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 spitting out the demons (sidaire)

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Sidney Kasabian

Sidney Kasabian
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MessageSujet: spitting out the demons (sidaire)   spitting out the demons (sidaire) EmptyJeu 5 Oct - 1:24

Ça fait des jours que ça dure – des jours qu'il accumule les erreurs et les maladresses, des jours qu'il tourne au ralenti, la tête ailleurs et les nerfs à vif. Il arrive plus à penser il arrive encore moins à se concentrer, parfois il a même du mal à respirer. Il étouffe Sid, paumé au milieu de ses remords ses regrets, les non-dits et les tentatives avortées. Il avance pas il avance plus, l'impression d'être condamné à faire du surplace pour l'éternité.

Il est fatigué.

Les épaules voûtées l'échine courbée, il est fatigué d'encaisser, fatigué d'se taire, fatigué d'avoir l'esprit qui tourne à l'envers. Il est juste fatigué et ça l'rend amer, ça laisse cet arrière-goût âcre sous sa langue, un truc qui lui brûle les lèvres et lui serre la gorge. Ça l'ronge de l'intérieur, ça bouffe son sourire et la lumière dans ses yeux, ça grignote ce qui lui reste d'optimisme de volonté et même de fierté. Il reste pas grand-chose, juste des vestiges que tout l'monde se plaît à balayer, des ruines sur lesquelles on vient danser comme si c'était une tombe à profaner. Il a jamais eu beaucoup d'orgueil ou même d'amour propre, mais les coups se multiplient sans lui laisser une seconde de répit et tout ce qu'il voudrait c'est qu'on lui foute la paix, qu'on lui laisse un peu d'espace pour reprendre son souffle. Une fois rien qu'une fois, sinon il a un peu peur d'imploser.

C'est p't'être pour ça qu'il bouillonne, qu'il a le poil qui se hérisse à la moindre remarque de Daire alors qu'il a jamais bronché. P't'être que ça lui rappelle trop le venin des autres et celui de Mads, p't'être qu'il se sent con p't'être qu'on croit qu'il l'est, il veut plus se sentir rabaissé. Il en a jamais rien eu à foutre de ces trucs-là, et pourtant il a soudain ce besoin viscéral, ce truc qui lui tord les entrailles – il a trop de choses à prouver. Mais ça lui plaît pas c'est pas lui, il veut pas être comme ça. Alors il serre les dents et même les poings, rentre la tête entre les épaules quand on vient l'emmerder. Il fait mine de n'pas entendre quand Daire ouvre sa gueule, à se planquer sous le capot en espérant lui échapper. Il a toujours aimé travailler avec elle, parce qu'elle sait ce qu'elle fait, parce qu'il la trouve drôle même quand elle s'amuse à le bousculer. Pourtant plus ça va plus il chérit les moments où elle est pas là, les instants privilégiés quand elle vient pas bosser. Il la couvre même plus ; on n'lui présente jamais d'excuses alors il cesse d'en faire pour les autres. P't'être que c'est injuste de reporter sa frustration comme ça, au fond il le sait, elle a rien fait. Mais ses mots sont brutaux son regard est aiguisé, chaque seconde avec elle lui rappelle les plaie qu'il n'arrive pas à penser, celles qui portent le nom de Mads en lettres capitales.

Et à ces filles faites de pierre il voudrait dire cassez-vous, et à ces barbares armées jusqu'aux dents il aimerait lever son majeur, puisqu'il n'est pas foutu de les affronter et encore moins de leur échapper. Souvent il se sent souris entre leurs griffes acérées, proie prête à être dévorée.
À croire qu'il est né pour les divertir, bouffon qui s'agite sur les braises de leur empire.

Alors quand la voix de Daire résonne il l'ignore, quand elle passe près de lui il regarde de l'autre côté, quand elle cherche l'outil qu'il a dans la main il se tait. Il n'veut ni lui répondre ni la provoquer – il oublie pas la première impression qu'elle lui a faite, l'espèce de sauvage qu'il préférait ne pas approcher. Mais elle ne l'intimide plus, elle se contente de le perdre et l'agacer, l'faisant tourner en rond sans qu'il sache jamais sur quel pied danser. La différence c'est qu'il ne fait plus aucun effort, c'est à peine s'il lui a adressé trois mots en plusieurs jours de travail. Il veut juste qu'elle le laisse tranquille elle aussi, qu'on arrête de le happer au cœur des tornades.

Pourtant la tempête aujourd'hui c'est lui, à pester depuis qu'il est arrivé, les insultes qui s'bousculent au bord de ses lèvres et ses gestes d'habitude mesurés qui deviennent soudain trop brusques. Il s'acharne sur le même moteur depuis des heures mais son attention est ailleurs et les erreurs se multiplient, ça l'rend fou. « Putain, » qui s'articule dans un grognement, son poing qui tape sur la carcasse de fer avant que sa paume ne vienne frotter son visage ; il voit pas qu'il s'étale de la graisse de moteur partout sur la tronche. La frustration qui s'accumule et dans ses veines ça bout dans son cœur ça siffle. Il se redresse trop vite, son crâne qui cogne au capot, « MAIS MERDE. » Son pied qui s'abat sur le pare-choc sous le coup d'la colère, mais il a frappé tellement fort qu'un côté déjà abîmé se décroche, cogne dans son tibia. « FAIT CHIER ! » Sa voix qui résonne dans le garage tout entier et d'habitude c'est pas lui qui jure le plus, pas lui qui fait le plus de bruit non plus. Et il prie pour n'pas avoir été entendu, pour n'pas que Daire décide de se rapprocher, pour n'pas sentir son regard ou ses mots le transpercer.

Il sait que c'est un combat qu'il n'est pas prêt à mener.
Les guerrières il les connaît – c'est toujours son sang à lui qui finit par être versé.
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Daire Méalóid

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MessageSujet: Re: spitting out the demons (sidaire)   spitting out the demons (sidaire) EmptyJeu 5 Oct - 22:24


Un tas d’injures se bataillaient sur le bord des lèvres, s’arrachaient dans la moindre parcelle de ses muscles, se bousculaient dans le crâne. Ça lui comprimait la poitrine, lui martelait les tempes – c’était vicieux, instable, presque dérangeant. C’était la tempête qui se déversait en elle, comme souvent, comme tout le temps. C’était la rage démesurée face à la remarque de trop, l’irascibilité de la fautive prise en flagrant délit. La même fichue colère qui lui ravageait la cervelle à la moindre faille, le moindre écart. C’est ton patron. Merde, Daire, fais un effort. Elle se pinça les lèvres, la rouquine, si fort que le sang s’en dispersa quelques instants. Les poings crispés sur le guidon de sa bécane alors qu’elle l’avançait pour la mettre à l’abris dans un coin du garage, si bien que le caoutchouc grincha sous les jointures blanchies de ses doigts. « Connard » qu’elle murmura, si faiblement que l’écho s’éteignit au premier obstacle de tôle.

Une remarque de plus, encore, sur ses retards, ses absences. Répétitifs qu’il avait insisté, trois fois, parce qu’à la première elle ne l’avait peut-être pas entendu, pas bien compris. Elle l’avait bien ressenti, la menace voilée sous l’avertissement. Elle connaissait bien le langage à demi-mots, Daire, elle le pratiquait depuis trop longtemps. Elle était sur la pente raide, au bord du précipice, un pas de travers et c’en était fini – et sa position perpétuellement sur la défensive n’aidait jamais en rien pour le dialogue, la compréhension. Elle s’était contentée de hocher la tête, la fureur à peine dissimulée dans le regard. Elle ne pouvait pas être dégagée comme un torchon sale, elle avait trop besoin de cet argent. Les kids en avaient trop besoin. Ils pouvaient bien faire les malins, les sales gosses, les fiers dans leur grand appartement miteux, mais il fallait bien survivre dans ce monde de rats, à commencer par subvenir à leurs besoins. Ça lui arrachait son cœur d’anarchiste de l’admettre mais elle avait véritablement besoin de cette thunes – pour les siens, pour les factures impayées de sa camée de mère, si elle n’avait pas encore rendu l’âme dans son canapé crasseux. Alors ouais, Daire se taisait, elle se contenterait de cracher sur le système le soir venu, des bières dans le sang et un pétard pour apaiser son myocarde.

Ça tambourinait dans sa poitrine, ça se battait au fond de son âme – c’était la colère qui se déversait dans ses veines, de celle qu’elle ne pouvait assouvir. Alors elle se plia l’échine au travail, les cheveux dégueulasses de cambouis, et de la crasse jusqu’à la moelle. Elle ne s’était même pas rendue compte que Sidney, déjà présent, n’avait pas répondu à son salut. Tant mieux, quelque part, elle n’avait pas envie de lui reprocher le fait qu’il ne couvrait plus ses frasques, qu’il n’avait plus d’excuses pour ses absences, alors qu’il n’avait aucun compte à lui rendre, qu’elle ne lui avait jamais rien demandé. C’était vital, pourtant, ce besoin de lui en vouloir, ce besoin de le comprendre, cette bataille entre l’enfer et la raison. Alors, elle s’attarda dans ses propres pensées déchaînées, à insulter un monde qu’elle ne supportait pas vraiment, à maudire sa propre personne qu’elle ne comprenait pas toujours – toute cette haine qu’elle voudrait hurler au cosmos si elle le pouvait.

Daire s’agita, maugréa, rouspéta, s’arracha la peau sur des pièces abîmées bonnes qu’à n’être remplacées, arpenta le garage de long en large et en travers à la recherche de ses outils. Parce qu’elle fonctionnait toujours comme ça, à faire mille choses en même temps, l’âme déchaînée, les pieds sur terre, la tête dans les nuages et les mains quelque part entre les trois.
Puis elle se rendit compte qu’il y avait trop de tension entre ses quatre murs trop étroits pour toutes ces carcasses démontées et ces pièces détachées, trop de rancœur ravalée qui n’était pas forcément la sienne – ça pulsait dans l’air comme l’orage d’un soir d’été. « C’toi qui a le jeu de clés torx, Sid ? » Seul l’accent irlandais des contrées lointaines raisonna dans l’espace, lui, le vrombissement léger des machines allumées et deux battements de cœur peut-être trop arrachés. « T’fais chier » Lui pas plus qu’un autre, tout le monde l’exaspérait tout le temps. Parce que le monde n’allait pas assez vite alors que son existence tournait trop rapidement, que l’agitation n’était jamais à la mesure des frémissements de ses neurones, que le silence était trop assourdissant pour n’être qu’une inattention.

Elle souffla, la rouquine, lâcha deux-trois autres injures en faisant un énième aller-retour entre son tabouret de fortune et la caisse à outils. Elle s’essuyait les mains d’un torchon sale pour se les passer sur son visage plein de poussières, tout en s’attachant plus convenablement les cheveux de son bandana avant que sa tignasse flamboyante ne devienne définitivement du charbon, lorsque la quiétude de son univers de travail explosa littéralement. Sidney avait d’abord grogné, mais elle ne l’avait pas véritablement entendu – sa voix n’était pas celle qu’on entendait le plus dans ce tas de ferrailles.

Non, Daire ne s’éveilla qu’au bruit sourd d’un coup contre le métal, à l’injure qui s’en suivit, à la colère qui s’en dégagea. Deux voitures entre eux, et pourtant elle entendit clairement le coup de pied, le coup de rage, la pièce qui se détacha, l’insulte suivante qui éclata. « J’crois pas qu’on t’ait demandé de rendre la bagnole en pièces détachées » Personne n’a demandé ton avis, putain. La rouquine avait fait le tour des obstacles pour s’approcher du mécano, alpaguée par cet excès de violence qu’elle ne lui connaissait pas, comme un insecte prêt à se cramer les ailes sur une lumière trop captivante. Elle lui tendit le torchon sale qu’elle avait encore entre les doigts, c’était misérable, mais c’était mieux que rien. « Essuie-toi, p’tin tu ressembles à rien là » C’était agaçant, ce ton désinvolte qu’elle balançait à tout va comme si elle en avait absolument rien à faire de tout. Comme si le monde pouvait bien aller se faire voir, qu’elle serait là pour le regarder se dissoudre dans le chaos de l’humanité. Mais dans le fond, elle voulait juste bien faire, Daire. Parce qu’il avait le visage plus agréable les traités apaisés et la crasse en moins, Sid. Mais elle n’avait jamais les bons mots pour se faire entendre, pour se faire comprendre. Une handicapée des relations sociales comme il y en avait tant, si tant était qu’elle avait de la ferraille à la place du cœur.

« Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu t’es levé du mauvais pied, t’as raté ton bus ? » Si seulement, ça ne pouvait qu’être ça. « T’avais plus de lait pour les céréales ? » Parce qu’il était trop doux Sidney, trop calme, trop gentil. Il avait le regard de ceux qui se laissaient faire, sur lesquels on marchait dessus sans prétention, qu’on abimait dans le silence et l’indifférence. Il avait le regard de ceux qui encaissaient les coups sans broncher, de ceux qui ne disaient rien, qui n’avaient que leurs yeux pour hurler. Elle le savait, Daire, elle le savait si bien que ça la démangeait de le bousculer, de l’abattre dans ses remarques désintéressées, de le faire réagir – parce qu’il était l’objet de son intérêt, dans absence d’action, de réaction, d’attention. Il était toujours si passif, Sidney, qu’elle cherchait sous la peau, qu’elle grattait sous la carcasse – c’était plus fort qu’elle, c’était la tempête qui ne pouvait se déchaîner sur un rivage trop calme.

Ce n’était pas le bon jour, Sid. Pas le bon jour pour la crise existentielle, pour brailler plus fort qu’elle. Pas le bon temps pour lâcher tes nerfs sur elle, pas lorsque les siens palpitaient dans ses veines à lui en donner l’envie de les arracher.
Ce n’était jamais le bon jour, avec Daire, mais aujourd’hui plus que jamais.  
Tu peux encore faire demi-tour.
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