TOAD BAXTER ✧ Y’a bien longtemps, Reggie c’était le puceau qui fantasmait sur le capitaine de l’équipe de basket au lieu de la capitaine des cheerleaders, le genre crush impossible de base quand on est gay et que le mec en face est grave hétéro, redneck jusqu’au cou et obsédé par sa virilité. Il saurait même pas dire pourquoi il avait autant flashé sur lui, le mec devait avoir un neurone à tout casser, il était au courant parce qu’ils étaient dans la même classe. Mais peu importe, il demandait pas grand-chose, juste un petit coup une fois en passant sous les gradins du terrain de football, un truc sans lendemain et sans conséquence, qui colle à son image de petit voyou qui avait trop tendance à fondre dès que l’autre débarquait dans son champ de vision. Il avait pas prévu. Il avait pas prévu que Toad défende un nouveau qu’avait refusé de filer son argent de poche au chef de sa petite bande, il avait pas prévu que ledit chef sortirait son couteau et égratignerait son basketteur avant de détaler à l’arrivée du proviseur. Il avait pas prévu de suivre Toad, de lui proposer de soigner sa blessure, il avait pas prévu que Toad lui demande pourquoi il le matait tout le temps, il avait pas prévu de se retrouver seul dans les vestiaires avec lui torse nu pendant qu’il lui désinfectait le bras. Il avait pas prévu le baiser, encore moins qu’il y répondrait avec autant d’ardeur. Les rêves érotiques étaient devenus réalité. C’était grisant, pour Reggie, d’avoir cette chose interdite, cette relation secrète qu’ils cachaient sans jamais se le reprocher, sans jamais vouloir plus. Puis il y avait eu le match de basket décisif, celui qui allait déterminer toute la vie de Toad, et il y avait eu l’accident de moto, alors qu’il roulait trop vite pour pas rater le premier coup de sifflet. L’hôpital. Toad endormi sur la chaise à côté de son lit quand il s’était réveillé. T’es plus important qu’un ballon, qu’il avait dit avec toute la désinvolture du monde dans son haussement d’épaules. T’es plus important que ma vie tout entière, qu’il avait entendu, Reggie, avec un sourire niais sur la gueule.
Toad parle d’eux à son père, Toad vient se planquer chez lui le corps recouvert de bleus et de sang, Reggie propose de partir, se barrer, disparaître, personne saura où on est. Toad dit oui, il demande Reggie en mariage dans une station d’essence après avoir chopé une bague dans un distributeur à cadeaux surprises. C’est Reggie qui dit oui, cette fois, et ils tracent la route jusqu’au Massachussetts, là où ils ont le droit de se marier. Ça dure quatre ans. Quatre ans qui se consument trop vite. L’insouciance, d’abord, les conneries qui s’enchaînent, l’argent qui s’évapore, le sourire aux lèvres et les lèvres sur les siennes, toujours, seul l’amour qui importe. Puis retour sur la terre ferme. Pour Reggie, du moins. Son père est malade, il lui faut de l’argent. Il commence à bosser pour de vrai, de plus en plus, revient plus tard, devient sérieux, responsable, Toad qui agit en homme délaissé à le retenir au lit tous les matins. Toad qui se drogue, de plus en plus, ecsta, coke, héro, comme pour compenser l’absence. Toad qui ramène de l’argent sorti de nulle part, en liasses, Toad qui continue à se battre pour le plaisir ou pour le fric, Toad qui fait ami-ami avec des gangsters et qui détruit les meubles quand Reggie parle de désintox, la lampe qui atterrit trop près de sa tête, une fois, une seule fois. Il n’a pas peur de lui, pourtant, Reggie, il l’aime, et il sait que Toad l’aime, il n’a pas peur de lui, seulement peur de le retrouver sur le sol avec une seringue dans le bras comme il l’a déjà retrouvé des milliers de fois, sauf que cette fois, il respirerait plus, son cœur battrait plus.
Alors il décide d’arrêter. D’abandonner. Il peut plus. Il peut plus tout faire, il peut plus le regarder se bousiller, il peut plus l’entendre dire qu’il fait tout ça pour lui, par amour, il peut plus supporter de devoir le porter jusqu’au lit à moitié inconscient en espérant qu’il se réveillera le lendemain, il peut plus. Les papiers du divorce dans les mains, les doigts qui tremblent, le cœur au bord de l’implosion. Toad qui signera jamais les papiers, Toad qui refuse de le laisser partir, mais il part quand même, un matin, malgré les larmes et les suppliques du camp adverse. Il l’aime encore, et il est pas sûr d’y survivre s’il part pas maintenant.
Précisions sur le lien actuel
Reggie a gardé contact avec la sœur de Toad, Skeeter, juste pour lui demander de temps en temps s’il était encore en vie. Il a fait son maximum pendant deux ans pour sauver son père et quand celui-ci est mort, il a perdu une partie de lui-même, en se disant que s’il avait pris l’argent de Toad, peut-être qu’il aurait pu le sauver, des peut-être qui l’ont rongé jusqu’à ce qu’il s’installe à Savannah et qu’il se retrouve impliqué dans les activités illégales du coin sans que ça lui cause des scrupules. Ça fait six ans qu’il n’a pas revu son ex. Toad est devenu pasteur et s’est dégoté une église à Savannah, parce que Skeeter lui a dit où Reggie vivait, toujours bien obsédé par lui. Par contre, Toad est là depuis un an et n’a toujours pas trouvé le courage d’aller le voir. Les retrouvailles risquent de pas très bien se passer, vu que Toad essaye d’être un type bien et que Reggie a complètement abandonné cette idée, c’est un peu le monde à l’envers, quoi.