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| des aimés que la vie exila (jael) | |
| Auteur | Message |
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Invité ☽ ☾
| Sujet: des aimés que la vie exila (jael) Lun 13 Nov - 22:20 | |
| Le matin c’est jamais facile dans cette maison. Le matin c’est jamais facile pour toi parce que t’enchaînes des horaires de travail aléatoires, que tu dors maximum cinq heures sur une tranche de vingt-quatre et que tu peux faire la fermeture d’une boîte un jour et l’horaire le plus matinal du plateau le lendemain – ou techniquement le même jour – sans de moyen réel de suivre un emploi du temps que ton corps puisse comprendre. Le matin c’est jamais facile pour toi parce qu’il y a une quinzaine d’ados qui doivent tous se lever et sortir dans les rues récolter de la thune, qui se battent pour la salle de bains, qui se tassent dans la cuisine pour le petit dèj, qui se gueulent dessus parce qu’ils trouvent pas leurs fringues. L’image du réveil tranquille de l’homme qui se lève et prend tranquillement son thé en regardant par la fenêtre, en lisant un journal, en écoutant de la musique, retrouvant doucement toutes ses capacités après un sommeil réparateur, c’est une utopie totale dans cette maison. Tant pis, ça ne peut pas te manquer vu que tu n’as jamais connu ça. Même si ce matin c’est plus calme que d’habitude, le nombre de résidents permanents ayant baissé considérablement ces derniers temps. D’autant que presque tous sont déjà sortis, tu commences le travail un peu plus tard que d’habitude. Pas un havre de paix donc mais un endroit presque respectable et en soi c’est très rare. Il n’en reste que deux dans l’appartement. Jordan qui fourrage dans ses affaires et que tu entends pester et Jael qui, dans la cuisine, fait une razzia sur les céréales. Tu passes le pas de la porte et l’apostrophes. « Hey, go easy on that, it doesn’t grow on trees ya know. » C’est vrai que c’est cher les céréales bordel de merde, et surtout presque tout le monde en mange. Pourtant la demoiselle ne semble pas le moins du monde freinée par ta remarque et continue de verser dans son bol les Cheerios, te donnant l’impression que tout va déborder et que cette boîte donne sur un puit sans fond de céréales. Elle lève enfin la tête vers toi. « T’as pris tes clés ? » C’est systématique, on a beau être à cent pour cent certain d’avoir pris l’objet, dès que quelqu’un pose la question on se sent obligé de vérifier. Alors machinalement tu tapotes tes poches jusqu’à entendre le son des clés et hocher la tête. Tu en profites pour accrocher une cigarette à tes lèvres. « Don’t stay here too late you have stuff to do. »
La sonnerie t’interrompt. Un visiteur ? Le matin ? Ici ? Tu as tendance à te méfier des gens qui sonnent chez toi, aucun des ados n’étant un enfant de chœur, n’importe qui peut être là pour leur demander des comptes ou les récupérer. Le silence plane quelques lourdes secondes avant que l’inconnu ne se mette à frapper. « It’s the police, please open up ! » Bordel de merde. Tu lâches ta clope. « Fuck. Fuck, fuck, fuck, fuck, fuck. » que tu murmures dans ta barbe. Bon, ils ont dit s’il vous plaît alors ils ne doivent pas avoir l’intention de défoncer la porte mais quoi qu’il en soit vous êtes tous remarquablement mal barrés s’ils rentrent. Tu te précipites vers le salon pour récupérer tout ce qui est illégal – principalement de la weed – tout en lançant des instructions à Jael. « Go and open, try to stall them, I’ll get Jordie out. » Les drogues en main, tu entres dans la chambre des garçons comme un ouragan. Tu lances à Jordan sa veste et les drogues. « Get out through the fire escape. Bring this back tonight. Go. Now ! » Les flics ne risquent pas de récupérer la blonde, elle est majeure. Mais lui est un ado ayant fui sa famille d’accueil, s’il se fait choper ils le renverront immédiatement là-bas ou dans une nouvelle famille qui ne sera sans doute pas bien mieux que la précédente. Tu le pousses vers la fenêtre avec empressement. Le pauvre obtempère, visiblement complètement déboussolé, réveillé depuis peu et pas du tout préparé à ce genre de situation. Tu restes dans la chambre jusqu’à-ce que tu le voies arriver dans la rue et disparaître au coin. Le soulagement t’envahit, personne ne l’a vu. Alors tu retournes vers l’entrée comme si de rien n’était, prêt à voir la flicaille. Mais Jael est déjà en train de refermer la porte derrière eux et tu saisis immédiatement que quelque chose ne va pas. Du tout. « What’s going on ? What did they want ? »
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Jurassic Park ▹ posts envoyés : 1351 ▹ points : 11 ▹ pseudo : zoé (baalsamine) ▹ crédits : skate vibe(avatar) & anesidora(sign) ▹ avatar : Alana Champion ▹ signe particulier : Pupilles trop souvent éclatées, traces de piqûres sur les bras, sur les cuisses, talons toujours trop hauts et rouge qui dépasse un peu des lèvres.
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| Sujet: Re: des aimés que la vie exila (jael) Mar 14 Nov - 22:48 | |
| Matin agité, quand on aimerait pouvoir rester encore un peu sous la couette, le vent qui s’infiltre à travers les draps, vient caresser la plante des pieds, ça fait remuer. Je dors plus beaucoup, les cernes sous les yeux au fur et à mesure que les jours avancent. C’est le manque qui se profile, je commence à connaitre les symptômes maintenant, quand on t’arrache le moindre joint et que le sommeil se fait rare. J’ai envie qu’on me le rende. Mais comme pleins de choses c’est impossible en ce moment j’ai l’impression. Alors je repousse la couette, me décide enfin à émerger. Lily et Nibs ne sont plus là, j’ai du quand même trainer un peu. En fait j’ai l’impression qu’il n’y a plus grand monde, je croise River dans la salle de bain, puis l’ombre de Tinks mais personne d’autre jusqu’à ce que je réussisse à m’habiller. Gros pull piqué quelque part, je ne m’en souviens plus vraiment, me contente d’enfiler des chaussettes et d’enfouir ma tête dans le col roulé quand je me dirige vers la cuisine. Je pense que j’étais un reptile dans une vie précédente. (et pas un dinosaure, je vous vois venir). Lentement je me dirige vers la cuisine, tête dans le coltard, je me hisse sur une chaise, le téléphone à côté de moi alors que je commence à me servir une tasse de café. Toujours pas de réponse. Ca fait un petit moment qu’Alijah ne m’a plus répondu. On devait se voir, histoire de parler. Mettre les choses à plat, décider de ce qu’on allait faire par la suite. C’est compliqué ce genre de situations, essayer d’apprendre à se réapprivoiser, d’apprendre à se pardonner. Je soupire tout bas et repousse le téléphone avant de l’échanger contre une boîte de céréale. Hey, go easy on that, it doesn’t grow on trees ya know. Je sursaute légèrement. Je l’avais pas entendu entrer. Pas pour autant que je m’arrête, j’ai trop faim ce matin. « Oui oui chef » je continue jusqu’à ce que les céréales atteignent le rebord avant de reposer la boîte, osant enfin lever la tête pour le dévisager. Les choses vont mieux aussi ici, depuis l’anniversaire. Ca a tassé certaines choses, certaines querelles. « T’as pris tes clés ? » que je demande la bouche à moitié pleine, parce que la dernière fois il avait oublié et qu’on n’est jamais trop prudent. Il gigote un instant pour vérifier, j’en profite pour le dévisager, le visage moins abimé, le temps qu’efface les blessures trop visibles, j’aimerais bien que ça fasse de même pour celles qu’on ne voit pas. Don’t stay here too late you have stuff to do. Pas le temps de répondre ou de soupirer, la sonnette d’entrée résonne et je sursaute de nouveau. Pas mon matin décidément. On se dévisage un instant avec Peadar, silencieux tous les deux quand soudain la voix d’un homme s’élève. C’est la police. Y a le cœur qui fait les montagnes russes dans ma poitrine, je manque de m’étouffer avec mes céréales pendant que Peadar se précipite dans le salon en me demandant d’aller ouvrir la porte et de retenir le policier le temps qu’il fasse sortir Jordan. C’est vrai, y a Jordan, je l’avais oublié lui aussi. Je me redresse rapidement, essuie les quelques miettes sur mon pull, aplatit mes cheveux, histoire d’être un peu présentable et me dirige vers la porte. J’ouvre, plaquant mon sourire le plus mortifié sur mon visage. « pardon j’étais dans la salle de bain » au fond il a pas l’air de s’en faire le policier, il semble juste carrément embêté. J’ai jamais vu un policier avec cette tête-là, à croire qu’il arrive pas à me regarder dans les yeux. Luce Feliciano ? pardon ? Je le regarde, totalement ébahie. Comment il sait ? Ca fait combien de temps que j’ai pas entendu quelqu’un m’appeler par mon vrai prénom ? «Je. Oui. C’est moi ? » que je murmure tout bas. Vous connaissez un certain Vitale Feliciano ? Vitale nouveau choc. D’habitude c’est Alijah. Ou Jedediah maintenant. Mais jamais Vitale. Vitale c’est trop sérieux, Vitale c’est le travail. J’aime pas. « C’est mon père pourquoi ? » la voix qui se fait minuscule, je me balance d’un pied à l’autre pour essayer de ne pas partir en claquant la porte. Cette discussion me rend totalement mal à l’aise et je déteste ce sentiment. Je suis désolé mademoiselle Feliciano…. Désolé pour quoi ? Pourquoi il me regarde comme ça ? Pourquoi est-ce qu’il est aussi blanc ? Mes doigts qui se serrent sur la porte. Votre père est mort, il a été abattu lors d’une fusillade avec un certain Tobias Levi. Tout le reste n’est qu’un mélange de paroles incompréhensibles, l’information qui ne circule plus, je me contente de regarder dans le vide pendant qu’il parle, parle, parle. Finit par me tendre un papier et retirer sa casquette pour me saluer, avant de tourner les talons. Pardon ? Je referme la porte doucement, quand soudain la voix de Peadar s’élève derrière moi. What’s going on ? What did they want ? Je me retourne pour lui faire face, sans vraiment savoir où poser mes yeux, mes doigts qui froissent le papier que le policier m’a tendu. « De ? » j’ai perdu le fil. J’ai perdu le fil. J’ai perdu le fil. On respire comment déjà ? J’ai perdu le fil et j’arrive à retourner sur les rails, le train mental qui dévale les collines, droit vers le crash. « Il voulait me parler… » De quoi déjà ? Il a dit quoi ? Pourquoi est-ce que je ne me souviens pas ? Pourquoi est-ce que je ne respire pas ? Je fais un pas, puis deux, comme si ça pouvait aider, chercher les mots un instant, fronce les sourcils. Fusillade. Je revois les armes à tables, celles accrochées à la ceinture de mon père, de Tobias. Je revois les armes, celles rangées dans le tiroir de la chambre de ma mère, celles qui trainent dans le salon. Je revois le rouge, sur les mains. Image qui me frappe. C’est pas les miennes. C’est les siennes. A lui. Y a longtemps, si longtemps, pendant que ma mère nettoie son visage. Va dormir Luce. Oui. Va dormir. Pour oublier. Tout effacer. Mais les flash continuent, encore, encore. Je revois ma mère, étendue sur le sol, quand elle arrête de respirer finalement. Je me souviens avoir senti le froid de sa peau sous mes doigts. Comment j’ai pu oublier ça ? « Je crois que je me sens pas très bien » que j’arrive à peine à articuler, avant de finalement m’effondrer au sol. Il fait noir. Noir. Et un instant, comme poussée par une envie masochiste, je me dis que je peux enfin les rejoindre maintenant. Les deux. Dans le néant. Je veux plus respirer.
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: des aimés que la vie exila (jael) Ven 1 Déc - 13:15 | |
| Un jour ou l’autre la mort ou son messager frappent à la porte. Chacun en a une vision différente. Le maire et son écharpe qui viennent remettre une lettre. Un frère ou un ami avec le désespoir dans ses yeux et des fêlures dans la voix. Le canon d’un revolver. La promesse d’une vengeance. La faucheuse drapée dans ses haillons. Inévitables, les uns comme les autres. La mort est dans chaque foule, la mort trouve toujours le moyen de s’inviter chez chacun. Elle a bien essayé la vieille dans la quatrième dimension mais le jour où elle s’est résolue à sortir, sauver quelqu’un, c’était la mort. Faut croire que la peine n’était pas si terrible, au contraire, mais pour s’en rassurer il faudrait croire qu’une vieille série en noir et blanc a la véritable réponse à l’éternelle question de ce qui se trouve derrière le rideau. Une belle idée, douce même, mais ardue à soutenir. Un jour la mort frappe à la porte, toujours quand on ne s’y attend pas. La nôtre, celle d’un tiers, peu importe, ce serait supposer qu’il y a autant de morts que de personnes alors qu’il n’y en a qu’une. En ce jour en croyant évitant de simples ennuis pour tout le monde tu as jeté Jael droit dans la gueule de Charybde.
Il ne devait rien se passer, aucune raison qu’il y ait un problème, après tout c’est presque la routine toute cette merde. Pas de danger, pas de menace. Pour une fois c’est même pas ta faute mais le résultat est toujours le même, le train déraille. Sans doutes que vous êtes tous des héros incassables vu le nombre de crashs auxquels vous avez survécu mais rien ne change. A chaque fois que la machine quitte la piste vos cœurs font de même, le vide est remplacé par cette de calme terreur, cet ignoble pressentiment impossible à repousser. Juste avant l’impact on espère que ce qui est important c’est la chute et pas l’atterrissage. Putain si seulement t’arrivais à t’y habituer, c’est rageant, de quoi s’arracher les ongles à essayer d’échapper à ce sentiment, mieux, à ces accidents. T’as pas choisi de vivre ici, entre la soumission, la peur ou l'abandon. Mais la mort dans les yeux de la blonde t’ancrent dans ce lieu maudit. Un autre jour un autre malheur. « De ? » Elle a l’air tellement désorientée. Tu attends la mauvaise nouvelle, tu attends le déluge, que le barrage lâche et noie tout ce qu’il se trouve en-dessous. Au final j’ai tort, au final c’est peut-être ta faute. Sans doute que si tu avais fait quelque chose de ta vie tu ne te retrouverais pas dans la merde comme ça, sans doute que les gens qui ont une vie normale n’attirent pas les problèmes. Problème après problème, tout ça c’est ta faute, fallait pas être la lie de la société, parce que c’est bien connu, plus t’es dans la merde plus on te chie dessus. Mais ça tu ne peux le reprocher qu’à toi, sans doute que t’aurais pu arriver à des trucs. Mais au lieu de partir en cours, t’es parti en couille. Faut assumer. Alors tu la fixes en attendant qu’elle t’annonce la dernière hécatombe. Putain, tout ce que tu voulais c’était déjeuner en paix.
« Il voulait me parler… » Oh. Eh bien finalement il s’avère que ce n’est effectivement pas de ta faute à priori. Le problème c’est que c’est encore plus inquiétant, parce que si tu peux facilement te débrouiller avec ce que te veut la police, tu n’es pas sûr de pouvoir le faire pour Jael. T’as le bras long mais pas auprès des forces de l’ordre, t’as pas assez d’argent pour ça. S’ils voulaient l’arrêter ils l’auraient fait alors ce n’est pas ça. Mais putain pourtant quelque chose s’est passé tragiquement de travers, c’est certain, mais t’es pas sûr de pouvoir réparer ça, malgré toute la confiance qu’elle place en toi. C'est pour ça qu'aujourd'hui tu voudrais crier, ‘je ne suis pas un héros, mes faux pas me collent à la peau’. Tu la rattraperas toujours mais pas sûr que ça la sauve.
« Je crois que je me sens pas très bien. » Heureusement au final que tu la rattrapes toujours, ça lui évite de se cogner violemment la tête sur le plancher quand elle s’évanouit de la manière la plus dramatique qui soit. Bon, par contre elle aura sans doute un bleu ou deux, tu ne peux pas tout faire. C’est la façon la plus drastique de laisser planer le suspense que de s’évanouir avant d’avoir dévoilé ce qui se passe. Taraudé par l’inquiétude, tu déposes la blonde sur le canapé avant d’aller chercher un peu d’eau froide pour lui passer sur le visage. Pourtant pas du type stressé, te voilà à te ronger les ongles sans lendemain. « Come on wake up, come on are you shitting me ? » que tu marmonnes dans ta moustache.
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Jurassic Park ▹ posts envoyés : 1351 ▹ points : 11 ▹ pseudo : zoé (baalsamine) ▹ crédits : skate vibe(avatar) & anesidora(sign) ▹ avatar : Alana Champion ▹ signe particulier : Pupilles trop souvent éclatées, traces de piqûres sur les bras, sur les cuisses, talons toujours trop hauts et rouge qui dépasse un peu des lèvres.
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| Sujet: Re: des aimés que la vie exila (jael) Sam 16 Déc - 11:47 | |
| C’est un rêve, un mauvais rêve. Du genre des cauchemars qui vous réveille en pleine nuit, el cœur battant, la sueur le long des tempes et le tissu plaqué contre votre corps. C’est un rêve. Voila. Une image, histoire merdique de mon cerveau, une hallucination suite à la prise d’une drogue qu’est mal passée. Mais t’as rien avalé Jael. Mes doigts qui se serrent sur le papier, encore, encore, les yeux qui refusent de s’ouvrir. Pourtant il faudrait non ? Si c’était un rêve, émerger signifierait la fin de l’horreur ? De la peur ? de la tristesse ? Alors pourquoi est-ce que je m’accroche tant que je peux aux limbes ? Comme un sentiment de déjà-vu, le cœur qui bat trop fort dans ma poitrine, tellement fort que s’en est douloureux. Come on wake up, come on are you shitting me ? Le froid sur mon visage. Ca m’arrache un sursaute, me force a quitter définitivement le pseudo comas dans lequel j’étais tombée. J’ouvre les yeux. Et je voudrais pouvoir tout de suite les refermer. C’est le poids sur ma poitrine, celui de la vérité. Y a plus personne maintenant. Que des vieux oncles et des vieilles tantes, que des rapaces qui seront là pour l’argent et les dettes de sang. Je sais. J’ai vu le casino. J’ai vu la lumière de le regard de Vitale quand il n parlait avec Tobias, comme un retour en arrière pour eux deux. Pour moi aussi, peut être. Mais c’est finit tout ça pas vrai ? C’est finit maintenant. Foutu casino. Surement ça qui leur a couté la vie. On se moque pas de la mafia comme ça. Même moi je le sais. Y a un prix à payer, pour tous les avoir balancés. Et il est douloureux ce foutu prix. Trop rouge, trop chaud, brulant même. Puis silencieux. Parce qu’il n’y a plus personne. Il me regarde avec une tête que je lui ai rarement vu. Inquiet surement. Qui sait, j’ai jamais été douée pour lire les visages des gens. Il me regarde et j’ai juste envie de me noyer, là comme ça, dans ses yeux.Fais moi un sourire. Juste un. Pour rabibocher un peu la plaie. Et puis c’est les larmes, celles qui coulent trop vites sans que je comprenne vraiment comment. Le choc passé surement. Et mes doigts agrippés à ce foutu bout de papier. Doucement je desserre ma prise, le laisse tomber au sol parce que pour le moment je n’en n’ai aucune utilité. Aucune envie de le regarder aussi. Je veux juste pleurer. Pleurer. Pleurer. Et encore pleurer. C’est pas des sanglots bruyants, c’est pas des cris, c’est pas des hurlement. Pas comme lorsque j’ai appris la mort de Papa. C’est juste silencieux, entrecoupé de hoquet, alors que je me redresse, incapable de le quitter du regard. J’ai besoin de toi. J’ai besoin qu’il me serre fort dans ses bras, j’ai besoin de sentir qu’il sera là, qu’il me laissera pas tomber lui aussi. S’il disparait je sais pas ce que je ferais ensuite. Y a plus que lui, comme un dernier pilier, pendant que les autres s’effondrent petit à petit. « Prends moi dans tes bras » que je murmure tout bas. Parce que j’en suis incapable là tout de suite, de bouger tout simplement. Que je m’en fiche qu’il refuse ou qu’il soit gêné ou autre connerie du genre. « S’il te plait » pour pas chuter encore. J’ouvre la bouche une nouvelle fois, cherchant mes mots, de l’air sans doute. Je cherche. Je cherche. Mais je ne trouve pas. Ou alors peut être que tout simplement je ne veux pas les dire, ces foutus mots. Peut être que les prononcer ne feront que souligner la vérité, me ramener à la réalité. Alors à la place je fais l’effort de reprendre le bout de papier, avis de décès, et de le lui tendre. Mon bras trop lourd. Comme si la feuille était faite de plomb et non de papier. « Y a plus personne » et ma voix qui se brise. Je ferme les yeux parce qu’il n’y a rien d’autre à faire. Je voudrais que tout s’arrête, revenir en arrière.
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: des aimés que la vie exila (jael) Jeu 4 Jan - 5:38 | |
| Tombe pas parce que je suis pas sûr que je pourrai me relever. La pensée t’est venue pour la première fois sur les ailes d’une presque tragédie, quand, aussi blanche que son lit d’hôpital, elle jouait les funambules au-dessus d’un autre monde. C’est un peu terrifiant mais tu ne peux rien y changer, l’évidence est là. Jour après jour alors, tu dois essayer d’être le garde-fou, de rester debout entre elle et le précipice, même s’il n’y a plus que toi, même si ce doit être la dernière chose que tu fais. Mais elle t’échappe, elle danse au bord des falaises, tu la sens glisser, tu vois chaque faux pas, et la peur te ronge le cœur comme la raison. Tu essayes. Tu essayes, promis. Peut-être bien qu’à la fin de tout-cela elle te poussera dans le gouffre et contemplera ta chute. Tant pis. Tu essayes. Tu sais plus quoi dire mais tu feras n’importe quoi. « Prends-moi dans tes bras. » Est-ce que ça changera quelque chose ? « S’il te plait. » On s’en branle, t’es pas là pour changer le monde ni même pour la changer elle. Ton rôle c’est juste de la protéger ou de ramasser les morceaux quand tu faillis à la tâche. Alors sans un mot tu t’exécutes, l’attires contre toi, sans doute trop brutalement. L’étreinte, elle, est douce. Ce ne sera pas la première fois que ta peau goûtera au sel de ses larmes, c’est le running gag pas drôle d’une série qui s’acharne toujours sur le même personnage. Jael elle a pas tiré les bonnes cartes, on lui a donné des dés pipés à la case départ et aujourd’hui encore tu te demandes bien quel gage vient de lui tomber dessus. Un instant des mots se bousculent sur ta langue mais tu ne les laisses pas franchir tes lèvres. A quoi bon lui dire que tu es là, que ça ira ? L’un est trop évident, l’autre un mensonge. Alors tu gardes le silence, serres un peu plus fort son corps contre le tien.
Un geste de sa part te fait la relâcher. Elle tâtonne, te tend un pauvre bout de papier. En temps normal tu lui demanderais de te le lire mais l’effort serait inhumain, quelle cruelle exigence ce serait. Alors, lentement, tu parcours les lignes. Regret de vous informer, bla bla, a trouvé la mort, bla bla, condoléances, bla bla, obsèques, bla bla. Les mots peu à peu creusent leur chemin dans ton cerveau. « Y a plus personne. » Voix quasi muette. Le nom t’est inconnu mais ce n’est pas difficile de deviner qui se cache derrière les lettres, ou le déchirement qui l’accompagne. Figé, tu restes figé, dans l’incapacité totale de réagir. La nouvelle n’éveille rien en toi, ou peut-être même un soulagement de savoir que ceux qui l’ont foutue à l’hosto n’auront plus l’occasion de le refaire. Pourtant. Elle a perdu son père elle. Ses paupières closes tremblent comme si se trouvait sur son ventre une plaie béante dont tout s’échappait, qu’elle essayait désespérément de tout retenir à l’intérieur. « They were never here anyway. » Tu passes une main dans ses boucles blondes, entrelaces tes doigts dans les siens. C’est rancunier ce que tu dis, c’est cracher encore un peu d’acide à la gueule de ceux qui ne répondront pas. Mais c’est vrai. Qu’est-ce qu’il avait jamais fait pour elle à part l’abandonner ce père miracle ? Qu’est-ce qu’il avait jamais fait pour elle à part laisser sa mère crever pendant qu’il se faisait du fric sur un empire immonde ? Il y a plus personne, mais c’est pas nouveau, c’est pas d’aujourd’hui, elle roule sa bosse sans eux depuis longtemps. « Don’t cry for him he ain’t worth it love. » Peut-être qu’il l’aimait mais c’est pas une excuse. C’est bien facile de mettre quelqu’un à terre et s’en sortir avec quelques mots doux et la supériorité morale parce qu’on voulait pas vraiment, parce qu’on était obligé, parce qu’au fond on ne peut pas avoir tort, parce que tant qu’il y a l’amour tout devrait être pardonné. Mais il y a des choses qui ne sont pas pardonnables.
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| Sujet: Re: des aimés que la vie exila (jael) Sam 13 Jan - 22:15 | |
| Il me serre dans ses bras et j’ai l’impression de respirer un peu plus. Enfouir ma tête dans son cou, chercher la chaleur, tout ce que je peux prendre façon égoïste, puisqu’il est là et que les autres non, parce qu’il sera toujours là, j’y crois. J’y crois. J’essaye. Parce que si j’arrête d’y croire, y aura plus rien pour me retenir, juste une chute sans fin. Je ferme les yeux un instant. Rien qu’un instant. Imagine que c’est un autre moment, que c’est juste lui et moi comme autre fois, avant que tout dérape, une nuit bordélique et un cauchemar trop tenace. Juste Peadar et Jael. Juste Peter et Wendy, envolés pour le pays imaginaire et puis voilà. On est encore que des enfants, oui voilà, que des gamins qui s’imaginent des histoires tragiques pour donner une justification à leurs larmes. Tu parles. Et le temps imparti qui prend fin. Retour sur Terre. Atterrissage difficile. J’inspire un grand coup, essaye d’attraper de l’air, essaye de refaire surface. J’imprime tout ce que je peux, son t-shirt sous mes doigts, refuser de glisser la main un peu plus loin, derrière la nuque, le rapprocher contre moi. Tu peux pas. Et pourquoi pas ? J’en peux plus. Je veux pas. Je veux pas. Je veux pas. Non. Mais pourtant je dois. Alors je lui tends le papier, patiente le temps qu’il ai finit de lire parce qu’après tout, tant qu’il n’a pas relevé les yeux, c’est peut être encore faux, pas vrai, pas incrusté dans la trame temporelle. Mais c’est terminé. Plus le temps de faire semblant. Je plonge. Y a plus personne. Ou presque. Que des noms qui s’ajoutent à une liste interminable. Quand est-ce que ça s’arrêtera hein ? Après ça j’espère, je supporterais pas une autre perte. J’y survivrais pas. Les yeux fermés, je retiens mes larmes, retient mon souffle. J’attends quelque chose, qu’il me dise que c’est pas grave, que tout va bien se passer. Qu’il me dise qu’il restera là, que c’est juste un mauvais moment, que tout finira par s’arranger. Même ses mensonges j’en veux bien, surtout ses mensonges. Pour me réconforter. Mais il est pas comme ça Peadar. Trop franc. Toujours trop franc. They were never here anyway. Et comme une balle en plein coeur, le souffle qui me manque, je me fige sur place. Pourquoi ça fait aussi mal ? Pourquoi est-ce que c’est aussi brulant quand c’est lui qui le dit comme ça ? Je sens ses doigts dans mes cheveux, sa main dans la mienne, comme un appel pour revenir à la réalité. Je rouvre les yeux. « Dis pas ça » tout bas, j’essaye de le regarder, le dévisager, chercher une trace de rire dans ses pupilles. Il est trop sérieux. Don’t cry for him he ain’t worth it love. Et voilà, ça repart encore, les larmes qui recommencent à couler en cascades silencieuses sur mes joues. Je serre fort mes doigts dans les siens, ptêtre un peu trop sans faire exprès, je m’en voudrais de lui faire mal, même juste une égratignure. Et pourtant. « C’était mon père Peadar. » est-ce qu’il comprend ça ? Il sait pourtant à quel point c’est important pour moi tout ça, ce genre de concept, la famille, les liens du sang. « Il voulait revenir. Il me l’a dit. » à l’hôpital quand on s’est retrouvés tous les deux enfermés pendant l’épidémie, 12h dans la même pièce on a fini par être obligé de parler. « Il voulait aussi que je revienne, chez lui » que je finis par murmurer tout bas, incapable de soutenir le regarde Peadar plus longtemps, parce que ce serait lui avouer que j’y ai pensé. Rien qu’un instant, j’y ai pensé. Faire mes valises, apprendre à se connaitre de nouveau, effacer les dix ans d’absences et mieux recommencer. Mais c’est raté maintenant. « Tu devrais être heureux, je vais aller nulle part maintenant » amer un peu, je regrette tout de suite mes mots. « pardon je voulais pas dire ça » non vraiment pas. C’est juste que je suis usée, fatiguée, le cœur en miettes et l’envie que le monde entier souffre comme je souffre actuellement. Ou alors tout arrêter, baisser l’interrupteur. Mais c’est pas possible non plus. «Pardon » que je m’excuse une nouvelle fois, me rapprochant de nouveau de lui, comblant le vide pour venir poser ma tête contre son torse, main toujours dans la sienne, j’écoute les battements de son cœur parce qu’il n’y a plus que ça de vrai.
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Invité ☽ ☾
| Sujet: Re: des aimés que la vie exila (jael) Ven 9 Fév - 2:52 | |
| « Dis pas ça. » Rien d’autre à dire. Pas de mots de réconfort, pas d’envolées lyriques, tu les laisseras au curé dans son cimetière. Rien que la dure réalité et ton égoïsme. Parce qu’il ne faut pas que tu dises ça, parce qu’on ne devrait pas cracher sur ceux dont les corps sont presque encore chauds, qui ne connaissent pas même le repos de la terre. Parce qu’il ne faut pas que tu dises ça, parce que ça blesse, parce que ses larmes coulent à nouveau de plus belle. Parce que ça vient de ce bout de charbon noir qui loge dans ton cœur. Mais aussi parce que c’est vrai, au fond. Et c’est peut-être un crime plus grand que d’insulter des tombes. Parce que tout ce que tu veux lui dire c’est ‘il t’aurait déçue, encore’. « C’était mon père Peadar. » Un père ça veut rien dire. La famille c’est tout, mais certains perdent leur droit de prétendre à ce titre. Un frère c’est quelque chose, une sœur c’est inéluctable. Un parent absent ne vaut pas mieux qu’un inconnu. C’est mon père ça te donne une douce envie de rire. Si tu croisais ton père dans la rue et que tu arrivais à le reconnaître tu passerais ton chemin. Tous ses mots semblent vides à ton oreille et pourtant elle y met tout son cœur. Pour la première fois il y a entre vous une distance que tu n’arrives pas à combler, un dialogue de sourds, de deux bêtes blessées qui parlent des langues différentes. « Il voulait revenir. Il me l’a dit. » Les silhouettes croisées dans les couloirs aseptisés, pas plus d’un regard échangé, un choc de pupilles qui s’était gravé quelque part, un avertissement. Il était dangereux. Pour elle, pour toi, pour vous. Il revenait drapé dans son manteau de désastres, aigle noir tentant de l’amadouer. Tu resserres ta prise autour d’elle. « Il voulait aussi que je revienne, chez lui. » La bestiole qui vit en toi accroche ses griffes profondément dans tes entrailles. Les yeux verts du monstre luisent presque dans les tiens mais elle les évite. Sans que tu veuilles reconnaître sa présence le soulagement s’insinue en toi comme un poison. Tu ne te targues d’aucune barrière morale qui t’empêche de te réjouir de la mort de quelqu’un. Mais comment peux-tu la regarder dans les yeux alors qu’elle se délite dans tes bras et remercier les cieux en ton fort intérieur ? C’est que la pensée de son départ est intolérable, l’animal de ta jalousie hurle de toutes ses forces et en cette ignoble satisfaction, tu comprends que tu n’y survivrais pas. « Tu devrais être heureux, je vais aller nulle part maintenant. » Tu l’es. Presque. La pique trouve son chemin entre tes côtes, tu te recroquevilles imperceptiblement. Sa douleur est la tienne, chaque seconde où elle s’écroule est une heure où tu vacilles. Hélas. Comment ignorer l’inhumanité de ce sentiment que tu ressens ? « pardon je voulais pas dire ça » Elle non, tu le crois sans mal, mais peut-être que l’univers l’a utilisée comme vaisseau un instant. Elle ne voulait pas le dire mais elle l’a dit et tu te retrouves face à ton propre reflet, sans ton masque. Ce que tu vois est parfaitement laid. «Pardon » Toi aussi tu voudrais t’excuser, pour être assailli de ces pensées, pour cette trahison dont elle n’a même pas conscience, mais tu ne franchiras pas ce gouffre. Tout ce que tu peux faire c’est la serrer un peu plus fort pour vous rassurer tous deux. « I won’t ever leave. I promised, remember ? » Serment qu’elle t’a arraché sans se rendre compte qu’il la mettrait un jour en chaînes. Revanche basse sur ceux qui ont essayé de te l’arracher. Toi, tu partiras pas. Toi. Toi. Qu’elle comprenne. Qu’elle ne comprendra réellement que quand ton égoïsme l’aura avalée.
FIN. |
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