Il sait plus trop comment il s'est retrouvé là ni combien de verres il a bus, tout ce qu'il sait c'est que son cœur bat à l'en rendre sourd ou peut-être que c'est juste les basses, peut-être même que c'est un mélange des deux. Autour de lui les corps en sueur dans ses veines le sang qui bout, il cherche pas il réfléchit pas – pas ce soir il veut pas il veut plus. Ce soir il tire un trait sur l'année écoulée, il se jure de faire mieux, il enchaîne les promesses qu'il ne tiendra pas. Il fait comme les autres, il saute et il s'agite, tympans vrillés par la musique qui éclipse tout le reste ou presque.

Soudain y a un corps contre le sien, des bras autour de lui, une tignasse qui lui chatouille le nez sans qu'il sache à qui elle est. Il reste statique les bras en l'air, jusqu'à ce que l'autre se recule et qu'il le reconnaisse. Ses lèvres s'étirent alors que Leo lui tient le visage, ses mains venant s'poser sur ses épaules bariolées.

Ils font tache c'est ridicule, Leo et sa dégaine de baroudeur, Sid fringué comme un gosse des rues.

Il entend sa voix résonner tout près de son oreille mais n'y comprend rien, il sent ses doigts s'agripper à lui quand un pogo les secoue. Il a chaud il voit un peu flou sa gorge brûle du trop plein d'alcool ingurgité, ses pieds tanguent et c'est à s'demander qui de Leo ou de lui s'accroche à l'autre. Les basses les corps tout tourbillonne autour d'eux, il a un peu la tête qui tourne et son seul point d'ancrage c'est Leo. Leo tactile Leo tout près Leo qui n'semble pas prêt à le lâcher. Et sûrement que c'est pathétique de se tenir à lui comme ça, de s'laisser aller à son contact comme si sa vie en dépendait. Peut-être que ça fait trop longtemps qu'il manque de chaleur humaine, peut-être qu'il a besoin de se fondre entre des bras accueillants une fois rien qu'une fois, juste assez pour oublier les griffes qui enserrent son cœur. Peut-être qu'il craque, peut-être qu'il est désespéré.

Le décompte démarre et y a des gens collés à lui de tous les côtés, les mains de Leo quelque part contre lui, la légèreté des sourires un peu tordus défoncés mal calibrés. Il reste huit secondes mais ses pupilles ne font plus le point son esprit déraille il contrôle plus rien. Ses phalanges qui tirent sur le col de Leo pour l'attirer à lui et ses lèvres qui entrent en collision avec les siennes, ils sont pas arrivés à zéro mais il l'embrasse. Il y met toute sa frustration tout son désespoir on sent son cruel manque d'affection, il l'embrasse comme si plus rien d'autre n'existait comme s'il voulait en oublier comment respirer. Il s'agrippe à lui mais c'est quelqu'un d'autre qui plane dans ses pensées.

Entre ses mains il sent Leo se figer et peut-être qu'il devrait en profiter pour s'éloigner, mais c'est trop tard, il s'est paumé. Alors quand il sent ses lèvres se mouvoir contre les siennes il baisse toutes ses barrières, l'embrasse à en perdre le souffle, laissant échapper toutes les émotions qu'il ravale depuis des années. Ça fait trop longtemps que ça s'accumule faut qu'il évacue et ça tombe sur Leo, parce qu'il est là, parce qu'il lui a donné un peu de sa chaleur, parce qu'il aimerait que ça suffise à panser les plaies.

Pourtant quand leurs bouches se séparent enfin, il est incapable de reprendre son souffle.

Leo qui se marre et il voit ses lèvres bouger sans comprendre ce qu'il dit, y a un bourdonnement à ses oreilles et le sang qui bat à ses tempes, il n'entend plus rien – sent juste les basses vibrer. Il écarquille un peu les yeux comme s'il était lui-même surpris de ce qui vient de se passer, comme s'il avait du mal à l'assimiler. Aux images de Leo se superpose le visage de Mads et il comprend pas pourquoi il a fait ça, pourquoi il s'est agrippé à lui comme un naufragé à sa bouée. Il le regarde se remettre à danser et il sait qu'il s'en fout, mais pas lui. Parce que ça veut dire qu'il est plus désespéré qu'il le pensait, parce qu'il se met à faire n'importe quoi pour combler le vide qui se creuse dans sa poitrine jour après jour. Il voudrait dire qu'il est désolé ou se mettre à rire comme lui mais tout est bloqué.

Il est figé au milieu de la foule, bousculé par les corps en ébullition partout autour de lui, perturbé par ses propres actions – il se pensait pas pathétique à ce point. Peut-être qu'il devrait se barrer, aller décuver dans un coin ou recommencer à picoler en espérant oublier. Pourtant il reste planté là le temps d'une chanson, le temps de laisser l'adrénaline redescendre alors que l'alcool continue de lui faire tourner la tête. Il se fait emporter par les mouvements qui l'entourent, par Leo et les autres, et il se remet à bouger lui aussi, bien décidé à démarrer 2018 en se marrant plutôt qu'en ruminant. Après tout il s'en fout, c'est qu'un écart sans importance, un moment de faiblesse qui restera entre eux. Il a qu'à continuer à danser, et demain tout ira mieux.

( RP TERMINÉ )