Sujet: peinture et ecchymoses (Reid) Mar 5 Déc - 19:43
Merde. C’était le seul mot dans ton esprit, le seul qui pouvait traverser ta gorge, ta peau, épiderme tâché de bleu et d’ecchymoses, la peinture et les poings, deux facteurs, deux raisons, t’es là , crétin, homonyme de stupidité, de connerie. Tu penserais que ça aller passer, mais actuellement tu pourrais dessiner sur les murs avec ton sang, lèvre inférieure ouverte, ton bras qui essuie le liquide vital de ton visage, laisse une traînée rougeâtre, sauvage, dégueulasse, en plus est pas comme si tu pouvais te laver comme tu veux, t’as peur d’aller traîner dans la mer ou bien dans un lac, un fleuve, une fontaine, une connerie comme ça, tu veux pas aller là où tu pourrais te noyer, en vrai tu sais pas nager, enfin, si, du coup, mais t’as juste peur, ça fait pas si longtemps que ça te terrifie, depuis qu’elle est partie sans doute, t’aurais dû avoir peur du feu, mais c’est son inverse. La dernière fois que t’es allé la voir sa tombe était couverte de gel, t’as niqué tes mains, jointures brisées par la dureté du givre, de la glace, tu t’es trouvé stupide, t’as versé une larme, une seule, ce n’était pas arrivé depuis longtemps, t’as l’impression que t’es le seul qui tenait réellement à elle, oh, comme t’es cruel. T’as le haut du corps trempé, les trous dans ta veste ayant aidé l’eau à s’infiltrer, tu vas attraper la crève, ton cœur atrophié qui essaie de battre tant bien que mal dans ta poitrine, cage thoracique délirante, douloureuse.
T’es beau Luka, t’es beau dans ta douleur, dans ton désespoir, t’es beau avec ton masque, avec ton cœur couvert de glace t’es beau dans ta déchéance, et c’est cette déchéance que tu peins sur les murs, tu brises tes os, tu brises ton âme, ton cœur, tu libères ton essence dans ce qui est censé te sauver, te libérer. Tu ne sais pas, ne sais plus, n’a jamais su. La beauté d’une mort et la naïveté d’un vivant. Tu pensais pouvoir être libre, bien, sauvé, t’es dans la rue et tu te fais défoncer. Le sang qui se mélange à la peinture, flou artistique qui te ressemble, des morceaux de toi, du ciel, des gens, des gemmes et des étoiles sur un même alignement, des visages flous, sans âme. Tu proposes aux vivants ce que tu vois du monde, toi t’es mort. T’es déjà un déchet, déchet de la société, déchet humain, ceux qu’on regarde dans la rue et à qui on propose des choses, des regards de dégoût ou parfois rien du tout, t’es mort, ton cœur ne bat plus parce qu’il est en cryostase, sommeil glacé, sommeil enneigé. Peut-être que c’est mieux, que c’est plus paisible, que t'es pas obligé de souffrir, pas obligé de montrer ce côté de toi trop miteux, trop perdu, gosse qui a perdu sa place dans un monde ou l’argent est roi. « T'es pas discret. » Parce qu’il a senti quelqu’un d'observé, le gosse, parce que c’est comme un sixième sens. « T'es pas de la police j’espère. » Tu t’en branles, au fond, s’il l’est, tu te retournes même pas, tu regardes juste ton œuvre, apporte encore un peu de couleur avant de balancer une bouteille vide sur le côté, nonchalance, arrogance. Le sang qui perle encore, visage en feu, cernes violette, lèvre ouverte, les couleurs qui se mélangent, peinture et douleur, comme une machinerie, comme une vue un peu trop satisfaisante.