dommages collatéraux. (pire st valentin)

Il se toise dans le miroir, du haut de ses 16 ans, pour se donner du courage. Cette fois, ce sera la bonne. Cette fois, il se lance. Âme romantique terrée derrière des couches de sérieux. Il n'a pas l'air comme ça Jax, avec ses regards noirs et sa mine fuyante. Mais l'amour, c'est du sérieux pour lui. Le cœur qui bat trop fort depuis trop longtemps pour la même fille. Il ne se souvient même plus de comment ça a commencé. Il a l'impression que c'est depuis toujours. Il a l'impression que ça ne s'arrêtera jamais. Trop longtemps qu'il retient ça, qu'il tait tout ce qu'il ressent. Et ce soir, il sent le courage l'envahir. L'envie de tout révéler, tout assumer. Tant pis pour les conséquences, tant pis pour les risques. Il se fixe encore un peu, les yeux cernés de rimmel noir et toujours en tenue de répétition. C'est comme ça qu'il se sent le plus fort. Peut-être aussi parce que ça conserve ce lien unique qu'il entretien avec elle sur scène. Lorsqu'il balance ses couteaux, lorsqu'elle lui donne sa vie, sa confiance, elle toute entière. Et cette sensation de la posséder si fort l'enivre, il veut plus. Il récupère le petit cheval de cirque finement taillé dans la pierre qu'il a volé dans une boutique lors de leur passage en France le mois dernier. Il n'avait pas encore eu le courage de lui offrir et ce soir lui semble être le moment idéal. Il sait que ça va lui plaire, il la connait. C'est peut-être aussi sa façon à lui de se faire un peu plus pardonner pour avoir gâché sa carrière de voltigeuse. Il sort de la caravane, le cœur un peu tremblant mais plein d'allant. Pourtant c'est toujours sa mine renfrognée qu'il offre à ceux qu'il croise, incapable de changer, pas foutu de sourire. Mais lorsqu'il arrive à la caravane d'Halina, Fabio est déjà là. Bouquets dans une main, l'autre sur la taille de la rousse. Les corps qui se rapprochent et le baiser échangé sous ses yeux. Le palpitant qui se fissure, la colère sourde qui gronde dans sa poitrine. Il reste planté là à les dévisager pendant d'interminables secondes, avec la sensation de regarder la terre s'ouvrir sous ses pieds et lui projeter un aperçu de l'enfer. Ses yeux finissent par se baisser, le spectacle qui brûle ses rétines. La mâchoire qui se crispe et les pieds qui font demi-tour brutalement pour s'éloigner le plus vite et le plus loin possible de cette vision glaçante. Il trouve refuge entre les cages des animaux, poitrine affolée qui se soulève à un rythme effréné, tous les muscles bandés. Excès de rage lorsqu'il cogne contre le seau remplis d'excréments et le renverse au sol. — HEY ! La voix de Mr Loyal dans son dos le fait sursauter. Mais il n'a pas le temps de réagir que déjà il se fait attraper. La main de l'homme qui happe son t-shirt au niveau de l'épaule pour le retenir. — Tu joues à quoi Roses ? Tu m'nettoies ça tout de suite espèce d'idiot, et fais ça bien ou je te fais laver toutes les cages. Qu'il tempête, près du visage de l'adolescent. Yeux révoltés mais mine confuse, Jax se dégage de son emprise, muré dans son silence. Après deux secondes d'envie de tout envoyer valser il finit par obtempérer, le respect des aînés a toujours été sacré pour lui. A genoux dans la terre, pelle en main il ramasse la merde et il a comme la sensation d'avoir une vue directe sur sa situation. Quand soudain y a un rire qui s'élève plus loin. Il redresse la tête et voit Fabio passer, Halina à ses bras. Et le gamin se fout de sa gueule, hilare. Probablement très fier de lui de pouvoir fanfaronner avec elle à ses côtés pendant que Jax joue les cendrillons. Jalousie dévorante. Il se relève brusquement, prêt à lui bondir dessus. Peut-être l'attraper et lui enfoncer la tête dans le crottin. Mais il a à peine eu le temps de se mettre debout que la voix de Mr Loyal le rappel à l'ordre. — Jax ! Il s'immobilise et lui jette un coup d’œil, frustré. De son côté, Fabio ne s'éternise pas et repart déjà. Jax les regarde s'éloigner avant de sortir de sa poche le petit cheval de pierre. Le visage qui se tord de rage et finalement, il balance l'objet au sol avec fureur, le faisant voler en éclats. Comme une métaphore de l'état de son cœur. Putain de Saint Valentin.