i'm a simple loner who the hell thinks that I care, i am not the party, middle fingers in the air. (MISSIO)
Niamh était affalée dans son siège, les jambes relevées, les pieds déposés sur le comptoir. Elle mâchait un morceau de gomme sans faire attention d’avoir l’air civilisée, et faisait traîner ses doigts sur son téléphone, un air profondément ennuyé sur le visage. C’était un mercredi après-midi, y’avait personne dans le cinéma, le boss était pas là, et elle terminait dans moins de vingt minutes. Alors y’avait vraiment pas de raison pour elle de se tenir sur son siège droite comme un piquet et de faire à semblant qu’elle travaillait – elle travaillait pas. Depuis son arrivée au cinéma quelques heures plus tôt, elle devait avoir vendu un total de 30 billets, maximum. Tous des habitués, ou presque – la dame qui se maquillait trop, le brun a l’air un peu perdu avec qui elle s’amusait de flirter, le vieil schnock qui comprenait jamais rien à ce qu’elle disait. Que quelqu’un lui fasse une remarque – qu’ils essaient. De toute façon Niamh en avait rien à foutre d’être virée, et si ça aurait du arriver ça se serait fait y’a longtemps, mais elle était certaine que le gérant en avait rien à faire qu’elle se tournait les pouces pendant le boulot. Deux options : soit il était amoureux d’elle, soit il prenait de la drogue. Ou alors c’était une combinaison des deux. Mais peu importe, ça changeait rien au fait que Niamh pouvait pas mal faire ce qu’elle voulait. C’était un trou, ce cinéma, de toute façon – pas l’endroit où allaient les familles pour aller voir les derniers blockbusters. Ils étaient encore dans l’ère des projecteurs à la pellicule, et la plupart des films qui y passaient étaient déjà sortis en DVD. Mais bon, c’était pas cher, et personne faisait chier personne. Surtout pas quand c’était Niamh derrière la caisse.
L’heure arriva, et la prochaine fille arriva pour prendre la place de la rousse. Elles échangèrent quelques mots, rigolant sur une rumeur qui circulait sur celui qui s’occupait des cochonneries vendues au bar – et Niamh accepta une invitation de venir à une fête le lendemain soir. Puis, la rousse passa à la salle des employés, inscrivant l’heure de son départ sur sa carte de travail, empoigna sa veste et sortit à l’extérieur. Y’avait un film qui se finissait en même temps, clairement, parce qu’elle croisa le schnock à la sortie qui lui lança un regard mauvais. Elle lui rendit un regard noir et se dirigea vers sa moto, stationnée devant le petit cinéma. Rien de prévu ce soir pour l’irlandaise, mais elle avait pensé aller déranger un peu Peadar, ou aller voir Willis. Parce qu’elle finissait toujours par atterir chez ses frères quand elle s’ennuyait, c’était juste naturel et instinctif pour elle. Y’avait pas de questions à se poser.
Elle arriva aux côtés de sa moto – enfin, elle avait commencé à l’appeler comme ça, même si c’était loin d’être sa moto. Mais ça c’était un détail, ça valait pas trop la peine de s’attarder pendant un siècle. Elle enjamba le véhicule et démarra le moteur – elle avait oublié son casque chez elle le matin même, un fait qui ferait probablement gueuler certaines personnes si elles savaient. Niamh savait que c’était pas prudent, mais ça l’inquiétait pas plus que ça – elle portait plus le casque pour éviter de se faire arrêter par la police, parce que ça c’était l’idée la plus risquée. Ça, c’était dangereux. Le reste, elle pouvait gérer. Niamh recula alors, et appuya sur l’accélérateur, se disant qu’elle pourrait peut-être commander du thaï ce soir-là, et aller voir Willis avec, ça pourrait faire –
Le choc la tira hors de ses pensées. Elle s’arrêta immédiatement, croyant qu’elle avait heurté un animal, un chien peut-être. Le cœur battant, elle aperçut quelqu’un par terre. Fuck, fuck, fuck. Mais d’où il était sorti celui-là ? De nulle part, clairement – elle avait bien vérifié et y’avait eu personne sur le bord de la route avant qu’elle n’appuie sur l’accélérateur. Mais voilà, y’avait bien quelqu’un étendu sur l’asphalte, quelqu’un qu’elle venait de percuter de plein fouet avec sa moto volée. Heureusement, elle n’avait pas eu l’occasion de beaucoup accélérer – enfin, elle espérait que ça ait un peu aidée. « Bloody frecking hell » râla-t’elle, poussant d’un coup de pied la béquille pour déposer la moto. Elle enjamba à nouveau la moto, s’approchant de sa victime. Une masse de cheveux bruns, du sang sur le nez, des éraflures – mais il était pas mort. Ça, c’était la bonne nouvelle. « Tu sors d’où, toi ? Tu r’gardes pas avant d’traverser la route ? » Elle arqua un sourcil en sa direction, avant de réaliser que c’était le petit brun qui venait souvent au cinéma – celui qu’elle s’amusait tant à faire des clins d’œil et des remarques sous-entendus. « Oh, c’est toi. Heu, t’es ok, rien d’cassé ? »
(C) HALLOWS
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Sujet: Re: (middle fingers), ioan. Sam 23 Déc - 23:51
– MIDDLE FINGERS – i'm a simple loner who the hell thinks that i care i am not the party, middle fingers in the air.
Ce jour-là, Ioan avait voulu oublier. Oublier sans avoir besoin d’absorber de l’alcool, oublier sans être obligé de fumer un joint dans un terrain vague de Savannah. Il avait pensé à rester chez lui et à mettre un film, mais le retour prématuré de Lucian au domicile des Popescu l’avait conduit à un changement drastique de plan. Pas question de rester sous le même toit que lui. Pas question de passer plus de cinq minutes en sa présence — pas quand il savait qu’au premier prétexte, son père lui tomberait dessus pour l’engueuler. Ou pire, encore — soulager la main trop lourde qu’il se traînait ces derniers jours.
Alors, Ioan avait fui. Fui la maison familiale, fui en direction du petit cinéma misérable où il se réfugiait de temps à autre, le temps d’un film médiocre entouré de clients médiocres. Il se fondait dans la masse, ombre parmi les ombres, à sa place parmi ceux qui n’étaient reconnus ou estimés que de peu. Il se sentait presque chez lui — et pourtant, il se sentait aussi plus mal que jamais en leur compagnie. Ce jour-là, pourtant, il se passa d’observation anthropologiques, quelles qu’elles soient. Il avait baissé les yeux pour ne pas trop regarder la fille de la billetterie, celle qui passait son temps à essayer de le charmer, celle qu’il savait très bien être de l’espèce de ces pimbêches aguicheuses qui lui brisaient le cœur depuis qu’il avait l’âge d’aimer. Il s’était tassé dans un coin de la salle, emmitouflé dans sa veste abîmée par le temps et les intempéries. Trouée, loin d’être imperméable, et loin d’être chaude. Il aurait dû s’en racheter une, mais les moyens manquaient. Et tristement, il l’aimait. Il aimait son contact râpeux, aimait sa couleur passe-partout, salie par les coins où il se frottait parfois.
Même à l’intérieur du cinéma, pourtant, il avait eu froid. Il n’avait pas réussi à se concentrer sur le film comme il l’aurait voulu, tristement préoccupé par les frissons qui avaient couru de manière ininterrompue le long de son échine. Lorsqu’il était finalement ressorti, à la fin du film, il n’avait qu’une idée sommaire de l’histoire qui s’était jouée sous ses yeux. Il avait soupiré, trop régulièrement peut-être. Saisi par le froid, agité par le mal-être, il n’avait pu que penser à toute la merde qui lui tombait dessus depuis quelques temps. Qu’aux blessures qui cicatrisaient lentement sur son visage, mais qui lui rappelaient, chaque fois qu’il passait devant le miroir, que les difficultés ne faisaient que commencer.
Par réflexe, il avait jeté un coup d’œil dans le hall du cinéma. La rouquine n’était plus là, et il s’en sentit immédiatement plus léger. Au moins, il n’aurait pas à essuyer ses petits commentaires mielleux et hypocrites. Il n’aurait pas à lui sourire faussement, puis à essayer de s’échapper avant qu’elle n’ait pu lui mettre le grappin dessus pour l’empêcher de sortir. À la bonne heure. Il rejoignit l’extérieur sans difficultés, laissant la porte battante se refermer derrière lui. Et alors qu’il s’apprêtait à traverser la route en direction du café le plus proche, il fut brutalement coupé dans son élan. Vlan.
Tomber sur le bitume, roulé sur un petit mètre. Sentir le contact violent du béton contre son crâne, contre son coude. Cette veste trop vieille qu’il portait n’avait visiblement pas encaissé le choc, et il n’eut pas besoin de regarder son bras pour sentir la brûlure vive que le tissu déchiré n’avait pas pu empêcher de se créer. Et alors qu’il reprenait ses esprits, qu’il essayait de comprendre ce qui se passait, il se repassa la scène immédiate en tête. Cherchant une raison à un tel choc, cherchant comment ce genre de choses avait pu arriver. Il avait pourtant regardé. À gauche, puis à droite. Il n’avait pas jeté de deuxième coup d’œil à gauche avant de traverser, il était vrai — mais bon sang, personne ne déboulait de la sorte sans faire au moins attention où ils allaient.
Erreur. Y en avait qui le faisaient. Comme cette idiote, qui était en train de se mettre à l’engueuler comme si c’était lui qui était en tort. Il eut envie de lui répondre, mais les mots ne sortirent pas. Sa bouche était pâteuse, et sa tête tournait encore. Le choc n’avait pas été assez violent pour vraiment le blesser, mais suffisamment pour que la terre autour de lui ne se mette à tourner. Et à la dernière phrase qu’elle lâcha, il releva finalement les yeux vers elle. Et alors, il la vit. La rouquine qui l’emmerdait cordialement, chaque fois qu’il passait la porte du cinéma. Son visage venait de changer d’expression, comme si elle savait que sa réaction avait fait sauter le masque qu’elle s’appliquait à enfiler chaque fois qu’elle le voyait. Et comment tu te sens, la pétasse, maintenant que t’as plus moyen de faire semblant ?
Il grommela, s’appuyant sur sa main éraflée pour se redresser. Serrant les dents, grimaçant sur le coup de la douleur. Rouler sur le bitume ne l’avait pas vraiment épargné. « J’vais survivre. Et pas grâce à toi, en tout cas. » Il pourrait se recroqueviller. Il pourrait baisser le nez et filer sans demander son reste. Mais y a quelque chose qui le fait rester. Quelque chose de hargneux, quelque chose de lassé qui le force à répliquer. « Et toi, hein, ça t’arrive jamais de regarder la route quand tu conduis ? » Va chier. Va chier, avec tes airs de princesse supérieur, que j’suis censé faire rien d’autre qu’implorer d’m’apprécier. Va chier avec tes grands airs et ton arrogance interminable.
Va retrouver tous ces connards qui me prennent la tête à longueur de journée. Et allez tous chier.
(c) blue walrus
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Sujet: Re: (middle fingers), ioan. Mar 9 Jan - 19:58
middle fingers
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Pas moyen de juste rentrer chez soi après le boulot, d’enfourcher sa moto et foncer à vive allure à travers Savannah, freinant brusquement aux feux déjà rouges et appuyant sur l’accélérateur quand c’est jaune. Les cheveux qui volent dans le casque, les yeux qui piquent du vent, les doigts qui serrent le guidon et qui se lèvent de temps en temps pour les connards qui ont pas de respect pour les motocyclistes. Non, évidemment, fallait que quelqu’un se mette dans son chemin, le pire que c’est que pour une fois elle avait vraiment des choses à faire, elle venait de se rappeler, bah merde, elle avait un braquage dans trois jours et y’avait rien de préparer. Des cartes à étudier, une voiture à trouver, des itinéraires à penser. Cette fois ça serait chouette si elle évitait de se faire choper et de faire les beaux yeux à Asher. Mais non, rien de simple pour Niamh aujourd’hui, fallait se faire chier au cinéma puis se faire chier par quelqu’un qui se fout devant sa moto alors qu’elle veut juste rentrer. Y’avait plus qu’à espérer que y’avait personne de blessé et que ça se règlerait vite, mais dès que l’accident était arrivé elle avait su que y’aurait rien de simple avec cette histoire. Comme tout, quoi.
Elle l’a reconnu tout de suite, dès qu’il a levé la tête, le paumé du ciné qu’elle l’appelle. Ce petit air de chien perdu qu’elle aimait agacer quand il se pointait. Des p’tits sourires, des p’tits clins d’œil, des p’tites remarques, rien de bien méchant à son humble avis mais la sensibilité ça avait jamais été son fort, c’était pas de famille en quelque sorte. D’habitude il se contentait, le paumé, de se ratatiner le cou pour le cacher dans son col, disparaissait derrière ses cernes et ses cheveux noirs, baisser les yeux même, ignorer la rousse, surtout ne pas répondre. Sauf que cette fois, il la regardait avec des éclairs dans les yeux, il était énervé, faut croire que y’avait bien des limites et que se faire frapper ça réveillait quelque chose en lui. En même temps.
Niamh l’observa, se mordillant un peu la lèvre, elle se sentait un peu mal quand même mais y’avait pas mort d’homme non plus, alors elle allait pas rester là trente-six heures. « J’vais survivre. Et pas grâce à toi, en tout cas. » Il crache, et Niamh soupire un peu. Pas trop, c’est pas le temps d’avoir des ennuis. Et puis il a raison à quelque part. Pourquoi elle embarque pas sur sa moto sans demander son reste, elle en sait rien, il est pas blessé, il va survivre il l’a dit lui-même, alors pourquoi rester plantée là ? Pourquoi c’est rien qu’un gars à qui elle a parlé deux trois fois, c’pas comme si ils se connaissaient de prénom. Et pourtant elle ne bouge pas, la grande rousse, elle ne l’aide pas mais elle ne bouge pas. « Et toi, hein, ça t’arrive jamais de regarder la route quand tu conduis ? » Elle hausse les épaules, soupire encore un peu, elle regarde le devant de sa moto pour s'assurer qu'elle a rien, heureusement non, c'est le pauvre gars qui a tout bouffé. « Oh, c’est bon, pas besoin d’en pleurer, c’pas comme si j’avais fait exprès. » Son ton est désinvolte, sa posture nonchalante, tout indique qu’elle aurait bien mieux à faire mais elle ne bouge quand même pas. Parce qu’il est énervé et qu’elle sait qu’il pourrait appeler la police, la dénoncer, elle savait pas trop quoi, et elle avait pas envie de ça, elle avait pas besoin de ça, et surtout fallait éviter ça. Elle avait plus d’argent alors il lui fallait ce job dans trois jours, si elle se retrouvait au poste de police ou sous le regard d’un policier maintenant ça gâcherait tout.
« Bon, alors ? Ça va être quoi pour que ça reste entre toi et moi, tout ça ? » Elle a pas besoin de tourner autour du pot, faut être honnête, elle veut foutre le camp mais elle veut qu’il se la ferme à propos de tout ça. Elle le regarde, le jeune, elle ne sait pas il a quel âge mais il est plus jeune qu’elle à lui voir la tête. « Tu veux quoi ? » Elle claque sa langue contre ses lèvres, lève un sourcil et ne peut empêcher de vouloir s’amuser un peu, le secouer un peu. Ce gars vient juste chercher un côté d’elle, elle peut pas le retenir. « De l’argent ? Des billets de ciné ? » Elle secoue la tête, soupire un peu, hausse les épaules. « Un blowjob, peut-être ? » Et le pire c'est qu'elle rigole qu'à moitié.