Dans quoi s’était-il encore engouffré? Il se le demandait bien. C’était parti d’un bon sentiment… Mais le voila baby-sitter maintenant. Il espérait juste que le gamin n’allait pas être relou à lui faire des petits coups fourbes d’enfant pourri gâté. Bon, en réalité, il ne le connaissait pas encore tout à fait. Il connaissait ses parents par contre, depuis un petit moment déjà. La mère s’était prise d’affection pour lui. Hop hop hop, on se calme, elle semblait le considérer comme un fils hein, rien de cougarien là-dedans. En bref, le voila qu’il l’attendait devant chez lui, gentiment, pour l’accompagner à il ne savait quel connerie. Bon, l’avantage, c’est que cela lui faisait des sous. Même s’il s’en fichait clairement de ce fric, ce n’était pas ça qui lui manquait. Il avait accepté parce qu’il ne pouvait pas refuser devant cette dame qui lui offrait des cookies. Des cookies. Comment pouvez-vous dire non aux cookies beurre de cacahuète, dites-moi? Comme résister? Une tentation intenable. Le chantage à la nourriture devait être puni par la loi. Il avait donc accepté sans hésitation, avec un grand sourire, son ventre faisait déjà des soubresauts et sa bouche salivait déjà de plaisir à l’idée d’en goûter, que dis-je, d’en dévorer !
Puis bon, leur chien avait le gros avantage d’être adorable. C’était un très bon toutou, mignon comme tout, très docile et joueur. Il l’aimait bien, et ce ne serait qu’à moitié faux s’il disait qu’il avait accepté cette mission aussi parce qu’il appréciait ce membre de la famille. C’aurait été dommage de le décevoir en refusant de s’occuper de son maître non ? Il se demandait qui était le maître de qui, pour le coup.

Grouille-toi gamin, j’en ai marre d’attendre. Il tira une nouvelle bouffée de sa clope avant de laisser les cendres se faire la malle par terre. Il était simplement adossé à sa bagnole, un bonnet visé sur la tête, à patienter. Leur quartier était sympa, heureusement d’ailleurs. Mais en vérité, il n’en savait rien. Il ne connaissait pas encore très bien la ville pour savoir où il était, et quelle réputation ça avait surtout ! Il supposait que c’était un bel endroit, donc que ça devait être plutôt une bourgeoisie. Mais cela ne restait que ses suppositions, et il n’était franchement pas doué pour deviner la classe sociale des personnes. Lui même ressemblait plus à un gamin des rues avec ses nombreux tatouages, son style désinvolte, ses vêtements parfois troués, voire rapiécés, jamais neufs, qu’à un jeune homme issu des beaux quartiers de Los Angeles. Et c’était pourtant le coup. sa famille vivait depuis des décennies dans un certain luxe dû à ses positions intellectuelles surtout. Oui, l’intelligence, ça pouvait rendre riche utilisée à bon escient. Et donc, avec ce look, qui aurait pu imaginer qu’il était en fait vétérinaire ? Et qu’il aurait pu même devenir médecin ? Enfin, s’il était devenu médecin, il se serait plutôt spécialisé en chirurgie. Il n’aimait pas soigner les petites maladies de tout les jours. Il se voyait mal servir le même traitement, tout le temps, à tout le monde. Genre chaque saison avait ses vis… la gastro, le rhume, les migraines etc. Un travail qui aurait été trop redondant à la longue pour lui. Tandis que vétérinaire… oh vétérinaire c’était beaucoup plus intéressant. Les animaux avaient, certes, leurs propres manières de répondre aux maux. Cependant, ils étaient tellement tous différents qu’aucun jour ne se ressemblaient réellement. Et puis soigner ces êtres fragiles et fragilisés par les humains était une action plus louable, selon lui, que de se focaliser sur les individus ingrats de la société. Mais tout cela pour dire qu’il attendait un gamin pour l’accompagner à il ne savait quoi. Il n’était même pas sûr de son prénom… ça commençait par un A. Arnold, un truc du style.

Aristide se regarda une dernière fois dans le miroir, replaçant maladroitement une mèche de cheveux. Une vraie fillette, pensa t’il alors qu’il ajustait sa cravate. Il portait toujours les mêmes fringues quand il allait en compétition de math, parce qu’il n’avait aucune inspiration et que de toute manière, un pantalon noir, une chemise blanche et une cravate, ça passe partout. Les gens aiment ça, ça donne un air sérieux. Bon, bien sûr, le respect s’envolait toujours quand il ouvrait la bouche et commençait à bégayer, mais au moins l’impression de visu était correcte. Pearl vint mâchonner un jouet à ses pieds qu’il repoussa gentiment « J’ai pas le temps là, on jouera quand je reviendrais demain. » Il sortit de sa chambre, le chien sur ses talons et croisa sa mère dans le salon. Elle l’avait inscrite à un concours de dernière minute, comme d’habitude. Etait-ce rassurant pour elle de savoir que tous ses weekends étaient tellement chargés qu’il n’avait jamais eu l’occasion, comme les autres jeunes de son âge du quartier, d’aller ne serait-ce qu’une fois faire un tour au square ? Elle se méfiait surement des dealers et tous ces crétins qui pourraient le corrompre. Et puis de toute manière, à part ça il n’était pas vraiment bon à quoique ce soit d’autre. Aristide s’approcha d’elle alors qu’elle faisait claquer ses lèvres contre sa joue dans un bisou d’adieu dégoulinant d’hypocrisie. Il fit mine de sourire timidement. Son père était parti rejoindre des amis dans un bar. Son fils partait en voyage avec un presque inconnu. Elle s’inquiétait, comme toujours. Sans un mot, il sortit de la maison, apercevant son super carrosse. C’était celui du véto. Nan mais sérieusement, la dernière personne qui l’accompagnait avait lâché récemment le job pour un truc fixe à macdo, et le seul candidat potentiel que ses parents avaient trouvé, c’était le vétérinaire ? Aristide leva les yeux au ciel alors qu’il s’approchait du grand brun. Il faisait bien une tête de plus que lui. Ça l’exaspérait de devoir toujours être chaperonné comme s’il était en primaire, il était majeur quoi. Un taxi aurait suffi… Mais non, il fallait toujours qu’il soit surveillé. Arrivé à la hauteur de son chauffeur du weekend, il baissa les yeux « S…Sa… salut. » Bordel de putain. Ses joues s’empourprèrent alors qu’il ouvrait la portière pour monter côté passager. « C’est…c’est…. C’est gentil d’av….voir accepté. Moi. Moi. C’est Aristide. » Sa respiration se coupa dans sa gorge alors qu’il essayait d’articuler une phrase. Il prit quelques secondes pour faire redescendre la pression. Le concours était dans une ville voisine, ils avaient quelques heures de route devant eux. Il fallait qu’il se détende. Sérieusement. « Pardon. »

Ah. Voilà enfin le fameux jeune homme. Qui n’était pas si jeune.. un grand garçon, voire un adolescent. Il lui donnait 18 ans à tout casser. Il comprenait donc mieux la réticence des parents à le laisser s’en aller seul, loin. Après tout, Savannah n’était pas safe et à cet âge, il le savait très bien, on pouvait être facilement animé par la folie pure et dure. Entre être avec ses potes, sa copine ou aller à un foutu concours, Zaim n’y aurait pas réfléchi deux fois. Surtout sans accompagnateur. D’ailleurs ça lui était déjà arrivé quant il était ado de skiper l’école pour skater et découvrir les joies des bières et des bedos. Y a un âge pour tout, et à cet âge, l’amusement prime sur le reste ! Surtout quant on est intelligent et promis à un bel avenir.. pourquoi se prendre la tête quant on a des notes plus que passables partout ? Et facilement qui plus est ? La était le crédo du vétérinaire ! Par expérience. 
En bref, il le regarda tout en l’écoutant lui débiter ses petites paroles. Ses joues s’étaient faites rouges.. Zaim compris qu’il allait devoir lui détendre le slip (sans mauvais jeu de mots) parce qu’ils allaient passer beaucoup de temps ensemble ce week-end. Il écrasa sa clope avant de contourner sa voiture et monter du côté conducteur. C’est partie. Aristide était clairement mal à l’aise, bégayait, semblait avoir beaucoup de mal à s’exprimer. Aristide. Pas Arnold donc, comme Zaim le pensait au début. Pas doué pour retenir les prénoms. Il démarra la voiture et mit sa ceinture en bon petit baby-sitter. 

« Ravi de faire ta connaissance Aristide. Tu peux m’appeler Zaim. » Il commença à rouler doucement : « Tu n’as pas à t’excuser. Donc on va où ? J’ai pas vraiment eu de détails de la part de ta mère. » Il omit d’ajouter qu’en fait, il était trop occupé à saliver sur les fameux cookies pour écouter tout ce que la génitrice d’Aristide disait. « Détends-toi je ne vais pas te manger. » Mais oui, Zaim est un ange. Adorable avec tout le monde, même mes méchants. Il avait juste une sainte horreur des prises de becs. Il n’avait vraiment pas envie de passer un mauvais moment avec lui. Puis bon, il était plutôt sympa comme garçon. Ca ne pouvait qu’aller bien. « Qu’est-ce que tu vas faire au fait? Un concours de quoi? » De toilettage peut-être ? Sacrilège de bousiller un week-end pour ça. Alors qu’il devrait être en train de fumer, boire, danser et s’amuser ! Mais à chacun son style, n’est-ce pas ? Il soupira tout en manipulant son volant pour tourner. Heureusement pour toi Aristide, tu as affaire à un très bon conducteur ! Ta place de la mort est safe. En gardant les yeux sur la route, Zaim se permit d’allumer la radio, avec le volume presque plus bas pour écouter Aristide. Les musiques de Noël étaient décidément vraiment partout ! Il commença même a fredonner pour lui-même jingle bells, jingle bells ...