בָּרוּךְ אַתָּה יְיָ אֱ-לֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם אֲשֶׁר קִדְּשָׁנוּ בְּמִצְוֹתָיו וְצִוָּנוּ לְהַדְלִיק נֵר חֲנֻכָּה:
« Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bemitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner 'Hanouka »

C’est la première bougie, celle du milieu puis celle de droite. La flamme qui vacille, tremble, résiste. Comme une gamine capricieuse elle a insisté pour que ce soit elle qui tienne l’allumette pendant qu’Ismaël récite les prières. C’est une jolie voix, douce, chaleureuse, il commence de plus en plus à ressembler à leur père, la kipa sur la tête et les lunettes pour mieux pouvoir lire.

בָּרוּךְ אַתָּה יְיָ אֱ-לֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם שֶׁעָשָׂה נִסִּים לַאֲבוֹתֵֽינוּ בַּיָּמִים הָהֵם בִּזְמַן הַזֶּה:
« Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamime Hahème, Bizmane Hazé »

Elle sent Adam dans son dos qui vient poser sa tête sur son épaule, souffle dans sa chevelure indisciplinée. Elle ferme les yeux Moira, laisse la chaleur la parcourir alors qu’elle tend la main pour saisir celle de Rose. Tous les quatre. Comme avant. Réunis. Le cœur qui se gonfle d’amour, retrouver une étincelle du pays rien qu’un instant, et ça durant huit jours.

בָּרוּךְ אַתָּה יְיָ אֱ-לֹהֵינוּ מֶלֶךְ הָעוֹלָם שֶׁהֶחֱיָֽינוּ וקִיְּמָנוּ והִגִּיעָנוּ לִזְמַן הַזֶּה:
« Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéhé’heyanou Vekiyemanou Vehiguianou Lizmane Hazé »

Ce soir c’est juste eux et personne d’autre. Ce soir ils laissent les querelles de côté, les engueulades croissantes avec Rose, les pleurs d’Ismaël et les rires mauvais d’Adam et de Moira. Ce soir ils laissent tout ça au placard, se serrent fort dans les bras parce que c’est la première fois qu’ils le passent loin de Jérusalem. Ce soir et pendant les sept autres qui suivront ils feront des efforts, rien qu’une fois, enterrer la hache de guerre. Peut être même que ça leur servira, qui sait.
Elle ferme les yeux fort Moira quand elle souffle sur l’allumette, éteint la flamme et la dépose dans la petite coupelle à côté de la Menora. Si seulement ce moment de calme pouvait rester pour toujours, oublier les problèmes à VTT, restaurer le lien avec Leonard, effacer la vérité sur Ryan. Et elle y croit pendant un instant. Tout petit instant. Elle prie fort Moira, tellement fort. Et quand ses yeux s’ouvrent c’est le bleu, le rouge, le blanc et le jaune des bougies qui se mettent à vaciller devant ses pupilles. « non » et la flamme. Si chaude, si belle. Le jaune orange qui danse au gré du courant d’air. Elle sent les larmes qui dévalent ses joues, le besoin de se regarder dans un miroir pour la première fois, le rouge de ses lèvres qui fait n’importe quoi avec le vert de ses paupières. Pas grave. Et puis sa robe jaune et ses collants roses. Pas grave. C’est beau. Une explosion de sens, ça tangue dans ses rétines, parcourir chaque centimètre de la maison pour redécouvrir le tout. Graver ça dans sa mémoire.
Elle voit.
Chaque.
Couleur.
Chaque bleu chaque rouge chaque jaune. Et chaque mélange. Le noir et le blanc qui se fondent dans la foule chatoyante. Comme un putain de miracle. C’est un putain de miracle. Hag Hanouka sameah Moira. C’est huit jours pour espérer.