En vrai, Eoin se demande pourquoi il laisse Luka débarquer. C’est pas qu’il l’aime bien, pas du tout, ou même que ça peut pas lui attirer de problèmes – il se fera sans doute virer si ça s’apprend – ou par bonté d’âme – parce qu’il a pas d’âme, techniquement, enfin il croit pas, ça lui semble être un concept déconnant. En vrai, vraiment, il a pas de raisons de laisser ce type s’incruster dans son musée et encore moins de raisons de faire ça sans protester – et, oui, le sms qu’il lui a envoyé ne compte pas comme une protestation, il l’a à peine fait mariner et il a dit oui tout de suite, tout ça pour recevoir un selfie dont il sait pas trop quoi faire. Non mais c’est vrai, c’est quoi la politique pour ce genre de trucs, en vrai ? Les sauvegarder ? Les stocker pour plus tard ? Faire comme si on les avait pas reçu ? No fucking idea. Ce qu’il sait, par contre, c’est que Luka est 1/ putain d’encombrant 2/ et que ça ne se limite pas à sa personne physique. Un boulet, vraiment. Un boulet avec de la répartie, certes, oui, mais un boulet quand même et Eoin l’attend, près de la porte de derrière, un œil distrait sur sa montre et une cigarette éteinte entre les lèvres.
Le pire, dans tout ce bordel, c’est qu’il a même pas besoin d’un briquet. Enfin pas dans l’immédiat. Son dernier est dans sa poche et s’il en a demandé un à Luka c’est juste pour pas qu’il pense qu’il fait ça par compassion. Plutôt crever que de dire à quelqu’un qu’il est okay pour l’aider. Plutôt se jeter sous un pont que de le laisser croire qu’il a une once d’intérêt pour le fait qu’il dorme ou pas dans la rue. C’est hypocrite, en vrai, parce qu’il s’en soucie de façon générale – parce que personne devrait vivre dans le froid et crever la bouche ouverte – c’est juste qu’il s’en soucie pas de façon personnelle, ou c’est ce qu’il tente de se raconter, en tout cas, assis en tailleurs par terre, un café posé à côté de lui et le pied qui tapote contre une caisse qui a été laissée là pour une raison ou une autre – sans doute parce que tout le monde a eu la flemme d’aller la balancer dans la benne à ordure, ce qu’il pourrait faire mais, merde, il est pas payé pour. Il sursaute pas, quand la porte est poussé à côté de lui, se contente de coller un coup de coude dans le premier mollet qui passe et de tendre sa cigarette vers le nouveau venu d’un geste autoritaire. Il espère que Luka lui laissera le briquet pour en avoir un en rab et pas en avoir à racheter. Il espère beaucoup de choses, en vrai, comme avoir une soudaine lettre d’excuse du fond de bourse qui aurait pu lui payer ses études y a quelques années ou que le frigo de la maison familiale soit soudainement rempli mais il sait que tout se passe pas comme prévu.
« T’as traîné, mec. » Il sait pas si c’est vrai, il a juste envie de râler. « Si tu chourres un tableau, je te le fourre au cul, sache-le. »
Non pas que ça risque d’arriver parce qu’il a autre chose à foutre que laisser ses squatteurs tirer des trucs mais ça vaut toujours le coup de prévenir. Il prend déjà des risques à le laisser rentrer, il a pas envie de prendre encore plus de risque et de se retrouver encore plus sur la paille qu’il ne l’est déjà. Non pas qu’il soit plus sur la paille que Luka mais c’est un détail, en soit. Un gros détail. Sans doute. Il s’en fout, à ce moment-là, il aura peut-être des scrupules plus tard.
« Tu sens le chien mouillé. » Il marque une pause et fronce les sourcils : « Au fait. Je suis censé en faire quoi de la photo de ta tronche que tu m’as envoyé ? »
Non, y a pas à dire, Tag est d’une humeur charmante ce soir-là, et il se relève d’un geste qui se veut gracieux mais qui se transforme rapidement en une chute manquée lorsqu’il se retrouve déséquilibré par son propre poids. Il est fatigué, ouais. Pas qu’un peu, ouais. Il préférerait dormir, à ce moment-là, parce que ça fait déjà plus de vingt-quatre heures qu’il est levé parce qu’il a rien trouvé de mieux que d’avancer son boulot pour les cours plutôt que de pioncer. Un sens des priorités imbattable, tout ça. Il espère juste que son café réglera ça.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Mar 5 Déc - 19:40
Un putain d 'sms. C’était l’idée la plus conne que t’avais jamais eu, pioncé dans un musée, bah bien sûr, en plus y avait plus de la moitié des chances pour que tu ne dormes pas, pour que tu discutes juste avec Tag, que t’hausses le ton un peu trop fort et que ta voix se brise en des milliers de morceaux, qu’elle devienne rauque et que tu continues. T’as plus l’habitude de parler autant, ça te fait du bien, pourtant. Peut-être que t’as bien fait au final d’aider ce petit con prétentieux à faire des tags corrects sur des murs un peu trop dégueulassés par d’autres avant lui. T’avais envie de le voir peut-être, de discuter, t’a un reste de blessure sur la face mais tu t’en branles, à croire que tu t’en branles de tout dans la vie et avec les deux mains en plus de ça. T’es lent, un peu trop, mais t’as mangé seulement un cookie dans toute ta journée et putain t’es décédé, plus que d’habitude, pâleur cadavérique, tu savais que tu tomberais malade à un moment ou à un autre ça arrive trop souvent en ce moment, faut croire que ton cadeau de Noël à ce monde ça sera ta mort. Ça fait trois piges que t’es un paria, parasite, espèce de rat qui se cache là où il peut, et peut-être que t’attends juste qu’on te mette une balle pour enfin t’en aller, ça t’arrangerait, t’es trop faible pour le faire toi-même, parce que tu vois, tu comprends, tu sais ce que ça ferait aux gens qui tiennent à toi, même si tu les comptes sur les doigts d’une main et que t’es même pas certain que ce soit sincère. Putain quelle vie de merde, tu donnes des coups de pied dans une cannette, trop bruyante, tout t’énerve, même toi, surtout toi. T’as plus de batterie sur ton téléphone, plus de musique, plus rien pour t’apaiser, ta clope au bec et tes yeux dans le flou, tu penses qu’il serait temps que tu ’investisses dans des lunettes. Ah, merde, c’est vrai, tu peux pas. Puis c'pas parce que ta vision est défaillante, c’est juste parce que tu ne clignes pas assez souvent des yeux, tu restes fixe, perdu, statue de cire, de marbre. Tu pousses juste cette porte, coup que tu te prends dans le mollet, tu le savais, ce bâtard. « J'suis pas désolé. » Tu te penches, allume sa clope d’un geste, expert, peut-être trop, en même temps il est cool Tag, il le mérite, et tu lui lances le briquet, sur la jambe, parce que lui donner directement serait un trop grand honneur. « Si je choure un tableau, tu t’en apercevras même pas, et c’est toi qui l’auras dans l 'cul. » Sourire, faux, ironique, farceur, parce que ça marche comme ça, les piques qui font sentir vivant, comme de l’électricité, les terminaisons nerveuses qui se remettent en marche. « Et tu sens le café, merci pour cette intervention très utile. T’as d'autres infos déjà connues à balancer ? » En vrai ça te fait chier, ça doit faire deux jours que tu prends des douches au déodorant, c’est efficace mais ce n'est pas un miracle. La photo, ah, ouais, ça, l’art de trouver un angle correct ou bien complètement dégueulasse et de l’envoyer à un de ses potes. « Branle-toi dessus. » Eoin qui essaie de se relever, essaie est bien le mot parce que t’as vraiment cru qu’il allait finir la tête contre le macadam, ça aurait été un problème. « Fait gaffe merde, si tu te blesses je te laisse crever tout seul. » C’est faux, tu ne ferais jamais ça, mais t’aimerais lui faire croire, sans cœur, égoïste et à la rue, le gros con à l’état pur. « En fait, le seul truc que t’as à faire, c’est illuminé le musée avec ta petite torche et demander dans le vide si quelqu’un est là quand tu flippes ? Easy. » Ouais, tout le monde pourrait le faire, tu supposes que c’est pour ça qu’il bosse là, pour ça et pour l’amour de l’art, toi t’y connais rien à l’histoire de l’art, tu t’en branles, tu fais que créer.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Mar 5 Déc - 20:49
C’est bien de discuter avec Luka, parce que c’est comme jouer au ping pong avec des couteaux en céramique, tu rates ton échanges et tu te fais planter. Bon, c’est pas lui qui a l’air d’avoir passé une sale soirée, c’est vrai, parce que la tronche de son comparse fait plus la gueule que la Joconde mais il est pas passé loin et il roule des yeux lorsqu’il fait une remarque à propos de son taff. C’est pas faux, il veut bien admettre, mais merde, il fait chier quand même, il a un peu de fierté pour son job. Pas grand-chose, à peine de quoi tenir et de quoi le pousser à se lever le matin, mais quelque chose quand même. Il tire une gueule pas possible, au final, colle un coup d’épaule à Luka pour le pousser à le suivre, l’embarque à sa suite une fois qu’il a récupéré sa tasse de café et le briquet qui s’est échoué au sol. Peut-être que c’est le moment de faire preuve de charité et de lâcher Luka sur les yaourts bientôt périmés qui traînent dans le frigo commun. Ce serait un bien pour tout le monde, autant pour le collègue qui les a oubliés que pour lui qui en peut plus de les voir traîner au fond du frigo sans personne pour les bouffer. Il a pas spécialement envie de s’y risquer lui-même mais bon, il est presque sûr que ça fera un heureux, éventuellement.
« Je t’enverrais une photo de mon sperme sur ta gueule, tu ricaneras moins. » Il lui balance, du ton le plus plat du monde, lorsqu’il pousse la porte de la cuisine commune. « Pioche dans le frigo, j’aime pas bouffer tout seul, tu fais chier à rien avoir ramené. »
C’est pas comme s’il savait pas pourquoi Luka arrivait les mains vides, c’est juste qu’il a pas envie de jouer les pleureuses. Ça mène à rien de geindre et de rien faire, toute la compassion du monde remplira pas l’assiette des SDF. Ça tombe bien parce que Tag a déjà pas assez de compassion pour lui même pour en plus en distribuer au premier venu, aussi insupportable soit-il – et sympa, et cool, et intéressant, ouais, mais ça sert à rien de le mentionner. Il en profite pour chopper son sandwich, qui doit être vaguement quelque chose comme du jambon et du beurre, il est pas sûr, c’était dans le frigo ce matin avec son nom écrit dessus et il est presque sûr que c’est Deirdre qui lui a fait – il a pas envie d’y penser.
« T’es un fils de pute de chacal, quand même. » Il en rajoute une couche, juste pour le plaisir de sentir l’insulte rouler contre sa langue, parce qu’il a pas besoin d’être poli avec Luka, pas besoin de se contenir de trop, pas besoin de jouer la façade de mec bien pour communiquer avec lui. « C’est une autre information évidente que je te balance, tiens, cadeau. » Il hausse les épaules. « T’apprendras que ce taf implique que je dors pas, parce que j’ai cours le reste du temps et c’est la merde. Mais ouais, c’est tellement simple que personne veut le faire, tu vois, ça doit être un taf dégradant comme genre éboueur. »
Peut-être qu’il préférerait être éboueur, en fait, il en sait rien, ça changerait peut-être un peu. Il en voit des bouses, au musée, ramasser des ordures changeraient pas trop – de toute façon il ramasse des ordures aussi, la preuve, Luka est là et il lui file même à bouffer, le salaud. Il sait pas trop si son job est dégradant, en vrai, il suppose que non, parce que y a des gens qu’ont fait des films dessus et que les gens sont assez teubés pour penser que ça lui file des lettres de noblesse. Pour passer le temps, il allume sa lampe de poche dans la gueule de Luka, un sourire de petit con sur la gueule, parce qu’il a rien de mieux à faire que ça et parce qu’il a pas vraiment d’argument à opposer de toute façon – ce qui le fait chier, vraiment, mais bon.
« Au fait, tu veux du café ou tu préfères resté parfumé à l’odeur de clebs trempé ? »
Non parce que quitte à se refaire une tasse, il peut bien filer le rab de café froid à quelqu’un d’autre.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Mar 5 Déc - 21:50
Deux connards. C’est ce qu’ils étaient, ce qu’ils sont, Eoin et Luka, les deux têtes à claques. Honnêtement, tu comprends, il a un côté hautain, prétentieux, il est râleur, et toi ça te fait rire, parce que t’es comme ça aussi, que tu comprends, que tu le prends dans le bon sens. Putain, des gueules cassés, des rebelles sans causes, enfin, si, une seule cause, la leur. Tu préférerais crever plutôt que d’avoué que t’apprécies Tag, parce que merde c’est un jeu et il te plaît, te sentir vivant ça faisait longtemps, normalement tu ne ressens ça que parce que tu dessines, que ça t’énerve, te fait vivre, te passionne. Le jeu entre toi et Eoin c’était ce qui était cool, parce que tu réfléchissais, que tu faisais pas gueuler à qui veut l’entendre que le monde est corrompu par des fils de putes de riches qui pensent qu’ils sont les maîtres du monde, même si c’est vrai et qu’ils sont les maîtres du monde tu ressens le besoin de le dire. Mais c’était plus fin que ça, les lames acérées qui peuvent percer une artère, les remarques qui blessent, c’était ça votre jeu et c’était sadiquement amusant. Même si tout était sérieux rien ne l’était vraiment, c’était des blagues de potes, un jeu étrange, un jeu étrange mais qui te faisait te sentir un peu exister, ne plus être une ombre qu’on ne regarde pas, qu’on bouscule, devant laquelle on grimace, être traité comme un être humain et pas comme un clébard ou un reclus ça faisait du bien. Et il réplique le petit con et un sourire carnassier se dessine sur ton visage, le ton de ta voix qui se fait rieur, tu te fous de sa gueule. « Tu crois ça ? J'suis sûre que ça serait excitant comme tout. » Les sourcils qui se haussent, sourire en coin, putain tu te détestes mais c’est beaucoup trop drôle. Parce que oui, évidemment que tu le suis, t'es pas là pour partir directement après, t’es là pour lui tenir compagnie, le faire chier, créché, tu sais pas quelle vérité est la plus logique. « Oh désolé, me restait une pomme à moitié bouffée par les vers et un morceau de cookie pourrit, c’était une régale je partage pas. » Ce n'était pas si faux que ça, pour le cookie en tout cas, la pomme c’était un mytho pour embellir. Les yaourts que tu trouves, tu peux pas refuser de toute façon, ça se trouve ils sont morts depuis les années vingt, mais tu t’en bas les couilles, t’as juste le réflexe de t’asseoir sur la table, surélevé, t’aime être grand. « Et toi t’e un fils de pute tout court. » T’as pris une cuillère en plastique avant de t’installer, logique, et tu commences à manger, en fait t’es tellement fade parce que tu ‘apprécies même pas ce que tu manges, t’es le pire des clodos quand même. « Ça me touche chéri, merci, tu fais augmenter mon Q.I à chaque fois que je discute avec toi. » Ironie brûlante. T’as la tête légèrement penchée, preuve que tu l’écoutes, que t’es attentif, ça arrive pas souvent, la plupart du temps t’a de la peinture au bout des doigts et tu réfléchis à quoi répondre. « Personne ne t'oblige à le garder ce putain de taff, puis ça doit être la merde pour tous les gens qui ont une vie au soleil de bosser dans un truc comme ça, perso ça me ferait flipper, je ferais des gros bad trips en mode paranoïa au niveau cent soixante-dix je crois. Genre imagine t’as un bâtard de coup de vent qui fait tomber un truc, c'mort tu pars en courant telle une tapette sauvage. » Tu tousses légèrement. « Du respect pour les éboueurs p’tit con, au moins eux ils sont utiles à la société. » En plus t’es presque sûr qu'Eoin dépasse ton mètre soixante-quinze plutôt facilement, peut-être que c’est pour ça que t’aimes être grand. Une lampe de poche dans la tête, tu bronches même pas, tu fermes juste les yeux et tu les ré-ouvres, faut croire que t’as l’habitude de te prendre des lumières fortes dans la tête à force, la police et ses descentes nocturnes, la joie. « J’sais pas, j'suis mitigé, je préfère sentir le clebs plutôt que le bourreau de travail éternellement insatisfait, puis le thé c’est mieux pour la peau tu sais, t’en aurais bien besoin. » T’allonge une de tes jambes, t’es vraiment un connard. « Café, avec beaucoup de sucre, merci. » T'en perd pas ta politesse, faut croire que t’es bien élevé finalement, t'aurais pas cru. « T'as jamais eu envie de vandaliser ces tableaux ? Genre les arrachés et peindre dessus ? Histoire de laisser ta trace en détruisant celle d’un autre. Je trouve ça foutrement poétique, ça me ferait presque bander tiens. » Vraiment con.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Mer 6 Déc - 13:31
Il a un œil qui s’accroche sur la silhouette de Luka lorsqu’il se retourne pour faire bouillir de la flotte, un vague sourire sur la gueule et l’envie de se coller des baffes pour lutter contre ça. Il est pas content qu’il soit là, faut pas déconner. Il pue, il prend de la place, il bouffe et en plus il va sans doute aller dormir dans un coin et le laisser retourner à son job abrutissant. Nan, vraiment, il a pas de raisons d’être content de voir débarquer Luka, avec son yaourt à la main et son cul sur la table, pas plus qu’il a de raisons d’être content de voir ouvrir un énième macdo à Savannah. Ouais, les deux sont comparables. Non, il en fait pas des caisses. Pas son genre. Enfin c’est le mensonge qu’il se raconte en tout cas, parce qu’il est très fort pour ça, et lorsqu’il fait demi-tour, une main sur la hanche, il roule des yeux pour la bonne mesure. Du sucre. Il veut du sucre. Dans son café. C’est aberrant, en soit, parce que ça a pas d’intérêt, et qu’il est pas sûr que la caféine plus le sucre soit réellement une bonne idée. Il est pas là pour protester sur les habitudes alimentaires de son parasite nocturne, il suppose. De toute façon, c’est pas son sucre alors il s’en fout un peu, lorsqu’il renverse le paquet dans la tasse avec une mauvaise volonté très appuyée. Il veut du sucre, hein ? Il est pas sûr que y ait assez de café pour éponger. Fallait pas demander, fallait être plus précis, fallait pas avoir les habitudes alimentaires d’un gosse de cinq ans et il plante ses yeux dans les siens en relevant le paquet lorsque la tasse est remplie à moitié. Bim, il pense, comme un enfant de cinq ans lui aussi, alors qu’il attrape sa tasse pour en boire une gorgée avant de poser l’autre tasse, fumante, à côté de son invité. À défaut d’être mature, Eoin a passé l’âge des sucreries.
« Je ne te permets pas de présumer des activités de ma mère. » lance-t-il d’un ton léger parce que la vérité c’est qu’il s’en cogne. Il joue, à ce moment-là, quand il le déshabille du regard, se penche juste légèrement, un sourire au lèvre, pour lui lancer. « Peut-être qu’elle a une pute de fils, tu sais. »
Il ricane, lorsqu’il se recule, retourne une pichenette sur le front de Luka avant de s’installer sur une chaise, en tailleurs. Il pourrait le rejoindre sur son perchoir, mais il a moyen envie, c’est pas la position la plus pratique du monde pour discuter et s’il y a une chose qu’ils font bien, c’est ça, il serait con de s’en priver, il pourrait plus recevoir les pensées lumineuses de cet abruti sur son taff, sur le thé et sur l’art, une grosse perte, vraiment. Il ravale un sourire, lorsqu’il s’imaginer crever les yeux du putain de portrait immonde d’une nana qui le fixe à chaque fois qu’il monte dans la galerie du deuxième étage, secoue la tête, capitule. Évidemment qu’il a des envies de vandalisme. C’est ce qu’il est à coeur, de toute façon, un vandale. Pas un artiste, pas un dessinateur, pas un peintre, un vandale, un chaotique, un destructeur. Il crée depuis les ruines et depuis les décombres, pas depuis ces nanas qu’on voit sur tous les tableaux et dont l’art ne se lasse pas.
« J’aurais trop peur de me faire buter par le fantôme de l’ancien gardien, si je fais ça. » Il lance, l’air de rien. C’est du bullshit, évidemment, il croit pas aux fantômes et l’ancien gardien coule des jours paisible en Floride, il envoie des cartes de vœux tous les ans. C’est du bullshit mais il fait tourner sa tasse entre ses doigts, adopte l’air profondément confus que feint Rowan lorsqu’il est pris la main dans le sac en train de faire le mur et qui lui donne l’air absolument parfaitement putain d’innocent alors même qu’il est en train d’enjamber le rebord de sa fenêtre. « Il s’est fait tirer entre les deux yeux le jour de Noël, tu vois. Faut croire qu’on est d’utilité publique quand il s’agit d’arrêter les balles. Ou quand il faut faire des films débiles. Les statues prennent pas vie, ici, apparemment, mais on a jamais mis la main sur la personne qui l’a buté et on sait pas non plus comment il est entré et est sorti. Y avait rien sur les vidéos surveillances. » C’est difficile de raconter un truc aussi énorme sans rire mais il maîtrise suffisamment bien ses expressions pour conserver un air soigneusement neutre. « On a une statue aspergée de son sang, dans la réserve, par contre. Personne ose y toucher. »
C’est à moitié un mensonge. Il y a une statue aspergée de vomi, dans la cave et personne n’a réussi à se motiver à la nettoyer parce que l’odeur s’est incrustée dans la pierre – qui est putain de poreuse, à son sens, et Eoin est certain qu’ils se sont fait entuber quand ils l’ont acheté parce que personne ne fait de statues dans des pierres d’aussi mauvaise qualité, mais il a pas voix au chapitre, de toute façon, et il espère qu’ils se sont fait enculer en beauté de toute façon.
« Du coup pour répondre à ta question, j’y ai beaucoup pensé mais je n’ai jamais passé le pas. » Il hausse les épaules, sourit largement. « Et je pense que tu devrais te refréner si tu comptes dormir ici et pas crever comme un clampin. »
Pas besoin de fantômes, pour mourir. S’il lui fait perdre son job, Eoin le butera de ses propres mains.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Jeu 7 Déc - 14:17
Tu peux pas mentir, Eoin est beau. Ce type de beauté qu’on croise tous les jours et à laquelle on ne fait pas attention, mais il aussi ce regard un peu trop intelligent, un peu trop perturbé aussi, on dirait qu’il veut cramer la terre entière juste pour s’amuser, peut-être que c’est le cas en fait c’est même quasiment sûr. Peut-être que c’est stupide, mais tu l’aimes vraiment bien Tag, parce qu’il est un peu trop bien pour ce monde, c’est un sentiment que tu comprends pas, peut-être que c’est comme un frère au fond, peut-être que c’est juste parce que t’es resté seul sans personne trop longtemps aussi. Tu commencerais presque à culpabiliser de le laisser prendre des risques pour toi, parce que si des gens apprennent que t’es venu il risque de se faire virer et bien correctement, peut-être qu’au fond sous ses airs de gros connard il t’aime bien mais plutôt te coudre la bouche avec du fil dentaire que lui demander. Tu vois le truc de sucre qui se rabaisse qu’après des bonnes dizaines de secondes, ce gosse veut t’empoisonner ou bien réguler ton taux de glycémie à un truc qui avoisine pas le moins dix. Pour être honnête, t’aurais sans doute préféré un chocolat chaud, ça aurait été plus dans le thème de Noël, mais tes mains sont congelées et un café va te donner un aspect plus vivant, comme un masque sur ton visage en décomposition, il se fait des drôles d’amis Tag quand même. « Qui dit que je présume, je l'ai croisée une fois tard le soir dans une ruelle, joli décolleté d’ailleurs, elle te ressemble. » Tu te penches en même temps que lui, geste calculé, un peu trop, tes yeux qui se plissent. « J’en doute absolument pas… Peut-être que c’est toi que j’ai croisé finalement, tu prends pour combien ? Ah oui, c’est vrai, n'ai pas de tunes mais ça doit pas être si cher que ça. » T’es vraiment un enfoiré, mais vu le nombre de couteaux que tu lances à la minute tu pourrais faire des prestations dans un cirque. Une pichenette sur ton front et tu te mords la lèvre. « Pas intéressé hein ? Tu perds un truc là. » Peut-être que t’as deux ou trois ampoules qui ont pété tout en haut, mais au fond ce n'est pas ça qui est beau ? S’assumer dans sa connerie, dans sa folie, dans son spleen et dans son âme. L’âme, tu sais même pas si ça existe ou bien si c’est juste par relent poétique que t’y penses, un peu de croyance en toi peut-être, tu n'as jamais été élevé avec les principes pieux, tu t’en bas royalement les couilles, la seule personne en qui tu crois à la limite c’est Eoin, ce comme si tu croyais en la réussite d’une célébrité, mais tu peux même pas parler de Kevin Spacey parce que c’est un gros pédophile, toute la société se barre en couilles et toi t’admire, peut-on tomber plus bas que terre ? T’aurais aimé étudier ça en philo quand t’allais encore au lycée, ou peut-être que tu l’as fait et que tu t’en souviens plus, t’façon cette année-là c’était la merde, ta mère pétait des câbles, ton père se désintéressait et puis ta sœur est morte. Ouais, tu remues souvent le couteau dans la plaie comme ça, crétin qui se perche sur un pont, sur le haut d’un toi et qui recule avant d’avoir sauté, tu te trouves faibles tafiole insolentes qui aimeraient prendre une balle perdue, histoire d’en finir vraiment avec le monde, les gens, les normes. T’attrape la tasse de café et tu bois, trop sucré, mais tu gardes un visage beaucoup trop neutre, serein, parfois t’as pire, une machine à café qui fait chier et qui mélange le chocolat avec leur merdre mi-liquide mi-solide qu’ils nomment café court. Bref, le sucre remonte, peut-être qu’il te donnera assez d’énergie pour ne pas dormir, à quoi ça servirait. Une ou deux heures maximum, histoire de faire un peu disparaître tes cernes, t’as l’air d’avoir dormi que trois heures depuis ta naissance, tragédie. Une histoire de fantôme, quel con, bien sûr que t’y crois pas, mais y’a cet aspect un peu morbide qui t’attire, qui te fait l’écouter pendant que tu bois ton sucre au café. « Si j’étais lui je t’aurais déjà buté depuis longtemps. Genre en te faisant tomber une statue sur la colonne vertébrale ou sur la tête. » T’hausses les sourcils, c’est beaucoup trop gros et Tag le sait, il en joue, tu le connais trop pour tomber dans le piège. « Tragique, tu crois qu’on doit lui donner des cookies comme au père Noël pour éviter sa vengeance et qu’il ne te bute le vingt-quatre ? » Rire que t’étouffes mal, reprennent une gorgée et soupir de bien-être. « Y'avais rien sur les caméras parce qu’il était en train de se branler devant une statue quand c’est arriver. » Trop de références au sexe, beaucoup trop. « J'suis sûr qu'y a des gens qui se déplacent exprès pour voir cette statue et la mettre sur leur tumblr. » Tu rallumes ta clope, mélange aigre-doux, cendre et café, t’espère qu'y a pas un détecteur de fumé, au pire c'pas ton problème, fin, si, un peu, mais pas tant. « T’es doué pour les histoires de fantômes, ça aurait presque pu me faire flipper. » Si personne n'en avait parlé dans les journaux c’est que c’était un mytho, c’est comme ça que ça marche dans le monde d’aujourd’hui. « Par contre des clodos qui crèvent le jour de Noël ça, yen a plein. » C’est ce que tu comptais faire, en fait, te suicider en décembre, pendant les fêtes, disparaître comme ça l’air de rien. T’es égoïste.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Jeu 7 Déc - 17:08
Eoin a le goût du café sur le bout de la langue et la fumée de sa cigarette dans le nez. Il a pas le droit de fumer ici, normalement, mais il se gêne pas, parce qu’il est sous-payé pour un travail à la con et que y a personne pour le surveiller de toute façon. La nana qui assure l’ouverture le balancera pas de toute façon, parce qu’elle essaye de le convaincre d’aller boire un verre avec elle depuis qu’il a commencé à bosser là et qu’il refuse pour continuer de lui agiter une carotte sous le nez. Ça marche, il sait pas comment et il se pose pas la question. Il suppose qu’elle est désespérée ou trop gentille, il veut pas trop y penser. Ça fait marrer Rowan quand il lui parle d’elle et il suppose que ça lui donne une utilité de plus, au moins. Il profite de la bouffée qu’il tire pour recracher de la fumée à la tronche de Luka. Il est contrariant, Luka, parce qu’il rebondit même sur ses meilleurs sorties et qu’il lui laisse jamais de répit. Il est contrariant, stimulant, emmerdant, un peu de tout ça et Tag se laisse glisser un peu plus sur sa chaise pour profiter du bruit qu’il fait. C’est trop silencieux, certain soir, et Tag se demande s’il est sourd ou s’il a oublié d’écouter, s’il est encore en vie, s’il est en train de rêver. C’était trop silencieux, ce soir, alors il profite de sa voix et du bruit de sa respiration, de son fut’ qui frotte sur la table et de ses mains qui attrapent sa tasse, de tous les bruits qu’il fait parce qu’il est là, et vivant, et en train de raconter des conneries plus grosse que lui. C’est pas dur d’être plus gros que Luka, en soit, vu qu’il bouffe pas les trois quart du temps, mais avoir une connerie en forme d’humain ça pèse quand même son poids, il suppose.
« Je savais pas que tu fantasmais sur mon décolleté, mec. » Il répond, la tête renversé sur le dossier de sa chaise alors qu’il balance des ronds de fumée dans l’atmosphère. Il se demande si c’est vraiment très raisonnable de ne pas avoir mis d’alarme incendie dans la cuisine du musée, mais il s’en fout, lui ça l’arrange. Peut-être que les patrons ont confiance dans les capacités de cuistot des mecs qui bossent là, ou alors ils sont inconscients, ou alors l’ancien gardien de nuit l’a viré parce que lui aussi fumait. Trop de possibilités. « Mais je prends note, je déboutonnerais plusieurs boutons de ma chemise, la prochaine fois que je croise ta sale gueule. » Oh il sait bien que c’est pas ce que voulait dire Luka mais c’est plus rigolo de faire mentir les mots qu’il prononce, de les tourner, détourner, retourner, de les tordre et les distordre jusqu’à lui faire dire ce qu’il veut qu’il dise. « Peut-être que je suis intéressé. » Il se redresse, avec son plus beau sourire de salaud sur la gueule. C’est facile d’être un connard, simple de provoquer, tellement aisé de pousser les gens. C’est plus dur d’assumer ensuite et c’est peut-être pour ça que tout est une blague, que tout est un pas de côté. « Tu saurais pas le dire, si je l’étais. »
Bien sûr, qu’il saurait pas. Eoin est pas sûr d’être capable d’être intéressé par qui que ce soit, pas sûr qu’il saurait lui-même s’il l’était, parce qu’il s’est jamais laissé faire, parce qu’il a toujours combattu bec et ongles les sentiments, pour mieux s’en protéger, pour s’épargner la vulnérabilité. Il a pas envie de se brûler, pas envie de se faire démolir, encore une fois. Il a trop bouffé pour laisser tomber les barrières et même cette fille qu’il arrêtait pas de suivre des yeux lors de sa première année de fac n’a pas su trouver grâce à ses yeux. Peut-être qu’il l’aimait, il a jamais su. Peut-être qu’il était attiré, il veut pas y penser. Il hausse les épaules, pour chasser la conversation, slalome entre les mines qu’il a lui-même pensé parce qu’il s’aventure sur des terrains qui lui hurlent danger sans assez y penser et qu’il finit toujours pas regretter. Il regrette déjà, parce que le sujet est inconfortable, parce qu’il est presque sûr que Luka va pousser, parce que c’est comme ça qu’ils jouent, parce qu’il s’est mis dans la merde tout seul et qu’il peut pas compter sur ce bâtard pour l’en sortir. Il a un peu la gorge sèche, peut-être, alors il avale du café, tend la main vers son sandwich pour en mordre un bout. Il ricane, quand il parle des abrutis de tumblr qui viendrait prendre en photo la fameuse statue tâchée et fait tourner sa tasse entre ses doigts, lorsqu'il change de sujet.
« Tu viendras crever sur les marches de chez moi, si tu canes cet hiver, au moins ? » Il a le visage le plus sérieux de la terre et pas une once d’émotion. Il serait triste, si Luka mourait, mais plutôt crever lui-même que de se montrer inquiet devant lui. Ça lui filera pas des couvertures, l’inquiétude, ça lui filera pas un toit non plus. S’il est pas trop chiant, il l’invitera peut-être à passer le réveillon chez lui. Il dira à sa mère que c’est son premier copain, juste pour voir la tronche qu’elle tire, juste pour voir si Deirdre réagit. « Histoire que ta vie serve à quelque chose. Je pourrais faire une photo choc de ton cadavre et après on sauvera les autres comme toi. »
Il devrait pas blaguer là-dessus mais il s’en cogne, c’est comme ça que ça se passe aujourd’hui et ça le fout putain d’en colère. Il fait avec, pourtant, parce qu’il a pas le choix, mais il emmerde les médias et s’il pouvait bomber une de ses chaînes à la con qui diffusent les infos avant le nouvel an peut-être qu’il le ferait. Genre la Fox. Putain ouais la Fox.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Jeu 7 Déc - 18:46
La solitude, parfois ça fait du bien quand ça s’arrête, quand on est entouré d’une ou deux personnes quand on se rend compte que malgré ce qu’on pense de soi on peut être ami avec d’autres gens. Ça te fait du bien, à toi. T’as plus l’habitude, les contacts, les sourires, les rires ils sont comme mort-nés dans ton être, ça arrive souvent que t’aies envie de sourire mais pas le courage, pas la force, parce qu’il faut faire semblant pour satisfaire les gens, pour qu’une blague moyenne devienne drôle, les mensonges sont tellement répandu ça te fatigue et ça te brise un peu plus. T'oses pas toucher les gens, parce que tu te sens sale, dégueulasse, que t’as honte d’être ce que t’es, que tu veux pas rendre mal-à-l’aise, tu veux pas être une gêne, c’est loin d’être débile, quand t’avais que dix-huit ans on te demandait de ne pas approcher, parce que t’étais dehors, que c’était sûr que t’étais malade, que t’étais un reclus, que t’étais pas assez bien, tu l’as enfermé dans ta tête, ça ne sort plus, t’y crois dur comme fer, si la majorité le pense c’est qu’ils ont une raison de le faire, peut-être que t’es faible au fond. Quand tu te regardes dans des miroirs tu détestes ce que tu vois, la plupart du temps du sang séché, un corps trop fin, beaucoup trop fin, ça te rendrait presque malade, ça te dégoûte, tu te dégoutes, t’as choisi d’en arriver là, t’aurais pu te prostituer après tout mais t’y arrives pas, t’apporte une trop grande importance à l’acte, t’es peut-être old-school sur les bords mais ça te va très bien comme ça. « Faut croire que j’ai des goûts de merde. » Une petite pique, toute petite, juste pour l’énervé, relancer le combat, comme du citron ou de l’alcool sur une plaie. Tu tires une taffe, trop longue, elle envahit tes poumons, ton cerveau, ton cœur et ton sang et t’expire, dans la tête d’Eoin il l’a bien mérité ce connard au prénom à l’écriture trop étrange, ils sont vraiment chelou les Irlandais, ou Écossais, ou tous les pays de ce type sont chelou de toute façon, même la Russie. « Oh c’est sûr que tu l’es autant que je le suis. » T'es pas intéressé du tout par Eoin, genre ce n'est pas le genre de mecs sur qui t’as des vues, trop fin, visage pas assez dur, t’aime les Bad boys faut croire mais jamais tu lui diras, tu n'as jamais parlé de sexualité avec lui de toute façon, trop gênant. « Tu saurais pas dire si je me branle en t’imaginant nu sous la douche non plus. » Ça semble trop réel pour être un mensonge, mais tu mens comme un charretier, avec ton sourire en coin, celui qui appelle à la violence, à l’énervement, t’es à toi tout seul le feu et la glace. Tu dis de la merde, encore, tu continus, son histoire de fantôme totalement en carton, manquerait plus que des bougies et une voyante et toi tu renchéris parce que c’est le seul truc que t’es capable de faire. La mort, le sujet tabou pas si tabou que ça, tu veux crever, tu le diras jamais à haute voix mais ça se voit, ça se voit à tes cernes, à tes bleus, à tes jointures et aux clopes que t’enfiles, tu veux ne crève, parce que tu veux la rejoindre, que c’est une obsession, que si tu le fais pendant les fêtes personne captera, des jolis contes seront prononcés et on imaginera peut-être que t’as continué ta route, un autre pays, une autre ville, un autre état. « Peut-être bien, ça sera la surprise. » T’as cet air pas assez sérieux, comme si t’y pensait pas vraiment, comme si l’hiver de Savannah ne pouvait pas te porter un coup fatal, spoiler, y a pas d’hiver dans cette ville de merde. « Tu peux faire de moi et d'mon cadavre c'que tu voudras, genre me fumé dans un joint ou un délire à l'hipster torturé, tu sais si bien l'faire. » Un rire, un seul, qui te choque toi-même, il t’a jamais entendu rire Eoin, fin Tag, fin, tu sais plus comment l’appeler, au fond tu l’aimes bien son prénom. L’odeur de la clope, la bouffe, bientôt faudra aller inspecter le musée, mais t’a envie de faire un dernier truc, alors tu le fais, met la fonction appareil photo sur ton téléphone beaucoup trop discrètement et tu l’embrasses, comme ça, sans prévenir prenant une photo dossier à jamais aussi, histoire de se souvenir de cette soirée-là, de ces conneries, peut-être que ça t’aidera à tenir un peu plus longtemps. Tu te perches de nouveau, t’observe sa tête et tu peux pas t’empêcher de rire. « J'suis même pas désolé, c’est une bonne photo souvenir. » Souvenir, ouais, ça sonne triste et mélancolique comme ça Luka. Goût de clope et de café, baiser totalement pas nature au fond.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Jeu 7 Déc - 20:33
C’est la première fois qu’on l’embrasse. C’est la première fois que ça arrive comme ça. C’est la première fois et il sait pas ce qu’ils font. Ils jouent à un jeu et pour la première fois Eoin n’est plus sûr des règles, plus sûr de rien, parce que ça fait zap contre ses lèvres et zing dans sa bouche et bam dans son cœur et c’est dégueulasse, tout ce sang qui se pressent dans son corps et toute l’air qui rentre et toutes ces choses qu’ils ne contrôlent pas et qui brisent le masque, font tomber l’indifférence. Il est pris par surprise parce que personne le touche, pris par surprise parce que ça fait des années que plus personne l’a touché, pas de façon délibérée, pas comme ça, pas autrement. Il est pas con, Tag, il sait que ça a rien à voir avec de l’affection, que c’est autre chose, quelque chose de plus vicieux et de plus tordu, quelque chose de plus calculé et de moins tendre. Ils jouent, bien sûr qu’ils jouent, comme ils ont joué toutes les fois d’avant, mais ils jouent avec leurs lèvres et plus avec les mots, avec quelque chose qui dépasse complètement Tag, parce que ça vibre partout dans son corps et qu’il est plus sûr de plaisanter. Rayez ça. Bien sûr qu’il plaisante. Evidemment qu’il plaisante. Il plaisante forcément, parce qu’il capte du coin de l’oeil le téléphone et qu’il sait qu’il est livide. Il plaisante forcément parce que lorsque Luka s’écarte il a la gorge sèche et les mains moites, les yeux dans le vide et le souffle court. Il plaisante forcément parce que c’est son premier baiser mais que ça peut pas être si important. On est pas dans un disney, pas dans un conte de fée, on est dans un putain de musée, ni plus ni moins, dans une cuisine trop moche, avec un type trop laid qui pue, en train de boire du café pourri et de manger un sandwich sans goût.
« La prochaine fois, lave-toi les dents. » C’est tout ce qu’il arrive à articuler, parce qu’il a la gorge nouée, encore, et qu’il trouve pas les mots. Il se déteste, parce qu’il sous-entend qu’il y aura une prochaine fois, parce qu’il sait qu’il a envie d’une prochaine fois, parce que ça fait trop longtemps qu’il a pas été touché, trop longtemps qu’on a pas frôlé sa peau, trop longtemps qu’il a laissé personne franchir le champs de mine qu’il trace soigneusement autour de lui. C’est plus simple, d’avoir personne près, plus simple et plus facile et il se demande si tout est devenu compliqué maintenant que Luka joue comme ça, si c’est lui qui fait sa gonzesse parce qu’il est perturbé, s’il a le droit d’être perturbé. « T’auras plus qu’à te masturber en regardant la photo, ça te changera de la branlette sous la douche. » Il marque une pause, inspire, se reprend, même s’il a du mal à détacher les yeux de la bouche de Luka, parce que Luka le surplombe, parce qu’il est obligé de lever les yeux, parce qu’il est beaucoup trop près, encore. « Quelle douche, d’ailleurs ? T’es conscient que tu peux te faire arrêter pour exhibitionnisme si tu te branles sous la pluie, mec ? »
Il essaye, il fait de son mieux, tente de contrôler les tressauts de sa voix et la façon dont ses doigts tremble autour de sa cigarette. Il a pas envie de le laisser gagner, il a pas envie de lui montrer qu’il a réussi, qu’il est déstabilisé et vulnérable, qu’il y a une faille dans ses barrières, une faille en forme de Luka et ça a pas de sens parce qu’il a rencontré d’autres gens qui l’attiraient plus, d’autre personne qui le faisait retenir son souffle mais qu’il s’est jamais produit ça, jamais comme ça, jamais jamais jamais, et la situation le dépasse parce que c’était trop rapide et trop brusque et qu’il a jamais été doué pour comprendre les humains, qu’il a jamais maîtrisé le côté émotionnel, qu’il a jamais su composer avec tout ce qui tremble en lui. Il hésite un instant, et puis il se rappelle.
Il s’appelle Eoin Taggart, merde. Il s’appelle Eoin Taggart et il se bat et il parle fort, et il taggue et il existe trop fort et trop grand pour emmerder le monde. Il s’appelle Eoin Taggart et il baisse les yeux devant personne. Il s’appelle Eoin Taggart et il se laisse pas marcher sur les pieds, et il se laisse pas déstabiliser, et il se laisse pas trimballer, perturber, manipuler, parce qu’il vaut mieux que ça, parce qu’il est mieux que ça, parce qu’il a autre chose à vivre, autre chose à faire, parce qu’il a pas de raisons de se laisser faire. C’est peut-être pour ça qu’il se lève, à ce moment-là, peut-être pour ça qu’il l’attrape par la nuque, peut-être pour ça qu’il colle sa bouche contre la sienne, parce qu’il est furieux, parce qu’il est anxieux, parce qu’il a peur, parce qu’il est nerveux, parce qu’il a les mains qui tremblent et les yeux qui flambent, parce qu’il est farouchement déterminé à ne pas être celui qui se fait avoir. Il mord sa lèvre inférieure, lorsqu’il s’écarte, pour rattraper sa lampe poche, regagner la porte. Il lance un regard par-dessus son épaule, hausse un sourcil, lance :
« Ça, c’était un souvenir. » Il marque une pause, s’humecte les lèvres. « Abruti. »
Et là-dessus, il s’éloigne dans les couloirs. Il a presque la certitude d’avoir gagné.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Jeu 7 Déc - 21:14
T’as merdé. Tu le sais, tu le sens. Ce n'était pas censé te piquer comme ça, ce n'était pas censé serrer ton cœur de remords, c’était juste censé être une blague entre potes, une blague drôle, dont vous reparlerez dans quelques années, c’était juste censé être une blague. Alors tu sais pas, sans doute que pour toi ce n'était pas que ça, que t’avais envie de donner ton premier baiser à une personne qui comptait vraiment, en qui t’avais entièrement confiance. Et tu t’en voulais, parce que t’aurais pu lui demander, tu te sentais sale, moche, con, et t’étais tout ça en fait. Ça faisait bien trois ans que quasiment personne ne t’avait touché juste pour autre chose que t’aider, que t'avais pas touché quelqu’un, parce que t’avais peur du rejet, peur de ne pas être assez bien, et tu savais que t'étais pas assez bien justement, pas assez bien pour ces gens, pour leurs sourires pour leur vie. Tu t’en voulais parce qu’Eoin méritait vraiment mieux, qu’il méritait une âme pure, quelqu’un de beau, une fille adorable qui lui ferait pas honte, parce que t'aurais pas dû faire ça, voler un baiser est la pire chose qu’on puisse faire et tu le sais, c’est partout dans les contes, t’avais peut-être juste envie de te sentir vivant. T’as les larmes qui montent, tu te sens pathétique. T’es sale, pas beau, trop svelte, trop mince, pas assez grand, t’as ce visage trop enfantin qui te donne envie du brisé à coup de couteau, plusieurs fois t’as voulu le faire et puis t’as compris que c’était ce qui te sauvait la mise quand t’avais vraiment faim, quand t’avais froid, un visage innocent, personne ne comprend, tout le monde juge au physiquement de toute façon. Et les mots d’Eoin qui résonnent et ça te fait mal, ça te fait mal parce que tu sais pas quoi répondre, parce qu’il a raison, parce que tu supprimes lui envoie la photo avant de la supprimer de ton téléphone, c’est lui qui pourra utiliser le chantage, c’est lui qui pourra te mener à la baguette, tu lui donnes toutes les cartes, parce que tu veux pas perdre quelqu’un qui compte autant pour toi juste à cause d’une blague, blague qui n’en était même pas une, si t'avais pas eu envie tu l’aurais pas fait. Et il gagne parce que ton cœur saigne, se brise, s’éclipse, il se réchauffe, doucement, tendrement. Et il tremble Eoin, et toi tu te tais, t’as juste envie de partir, fallait que tu réfléchisses Luka, parce que tu l’as blessé, parce que t’as mal. T’as par réflexe la main qui vient gratter ton avant-bras, ça faisait longtemps, avant tu le faisais à sang parce que t’angoissais, que tu te détestais, parce que t’avais peur de perdre quelqu’un et ça recommençait, parce qu’Eoin il était tout pour toi, tu l’avais perdu elle, tu voulais pas le perdre lui, c’était la première personne à qui t’avais réellement parler, avec qui t’avais réellement discuté, et tu t’en voulais parce que t’avais merdé. Tes yeux baissés, gamin prit en faute. Il y a pourtant ce mot « la prochaine fois » ça voulait tout et rien dire, la prochaine personne que t’embrasseras ou bien la prochaine fois que tu l’embrasseras lui, et tu te sens sale, t’as besoin d’une douche, t’a besoin de te noyer peut-être aussi. La cigarette que t’as écrasée contre le pot de yaourt vide, parce que t'avais pas d’autre endroit. Et t’a peur de te faire frapper quand il se lève, t’as déjà les yeux fermés d’anticipation, mais ce n'est pas ça qu’il se passe. Ce qui se passe c’est les lèvres d’Eoin contre les tiennes et t’as le cœur qui explose, des milliers de morceaux, et il gagne, facilement, parce qu’il se retire en te mordant, parce que t’as les yeux qui s’ouvrent, qui papillonnent, ne comprend pas, et t’as envie de t’excuser mais ta gorge retient tes mots, et il s’écarte le fourbe, et il te lance un regard qui te fais trembler, qui te fais descendre de ton perchoir, un souvenir, douloureux, t’a envie de te frapper. Tu le laisses de l’avance, tu passes ton visage sous l’eau froide avant de venir le sécher avec une serviette qui passait par là, tu te sens con beaucoup trop con. Et tu cours pour le rattraper. T’as le rouge aux joues parce que t'es pas censé courir, parce que ta ventoline est dans ta poche et que t’en prends une bouffée, à force de jouer au con-tu-en es devenu un. « J'suis désolé. » Tu murmures, pour toi-même plus que pour lui, tu l’avais jamais dit à personne ça. « J'suis désolé. » Plus fort. « J'suis désolé Eoin, putain j'suis tellement désolé. » Plus fort, encore, tu te retrouves presque à pleurer, parce que t’as tes bras autour de ton corps, que tu veux plus le toucher, que tu veux plus faire de dégât. « C'était pas une blague, j’avais envie de le faire. C'était pas une putain de blague et j’aurais dû te demander avant… » Tes canines qui se plantent dans tes lèvres, parce que tu te fais saigner, parce que t’as peur de le perdre. « Je devrais y aller, je te laisse tranquille, j'suis vraiment désolé. » Tu veux pas le perdre, tu veux pas le perdre, putain Luka t’es en train de le perdre.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Jeu 7 Déc - 21:58
Il a pensé perdre cinq minutes, Eoin. Il a pensé perdre cinq minutes et puis il a regardé Luka, quand il lui court après, il l’a balayé des yeux et puis il a vu la panique dans son regard et la façon dont il se tient lui même, comme s’il était prêt à tomber en ruine, comme s’il risquait de s’évaporer au moindre souffle. Il a pas perdu, Tag, mais quand il regarde Luka, il se dit qu’il aurait préféré, peut-être, parce qu’il supporte pas de le voir sans masque, subitement, sans cet air de petit con, sans cette expression d’insolence constante. Il supporte pas de le voir tout nu et sans artifices parce qu’il sait qu’il est affecté, parce que y a tout qui remonte, tout qui se chamboule, la façon dont il s’inquiète pour lui et la façon dont il est content de le voir, la façon dont il a aimé les deux contacts brefs qu’ils ont eu et toutes les autres fois où ils se sont lancés des couteaux dans la gueule. Il dit rien, quand Luka débite des excuses par paquet de dix, il dit rien quand il le voit au bord des larmes, il dit rien parce qu’il est pas armé pour ça, parce qu’il sait pas ce qu’il fait, parce qu’il comprend pas. Il sait pas s’il a envie de penser, il sait qu’il a pas envie de penser. Il sait qu’il va prendre peur s’il réfléchit, qu’il va rater le coche, rater le moment, tout rater. Il pense à Ronnie, vaguement, se demande comment il la réconforterait si elle était dans cet état, parce que c’est son seul point de comparaison, parce que c’est la seule autre personne avec qui il est suffisamment à l’aise pour tendre les mains et la toucher, la seule personne qu’il embrasse sur la joue, la seule personne qu’il bouscule de l’épaule. Ce serait pas la bonne chose à faire, de bousculer Luka. Pas maintenant, pas comme ça, alors il met son cerveau sur pause, suspend le temps, fout sa lampe torche dans sa poche et attrape ses poignets pour le ramener contre lui, passe ses bras autour de son cou, pour planquer son visage. Il a pas peur de le toucher, il pense, brièvement, le nez dans ses cheveux et les yeux rivés sur le fond du couloir. Il a pas peur de le prendre dans ses bras. Il a peur de le lâcher, là, parce qu’il y a de la détresse dans sa voix et qu’il a pas envie de l’affronter.
« Ressaisis-toi, Dmitriev. » Il balance, et il s’efforce d’être léger, parce que c’est la chose la plus gentille qu’il peut faire, à ce moment-là. Faire comme d’habitude pour chasser la douleur, faire comme d’habitude pour chasser le malaise, faire comme d’habitude et le serrer plus fort, jusqu’à ce qu’il sente son coeur qui tambourine contre lui, qu’il sente que pour lui non plus, ça a rien d’une blague, que c’est tout sauf une blague, que c’est l’opposé d’une blague mais qu’il sait juste pas comment le dire. Ressaisis-toi, Dmitriev, il souffle, et c’est comme d’habitude, même s’il y a l’affection, quelque part dans sa voix, rien de trop prononcé, rien de très flagrant, juste une once, quelque part dans l’inflexion, ou quelque part dans ses bras qui sont incapable de le lâcher de crainte de le voir prendre la fuite. « Tu fais chier à vouloir te casser, j’espérais avoir tes commentaires édifiants sur les tableaux moches du musée. » Personne regarde les vidéos de surveillance à part lui, de toute façon, alors il s’en fout qu’on le voit accompagné. Personne regarde les vidéos de surveillance à part lui, de toute façon, alors personne peut le voir lorsqu’il recule pour coller son front contre celui de Luka, personne peut le voir, lorsqu’il colle une nouvelle fois sa bouche contre la sienne, personne peut le voir, quand il l’embrasse, pour de vrai et sans jeu de pouvoir, cette fois.
C’est délibéré, beaucoup trop, parce qu’il sait ce qu’il fait, cette fois. C’est pas la surprise et c’est pas un coup de sang, c’est autre chose, c’est calculé, c’est pour lui dire de la boucler et lui dire d’arrêter de s’excuser, c’est pour lui certifier que c’est pas une blague pas du tout, et puis pour vérifier que ça marche cette fois aussi, qu’il a envie et que ça pulse, que y a toujours ce truc qui tire quelque part dans son abdomen, presque douloureusement. Il tâtonne, lorsqu’il cherche où poser ses mains, les fourre dans ses cheveux finalement, parce qu’il se cogne de savoir qu’ils ont eu des jours meilleurs. Il tâtonne, lorsqu’il cherche comment le toucher mais pas quand il l’embrasse, parce qu’il l’a déjà fait et que c’est presque familier, presque logique, cette fois-là, presque évident. Il est pas pressé, pas vraiment, il a pas envie de le lâcher, pas vraiment non plus. Il finit par s’écarter, pourtant, par se racler la gorge, par laisser retomber ses bras, parce qu’il peut pas le forcer à rester là s’il a pas envie. Il fait un signe du menton vers le couloir, pour l’inviter à le suivre, pourtant, parce qu’il a envie qu’il reste, parce qu’il a pas envie qu’il parte, pas comme ça.
« Tu viens, alors, ou tu comptes inonder le couloir ? »
Il penche la tête sur le côté, l’attend, un peu plus loin. Il est prêt à lui courir après, s’il décide de partir, il espère pas en arriver là.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Ven 8 Déc - 15:49
Tu ne comprends pas. Faut dire que dans ta vie tu ne comprends pas grand-chose, tu te trouves stupide, t’as le plexus solaire littéralement en feu, t’as envie de hurler et de pleurer, mais ça t’arrive souvent ça, de te détruire à cause d’un mot d’une idée et d’une danse. T’es fatigué de ne pas être assez bien, d’être trop bizarre trop étrange trop insistant, t’en as marre d’avoir peur de perdre les gens, t’as toujours ce truc qui te ronge le ventre des os, le cerveau même. Tu te tiens, t’as ton corps dans tes bras, parce que t’as peur, que tu veux te protéger même si ta barrière s’est écrasée au sol, miette de toi, de lui, d’espoir et d’envie. Tu sais pas ce que t’es Luka, tu sais pas ce que tu fais Luka, tu ne sais rien Luka et peut-être que ça te va très bien au fond. Ça aurait pu être tellement facile Luka, tu l’aurais embrassé un soir au détour d’un verre et d’un joint, totalement désinhibé, t’aurais pas eu peur de sa réaction parce qu’il aurait été aussi péter que toi que ça aurait semblé normal, toi, lui, la tête qui tourne et les deux aimants qui se rencontrent, comme une évidence. Sauf que t'étais pas ce genre de personne, que t’étais celui qui fermait sa gueule ou bien parlait un peu trop, celui qui panique quand il perd une chose, une personne, qui peut changer du tout au tout quand il parle avec quelqu’un qu’il aime. Sauf que tu lui diras pas ça, sans doute jamais, que tu l’aimes, parce qu'à chaque fois que tu le dis t’as mal, on t’enlève un morceau de ton cœur et on le réduit en des milliards de miettes, t’as du mal à t’avouer ce que tu ressens parce que bordel c’est ton meilleur pote, presque ton seul réel pote, parce que tu lui confis tes faiblesses quand t’oses en parler en plein milieu d’une conversation douloureuse tu lui balances des informations mais au fond il ne sait pas, ne doit pas savoir, il te haïrait, te dirait que t’aurais dû rester avec eux; vivre normalement, tu te serais pas enfuit et tu l’aurais pas rencontré, peut-être que ça aurait été plus facile. T’as les yeux qui brillent, ils reprennent doucement des expressions humains, t'es pas un robot sans sentiment, tu n'as pas les yeux vides, t’as cette étincelle, toute petite étincelle d’espoir, elle essaie d’allumer un feu, mais c’est tellement ne pas gagner qu’elle commence à s’essouffler. Tu t’excuses, parce que tu penses que tu peux seulement faire ça, les vrais délices passent par le supplice et c’est comme ça que tout se construit, se met en place, t’es sur les genoux, tu pourrais te mettre à genoux juste pour qu'il ne te dise pas que c’est fini que vous n’êtes plus potes, que vous n’êtes rien à part deux gars qui discutent autour d’une allée. Tu n’as plus rien, plus de masques, ton visage lavé d’artifices et plein de peur, une âme faible brisée et désespérée, une allégorie de la faiblesse que t’étais devenu, c’était de sa faute après tout à Eoin non, il jouait beaucoup trop bien avec les couteaux. Il te manipule, tu n'as jamais laissé personne te toucher comme ça et tu suis le mouvement parce que t’es bien trop faible pour résister et bien trop intelligent pour ne pas le faire. Ta tête dans son cou, tu n'as pas les larmes qui coulent, pas encore, tant mieux, ça fait trop longtemps que tu n'as pas pleuré et tu ne tiens pas à paraître plus ridicule que tu ne le serais déjà, son odeur qui t’envahit, tout entier, parce que c’est apaisant et puissant, parce que tu te sens un peu faible et que vous n’aviez jamais été aussi proche, ça n’avait jamais été aussi intime, putain t’étais comme une lycéenne en fait, plus pathétique c’était la mort. Tu remettais tout en cause, ta mort, ton envie de la rejoindre, peut-être que de rester avec lui ça valait le coup au fond ? Te ressaisir, tu sais pas si t’es capable de remettre ce masque sur ton visage, si tu peux le faire encore une fois, une seule fois pour lui faire plaisir, pour continuer ce petit jeu, cette mascarade dont t’étais le maître, l’instigateur. T’as ce rire que t’avais retenu depuis longtemps, c’est vrai, t’avais des choses à dire sur l’art, sur la beauté, sur l’angoisse, t’avaient ton mot à dire sur un peu tout et toi qui te pensais chiant, peut-être que tu l’étais pas autant que ça. T’as envie de lui crier que t’es bien, que tu veux pas partir de ses bras, que tu veux pas qu’il te lâche, t’as ce regard un peu perdu quand il se recule et encore plus troublé quand il pose son front contre le tien. Ce con il a les yeux bleus comme l’orage ce bleu gris un peu perturbant qui n’annonce rien de bon, toi t’as ces prunelles trop pures qui annoncent la fin d’une saison de malheur, bleu turquoise que tu détestes, pas assez surprenant, pas assez beau, pas assez tout. C’est les lèvres pleines d’Eoin contre les tiennes, encore, un vrai baiser, pas une vengeance, pas une aventure, pas un jeu, un concentré de tout, d’espoir, peut-être qu’il veut que tu cesses ton cirque pathétique, t’aimerais bien en vrai. Les mains de l’autre dans tes cheveux et t’ont ce truc étrange le long de l’épine dorsale, t’as ce frisson, cette impression, et tu voudrais que ça ne s’arrête pas, qu’il ne te lâche pas, mais ça arrive, et t’a cette grimace un peu trop perceptible, déception grandissante, t’es mordu de lui, beaucoup trop, mais t’as senti, son cœur contre le tien, même si t’es plus petit que lui, tu peux le sentir, parce que ça bat trop fort que c'est pas un truc d’adolescent paumé, qu’il a l’air de vouloir sortir de sa poitrine, et le tien aussi, deux gosses aux cœurs coordonnés, ça pourrait être beau si vous étiez dans un film de Tarantino, d’ailleurs est-ce qu’il a été dénoncé pour harcèlement sexuel lui ? Question sans réponse, il parle trop Tag, ou bien pas assez, tu n'as pas encore décidé. « La prochaine fois je te promets que j’aurais pris une douche et que j’me serais lavé les dents avant. Si y'a une prochaine fois 'fin si tu veux. » T’as la moue soucieuse, tu ne veux pas le gêner en quoi que ce soit. Mais t’a cet air de petit con qui reprend bien vite place sur ton visage, et t’avances vers lui. « Je vois pas de quoi tu parles Taggart. » Non, bien sûr que tu vois pas, t’aurais pu t’enfuir mais y a que lui qui compte. Pour être honnête t’as peur de l’embrasser encore, parce que tu veux pas l’incommoder ou quoi, que t’as besoin d’une douche clairement et que tu te sens encore plus crade que d’habitude. « T’as déjà surpris des gens genre comme dans les film ? De type à se bécoter derrière une statue ou même à ken ? » C’était une vraie question, t'avais tellement pas d’idées derrière la tête, t’façon ça allait attendre, comme tout d’ailleurs. T'oses pas lui prendre la main, trop cliché, le regarder dans les yeux amoureusement aussi, merde t’était pas comme ça n’est-ce pas ? Ce masque, toujours ce masque, mais on ne change pas, on met juste les masques d’autres sur soi c’était la tristesse et la beauté de la chose. « J’aimerais bien que ça fasse comme dans le film, que les trucs soient vivants et devenir pote avec eux, ça doit être drôle et moins chiant aussi, concrètement même si tu ne faisais pas ton taff tu serais payé quand même. » Ce n'est pas faux ce que tu dis, en fait ce n'est jamais faux c'que tu dis. « Bref t’es payé à te branler en gros. » Tu regardes le fond du couloir, toi ça te fait flipper ce genre de truc c’est comme une maison hantée.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Dim 10 Déc - 15:09
Il est patient, Taggart, parfois. Suffisamment pour savoir quand pas insister, quand pas pousser, quand laisser aller. Ça arrive pas souvent parce qu’à cœur, c’est un impatient, c’est vrai, c’est le mec qui veut la fin de l’histoire sans passer par le début, qui lit les conclusions des dissertations sans lire le développement, qui ouvre la fin de son roman policier juste pour savoir qui est le tueur, c’est le type qui se fout de la méthode mais pas du résultat, même si ça marche moins bien quand on a un être vivant en face, même si ça marche forcément moins bien quand la personne en face peut être blessée, heurtée, malmenée par les méthodes qu’on emploie. Il arrive plus à être patient, Tag, en général, parce qu’il a passé des années à glisser des mots sous une porte close, des années à attendre qu’elle s’ouvre des années à attendre un geste, une réponse, quelque chose qui lui dirait qu’elle sait qu’il existe, qu’elle se rappelle qu’il est là, qu’elle l’aime encore, malgré tout, qu’elle n’a pas oublié à quel point il l’a aimé. C’est dur, d’être patient, encore, dur parce qu’il sait que parfois ça ne mène à rien, dur parce qu’il sait que c’est lui qui finit en miette au bout du compte, qu’il gobe des cachets par paquet de cinq dans l’espoir de réussir à exister, antidépresseurs et anxiolytiques et somnifères, encore et encore et rebelote le lendemain parce que rien n’a changé, parce que Deirdre n’a pas changé, parce qu’il n’a pas changé. Il est patient, parfois, pourtant, il essaye, en tout cas, même si ça lui fait peur, même si ça le fait flipper, il essaye de rester immobile et de ne pas trop s’avancer, il essaye de se contrôler, de ne pas chercher à tout prix à débloquer la situation par la force. C’est ce qu’il fait avec Luka, à ce moment-là. Il le laisse venir, il le laisse avancer, il lui laisse le choix de partir ou de rester, de se taire ou de parler, les yeux rivés sur lui et l’espoir au bord du cœur, le cœur au bord des lèvres et les dents serrées. Il dit rien quand Luka le rejoint, fait tourner sa lampe entre ses doigts avec un haussement de sourcil, finit par sourire, un peu, parce qu’il y a une lame dans sa voix lorsqu’il dit Taggart et que ça fait frissonner Eoin, parce qu’il a plus l’air sur le point de s’effondrer et que c’est satisfaisant à regarder, parce que c’est normal, d’un coup, plus normal, moins alien, alors même qu’il a envie de l’embrasser encore une fois ou de coller ses doigts dans ses cheveux, alors qu’il a un éventail d’envies auxquelles il n’a pas pensé jusque là.
« Nan. » Il répond, lorsqu’il évoque de potentiels amoureux se roulant des pelles derrière les statues. « Enfin, si. Une fois. Mais je travaille de nuit du coup je croise pas les visiteurs, tu vois. » Il balade sa lampe de poche au fond du couloir alors qu’il l’entraîne avec lui, d’un geste de la main. D’abord l’aile des statues, ensuite les tableaux, il pourra lui montrer le bébé qui ressemble à la fois à un adulte et à un singe à cause des poils qui lui couvrent la gueule, comme ça. « Par contre j’ai surpris le curateur du musée et le caissier. » Ils étaient plus gêné que lui, cela dit, ce qui a rendu la situation un peu chelou parce qu’Eoin n’en a rien à foutre mais qu’ils bloquaient le passage. « T’aurais vu leur gueule. » C’était à pleurer de rire, vraiment, d’une part parce qu’Eoin a dû se racler la gorge, d’autre part parce qu’il a failli appeler la police, au début, parce qu’il a cru avoir à faire à des voleurs et qu’en le voyant avec son téléphone à la main, le curateur a cru qu’il prenait des photos pour le faire chanter. Il a éclairci le malentendu, depuis, mais pendant quelques temps il a eu le droit aux regards noirs du mec à chaque fois qu’il passait. C’était divertissant, c’est le cas de le dire, et il se demande si le mec se rend compte qu’il a plus gagné sans photos qu’avec – parce que le mec s’est senti tellement embarrassé de l’avoir accusé à tort qu’il ferme les yeux, généralement, sur ce qu’il fait, ce qui est quand même un grand plus. Sans réfléchir, il attrape la main de Luka, pour le tirer dans un couloir adjacent, pointe sa torche sur une statue absolument horrible avec un nombre impair de jambe et un visage difforme. Le curateur lui a dit que c’était de l’art moderne, lui pense que c’est un blob dégueulasse, il suppose que la vérité se trouve quelque part entre les deux, il sait pas.
« Honnêtement, quand je vois la gueule de certaine statue je suis presque sûr d’être content de pas être dans un film, tu sais. » Il lui a pas dit que y aura une prochaine fois mais il glisse ses doigts entre les siens et ça se passe de commentaire, sans doute, il sait pas, il veut pas en faire en tout cas, parce que c’est trop nouveau et trop délicat et trop incertain quelque part, parce qu’il a le cœur qui cogne encore contre ses côtes mais qu’il sait trop bien jouer avec son masque. Par contre, il lance, la voix basse et les yeux rivés sur les statues qui défilent : « Y a personne chez moi, aujourd’hui, si tu veux venir bouffer un truc après mon taff. » Et prendre une douche, et l’embrasser encore, à tâtons et maladroitement, juste un peu de rab avant qu’il commence à se demander ce qu’il va arriver ensuite, juste un peu de paix avant que tout se transforme en tempête. Il se connaît, Tag, il sait qu’il va se mettre à réfléchir, il sait qu’il va se mettre à penser, qu’il va voir les trous et les failles et toutes les raisons de reculer, toutes les raisons de faire autrement. Il sait qu’il faut qu’il s’accroche s’il veut pas tout abandonner, s’il veut pas se replier, s’il veut pas tout délaisser. C’est difficile d’aller à l’encontre de soi-même, de savoir pertinemment qu’il risque de trop se pousser un jour et de tout foutre en l’air, difficile de connaître parfaitement la carte de ses limites et à quel point il est proche de ses propres frontières. Compliqué. « Luka. » Il appelle et il pointe du doigt un tableau particulièrement affreux d’un type avec une tête de petit con. « C’est toi. »
Et le sourire qu’il a sur la gueule est beaucoup trop malicieux pour qu’il soit sérieux.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Dim 10 Déc - 18:37
Un petit con. C’est ce que t’es, au plus profond, que c’est ce que t’es parce que t’as vécu des trucs laids, qui donneraient à un squelette l’envie de chialer. Ils te regardent tous, les gens qui t’ont blessé, couteaux dans le cœur et dans le dos, ils t’ont percé les poumons et t’as juste craché du sang en riant, parce que t’as toujours réagis comme ça, que t’étais censé être mort que ton cœur dans sa coquille de glace était bien trop protégé, que c’était impossible pour quelqu’un de te sauver, d’essayer de réchauffer ce bout d’humain trop froid, qui brûle même. Paradoxe même dans la forme, tempête trop calme qui brise le verre avec un mot, lance des couteaux avec des phrases, qui perce des cœurs avec un sourire et un regard. T’es un petit con, parce que tu voles les vieilles et les femmes enceintes, que tu t’en branles, que t’as besoin de survivre parce que t’es humain même si tu détestes ta propre espèce, puis un jour t’as trouvé ce connard à l’air fatigué, ce gars qui essayait de tagger un truc avec une technique proche du néant, du zéro, parce que t’as décidé à te foutre de sa gueule en lui disant que ce n'était pas comme ça et comme d’habitude tu t’étais perdu et qu’il avait fait pareil; que c’était putain d’inattendu parce qu’il maniait les mots comme un dieu et que t’étais impressionné, parce que c’était une personne que tu rencontrais qui n’était pas complètement débile et abrutie par l’amour par la tendresse, parce qu’il était abîmé en dedans et qu’il était beau, beau parce que c’était des traces de rage que tu percevais dans sa voix dans ses yeux, l’injustice qui faisait briller son âme, et peut-être que c’est comme ça que t’es tombé dans le piège, qu'y a un couteau qui a percé un peu trop violemment ce bouclier, peut-être que t’aurais dû capter avant; capter qu’entre potes on s’embrasse pas, entre potes on n'a pas peur de se perdre. Il était un peu comme un univers et tu voulais découvrir chaque planète et chaque étoile, parce que c’était un peu trop grand et un peu trop beau, rassurant sur les bords aussi, parce qu'à chaque fois c’était pareil et que ça faisait du bien au fond d’être traité comme un putain d’être humain, que ça faisait du bien d’exprimer ses sentiments, ses envies, ses idéaux. Parce que t’es un putain de petit con Luka, t’as ce visage qui reprend sa forme, parce que t’as plus peur, t’es heureux, tu flipperas plus tard, t’as toujours dit que le moment c’était le plus important parce que ce n'est là que comme la vie, peut-être que t’es attaché, un peu trop, parce qu’il est comme une chanson qui bourdonne trop fort dans ta tête et dans tes oreilles. Il te donne le choix Tag, parce qu’il sait que tu supportes pas d’être forcé, d’être obligé, que t’as besoin de choix, que t’as besoin d’être guidé un peu aussi, un geste, un seul, et tu sais que tu seras sans doute toujours accro à cette tête de gros connard qu’il a, toujours, tout le temps, à croire qu’il est né avec et tu trouves ça attirant. Tu trouves un sujet, une question et tu parles, encore, toujours, tu sais faire que ça, tu parles trop Luka et tu te trouves chiant la plupart du temps. Le masque qui n’en est pas vraiment un au fond, t’as juste envie de l’attirer et de l’embrasser de par le lâcher de pas le laisser partir, de le hanter avec tes lèvres, tes mains, t’a juste envie qu’il se souvienne même si c’est juste pour une nuit, même si c’est seulement pour aujourd’hui que tu peux l’embrasser, t’aimerais que ça dure des milliers d’années. « je sais bien que tu travailles de nuit du con, mais yen à pas qui se faufile ? » T’as les sourcils froncés et les lèvres pincées, ça doit être drôle, et ça doit laisser la dopamine s’écouler dans les veines aussi. « Il voulait une augmentation. » Le caissier il voulait sûrement une putain d’augmentation oui, genre sinon quel intérêt ? T’es peut-être langue de pute au fond. « J'suppose que c’était jouissif. » Ouais, voir des têtes se décomposer à un mot, un sourire, une remarque, c’était jouissif et souvent douloureux après, parce qu’un coup bien placé et ça fait mal. La main d’Eoin qui attrape la tienne et ça semble presque normal, tu tiques presque pas, parce que normalement il n'aurait pas fait ça et tu notes chaque petit changement, ça te gonfle le cœur à coup d’amour, toujours un peu plus, un jour il va exploser. Et une statue, une statue qui te donne un peu la nausée, parce qu’elle est laide mais ça te rappelle un truc. T’as un rire qui perce, toi aussi t’es content au final parce que ça ressemblerait plus à un film d’horreur qu’autre chose. « Tu connais la légende des âmes sœurs ? C’est dans la mythologie grecque, apparemment à la base les humains étaient des boules, quatre bras, quatre jambes, deux têtes, et ils étaient tellement puissants que Zeus a eu peur d’eux et il a décidé des coupés en deux puis il les a renvoyés sur terre et les a séparés, depuis elles se cherchent toutes leurs vies, et parfois quand elles se retrouvent les Dieux bénissent leur union parce qu’ils admirent la persévérance de ces âmes. » T’as l’air passionné, un peu trop, ton accent qui perce le faux américain, parce que t’admires, que ça fait battre ton cœur un peu plus fort.
Tag t’invite quand vous continuez votre chemin et tu peux pas retenir ce sourire un peu trop doux et de le regarder dans les yeux, de lui voler un baiser même, un simple effleurement, parce que ça veut dire oui. « Pourquoi je refuserais ? » C’est une vraie question, tu veux prétendre que le temps ne défile plus pour un moment alors pourquoi tu refuserais ? Tu veux prétendre que le monde s’arrête quand vous êtes ensemble, que rien ne compte plus, alors pourquoi tu refuserais ? Ton prénom glisse hors des lèvres d’Eoin et toi tu redresses la tête, tu suis son doigt et t’aperçois ce tableau un peu trop moche, mais c’est un peu subjectif quand on parle d’art. Et Tag il sourit un peu trop malicieusement et t’as ce sourire, trop sincère, trop amusé, et t’as un morceau de glace qui se détache au niveau du myocarde, putain de merde comme tu le détestes. « Sale con va. » Tu balances avant de passer ta main dans sa nuque pour le baisser vers toi, pour prendre possession de ses lèvres, encore, sa bouche que tu ravages, sa lèvre inférieure où tu mords, une vengeance, trop douce. « Maintenant montre-moi ce que tu préfères ici tu veux ? Pas que je veuille pas voir des œuvres infâmes pendant tout notre trajet hein, mais j’ai déjà un truc assez moche qui en plus parle en tant qu’accompagnateur du coup un peu de beauté me ferait du bien. » T’es trop près et tu le regardes dans les yeux, un air de défi, pars, insurge-toi, embrasse-moi, aime-moi.
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Sujet: Re: pour un pote (luka) Mar 12 Déc - 19:01
Il est fasciné, un peu, lorsqu’il regarde Luka, fasciné de le voir glisser à nouveau dans sa propre peau, fasciné de le voir reprendre forme, de le voir se redressiner à nouveau, retomber en terrain connu, loin des terres inconnues. Il est soulagé, Eoin, et c’est con, peut-être, mais il préfère ça, parce qu’il sait comment réagir, parce qu’il sait comment agir, parce qu’il sait où sont les limites et où sont leurs contours, parce que la main qu’il tient fermement dans la sienne ne change pas ça, dans le fond, parce que ça change des choses mais pas le fondamental, parce les piques, pas les plaisanteries, pas les chamailleries, parce son sourire qui étire sa bouche, une boucle au coin des lèvres et une lueur dans les yeux. Peut-être que Luka est un caméléon. C’est peut-être ça, en fait, peut-être qu’il porte les mêmes masques que Tag, peut-être qu’il ment, sans doute qu’il ment, même, qu’il arrange la vérité, modèle son image pour ne pas cesser d’exister, pour ne pas arrêter de survivre, passer les nuits, encore et encore, parce que tout fini toujours par blesser. Il se demande si Luka laisse sa peau au pied de son sac de couchage, la nuit, s’il abandonne sa peau comme on abandonne des vêtements mal adaptés, s’il abandonne sa peau pour ne plus que chair et os et sang et vrai, sans protection et dénudé, incapable d’éviter les regards qui le scrute. Il se demande s’il le fait, lui, s’il est plus lui-même quand il dort que quand il vit, plus lui-même quand il est incapable de feindre d’être un autre, plus lui-même quand il est inconscient. Il sait pas. Peut-être, c’est possible, il veut pas y penser et c’est comme un motto, pas y penser, pas y penser, pas y penser, jamais, jamais, jamais, une litanie qui tourne dans sa tête alors qu’il tend l’oreille pour écouter l’histoire de Luka sur la statue trop laide.
Il lui parle d’âme sœur et ça lui donne envie de rire. Il sait pas trop si Luka y croit et il s’en moquerait pas, sans doute, mais il aime pas le concept, ça lui donne envie de pleurer. Il trouve ça terrible, ces histoires, parce que ça sous-entend que les gens sont pas complets, parce que ça hurle au monde qu’on a besoin de quelqu’un d’autre pour continuer, de quelqu’un d’autre pour être soi-même, de quelqu’un d’autre pour exister. Il déteste ça, Tag, il a envie de filer des coups de pied à la statue parce que ça lui plaît pas, putain, parce qu’il est déjà complet, parce qu’il est pas cassé, parce qu’il est pas séparé en deux. Il aime pas les histoires d’âme sœur, putain, parce que c’est toujours une façon d’expliquer au gens qu’ils sont pas assez, pas suffisants et il gerbe sur ce concept. Il est assez, il le sait, il doit l’être, parce que c’est mieux comme ça, parce que c’est tout ce qui importe quand tu finis toujours seul au bout du compte, parce que tout a une fin et qu’il faut pouvoir sortir la tête de l’eau, au bout du compte, parce qu’il refuse de vivre pour quiconque d’autre que lui-même, parce qu’il pense pas que les relations importantes soient forcément romantiques, bordel, loin de là, même, parce que Ronnie est sa moitié plus que n’importe qui qu’il pourrait embrasser, parce que c’est pas son âme sœur mais que c’est sans doute ce qui s’en rapproche le plus, parce qu’il envisage pas de continuer de respirer sans elle à ses côtés même s’il attend à tout moment le jour où elle en aura assez de sa sale gueule. Il serre les dents, pour pas répliquer, serre les dents, pour passer à autre chose, serre les dents pour rebondir, parce que Luka le provoque et qu’il préfère penser à ça plutôt qu’au reste, parce que Luka le cherche et que ça lui arrache un sourire.
« Chais pas. » Il répond, quand il réalise que Luka a commencé par une question. C’est vrai qu’il sait pourquoi Luka refuserait, les gens ont toujours mille raisons qu’il connaît pas, il a toujours mille raisons qu’il donne pas. « Tu pourrais avoir peur de te faire bouffer par les vilains Taggart, ça fait un moment qu’on a pas bouffé de viande rouge. » Il ondule des sourcils pour le faire rire, secoue la tête parce que y a rien à craindre, chez lui, il suppose, à part sa mère qui couine ou son père qui fait des blagues pourries, ou Rowan qui a un humour un peu trop incisif, peut-être, ou Deirdre qui fixe les gens d’un air vide. Y a rien à craindre chez lui, oui, bien sûr, même si ça ressemble à un asile de fou, même si c’est le bordel, même si les trucs s’empilent partout dans un ordre approximatif. Y a rien à craindre chez lui, ouais, bien sûr, rien de tangible, en tout cas. Luka a pas besoin de voir les monstres qui dorment dans les placards familiaux.
Sale con, c’est peut-être ce qui le représente le mieux. Sale con, ouais, et Eoin pointe la lampe sous son visage en souriant beaucoup trop largement pour que ce soit rassurant. Sale con, oui, oui, oui, c’est ce qu’il est, évidemment, il a jamais prétendu le contraire, mais Luka vaut pas mieux, avec ses piques et son sourire de petite crevure.
« Tu vas voir si j’suis laid, putain. » Il renifle et tire la langue, lui balance la lampe dans les yeux, juste pour se venger un peu, avant de le tirer par la main pour l’entraîner vers les tableaux qu’il aime vraiment, les rares œuvres qu’il pourrait passer des heures à contempler.
Et s’il ne fait que ça jusqu’au lendemain matin eh bien, ça n’a pas vraiment d’importance. Il est payé pour glander, après tout.