FLASH-BACK.

Il a trop bu, c'est clair. Il tient même plus vraiment debout. Ni même assit. Il tangue de sa chaise et rigole trop faire, pour camoufler la peine qui l'dévore. Avec sa gueule de cabot blessé, il fait presque pitié. L'arcade sourcilière pétée, la lèvre abimée, le nez un peu travers et la pommette gauche encore gonflée. Le poignet bandé et sa colonne vertébrale encore bancale qui le fait grincer des dents dès qu'il fait un faux mouvement. Pourtant, ce soir, il ne ressent plus rien. L'alcool à euthanasier la souffrance physique. Mais il continue de boire, dans l'but de noyer la douleur psychologique. Celle qui gratte dans son palpitant, lui écorchant la paroi, en sang. Ouais, il a l'impression de saigner par tous les pores de sa peau. C'est pas beau. Il a l'impression que tout l'monde peut le voir. C't'un cauchemar. Alors il rit, il fait semblant de se faire une raison. Semblant d'accepter la situation. Il fait comme s'il ne pensait pas à elle. Ni au fait qu'il a merdé quand il l'a repoussé. Non, il est heureux ce soir Jax. Entouré de tous ses potes, ivre. Et il va sûrement finir dans l'caniveau, à vomir ses boyaux. A vomir sa peine et sa détresse. Mais pour l'instant, il n'y pense pas. Il se ressert une bière, ne se pré-occupant pas vraiment de son haleine qui laisse à désirer, infestée par l'alcool bon marché. Après tout, qui ça dérangera ?

Il est trois heure du matin quand il ressort dans la rue avec sa bande, et il n'pense quasiment plus à elle. Il se sent même enhardi par tout cet alcool qui lui saoule les veines. Il crie, il rigole, il bombe le torse. Trois d'ses potes ont une nana sous l'bras, qu'ils ont dégoté dans le bar, s'improvisant un rencard. Et Jax les jalouse presque. - et pourquoi j'ai personne, moi ? Qu'il demande, frustré, comme un gosse qu'on voudrait mettre à l'écart. Les autres se mettent à rire et lui dise que c'est d'sa faute aussi, qu'il n'est allé parler à aucune fille, alors faut pas s'étonner. Jax fait la moue, contrarié. - j'paris que j'peux m'en trouver une sur l'chemin du retour ! Les paris sont lancés. Et Jax, tout en cherchant son équilibre pour ne pas s'écrouler sur le bitume, il s'met à détailler toutes les filles qu'il croise. Sauf qu'à cette heure-ci, y en a pas beaucoup. Et y en a pas une seule qui retienne son attention. Il soupire, gémit et fait la grimace, commençant à s'dire que c'est peine perdue.

- elle ! Qu'il s'écrie soudain en s'arrêtant et en forçant les autres à faire de même en leur barrant le passage de son bras gauche. Du droit, il vient pointer la silhouette de la gamine appuyée contre un mur, plus loin, vaguement éclairée par un lampadaire de fortune. Ouais, elle. Il sait pas pourquoi, mais ce sera elle. Elle dégage un truc qu'il n'explique pas, mais qui le touche. Un mélange de tristesse et de force qui n'le laisse pas indifférent. Il se frotte les mains et ignore les rires incontrôlables de ses amis, sans chercher à savoir ce qui les amuse tant. Il s'approche de l'inconnue et alors qu'il veut venir poser sa main sur le mur à côté d'elle, pour faire comme dans les films, il se rate et se vautre à moitié sur elle, la bousculant au passage. - merde-humpf. Qu'il marmonne, la tête écrasée contre le mur de briques. Il se redresse tant bien que mal et passe ses mains sur ses fringues avant de poser son regard dans l'sien. - pardon, ç'va ? Qu'il articule tant bien que mal, réellement soucieux de savoir s'il ne lui a pas fait mal. - putain, t'es encore plus belle d'près. Qu'il lâche comme ça, sans réaliser qu'il vient de le dire à haute voix. Un truc qu'il n'aurait jamais dit d'ordinaire, mais l'alcool fait exploser toutes les barrières. Il tente de se redresser histoire d'avoir fière allure, mais c'est pas gagné. Entre les traces sur son visage, l'alcool et le chagrin, il a vraiment une sale tronche. - sans dec, t'es la PLUS jooooolie fille que j'ai jamais vu. Si on oublie Halina et c'est bien ça le but, justement. Il lui fait un grand sourire mais ses yeux se ferment à moitié à cause de l'alcool qui l'assomme et ça donne un résultat étrange. Il a vraiment l'air abrutis comme ça. Sa main droite vient effleurer le bras dénudé de la jolie rousse tandis qu'il se rapproche d'elle, sans se demander si ça pourrait la gêner. - comment t'appelle ? Qu'il demande enfin, son visage près du sien, venant libérer sur elle les effluves de son haleine alcoolisée.