J’suis mort aujourd’hui.

Ouais j’me la joue à la American Beauty. SPOILER pour ceux qu’ont pas vu le film. J’suis même pas désolé. Les chiards qui hurlent au spoiler parce qu’ils ont zéro culture cinématographique ont qu’à aller se faire foutre. Puis de toute c’est un film de Kevin Spacey, alors il sera boycotté maintenant, hein, les bien-pensants qui s’offusquent que le monde soit une putain de poubelle, comme s’ils avaient rien remarqué avant. SPOILER, life sucks, et après on nous demande de chercher le bonheur. C’est pas parce que j’vois tout en noir que j’ai d’la merde dans les yeux, faut croire, c’est ceux qui croient que la vie est belle qui s’enfoncent les doigts dans les globes oculaires jusqu’aux coudes, pour pas dire l’épaule – faudrait être fameusement contorsionniste pour ça. J’ai jamais été fou, j’suis lucide, moi. On te parle de dépression et on te file des p’tites pilules colorées pour t’empêcher de broyer du noir. J’pense que la dépression est l’état naturel de l’humanité, les tarés ce sont les autres, ceux qui s’imaginent que y’a rien d’plus cool que vivre. On t’envoie chez le psy, on essaye de te convaincre de pas te faire sauter la cervelle comme ce bon vieux Lester Burnham qui fantasme sur les gamines (toute similarité avec la réalité est purement fortuite LOL). Mais, wait, non, c’est pas lui qui se tue, c’est l’autre qui le bute. Oups, SPOILER encore. Ouais, ça m’amuse. Ça va me manquer, ça, de pourrir la vie des gens.

Atticus est parti et j’suis mort aujourd’hui.

J’ai pris le bus pour rentrer du boulot, j’ai craché sur les gosses qui chantaient We wish you a Merry Christmas en pleine rue (c’est eux qu’on devrait foutre en taule, sérieux), monté les marches de l’immeuble sans me presser, peinard, j’me sentais vraiment bien, aujourd’hui. Y’a rien de plus reposant que de savoir exactement c’qu’on va faire de sa vie. Quand tout devient limpide, clair, qu’on a même un sourire sur la face en s’disant : aujourd’hui c’est le grand jour. J’ai sorti le flingue qui dormait dans le dernier tiroir de la cuisine, celui que j’ouvre jamais, celui qu’attire jamais l’attention de personne, le revolver qui gît parmi les ustensiles de cuisine à l’utilité incertaine que Mam m’avait achetés un jour. Elle est morte, Mam. Avant moi. J’la rejoins pas, j’rêve pas de ça. J’ai des envies de vide, de néant, de rien, depuis qu’j’suis tout gamin. Qu’as-tu demandé au Père Noël, Nemo ?

2005
Cher Père Noël,
J’aimerais que tu m’apportes une corde solide.

J’ai reçu une corde à sauter.

2006
Cher Père Noël,
Cette année, je voudrais des lames de rasoir.

Pap m’a dit que j’avais pas encore l’âge de me raser.

A douze ans, j’y croyais plus, non pas que j’aie eu un jour l’impression qu’il y avait quelqu’un d’autre que Pap et Mam pour lire mes lettres, ils étaient beaucoup trop au courant du contenu. J’ai quand même demandé une kalachnikov même si j’étais pas très sûr de la praticité pour se suicider. J’ai reçu une kalach’ en plastique même si c’était plus de mon âge, elle traîne encore au grenier.

C’est décevant, un suicide qui marche, en fait. Il m’a fallu qu’une minute, prendre le flingue, enlever la sécurité, le coller à ma tempe, BANG. Fin de l’histoire.

J’crois que la voisine a entendu. J’me trouve beau, aujourd’hui, les giclures de cervelle et de sang sur le mur blanc de la cuisine. La mort a toujours été plus esthétique que la vie.

Y’a le téléphone qui sonne, sur la table, le p’tit écran qui s’illumine, qui affiche un nom. C’est con.

Désolé, Bro. J’crois qu’un pansement suffira pas, cette fois.

J’suis mort aujourd’hui et y’a qu’un détail qui m’emmerde, maintenant.
Comment on s’suicide quand on est un putain d’fantôme ?