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 (père noël) forever us

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Michael Healy

Michael Healy
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MessageSujet: (père noël) forever us   (père noël) forever us EmptyMar 12 Déc - 19:33

Sur le parvis de l'église, assis sur les marches, devant les grandes portes, Michael entendait les chants de la messe de Noël. Engoncé dans ce manteau dérobé quelques heures plus tôt sur le banc du parc public, il tenait d'une main cette cannette de bière pas chère et sans aucun goût d'ailleurs, d'une autre la clope fumait entre ses doigts gelés. Il attendait. Junior était à l'intérieur. Junior s'était infiltré parmi les paroissiens, parce qu'il voulait prier, commémorer la naissance de Jésus ou toutes ces conneries. Michael repensait à ces seize premiers Noël. Les seize Noël avant sa fugue. Il revoyait les costumes assortis que leurs parents les obligeaient à porter, les faux sourires qu'ils devaient distribuer à tous les voisins et les prières qu'ils connaissaient par coeur, qu'ils connaissaient encore. Plus jamais il n'avait fêté Noël depuis ce jour. Plus jamais. Il avait interdit à Junior de le faire. Mais pas cette année. Il sentait bien qu'il en avait besoin. Après tout ce qui s'était passé. Michael lui, avait encore les marques de son accident, de ces semaines à rallonge passées aux urgences. Maintenant qu'il était libre, hors de question de foutre les pieds dans une église. Dieu l'avait laissé tomber. Dieu ne lui avait même pas permis de mourir. La guerre continuait.

Il prit une gorgée de bière et une taffe de ces cigarettes trop fortes.

J'peux te taxer d'une clope ? La voix l'électrisa complètement. Cette voix. Celle de Bee. Non, pas de Bee, son cerveau embrumé coupe l'information tout de suite. C'est forcément Boo. Qui doit être revenue, elles ont la même voix fluette, un brin insolente et douce à la fois. La même voix d'enfant qui n'a pas grandit. Michael n'avait pas la force de lever les yeux, pas la force de l'affronter. Il avala sa salive, repris une gorgée de bière. T'es r'venue finalement ? Qu'il marmonna , d'une voix vaseuse, sans même regarder vers elle, juste ses pieds, qui s'étaient postés sous son nez. Elle portait des vieilles converses trouées. Il n'avait pas tellement le temps de les reconnaître, ces converses. Non, pas vraiment. Il était bourré, il avait trop bu, comme d'habitude. Il était ravagé par le chagrin, encore plus qu'avant. Il détestait Noël.

Alors elle s'accroupit pour chercher son regard, là, en bas des marches, elle pencha la tête sur le côté pour accrocher les yeux bleus, rougis par l'alcool ingéré, et elle fit un sourire. C'est tout ce que t'as à dire, idiot ? Lentement, les yeux de Michael remontèrent le long des jambes jusqu'au visage souriant de la blonde. Lentement, il tomba face à elle.

Ce n'était pas Boo.
C'était Bee.

Il sursauta, comme si on venait de le brancher sur un voltage trop fort. Surchauffe total. Il lâcha la bière qui dégringola le long des marches pour se noyer dans une flaque effervescente. Il lâcha la clope, qui roula au pied de Bee. Elle la ramassa tout de suite pour la porter à ses lèvres. Il prit un peu de recul, les yeux exorbités. Il n'avait jamais halluciné sur elle. Il ne l'avait jamais vu. Bon sang, il aurait adoré. Mais ça n'avait jamais été le cas. Il cligna plusieurs fois des yeux. Incapable de réagir. Son coeur battait trop fort, son cerveau tournait trop vite. Bee était là. C'était elle, pas une soeur, pas un rêve. C'était elle, là, à un mètre de lui. C'était elle, et ses cheveux pas lavé, accroché dans un chignon à la va vite, enroulée dans une écharpe en laine détricotée, dans un jean trop large pour elle. C'était elle et sa peau porcelaine, son nez rouge de froid, ses yeux rieurs, son sourire enfantin. Elle et ses joues roses. Elle était en vie. Elle était parfaite, et elle était en vie. Michael la fixait, sans même savoir quoi dire, sans même savoir comment réagir, sans même savoir s'il pouvait encore dire quoi que ce soit où s'il buggait complètement. Que…Com… Bee se redressa et fit un pas en arrière. Elle haussa négligemment les épaules et croisa les bras. Quoi ? Pourquoi je suis là ? Pourquoi je suis en vie ? Michael se redressa à son tour, et avança vers elle, gardant une distance de sécurité. Il ne craignait qu'une chose : qu'elle disparaisse. Qu'elle ne soit que du vent, et qu'elle s'évanouirait dans la nature à l'instant où il la toucherait. Je… comprend pas… Les lumières des lampadaires se reflétaient dans les larmes qui naissaient au coin de ses yeux. C'était pas possible, c'était pas possible, c'était pas possible.

Non, c'était faux. Il rêvait.

Moi aussi, j’ai pas compris, quand j’me suis réveillée toute seule à l’hôpital. qu’elle lança, piquante. Michael était toujours bouche-bée, il était là sans avoir aucun contrôle sur son corps, sur ses membres. Dans sa tête tout défilait. Tous ces mois, en sens inverse. L’hôpital, la déprime, Anca, l’alcool, le foyer, le deuil, l’accident, les phares, Bee qui riait, lui qui faisait l’idiot. Tout repasse en sens inverse. COMMENT C’ÉTAIT POSSIBLE PUTAIN ? Son rythme cardiaque était à deux doigts d’exploser. Il hyperventilait et les larmes avaient envahi ses joues. Et la voix de Bee retentissait encore. Vous m’auriez laissé crever seule, j’étais dans une colère folle Michael, vraiment folle. Comment j’pouvais revenir après ça ? Michael secoua la tête de droite à gauche. Non, non ça c’était pas passé comme ça. Elle était morte, l’impact l’avait tué. Il avait vu son corps, plié dans un angle impossible sur le bitume. Il avait vu le sang. C’était pas possible, c’était une hallucination, un rêve, n’importe quoi. Pas possible ! Il se passa les deux mains sur le visage, il tremblait de tout son être. T’étais... t’es morte Bee. sa voix se brisa sur la fin. Soudain leurs regards s’accrochèrent. Et c’était comme si on venait d’allumer la lumière. Comme s’il voyait à nouveau en couleurs. Non, j’vous ai largué, c’est différent.

Non, elle n’était pas morte.

Michael prit une grande bouffée d’oxygène, si grande qu’il dû se pencher en avant et se tenir les cuisses pour ne pas tomber à la renverse. Tout ça... TOUT ÇA POUR ÇA ! Toute cette année était un putain de mensonge. Toutes ces insomnies pour rien, tout cet alcool, tout ce chagrin qui l’avait rongé de l’intérieur depuis des mois et des mois, qui avait failli le buter. Toute la colère, la culpabilité.. POUR RIEN.

Il partit dans un grand éclat de rire. C’était sincère, ça sortait du coeur, c’était comme s’il ouvrait enfin les vannes. Elle était pas morte, elle s’était simplement foutu de leur gueule. C’était un rire étranglé de larmes, c’était un rire qui laissait s’échapper tout ce qu’il avait en lui. Bee ne disait plus rien, elle se contentait de le regarder, toujours les bras croisés. Et puis d’un coup, Michael se stoppa net. D’un coup il lui fit face et il ne riait plus du tout. Et puisqu’il n’avait plus peur qu’elle ne disparaisse, il plongea sur elle et agrippa son manteau avec violence. Tu nous as laissé croire que t’étais MORTE putain. il s’était mis à crier. Il la secouait et c’était comme s’il se secouait lui-même. Comme s’il criait pour lui-même. Bee ne s’envolait pas, elle restait là, retenue entre ses mains vengeresses et elle le fixait avec un éclat cassé dans ses yeux si purs. T’AS UNE IDÉE DE CE QUE ÇA A ÉTÉ POUR NOUS ? elle ne répondait rien et Michael la forçait à reculer, sans la lacher. Il voyait rouge. Rouge colère, rouge passion. T’AS UNE IDÉE DE COMBIEN ON A SOUFFERT ? toujours rien. Ils étaient trop proches maintenant, qu’à quelques centimètres l’un de l’autre. Michael entendait le coeur de Bee battre. Son coeur. T’as une idée... commença-t-il en chuchotant. Mais sa phrase resta en suspend dans le ciel. Michael avait agrippé sa nuque et écrasé ses lèvres contre les siennes. Et tout d’un coup, c’était comme si tout était oublié. Il entendait son coeur, il sentait son souffle, il embrassait ses lèvres. Bee était en vie. Il n’y avait plus de haine, et plus de pleurs. Juste la foi. Juste l’amour. Un amour si pur qu’il terrasse même la mort.
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