« T’veux boire un truc ? » proposais-tu en regardant le grand blond entrer dans ta cuisine. Ça te faisait toujours encore un peu bizarre de voir Sid chez toi, c’était typiquement le genre de mec avec qui tu ne penserais jamais traîner, le genre de mec un peu trop cool pour passer son temps avec un gars aussi banal que toi. Parce que Sid c’était exactement ça : il bossait dans un bar, il était (beaucoup) trop blond et il dégageait cette aura un peu intimidante quand il vous happait du regard. Truc de dingue. Tu te demandais parfois ce qu’il trouvait d’intéressant à ta compagnie mais tu ne te plaignais pas, derrière le masque du mec trop cool, Sid était franchement d’agréable compagnie et au fil de vos rencontres, une amitié s’était lentement tissée entre vous.
A peine rentré de vos trois semaines de vacances, tu en avais profité pour lui envoyer un texto pour le prévenir que tu étais rentré, un peu comme tu avais texté Meredith, un peu tremblant à l’idée qu’il ne veuille plus de toi. C’était vrai ça, à peine vus, tu t’étais déjà barré, bien obligé de suivre les lubies de ta mère. Non, en réalité tu n’étais pas obligé mais tu savais que ça lui ferait plaisir de t’avoir parmi vous pour ses premières vraies vacances après des années de galère. Au final, tu avais apprécié cette coupure loin de Savannah mais à présent, tu avais hâte de reprendre ta petite vie telle que tu l’avais laissée et Sid en faisait définitivement parti.
« Alors, il s’est passé quoi en ville ce dernier mois ? Aller en vacances c’est cool mais après, pour se remettre à jour. Galère ! » racontais-tu en le suivant dans la cuisine, sur le ton de la conversation en jetant un œil dans le frigidaire pour voir ce que vous aviez en stock.

« Une bière » Tu attrapes la bière qu’il te tend et sourit en le voyant en prendre une pour lui. Tu rigoles doucement à sa remarque tandis que ça crie à l’intérieur. Il se plaint d’avoir eu des vacances. D’avoir perdu le fil. Quelle blague. T’aurais aimé ça toi. Perdre le fil. Ne pas rester comme un con à rien pouvoir faire pour venger ta meilleure amie. Oublier que Milo et Lachlan se sont cassés comme des cons. Oublier les blessures encore présentes sur ton corps, souvenir d’une rencontre malheureuse et encore douloureuse. Y’a des tas de trucs sur lesquels t’aurais aimé perdre le fil. Lui et son père. Sacré exemple ça. « J’me suis un peu fait défoncer » Tu lèves ton teeshirt pour montrer l’hématome violacé qui s’est installé. « Mais t’as pas vu l’autre gars ! » Tu hausses les sourcils avec sous entendu, esquissant un sourire malicieux avant de porter ta bière à la bouche. Jesse, il a pas tellement l’air du mec qui se bat. Ca doit faire plaisir à papa. C’est sur qu’avec toi, il serait déçu. Des blessures ici et là dix mois sur douze. A dix neuf ans, t’as déjà plus de cicatrices que la plupart des vieux. Faut dire, t’as jamais été fait pour rester calme. « Et toi ? T’as fais quoi ? »

La bière se vide rapidement, et tu te rapproches doucement de Jess. Des contacts ponctuels plus ou moins volontaires. Une main dans l’dos. Une cuisse contre la sienne sur l’canapé. Le jeu t’amuse. Comme toujours. Tu t’sens presque coupable de ne faire que jouer. Presque. « Ca t’dit pas d’sortir ? » T’as, encore une fois, envie de le faire frôler l’illégal. Le faire toucher tout ce qu’il ne connait pas. Ce sentiment intense du coeur qui bat trop fort. De la pression de se faire prendre et de finir la nuit derrière les barreaux. Et peut-être qu’il finira comme toi. Plus accro à l’adrénaline qu’à n’importe quoi. Peut-être qu’il arrêtera d’être le gosse parfait. Celui que ton père aurait préféré avoir.

Alors tu t’retrouves là. Avec lui dans une ruelle un peu glauque. Tu l’regardes avec un sourire malicieux « Tu flippes, gamin ? » Tu ris doucement. Il est pas plus gamin que toi. Mhm probablement moins. Mais cette fois ci, c’est toi qui avance en terrain conquis. Tu ouvres ton sac a dos avant d’attraper deux bombes de peinture. Un passe temps comme un autre. Peu de gens le savent, mais tu sais dessiner. T’as quelques BD de ton oeuvre entassées quelque part chez Nora. Et quand le papier ne suffit plus, tu t’exprimes parfois sur les murs abandonnés de la ville. Tu secoues la bombe avant de l’ouvrir, te retournant un instant vers ton acolyte dans un sourire malicieux. « Alors ? »