Quand j’étais enfant, j’étais très proche de ma grand-mère maternelle. Elle et moi, nous faisions beaucoup de choses ensembles, on s’adorait. C’est avec elle que je suis allé pour la toute première fois dans un fastfood ; mes parents refusaient de m’y emmener. C’est avec elle que j’ai bu mon premier verre d’alcool ; bon juste une gorgée parce que je n’avais même pas dix ans. C’est encore à elle que je racontais tous mes secrets, mes joies, mes peines. Elle était bien plus qu’une grand-mère à mes yeux. Malheureusement, il y a cinq ans, elle est décédée brusquement d’un arrêt cardiaque. C’était le premier décembre. C’est elle qui, quand je suis devenue aveugle, à fait toutes les démarches pour que je puisse obtenir un chien guide, et elle ne m’a jamais vu ave, car elle est partie quelques jours avant que Black n’entre dans ma vie. J’avais déjà été confronté à la mort avant, puisque mes grands-parents maternels sont décédés lorsque j’étais petite fille, mais la mort de ma grand-mère préférée m’a profondément marqué. Régulièrement, je viens lui rendre visite au cimetière, pour lui parler de tout et de rien, comme je le faisais de son vivant, mais aujourd’hui, j’en ai encore plus besoin. Pas que j’ai envie de me confier à elle, non, c’est parce qu’aujourd’hui, ça fait tout juste cinq ans qu’elle est partie et comme toutes les personnes qui ont perdu un proche, je ressens le besoin de venir me recueillir et fleurir sa tombe. Mon demi-frère me déposé et me conduit gentiment jusqu’à la tombe, avant de me dire qu’il s’en va de son côté voire la tombe de son père et que je dois lui téléphoner dès que j’aurais terminé. Je le remercie d’un baisé sur la joue, puis je l’entends s’éloigner en trottinant. Du bout des doigts, je caresse la pierre tombale et une larme roule sur ma joue. Cinq ont passé et ça fait toujours aussi mal d’être là. Je crois que je ne m’y ferais jamais. Je pose mes fleurs dans le vase prévu à cet effet. J’ai du mal à le trouver, car il n’est pas là ou je l’avais la dernière fois et je dois chercher un moment, avant de le sentir sous mes doigts. Une fois ceci fait, j’entame une discussion silencieuse avec ma grand-mère ; j’évite de parler à voix haute histoire de ne pas passer pour une folle. Mais un bruit me fait sursauter et je trébuche. S’il y avait quelqu’un dans le même carré, je ne l’ai pas entendu, alors que d’habitude, j’entends toujours tout.

J'suis plus du type à rouler à droite à gauche, à m'déhancher sous la musique et les néons tandis que d'autres ne cessent de m'observer, j'suis la petite timbrée aux yeux de beaucoup, l'insoucieuse, la tarée peut-être même. Or qui croirait possible qu'une fille telle que moi puisse vouloir se rendre dans un cimetière ? Personne. Du moins, je suis consciente que personne voire peu de gens se poseraient la question. Beaucoup risqueraient de se dire " Merde. Elle n'a pas de cœur pourtant, c'est un pantin vu comment elle agit, cette petite. " Oui, c'est fort possible que je donne cette impression à tous mais c'est loin de la réalité.

J'suis comme tout le monde dans l'fond, j'ai une vie, des envies, et j'ai de nombreux ennuis sur lesquels jamais je ne me confie. C'est comme ça, pas autrement. Je ne changerai pas pour autant. J'ai l'air d'une petite poupée cassable, trop cassée déjà pour qu'on souhaite la briser. Et pour le coup, c'est presque la vérité.

Cela fera une quinzaine de minutes déjà que j'ai entamé le pas, approchant peu à peu du lieu tant sinistre et peu fréquenté. D'ailleurs, quand j'y vais une pensée me hante l'esprit. C'est là qu'on se rend compte à quel point la vie est courte et qu'on compte pour très peu de personnes en réalité. Une fois qu'on ne peut plus bouger, parler, plus rien n'a l'air d'intéresser qui que ce soit de nous. Même pas l'ombre d'un souvenir. Rien. Heureusement les sincères, quant à eux, ne te quittent jamais. Ils savaient être présents dans ton vivant, dans les bons comme les mauvais moments et gardent ton existence en tête, allant te passer visite de temps en temps.

Tellement osent dire qu'après la mort, il n'y a rien, je ne suis pas de leur avis. J'suis peut-être l'une des rares qui se méfie de la Science et de leur système d'uniformisation, du genre "Ne croyez pas au paranormal, ce que vous ne pouvez pas voir n'est qu'imaginaire ". J'ai même fini par conclure que s'ils agissaient ainsi, c'est pour cacher de nombreuses choses et non dans l'effet inverse. À ce sujet, j'pourrai faire polémique facilement si j'criais le fond de mes pensées sur tous les toits, me créerai des ennemies sûrement, sincèrement, j'tomberai pas plus bas alors ça risque d'arriver un jour ou l'autre.