« Qu’est-ce qu’on se fait chier. » Palabres qu’il laisse échapper. Mots qu’il rumine depuis des heures, des semaines, depuis des mois dans cette voiture. Voiture qu’il considère comme un aquarium de poisson rouge tant il tourne en rond dedans. Regard interrogateur que pose son coéquipier sur lui.
« C’est vrai nan ? Merde on n'est pas formé à rester en planque dans une voiture dans un lieu où il ne se passe jamais rien. Marre d’être au placard pour une faute qui n’est pas la mienne. » Parole qu’il regrette aussitôt, parole lâchée un peu trop vite. Il voit son coéquipier se raidir à côté de lui, se plaçant dans cette position défensive qu’il ne connaît que trop bien.
« Parce que j’ai fait exprès de me faire tirer dessus peut être ? » Ton de sa voix tranchant, trahissant un léger agacement. Encore une fois il avait parlé trop vite, comme toujours, il faut dire que tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler ne fait pas partie de son habitude.
« Oh ça va tu sais bien que ce n’est pas ce que je voulais dire. J’en ai juste marre d’être au placard pour rien, comment veux-tu que notre carrière progresse comme ça ? » C’est vrai lui qui rêve de devenir capitaine, comment peut-il progresser quand c’est tout juste si on ne leur confie pas des affaires de grands-mères ayant égaré leurs clés. Il s’enfonce alors un peu plus dans son siège croisant ses bras et laissant le silence régner de nouveau dans l’habitacle du véhicule. Silence étant devenu la routine. Il n’est pourtant pas coutume de se taire en planque, mais quel sujet aborder après plusieurs mois à planquer, tous ont été épuisés, sucés jusqu’à la moelle. Il regarde alors par la fenêtre le regard vide. Soudain son corps se crispe sous le poids de la promiscuité d’un autre. Le parfum de son coéquipier lui monte jusque dans les narines, parfum enivrant qui lui fait tourner la tête. Son souffle se fait court, inexistant, il suffoque. Le sang lui monte légèrement à la tête envahissant son corps d’une douce chaleur.
« Qu’est-ce que tu fais ? » mots qu’il articule difficilement, péniblement. Il est troublé plus qu’il ne le devrait. Il aimerait pouvoir être discret ne pas trahir si facilement ce qu’il ressent mais il n’y arrive pas, du moins plus. Trop longtemps qu’il réfrène ses pulsions, il avait même dû prendre quelqu’un pour les apaiser. Il déglutitpéniblement se raidissant sur son siège, rentrant son ventre, se redressant au maximum afin de diminuer le plus possible la surface de contact entre leurs deux corps.
« Je prends juste la bouteille d’eau. » Il lui répond innocemment, visiblement inconscient de ce qu’il produit chez son ami.
« Et bien la prochaine fois demande-la-moi plutôt que de faire de la gym. » Silence qui s’installe de nouveau, gêne qui s’empare que Baedrian. Il aimerait fuir loin, prendre une douche froide, évacuer ses pulsions. Il devrait peut-être appeler Sil pour s’en charger ce soir. Soudain l’autoradio grésille
~ … combat de rue illégal, demande de renfort au …~. La voilà l’occasion qu’il attendait pour sortir de cette voiture, partir loin de cette promiscuité, et surtout l’occasion de remettre un peu de piment dans sa carrière de flic. Sans un échange avec son coéquipier, il passe la première puis la seconde et démarre en trombe.
Coup de frein à main violent, dérapage contrôlé et créneau réalisé dans les règles de l’art. Ses mains sont crispées sur le volant. Son sang bat violemment dans ses tempes, plaisir grisant tant oublié que procure l’adrénaline délivrée sur le terrain. En moins d’une seconde il s’est déjà extirpé de son bocal, claquant violemment la portière conductrice. Il se redresse, vérifie rapidement la présence de son pistolet contre ses côtes gauches et s’élance vers le hangar, le cœur plein d’enthousiasme. Rapide coup d’œil échanger avec son coéquipier, signe de tête et les deux hommes décident alors de contourner le bâtiment, rejoignant la sortie à l’arrière. Il s’en approche à pas de loup, arme en mains, gilet par balle en place. Soudain un homme capuché leur coupe la route en courant.
« Police arrêtez-vous ! » voix qui perce l’air, bras qui se tend vers la cible la pointant du canon. Cible qui continue à se mouvoir à toute vitesse.
« Eh merde ! » Il rentre alors son arme dans son étui et se met à sprinter pour rattraper l’inconnu. Vent qui lui balaye le visage, adrénaline qui pulse dans ses veines, le rendant plus rapide, plus efficace. Adrénaline qui lui procure cette sensation grisante qui lui faisait perdre la tête plus que n’importe quelle drogue sur terre. Il court à toute vitesse, slalome de ci de là, saute quelques obstacles. Et finalement il y arrive, il chope l’inconnu par les jambes et le plaque au sol en deux secondes avant de l’immobiliser en commençant à lui passer les menottes.
« Bah alors mon grand on ne comprend pas quand le gentil monsieur demande de se rendre ? » Petit trait d’humour qu’il aime bien faire à chaque arrestation. Jubilation qui s’empare de lui face à son travail bien fait. Menotte qui sert un peu fort juste par plaisir sadique, comme une punition qu’il aime infliger juste dans le cas où la justice derrière ne soit pas en mesure de punir correctement.
« Allez bonhomme on se relève. » Il tire sur les chaines entre les deux bracelets argentés afin d’aider l’inconnu à se redresser. Puis il pousse sur son épaule le forçant à lui faire face, dévoilant son identité au grand jour.
« Putain Sil ! Mais dans quelle merde tu t’es encore fourré abruti. » Ton surpris excédé et fatigué, las de devoir toujours passer derrière cet idiot pour rattraper ses bourdes.