un haut parleur à l'entrée d'un magasin diffuse Britney Spears et que le passage hors contexte colle un peu trop bien à la situation. « That is just so typically me. Oh baby baby, oops! I did it again... » qu'il fredonne en direction du trottoir, indifférent aux regards curieux qu'il attire sûrement. C'est pas la première fois qu'il foire un boulot pour les Lost Boys et Peadar aurait de quoi le soupçonner de l'avoir saboté volontairement, cette fois. Jusque-là, River avait toujours refusé de transporter de la drogue ou de dealer pour la même raison qu'il n'y touche jamais quand les autres font passer un joint ou autre chose. Ça a détruit sa vie, ni plus ni moins. Il a failli à sa règle quelques fois au cours de sa première année à la rue mais il peut les compter sur les doigts d'une main. Mise à part la première fois, c'était toujours avec des clients, dont une sans y consentir quand le client avait glissé un truc dans son verre et les autres en désespoir de cause pour survivre à une mauvaise soirée. Après, il a appris à compartimenter sans truquer la chimie de son cerveau. Enfin, avec plus ou moins de succès. Quoiqu'il en soit il s'était juré de ne plus y toucher et continue de surveiller d'un œil mauvais la drogue qui circule parfois entre les Lost Boys, pourtant c'est ce dont il avait accepté de se charger aujourd'hui, le réapprovisionnement des petits dealers. Sauf qu'il s'est fait intercepter.

Il devine un hématome en formation sous l'une de ses pommettes suite à un coup de coude et au passage il s'est bouffé la joue, ou bien c'est une dent sanguinolente qui lui colle ce goût sur la langue. Il a le jean arraché et la gorge à vif là où le col de son hoodie lui a brûlé la peau quand les types ont tiré sur sa capuche en voulant l'arrêter. Au moins si jamais il l'examine ça distraira l'attention de Peadar des autres marques qui ornent son cou, les corolles jaunes, bleues et violettes déposées là par les mains avides de Rhoan. Ça lui fait penser à ses poignets tout aussi décorés et il prend soin de rabattre ses manches sur ses mains avant de pousser la porte de l'appartement. En entrant, il jette sa veste et sa casquette sur le canapé mais garde son sac à dos sur lui pour montrer les dégâts à Peadar. Ça devrait lui prouver qu'on lui a pas franchement laissé le choix. River a essayé de leur arracher mais les mecs ont réussi à faire péter la fermeture et à choper le paquet avant de décamper en scooter. Il a quand même peur de la réaction du grand chef. Il sait même pas ce qu'il transportait exactement, il sait pas combien ça représente en terme d'argent et d'emmerdes maintenant qu'ils l'ont perdu, il a pas voulu savoir. Il va sûrement l'apprendre très vite. Il fait une pause dans le salon pour prendre le temps de calmer sa respiration, mais il n'y a rien à faire pour son cœur qui bat la chamade. C'est pas la crainte d'une pluie de coups qui lui fait courber l'échine quand il arrive devant Peadar, c'est le poids de son regard qu'il n'ose même pas croiser et où il imagine déjà poindre la compréhension. Mais s'il est revenu, c'est pour lui avouer. Si Peadar le fout dehors, il pourra toujours aller se réfugier chez Rhoan ou Meredith. « Peadar... J'ai... On m'a volé... J'ai perdu le... truc. » Et il fait pendre le sac à dos de son épaule pour qu'il voie comme il est désespérément vide. « J'sais pas comment ils ont su, j'comprends pas, j'suis désolé. » Ils n'auraient pas dû savoir ce qu'il planquait là-dedans, personne ne connaît le visage de River dans le milieu et il a fait tout ce qu'on lui a dit, il était attentif... À peu près. Il repense aux textos qu'il échangeait avec Rhoan au lieu de surveiller correctement ses arrières et la culpabilité lui tord les entrailles, mais il est pas prêt à confesser cette partie de l'histoire.
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MessageSujet: Re: so typically me (Peadar)   so typically me (Peadar) EmptyVen 9 Fév - 2:46

Ne jamais se remettre en question. Répéter les mêmes actions, encore, encore, et se dire que si ça brise les gens c’est qu’ils n’étaient pas assez forts pour survivre. C’est comme ça que tu as toujours vécu parce que c’est bien plus facile que se regarder dans le miroir et de s’attribuer le blâme. Pas le temps pour l’introspection quand on est à la rue ou quand on s’occupe de plein de gosses, c’est toujours ce qui t’a empêché de tourner la tête. Belle excuse pour ignorer le passé, belle excuse pour ignorer tous les torts du présent. T’avances avec des œillères en espérant que les autres arrivent à te suivre sans jamais t’arrêter pour attendre ceux qui n’y arrivent plus. Et après tu as le culot de te demander pourquoi les jeunes reviennent tous les soirs avec de nouveaux bleus ou qu’ils ne reviennent plus. Ne jamais se remettre en question. Jour après jour les envoyer au casse-pipe sous prétexte qu’il faut bien vivre, qu’il faut bien manger. L’excuse est de plus en plus difficile à tenir, comme si tu n’avais aucun moyen de leur trouver des vrais boulots, comme si tu avais besoin d’autant d’argent, comme s’il n’y avait aucun moyen d’y arriver. Sous prétexte que c’est ce que tu as connu, répéter le schéma sans le questionner. Soutenir même sous la torture que ce que tu veux c’est leur bien ça ne suffit pas, même quand c’est vrai. Ça ne suffit pas pour le nombre de ceux qui glissent entre les mailles du filet, qui échappent à ta protection. Ça ne suffit pas sinon pourquoi River passerait-il à cette heure-ci sans un mot ? Il y a dans l’air un lourd non-dit de désastre, dans le poids de ses pas le relent d’un échec. Il revient beaucoup trop tôt et tu sais déjà ce que ça veut dire même si tu attends qu’il fasse le premier geste, qu’il t’explique. L’inéluctable est en marche, tu ne vas pas le hâter. Tu le vois reprendre tant bien que mal une contenance dans le salon, tu ne bouges pas, tu restes assis à cette table de cuisine trop grande pour toi tout seul. « Peadar... J'ai... On m'a volé... J'ai perdu le... truc. » Sa peau est tellement pâle que dessus les hématomes semblent de grotesques taches de peinture. Ils reviennent toujours blessés, ça te tue de les voir comme ça ces gamins. Ces marques ça ne lui donne même pas un air de voyou, un quelque chose de défiant, juste l’apparat d’un enfant victime. Tes yeux suivent ses mains, contemplent le vide béant du sac. Encore une fois, il a failli à sa mission. « J'sais pas comment ils ont su, j'comprends pas, j'suis désolé. » Toi non plus à vrai dire mais si tu arrives à savoir à peu près tout ce qui se passe dans les rues, il n’est pas difficile d’imaginer que c’est le cas d’autres. C’est un soupir antédiluvien qui t’ébranle. « More than a thousand fucking bucks. Just a pack River, how fucking hard is it ? » Tu sais bien que c’est pas un combattant, que sa taille ne lui sert pas à grand-chose, qu’il est pas du genre à réagir au moment où il faut si on lui saute dessus. C’est pas un violent, c’est juste un ado qui se retrouve toujours étonné quand la vie le cogne. « What am I gonna do with you eh ? » Ils lui ont pas cassé le nez c’est déjà ça non ? Ces bleus là font pâlir ceux qu’il arborait déjà. Ne jamais se remettre en question. River, il a glissé entre tes doigts il y a bien longtemps et c’est entièrement ta faute. River c’est un gosse des caravanes et pour une raison obscure tu as pensé que ça voulait dire qu’il était fait de la même étoffe que toi, que vous survivriez aux mêmes choses, qu’il s’en sortirait quand même, que t’avais pas besoin de le sortir de là. River tu l’as laissé se donner à des inconnus alors que tu l’interdis à tous les autres, tout ça parce que tu pensais qu’il était comme toi. Alors qu’il n’est pas comme toi. Et même s’il l’était tu aurais dû l’en empêcher. T’as fermé les yeux, tu pointes le doigt vers d’autres fautifs. Qu’est-ce que tu vas faire de lui ? C’est bien ce qui l’avait mis dans cette situation dès le départ. Il a comme un certain talent pour rater toute action illégale qu’il entreprend. On pourrait presque prendre ça pour de la volonté mais tu ne le soupçonnes pas encore de ça. Il y a trop de culpabilité dans ses yeux alors qu’il te tend le sac à dos désespérément vide. « Tell me, what am I supposed to do ? » Parce que toi tu ne sais plus, alors peut-être qu’il aura une idée lui.
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MessageSujet: Re: so typically me (Peadar)   so typically me (Peadar) EmptyMar 13 Fév - 8:00

« J'suis désolé... » J'suis désolé j'suis désolé j'suis désolé il a envie de répéter mais ça ne lui fera pas remonter le temps pour changer le cours des choses, ça n'amènera pas le colis à bon port et ça ne répond pas non plus à l'exhortation de Peadar. Mais River ne voit pas quoi lui dire. Il ne sait pas non plus ce que Peadar devrait faire de lui, il n'a pas le moindre début d'idée de ce qu'il pourrait faire pour arranger les choses. Quand il a rejoint les Lost Boys, River a déjà foiré un job important. C'était à peu près la même situation et à peu près les mêmes réactions. Peadar a secoué la tête, Peadar s'est demandé ce qu'il allait bien pouvoir faire de lui. River s'est engagé à rembourser ce qu'il lui avait fait perdre et, puisqu'il n'était bon à rien d'autre, il est retourné sur le trottoir. Il a remboursé sa dette, à terme, et puis il a continué quand la manche ne rapportait pas assez, parce qu'il fallait faire rentrer de l'argent, parce qu'il prenait en charge plus que sa propre part quand ça signifiait éviter à d'autres gamins de se mettre en danger, parce qu'il ne comptait pas vraiment, lui, parce qu'il n'y croyait plus. Enfin, avant tout ça, il y a eu ce premier gros raté. C'était à peu près la même situation et à peu près les même réactions mais aujourd'hui River n'a pas envie d'en arriver à la même solution. Il a beau savoir que Peadar n'a jamais aimé le voir faire le trottoir, il ne l'en a pas empêché non plus et River a quand même peur que ce soit lui qui l'y pousse cette fois, il a peur de lui avoir définitivement prouvé qu'il est incapable de se rendre utile autrement. Et malgré lui il fait déjà les calculs, plus de mille dollars convertis en passes, un trombinoscope de clients tolérables qui défile derrière ses paupières. La liste est courte. Et puis au fur et à mesure les quelques visages se transforment en celui de Rhoan et River secoue la tête comme si Peadar lui avait déjà fait la suggestion. La vérité c'est qu'il pourrait se faire ces mille dollars en deux nuits, voire une seule, s'il trouvait le bon client et s'il était prêt à aller assez loin. À Richmond, il a rencontré deux jeunes qui préféraient s'en sortir comme ça, amasser une grosse somme en payant le prix fort et la dépenser au compte-goutte jusqu'à devoir recommencer, mais River n'a jamais été prêt aux mêmes extrêmes que ces gars-là — il essayait de fermer les écoutilles quand il entendait ce genre de conversations, mais il a trop souvent squatté avec d'autres tapineurs pour y avoir échappé à tous les coups.

« J'veux pas... Tu sais. » Il tire sur ses manches, la tête rentrée dans les épaules comme un gamin qui attend le pire. Il n'ose pas souvent dire j'veux pas, il n'ose pas souvent dire non. Il n'aime pas lancer ces regards apeurés à Peadar, ça lui rappelle leur première rencontre et puis sa première bourde. Si depuis il a réussi à grappiller quelques miettes de son respect en lui montrant qu'il pouvait faire sa part sans broncher, sans jamais se plaindre des douleurs et des marques laissées par des clients tordus ou violents, sans jamais rien dire aux autres parce qu'il ne voulait imposer ça à personne, il vient sûrement de perdre tout ce qu'il y avait. Et à vrai dire, il est encore plus probable que Peadar n'ait jamais ressenti plus que de l'indifférence mêlée de pitié à son égard, et c'est tout ce sur quoi il peut compter pour ne pas qu'il le foute dehors. Il aimerait avoir la loyauté féroce de Tinks, le bagout de Curl ou l'intelligence de Lenny. Mais il a rien. « J'veux pas retourner sur le trottoir. »

Il est sans doute trop difficile, il est trop regardant. Il a déjà dit non à l'option de dealer, il aurait trop de scrupules à voler quelqu'un sans savoir s'il a les moyens de s'en remettre et s'il mérite qu'on lui fasse un sale coup — parce que oui, il y en a quand même qui le méritent, et il a déjà volé des clients. Il fourre les mains dans la poche de son hoodie. « J'suis peut-être pas fait pour l'illégalité... Je sais pas trop quoi faire Peadar mais j'vais me racheter, j'te promets. Même si tu... Même si je dois partir. J'voulais pas te décevoir encore. » Me demande pas de partir, s'il-te-plaît, pas tout de suite. River n'est peut-être pas fait pour l'illégalité, non, mais c'est comme ça qu'il survit et c'est difficile de faire autrement quand on a fugué, arrêté l'école à quatorze ans et qu'on n'a aucun talent. Oh mais t'as du talent lui répondraient certains. Il chasse la pensée d'un mouvement bref de la tête.
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MessageSujet: Re: so typically me (Peadar)   so typically me (Peadar) EmptySam 3 Mar - 18:24

« J'suis désolé... » Ta vie est une litanie d’excuses, de visages baissés dans la honte, de regards qui évitent le tien. Les uns après les autres ils finissent tous par trébucher et se retrouvent là à implorer ton pardon. Assis sur ce siège ta situation prend un air de Parrain. Ce n’est jamais ce que tu as voulu être, non ? Cette espèce de petit père des criminels à diriger ces gosses pour qu’ils se rendent utiles, à décider de leur futur. A tout garder sous contrôle tu as fini par perdre le contrôle de ce que tu es. Il n’y a qu’à voir la peur dans ses yeux, c’est ça que tu voulais inspirer ? Tu as toujours voulu tout ce qui brille, qu’on te respecte, qu’on t’admire, qu’on t’envie. Mais être craint par les gosses que tu essaies de sauver à quoi ça sert ? « J'veux pas... Tu sais. » Tu sais. Mieux que quiconque. Pendant quelques secondes toi aussi tu fuies son regard, au cas où il lui viendrait l’idée de relever la tête. Le sujet n’a jamais vraiment été abordé, tu l’as juste laissé glisser dans des retranchements que tu as connus, tu l’as laissé se démerder tout seul alors que tu aurais dû l’en sortir. Juste parce que vous n’en avez jamais parlé. Juste parce que parler c’est trop difficile, comme si ça valait pas le coup d’essayer. « J'veux pas retourner sur le trottoir. » Le trottoir ou le fond des bars, à un continent près ce sont les mêmes mains, les mêmes hommes, les mêmes frissons d’auto-flagellation qui donnent la nausée avant d’aller se coucher. Tu ne veux pas qu’il y retourne. Pas après qu’il ait réussi à s’en sortir.
« You know I… I’m really happy you’re not doing that anymore. » Le dire comme si ça n’avait pas d’importance, passer la phrase le plus vite possible pour en cacher la profonde sincérité ; oublier le fait que des fois, quand River rentre avec la gueule peinturlurée de bleu, tu as peur qu’il finisse à la morgue, comme Anthony que tu crois pourtant avoir enterré il y a des années.

« J'suis peut-être pas fait pour l'illégalité... Je sais pas trop quoi faire Peadar mais j'vais me racheter, j'te promets. Même si tu... Même si je dois partir. J'voulais pas te décevoir encore. » Au fond il n’a rien fait de mal le gosse, tu n’as aucune envie de le chasser à la rue, il mérite mieux. Ils méritent tous mieux. C’est pas mal d’argent qu’il a perdu aujourd’hui mais tu arrives toujours à en trouver plus. Si le blond s’en va c’est un lit vide de plus dans cette maison, un peu de peinture qui s’effrite sur les murs, la poursuite inexorable de l’abandon. Tu n’es pas d’humeur. Pas après Lenny, et Merle, et surtout Jael. Tu ne veux pas te retrouver seul dans ce château de courants d’air. « We’ll find something. » Quitte à remuer dans tous les coins de la ville pour trouver des miettes d’idées, plutôt que d’abandonner et le rejeter. Ce serait lui que tu décevrais et pas le contraire. River a le cœur d’un oiseau, il n’est pas de ces chiens hargneux que tu as dû rejeter, il n’a rien à voir avec Seven, avec Ailish, avec tous ces enfants terribles qui ne pouvaient rester en place pour le bien de personne. Jour après jour, River essaie. C’est juste qu’il n’y arrive pas. « But you can’t sell or transport drugs. You can’t steal anything from anyone. You somehow even fail at begging… » Un soupir soulève ta cage thoracique. Enfin tu oses à nouveau le regarder dans les yeux, chassant de tes pensées l’option qu’il a endurée bien trop longtemps. « I mean at this point I just might have to find you an actual job. » Tâche qui n’est pas aisée. Et chose que tu n’aimes jamais faire. Pur égoïsme, peur ridicule qu’avec ça ils prennent trop d’indépendance.
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MessageSujet: Re: so typically me (Peadar)   so typically me (Peadar) EmptySam 17 Mar - 2:14

(désolé pour le switch soudain vers l'anglais, t'es contagieuse)

« You know I… I’m really happy you’re not doing that anymore. »  Really ? Peadar ne fait pas gratuitement dans l'emphase alors il doit être sincère. Ça rassure River, ça lui réchauffe même un peu le cœur. Il avait besoin de l'entendre. Ça fait longtemps qu'ils n'ont plus évoqué le sujet, quasiment depuis leur rencontre, depuis qu'il l'a sorti de tout ça la première fois. Et il ne lui en veut pas d'avoir voulu arrêter, même s'il n'est bon à rien d'autre visiblement. Alors il ne va pas le mettre dehors ? Il attend la sentence. Il a tendu la bâton pour se faire battre, dis-moi si tu peux plus m'héberger. Y a une part de lui qui en a presque envie, mais elle est utopiste, cette part de lui qui imagine que Rhoan l'accueillera chez lui sans condition. C'est un fantasme qu'il a depuis quelques temps, lui et Rhoan — il zappe ses colocs, — lui et Rhoan — peut-être qu'ils ont emménagés ailleurs tous les deux —, lui et Rhoan au petit déjeuner tous les matins et dans le même lit tous les soirs. Lui, il laisserait volontiers Rhoan l'accaparer, devenir toute sa vie, mais pas sûr que le contraire soit vrai. Plutôt sûr que non. Il suppose que c'est pas plus mal. Alors, Peadar, je dois m'en aller ? Il aurait plutôt parié là-dessus deux minutes plus tôt, quand il a poussé la porte de l'appartement, mais les mots de Peadar l'ont peut-être plus que rassuré, finalement, ils l'ont même étonné. Il ne pensait pas que Peadar le ferait se sentir important, même rien qu'un peu, plus qu'un maillon défectueux dans sa chaîne de gamins, plus qu'une bouche à nourrir incapable de faire sa part pour que tout fonctionne. Et pourtant... « We’ll find something. »  Il en pleurerait presque. C'est pas normal d'être aussi sensible pour un garçon, il paraît, mais il y peut rien, il s'y attendait pas. Il hoche la tête, un merci coincé dans la gorge. « But you can’t sell or transport drugs. You can’t steal anything from anyone. You somehow even fail at begging… »  Il baisse à nouveau les yeux sur ses pieds, le temps de faire disparaître une grimace fugitive à cause du choix de ses mots. Comment tu te débrouilles, j'comprends pas, même ça t'y arrives pas... Il se l'est souvent dit, lui, mais sa fierté en prend un coup quand même. Enfin, c'est pas entièrement faux. C'est pas qu'il est mauvais pour mendier, il a souvent vécu de ça, mais ça devient plus difficile avec le temps. Il est dans cet entre-deux, ni assez jeune ni assez vieux pour faire vraiment pitié, l'âge de bosser et l'air d'être en état de le faire. Si t'as pas de thunes, trouve un job, ne demande pas aux honnêtes travailleurs de t'en donner. À quinze ans sa gueule d'ange jouait plutôt en sa faveur, maintenant il a l'impression que ça lui nuit.

« I mean at this point I just might have to find you an actual job. »  Ses sourcils transparents se perdent dans sa frange alors qu'il relève la tête, la bouche entrouverte. « Could you? »  C'est une idée, ça, non ? Ce n'est pas qu'elle ne lui a jamais traversé l'esprit, il a voulu tenter sa chance à l'époque de Seattle mais il avait moins de dix-huit ans et des réticences à donner des informations personnelles qui faisaient sourciller les patrons potentiels. Il a fait une croix dessus. Mais c'est différent maintenant, il aura bientôt dix-neuf ans et il a au moins une adresse à donner. Il n'a plus à craindre qu'on donne son nom aux services sociaux non plus. Mais il n'a pas l'impression que la suggestion de Peadar soit une vraie proposition. En fait, à le voir désapprouver l'option légale tandis qu'il mentionne le transport de drogues comme si c'était l'alternative la plus bénigne, River ne retient pas un petit rire. Il laisse son sourire glisser au coin de ses lèvres et s'y évaporer. « I mean, could I? »  Et il lui demande clairement l'autorisation de se mettre en quête d'un job, un lueur d'espoir dans ce regard qui en a trop vu et parvient encore à rester naïf. « I could look for myself as well. If it's OK with you, you know... »  Peut-être qu'il tient trop à garder ses gamins dans son jardin pour les laisser choisir ce qu'ils font de leur vie. De toute façon, sans expérience ni diplôme, il n'est pas sûr de trouver grand-chose par lui-même, mais il veut lui montrer que c'est pas la bonne volonté qui manque.
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