Des heures et des heures qu’il tournait en rond. Tel un lion en cage. A ne pas savoir quoi faire. Il avait bien essayé de lancer un film, puis de lire, avant de relancer un autre film, puis de fixer bêtement le plafond pendant un temps infini avant de s'emmerder royalement... Rien n'y faisait, il n'arrivait à garder son attention sur absolument rien du tout ce soir. Il s'en voulait clairement d'avoir décliné l'invitation d'Anthea, tout ça parce qu'il voulait la laisser tranquille avec sa sœur. Les deux femmes auraient été ravies de passer une soirée karaoké de plus en sa compagnie. Quelque part, il avait eu peur de déranger, il ne voulait en aucun cas s'immiscer dans la vie de l'une ou l'autre, sous prétexte qu'il avait besoin de s'aérer l'esprit. Lors de ces dernières semaines, elles s'étaient montrées toutes deux d'un soutien sans faille, l'aidant ainsi à y voir un peu plus clair sur sa situation, mais aussi et surtout à se rendre compte à quel point le fossé entre la compréhension des événements qui bouleversaient sa vie et « accepter » cette terrible réalité, était immense. Pierre par pierre, il tentait tant bien que mal de reconstruire l'édifice avec ses propres moyens. Il ne savait pas encore s'il y parviendrait un jour, mais au moins la douleur elle était un peu plus supportable. Certes peut-être que c'était un peu comme coller un sparadrap sur une roue, cela ne tiendrait qu'un temps très court, mais il avait l'impression qu'il pouvait s'en sortir. Et c'est avec impression qu'il était peut-être en train de devenir un homme nouveau, qu'il prit le chemin de son ancienne maison. Llewyn avait envie de passer du temps avec sa fille. Il savait que Lullaby ne serait pas présente, du moins pas avant un bon bout de temps, ce qui lui laissait largement le temps de rester un peu avec Lucy.

En arrivant devant le perron, la musique tonitruante vint l'accueillir, tout comme ces jeunes en train de crier, un verre à la main. Sans doute avait-il oublié l'adresse de son ancienne demeure et s'était-il trompé. Il jeta un regard rapide au numéro affiché au dessus de la porte. Non, il s'agissait bien de la bonne maison pourtant. Que se passait-il au juste ? Les jeunes à l'entrée ne le regardèrent même pas. Rapidement, Llewyn poussa la porte d'entrée en faisant attention de ne pas trébucher sur ce qui jonchait le sol. Horrible impression d'être dans ce film avec ces jeunes organisant une fête gigantesque, ou tout dérape et part en cacahuète. Il ne reconnaissait aucune des têtes présentes. Il essaya de trouver Lucy, en demandant à plusieurs jeunes. Certains lui répondirent même « Qui ? ». Llewyn nageait en plein délire, ça devait sans doute être ça, il allait se réveiller dans quelques minutes à peine. D'ailleurs il se pinça discrètement l'avant bras, mais cela ne changea rien. Il voulut à nouveau demander à quelqu'un où pouvait bien se trouver sa fille et le jeune homme en question lui tendit un verre en hurlant « Cul sec ! Cul sec ! ». Le pauvre pompier essaya de se débiner pour aller voir à l'étage, mais c'était sans compter sur d'autres jeunes qui l'encouragèrent. S'il terminait son verre d'un trait, on le laisserait sans doute tranquille par la suite. Sauf que non, on lui en tendait déjà un autre et encore un autre. On le traîna ensuite jusqu'à une partie de Beer-Pong, dont il n'arriva pas à se défaire. Jusqu'à ce qu'enfin il aperçoive Lucy. Il hurla alors, pour tenter de couvrir le brouhaha ambiant « Lucy !! Mais qu'est-ce qui se passe ici ? » Il voulait juste comprendre d'où sortait tous ces jeunes alcoolisés.

Lucy Bridges se trouvait en compagnie de ses deux amis. A New-York, elle avait beaucoup plus de potes. Or, elle comprenait qu'il valait mieux posséder deux vrais amis sur qui compter que vingt sur qui il était impossible de se reposer. Ils dansaient. Lucy avait organisé la fête du siècle, sans prévenir personne. Sa mère était encore absente. Elle ne rentrerait que le lendemain matin. L'adolescente rencontrait une belle marge pour tout nettoyer comme si rien ne s'était déroulé dans la maison famille. Son père n'habitait plus ici. Alors, elle ne risquait pas de le croiser même si parfois il se glissait en douce dans la maison pour la voir. Elle appréciait ces instants uniques où ils refaisaient le monde, où son père lui lisait parfois le livre de son enfance qui n'avait rien à voir avec une comptine de gamin. Ils partageaient plus depuis la séparation, ils redevenaient complices malgré les changements que Lucy amenaient : elle grandissait. Pourquoi agir comme cela et cacher ses intentions à ses parents ? Elle avait seize ans. Ils ne souhaitaient pas qu'elle prépare une fête avec des inconnus et de l'alcool. Ils la protégeaient quelque part. Lucy n'avait pas écouté les règles pour une fois. Elle profitait de sa nouvelle popularité. La vidéo de elle, frappant Tiff avec son plateau, au réfectoire, tournait et amusait la galerie. Luce vivait une nouvelle situation : elle était appréciée à Savannah, pour son répondant face à l'ennemi. Présentement, elle finissait son verre. Une boisson alcoolisée occupait l'espace du contenant, mais la jeune fille ne savait plus ce qu'elle buvait. Elle se servait le quatrième. La petite brune allait bien. Elle ne se situait pas dans un état lamentable. Elle ne dépassait pas encore ses limites. Elle contrôlait tout même si la tête lui tournait un peu. Sa pote subissait plus de difficultés à articuler. Or, la danse les réunissait. Ils ne faisaient rien de mal. Luce vivait un des meilleurs moment de sa vie. Sauf que... son père était là. Il était débrayé. Il sentait l'alcool. Il paraissait joyeux. Que se passait-il ?

Papa. Euh... ça va ? Elle ne hurlait pas contrairement au pompier, un peu défoncé, elle se faisait entendre tout simplement. Tu as l'air de le savoir. Tu profites bien ? Elle riait, pas pour se moquer. C'est une fête voilà tout, on fait rien de mal. On s'amuse. Maman n'est pas là si tu veux tout savoir. Elle craignait les représailles mais Llewyn semblait encore plus pris par le démon de la fête qu'elle. C'était amusant. Elle serrait son papa dans les bras. Je suis contente de te voir. Je te présente mes amis : Kurt & Gothiqua par son surnom. Ces deux clichés ambulants, l'homo et la gothique, préféraient serrer la main de l'anglais. Un terminal, quarterback de l’équipe de football du lycée, vint les interrompre. Llew' tu viens finir ce beer pong. On t'attend le champion. T'es un dur toi ! Il lui donna une tape sur l'épaule. Lucy riait. Papa tu as des amis, je vois. Vas-y. On va te regarder si ça t'embête pas. Elle était ravie de voir son père aussi relâché. Il méritait cette pause. La situation devenait hilarante. Llewyn se transformait en un adolescent, il vivait comme une seconde jeunesse. Il délirait au même titre que les jeunes présents. Il se lâchait, il ne représentait plus le papa inquiet, même trop prévoyant. Il s'oubliait. Lucy se plaisait à l'admirer dans cette position. Ils partageaient une bonne soirée, rien de mal ne pouvait se produire.

La fête surprise battait son plein. Llewyn ne faisait aucunement partie des invités et pourtant il venait de tomber dans un véritable guet-apens. Lui tout ce qu’il voulait, c’était croiser sa fille, le temps de quelques heures à peine, afin de passer un agréable moment en sa compagnie. Et ce sans la présence de sa femme, qu’il ne tenait pas à voir avant au moins une bonne centaine d’années. Du moins, son ressenti du moment était tel que c’est l’impression qu’il avait. Il avait tellement de colère et de dégout en lui, qu’il n’était pas sûr d’arriver à se contrôler cette fois-ci et à être aussi sympa que lorsqu’il avait découvert les travers de Lullaby. Non, vraiment il ne savait pas de quelle manière il pourrait réagir. Il était donc préférable pour tout le monde que cela ne se produise pas avant un très long moment. Lorsque le pompier croisa enfin sa fille, cette dernière était en compagnie de deux ami(e)s, elle avait l’air de s’amuser, sans pour autant abuser. Lucy paraissait même en pleine forme. Cela faisait belle lurette qu’il ne l’avait pas vue aussi radieuse. La situation l’amusa tout de même et au lieu de faire ce qu’il aurait dû faire, à savoir faire stopper net cette petite sauterie, Llewyn décida qu’un peu d’amusement n’avait jamais fait de mal à personne. Si les jeunes ne prenaient pas le volant par la suite, cela lui convenait parfaitement. Vu le flux de personnes, il allait être difficile de contrôler. Pour l’instant, il préféra reporter son attention sur sa fille.

« Ca va… je me trompe ou ta mère n’est pas au courant ? Promis j’ai rien vu du tout… Ca restera entre nous ! ». Le fait de se faire confirmer que sa femme n’était pas dans les parages le rassura. Lullaby n’avait pas besoin d’être au courant après tout et puis il était là pour surveiller. Même s’il risquait de ne plus être en état d’ici peu de temps. Le rire communicatif de l’adolescente l’emporta sur le reste et Llewyn se mit à rire avec elle, avant de la serrer à son tour dans ses bras. Il arriva mieux à contrôler le volume de sa voix par la suite. « Je suis content également. Je voulais passer un peu de temps avec toi ! » Lucy lui présenta ensuite ses deux acolytes. Il était ravi de voir que sa fille s’était fait de nouvelles connaissances. Il serra les mains présentées avant de lâcher un « Enchanté ! J’espère que vous prenez soin de ma fille… », ajouta-t-il d’un air faussement sévère. Il n’eut guère l’occasion d’ajouter quoi que ce soit, que le groupe rencontré un peu plus tôt revenait à la charge pour terminer la partie de Beer-Pong. « Euh… ok j’arrive ! » Quel exemple était-il en train de montrer à sa fille ? Pas un très bon c’était certain. Sa dextérité lui fit remporter la partie, un mal pour un bien, au moins n’eut il pas besoin de trop boire. Victoire qu’il marqua en criant sa joie et en levant les bras au ciel ! « Vous voulez essayer ? » demanda-t-i à Lucy, Kurt et Gothiqua.

Llewyn Bridges ne jouait pas le papa autoritaire. En effet, il avait besoin de se lâcher, de prendre ses distances avec le monde réel. Il vivait pas mal de déboires. Tout lui retombait dessus en cas de pépin. Pourtant, il qualifiait un homme bon. Il était impossible de lui reprocher quelque chose. Pour une fois, il ne jugeait pas la situation chaotique dans laquelle il se se situait, il se laissait aller. Il était rare de l'observer dans cette position : souriant, content, relâché, « fou fou ». Sa fille restait surprise mais elle appréciait cette donne. Elle ne se faisait pas engueuler. Son père participait même à la fête. Lullaby n'était pas présente. Lucy oubliait quand même de regarder son portable. Pourtant, elle savait sa mère inquiète et concernée. L'agent immobilier avait essayé de l'appeler à plusieurs reprises. Luce n'avait rien vu. C'était malheureux car ce détail allait déclencher la suite. Elle aurait du le savoir. Or, la jeune fille pensait qu'a profiter, s'amuser avec ses deux amis et son père. Ce dernier partageait les délires des jeunes gens présents. Il ne râlait pas pour le son excessif, l'alcool présent à gogo, les nombreux jeunes en furie occupants l'espace de sa maison. Il était détendu comme jamais.

Merci papa c'est cool. Je veux que ma première fête soit réussie, ça fonctionne bien pour le moment, encore plus depuis que tu es là. Elle riait. La complicité entre le père et la fille existait toujours. Ils se protégeaient l'un l'autre, encore plus depuis qu'ils étaient séparés. Ils renouaient avec leur passé et des habitudes perdues, cela les rendait bien. Présentement, Luce avait serré son papa dans les bras, ce geste avait disparu après l'épisode du réfectoire. La page était tournée. Je suis contente aussi, on peut s'amuser sans penser à rien. La lycéenne présentait ses deux potes. Avant, elle n'en avait pas. Donc, elle ne demeurait pas trop regardante en choisissant des clichés ambulants. Ils étaient sympas, c'était le principal. Llewyn lançait une boutade. Ils riaient. Kurt répondait. Oui chef ! Vous pouvez m'appeler Bo je préfère, Kurt c'est pour les brutes. Gothiqua enchaînait : oui Monsieur, à vrai dire c'est elle qui prend soin de nous. Les trois amis échangeaient des regards amicaux. L'heure du Beer Pong pour le pompier se présentait, ses nouveaux acolytes ne le lâchaient plus d'une semelle. Sa fille et ses amis admiraient la partie. L'anglais était très fort, il remporta le jeu. Tout le monde l'applaudissait. Il proposait à Luce, Gothiqua et Kurt de se prêter au jeu. Pourquoi pas, des conseils papa ? Si elle visait mal, elle se savait bonne pour boire. Le supporterait-elle ? Luce ne représentait pas une fêtarde invétérée. Elle était ravie de s'éclater ainsi. Son père l'encourageait même, cette fête resterait mémorable !

Que le temps pouvait filer à toute allure, s'amusant ainsi à marquer plus que de raison les heures dès lors que l'amusement était de mise. Llewyn ne voyait absolument pas les minutes et encore moins les heures s'égrener au fur et à mesure de la soirée. Il était tellement pris dans le feu de l'action, qu'il en aurait presque oublié qu'il lui faudrait rentrer d'ici peu, s'il ne souhaitait pas tomber nez à nez avec sa femme. Mais pour le moment, cela lui passait bien au dessus de la tête et seul l'amusement comptait. Légère impression de revivre une seconde adolescence. D'ailleurs cela lui fit quelque peu bizarre d'être demandé pour participer aux jeux des adolescents, lui qui n'avait jamais fait parti des populaires, mais plutôt de l'inverse. Et même s'il venait de se faire embarquer malgré lui dans cette première partie de Beer-pong, il s'amusa comme un petit fou, il dû au moins le reconnaître. Sa fille semblait elle aussi passer du bon temps. Il ne se souvenait plus de la dernière fois où il l'avait aperçue aussi souriante et détendue. Cela lui fit le plus grand bien de la voir aussi bien, vivante et pleine d'énergie comme pouvait l'être les ados de son âge. Délaisser durant le temps d'une soirée au moins les soucis quotidiens, le deuil... Tous deux semblaient avoir besoin de la même chose. Se retrouver et profiter d'un bon moment. Et lorsque Lucy lui expliqua qu'elle désirait que sa première fête soit réussie, il comprit qu'elle désirait là pouvoir s'intégrer correctement dans cette nouvelle ville, ce nouvel établissement mais surout cette nouvelle vie. Et alors qu'il aurait dû la dissuader de continuer cette fête et tout interrompre « Je comprend ! Ce sera notre petit secret et puis il n'y a pas mort d'homme... personne ne fait rien de mal ! » Et c'était vrai, personne ne faisait rien de mal. Juste des jeunes gens désireux de s'amuser et de passer une excellente soirée. Il comptait sur la maturité de sa fille pour qu'il n'y ait pas de débordements. Le fait que Lucy ajoute que la soirée était encore plus plaisante depuis son arrivée, lui mit du baume au cœur. Depuis leur dispute, ils essayaient de recoller les morceaux et de retrouver cette belle complicité qui avait toujours été la leur. Et ils étaient en passe d'y arriver. Il se mit à rire avec sa fille. « Quand est-ce que ta mère doit rentrer ? », demanda-t-il soudainement rattrapé par son devoir d'autorité – ou plutôt la peur de croiser Lullaby. « Je suis content aussi de te croiser dans un contexte autre... tu as le droit de t'amuser et de vivre ta vie d'adolescente surtout ! On t'as trop trop demandé de devenir adulte, alors que tu n'es encore qu'une ado... » dit-il en baissant le volume, afin que les amis de Lucy ne puissent pas entendre. Les amis de Lucy tentèrent de rassurer le Pompier sur le fait qu'ils prenaient tous soin les uns des autres. Cette réponse convint parfaitement à Llewyn, « Bonne réponse vous deux ! Vous prenez soin les uns des autres c'est le plus important ! » Après quoi, les jeunes gens avec qui il avait entamé la partie de Beer-pong revinrent à la charge et Llewyn remporta la partie avec son équipe, aussi étrange que cela puisse paraître. Il proposa ensuite à Lucy et ses amis d'essayer, une seule partie afin de rester raisonnable. « Mhh... je dirais que tout est dans le lancé, il faut veiller à l'angle du poignet... comme ça », dit-il en faisant un lancé qui termina dans un verre de bière du camp adverse. « Si vous perdez, je veux bien vous aider à boire... histoire que vous ne terminiez pas à rouler sous la table ! ». Décidément on se demandait bien qui était l'adulte ce soir.

Lucy Bridges venait d’enfreindre le règlement de la maison. Elle avait organisé une soirée sans en parler à ses parents. Du monde était invité. L’adolescente ne connaissait pas tout le monde. De l’alcool se présentait à chaque coin du salon, de la cuisine, des escaliers, du jardin. Les jeunes abusaient largement. Llewyn Bridges avait effectué une apparition afin de saluer sa fille. Il se retrouvait entraîné par la population, il découvrait la supercherie. Cela ne semblait pas le déranger. L’anglais relâchait la pression. Il rencontrait tellement de problèmes. Il pouvait se lâcher, sourire, rire, s’éclater avec des inconnus sans se retourner. Il mettait son rôle de père, d’autorité sur le côté. Il préférait partager un moment de pur amusement avec Lucy. Ils en avaient besoin. L’attitude du pompier étonnait la jeune fille mais elle était si contente de profiter. Il ne l’engueulait pas du tout. Lucy confiait à son papa l’importance de vivre un tel instant. Pour une fois, elle avait du succès. Au lycée, les autres se moquaient d’elle. Depuis sa vengeance perpétrée sur la personne de Tiffany, la reine des pompom girl, elle côtoyait la popularité. Alors, elle l’entretenait. La vapeur s’inversait, elle pouvait enfin respirer et s’éclater comme les jeunes de son âge : il s’agissait d’un élément primordial pour elle. La brunette en avait marre de subir et de vivre dans la douleur. Bien-sûr, elle conservait quelques séquelles comme ses hallucinations mais elle le vivait mieux. Son cas ne représentait plus une cause perdue, elle avançait petit à petit.

Merci papa, je suis contente. Et ça me fait plaisir de te voir comme ça. A la suite, elle répondait : demain matin normalement. La gamine ne pensait toujours pas à regarder son portable. Pourtant, sa mère l’avait bien harcelé. Elle s’inquiétait beaucoup et elle avant tendance à étouffer sa fille. Puis, elle savourait les prochaines paroles de son père. Cela lui allait droit au cœur, elle ne répondait pas : trop touchée. Les amis de Lucy avaient gagné des points auprès du patriarche. L’entente restait cordiale, le moment était agréable pour tous. Ce moment servait à rapprocher le père et la fille, aussi à amener Luce à se faire plus d’amis. Après une partie de Beer Pong, l’anglais proposait à Luce et ses amis d’en faire autant : surprenant pour un adulte responsable ! Il comprenait la nécessité pour ces jeunes non valorisés et rejetés de s’éclater comme tout le monde. Lucy demandait des conseils à celui qu’elle surnommait Docteur House. D’accord. Ce n’était pas gagné ! D’ailleurs, elle n’arrêtait pas de perdre. Pour le moment, elle supportait la punition, son père était prêt à l’aider en cas de problème. C’était plaisant ! Pour calculer un angle, la jeune fille savait y faire mais la pratique lui parlait moins que la théorie.
Soudainement, Lullaby débarqua à la fête. Son mari en prenait plein la figure. Lucy avait mal au cœur. Elle baissait la tête se sentant coupable. Elle n’osait pas prendre part à cette guerre. L’agent immobilier coupa la musique et somma à tous de partir. Ses proches allaient passer un sale quart d’heure. La maison se situait dans un sale état. Luce essayait de s’échapper mais sa mère l’arrêta par l’objet de la parole. Elle insultait son mari et sa fille. Papa n’a rien fait. C’est moi, je sais que je n’ai pas respecté les règles. J’en suis navrée. Je voulais juste m’amuser et profiter un peu pour une fois. Alors engueule-moi mais pas papa. Elle fixait sa mère d’un air un peu mauvais. Tu n’étais pas avec … je ne sais pas qui d’ailleurs ? Que fais-tu ici ? La situation s’inversait, Lulla se voyait prise à partie.

La fête battait son plein. Toutes les personnes présentes semblaient s'amuser et passer un excellent moment. La fête semblait d'ailleurs plutôt réussie. La musique continuait à résonner d'entre les murs et l'alcool coulait à flot. Malgré tout, les jeunes semblaient être assez responsables et aucun accident n'était à dénoter. Pour sûr les lycéens en parleraient encore pendant quelques temps. Cela fit plaisir à Llewyn de voir que sa fille arrivait enfin à s'intégrer à Savannah et de constater de lui-même qu"elle s'était également fait des ami(e)s. Il se fichait complètement que les deux jeunes soient d'ailleurs de purs archétypes de l'anti-société de consommation, du moins il identifia de cette façon les adolescents. Seul comptait le fait qu'ils prennent soin les uns des autres, chose qu'il leur fit remarquer. Etre bien entouré durant cette période critique que représentait l'adolescence était bien plus important que tout le reste. Le Pompier allait dans le sens de sa fille et la laissait s'amuser. Pour une fois, elle avait bien le droit de passer un peu de bon temps. Elle en avait bien trop vu et trop vécu durant ces six derniers mois, pour qu'on lui interdise à nouveau de s'amuser. La complicité restait de mise entre la fille et le père. Ils se rattrapaient comme ils pouvaient depuis leur petite altercation au lycée. La soirée était réellement à la fête et au partage. « Je suis content également de voir que tu t'amuses et surtout que tu commences à t'intégrer dans cette nouvelle ville et surtout nouvelle vie! ». Il jugea bon de ne pas trop en dire devant les ami(e)s de Lucy, au cas où ceux-ci ne soient pas au courant de ce que la jeune fille était en train de vivre à l'heure actuelle. Cela leur fit du bien à tous les deux d'échanger durant quelques instants, avant que les jeunes ne reviennent le chercher pour le Beer-Pong. L'Anglais entraîna Bo, Gothiqua et Lucy à jouer à sa suite. Leurs talents de lanceurs étant moins bon que ce qu'il avait prévu, il dû boire plus que de raison, pour leur éviter un coma éthillique. C'est au beau milieu de la partie, que Lullaby fit alors son apparition. Llewyn pensa d'abord à une hallucination. Mais lorsqu'elle le bouscula, il pu se rendre compte qu'elle était bien réelle. Aucun des deux protagonistes ne pensaient voir débarquer Lullaby telle une furie. Pour changer un peu, la brunette le rendait responsable de tous les maux de la terre. Pas vraiment dans son assiette, mais l'alcool aidant, il ne se démonta pas pour autant et lui lança à la figure d'un air dédaigneux : « Foutre ta vie en l'air ? Tu ne confondrais pas plutôt avec toi-même... et qu'est-ce qu'il y a ? Ton amant t'as mise à la porte ou quoi ? ». L'agent immobilier se hâta d'éteindre la musique et de hurler sur tout le monde, comme elle savait si bien le faire depuis quelques temps. La fête était terminée, elle aboya sur les jeunes qui avaient le malheur de passer auprès d'elle. Pour changer un peu, elle ruinait tout et s'en prenait copieusement à tout le monde. Lucy et Llewyn se retrouvèrent tels des enfants de cinq ans, à se faire enguirlander. « C'est celui qui dit qui est ! » répliqua Llewyn du tac au tac, avant de rire dans sa barbe. La brume qui avait gagné son esprit, au fur et à mesure de la soirée n'était pas encore dissipée au contraire et au final, l'attitude de sa femme l'amusa plus qu'autre chose. « Fallait arriver plus tôt, tu aurais pu t'amuser avec nous ! Tu n'as jamais voulu t'amuser avec nous... Y a que tes sorties qui comptent ! », enchaina-t-il d'un air presque triste. A la suite de quoi, Llewyn laissa Lucy réprimander à son tour sa mère. Les membres de cette famille n'arrivaient plus à trouver leur place depuis bien longtemps et cette conversation le prouvait une fois de plus. Il acquiesça d'un hochement de tête ce que venait de dire sa fille. « Oui, on voulait juste s'amuser nous ! C'est notre droit et personne ne faisait rien de mal ! ». L'alcool lui faisait dire tout haut ce qu'il pensait tout bas et peu importe les conséquences.  

La question de l'intégration représentait beaucoup pour Lucy Bridges. A New-York, avec Mason, ils possédaient pleins d'amis et de connaissances. Ils étaient assez populaires, ils amusaient la galerie. A Savannah, après la disparition de Mason et le déménagement, Luce rencontrait un manque de popularité. Elle était considérée comme une paria. Vue comme l'intello étrange du coin, elle n'était pas appréciée du tout. Ses camarades passaient leur temps à l'humilier, à tricher sur ses devoirs, à la pousser dans les couloirs, à l'insulter, à voler ou à éparpiller ses affaires. Depuis qu'elle s'était vengée en s'attaquant directement à la reine du lycée, la jeune fille se voyait adulée par certains. Désormais, elle pouvait compter sur ses deux nouveaux amis mais aussi elle pouvait apprécier sa soudaine montée dans les stats du lycée. Du coup, elle avait organisé une fête pour se faire connaître. Il s'agissait de la base. Bo le lui avait conseillé. Tout se déroulait bien. Même Llewyn prenait part à la sauterie. Il ne se méprenait pas, prenant le temps de partager avec sa fille. Ils se retrouvaient.

Merci, ça me change royalement.

L'anglais autorisait la petite bande à s'adonner à une partie de Beer Pong. Il acceptait donc que son enfant boive. C'était étonnant ! Lucy et ses amis étaient nuls. Le pompier buvait à leur place mais pas toutes les gorgées heureusement sinon cela pouvait être dangereux. Llew restait bien alcoolisé, les jeunes aussi car ils ne possédaient pas tellement l'habitude de boire autant. Ils restaient perdants sur le jeu, ils ne détenaient aucun talent dans l'exercice du lancé mais ils s'amusaient bien.
Soudainement, quelqu'un vint mettre fin à tout ce remue-ménage. Lullaby, la maîtresse des lieux, venait de débarquer telle une tornade dévastatrice. Tout le monde devait quitter la maison familiale, les jeunes s'exécutèrent au plus vite. Ce retournement de situation n'était pas prévu. Llewyn prenait cher pour son grade. Il ne se laissait pas démonter, s'en était presque hilarant : il n'arrêtait pas de répliquer. Il répondait sévèrement. Les deux se jetaient la pierre :  la chute de l'équilibre familial. Luce assistait à cela, impuissante. Or, elle essayait de faire comprendre à sa mère que tout était de sa faute et qu'elle regrettait d'avoir agi derrière le dos de sa mère. Llew demeurait touchant : il cherchait juste à s'éclater avec sa fille car ils en avaient besoin. C'était vrai ! Ensuite, Lullaby répondait négativement à chaque dire de ses proches. Elle laissait éclater sa fureur. Lucy prenait cher à son tour. Elle écoutait sa mère sans rechigner. Elle serait punie, cela était évident. Elle comprenait. Par contre, elle ne se considérait pas comme "folle". Elle vivait simplement sa jeunesse. Lulla lui rappelait bien la perte de Mason, la séparation entre elle et son mari, l'installation du père avec Anthea, son adultère. Luce avait du mal à digérer tout cela, cela faisait beaucoup à encaisser. Elle n'était pas prête à tout entendre de manière aussi brusque mais elle prenait sur elle, pour ne rien dire de regrettable. L'agent immobilier était très déçue.

Je ne déconne pas, je me suis excusée. J'ai compris mon erreur, ça va tu n'es pas obligée de me rappeler que la famille va mal. Je le sais et ça me fait bien chier.

Ses mots dépassaient sa pensée, elle se sentait coupable de tout cela. Elle n'avait pas aidé ses parents. Lullaby traitait encore son mari et sa fille, ils étaient "tarés" pour elle. Ses termes semblaient très étudiés. L'instant ne demeurait pas simple à supporter. De nouveau autour de Llew de subir les reproches de la brune. Lucy ne pouvait pas intervenir sauf à la phrase qui la concernait.

T'es dégueulasse, papa n'est pas une pourriture. Elle se retenait d'en foutre une à sa mère, elle allait trop loin ! Je vais ranger et nettoyer car tu saoules et après je pars chez papa, pas de problème. L'alcool désinhibait les pensées, tout paraissait plus facile à partager.

La fête était terminée. Belle et bien finie. Les jeunes gens commençaient à fuir la maison des Bridges, histoire d'éviter les foudres du dragon Lullaby. Le Pompier se sentait profondément triste pour sa fille. Cette dernière voulait seulement profiter, le temps d'une soirée, d'un moment de popularité. Chose qu'il pouvait tout à fait concevoir et encore plus comprendre. Combien de fois s'était-il retrouvé mis de côté à l'époque du lycée car il n'était qu'un looser ? Trop de fois. Il ne souhaitait pas cela pour sa propre fille. Il savait trop à quel point cela pouvait être douloureux d'être rabroué par les autres élèves, voire ignoré. C'était peut-être encore ça le plus difficile à supporter. De n'être rien d'autre qu'une enveloppe insignifiante aux yeux des autres. Chose que sa femme n'avait visiblement jamais vécu et ne pouvait donc pas comprendre l'importance de ce qui semblait être une simple soirée. Lullaby y allait de ses petits commentaires sur l'un et l'autre. Ils étaient inconscients, tarés... Llewyn encaissait les mots, les absorbait, sans rien dire. L'alcool lui courant dans les veines déformait légèrement sa perception des choses. Les remarques sur Mason, leur vie actuelle et le fait qu'elle évoque ouvertement devant Lucy et devant tout le monde les motifs de leur séparation momentanée brisa quelque chose de plus en lui. Il n'était déjà plus grand chose. Un frisson lui parcouru l'échine. Il n'aurait guère su dire quel sentiment l'animait à ce moment-même. Tout ce qui sortait de la bouche de l'agent immobilier, n'était autre qu'une mer acide et nauséabonde. Cela n'avait ni queue ni tête pour l'Anglais qui n'était plus si maître que ça de ses émotions et encore  moins de ses pensées. Il se fichait bien à vrai dire ce que Lullaby avait bien trafiqueé durant sa soirée. Llewyn ne se sentait plus concerné. Libre à elle d'aller montrer ses fesses à qui elle souhaitait. Il ne l'avait jamais vu aussi ridicule qu'à l'heure actuelle. Aucun argument, juste des insultes qui rebondissaient contre lui et sur Lucy – du moins il l'espérait. Il se mit à pouffer subitement, le discours de la brunette était bien trop ridicule pour pouvoir être pris au sérieux. Véritable deuil pour la science, que d'être doté d'une cervelle pour sortir des imbécillités pareilles. Pour qui se prenait-elle au juste pour oser lui lancer pareilles insanités ? « M'en remettre ? Tu veux que j'oublie ? Ce cerveau n’oublie pas. Jamais. Je me souviens de tout depuis que ma mère m'a abandonné. C’était un vendredi et il neigeait !» Il trouvait sa femme tellement ridicule qu'il n'avait pas envie de gaspiller de salive à lui répondre. Chose qu'il sortit alors, avec un naturel déconcertant. Merci l'alcool. « Désolé je vais prendre un congé sabbatique, parce que je refuse d'écouter la moindre chose et encore moins de m'incliner devant cet esprit médiocre dont tu fais preuve ce soir ! » Elle avait compris les choses, du moins c'est ce qu'elle avançait, mais étrangement, Llewyn avait bien du mal à la croire. « Tu t'es repentie en lisant la Bible à Koko le Gorille c'est ça ? » Il se fichait complètement de connaitre la réponse. Presque instantanément, il reporta son attention sur Lucy, qui tentait tant bien que mal de le défendre. Il la remercia du regard, avant de trouver que ses chaussures étaient soudainement fortement intéressantes. Quand elle leur ordonna de tout ranger, Llewyn avait atteint un tel point de je m'en foutisme, qu'il haussa juste les épaules. Après tout ce n'était plus chez lui. Il n'allait pas s'abaisser à ranger quoi que ce soit. Il avança d'un pas dans la pièce avant d'appuyer les propos de sa fille. « Lucy est la bienvenue ! Elle peut venir dès maintenant si elle veut ! »  Et il adressa un clin d'oeil complice à l'adolescente.  

Les parents de Lucy se déchiraient encore et toujours, devant elle. Ils s’envoyaient des reproches. Ils ne se contrôlaient plus du tout. Ils partageaient tout de leurs discussions d’adultes. La tromperie de Lullaby était de nouveau mise en avant. Aussi, la perte de Mason restait évoquée comme une excuse à tout, à la déchéance de cette misérable famille. Leur fille ne se sentait plus à sa place. Sa mère se montrait très dure avec les deux fêtards. Luce cherchait juste à s’amuser et à se faire des amis dans ce nouvel environnement. Elle s’excusait de ne pas respecter les règles, elle se savait fautive mais cela ne suffisait pas. Elle était considérée comme « folle » par sa propre mère. La lycéenne n’avait jamais effectué de conneries et son seul écart devenait impardonnable. Pourtant, elle faisait des efforts pour s’intégrer dans la vie voulue par ses parents. L’agent immobilier dépassait les bornes. Llewyn approuvait le comportement de sa fille donc il la défendait. Son épouse l’incendiait. Contrairement à Lullaby, il ouvrait les yeux et il tentait d’accompagner leur enfant au mieux même si son attitude pouvait paraître discutable. Il était présent. Il surveillait les lieux et sa fille. En entrant dans le troupeau de jeunes à cette fête, il gagnait leur respect et les adolescents évitaient de faire des bêtises pour ne pas décevoir le patriarche. Il comprenait le fonctionnement de la société. Aussi, il avait besoin de relâcher la pression. Il vivait trop d’épreuves. Sa femme ne saisissait pas le sens de sa démarche. Alors, les deux incompris se disputaient comme des chiffonniers. Lucy s’exprimait à son tour. Cela ne plaisait pas à sa mère. Cette dernière semblait remettre la faute de tous ses maux sur sa fille. Luce devait assurément tout porter sur ses épaules. Désormais, elle disait « merde » à tout le monde. La brunette était vexée et triste mais elle ne rebondissait pas encore sur les paroles acerbes prononcées par sa mère. Lullaby accusait aussi Llewyn d’être responsable de tout ce qui pouvait arriver. Son mari et sa fille possédaient le mauvais rôle.

Excuse-nous mais ce n’est pas nous qui avons été voir ailleurs et qui avons instauré cette séparation. Si tu appelles cela : arranger notre cas, tu te trompes. Tu imposes de la merde. On aurait pu s’en sortir mais… rien n’arrangera les choses. J’ai exagéré ce soir, tu n’acceptes pas mes excuses, bah je m’en fous. Je range, je lave et tu n’entends plus parler de moi si je te fais tant de mal et tant chier.

Llewyn se voyait placé au rang de pourriture. Il prenait très cher ce soir. Luce avait mal au cœur d’entendre cela, elle aimait tant ses parents et ils se battaient pour courir tout droit vers l’oubli. Lulla obligeait sa fille à rester pour discuter. Elle devrait ranger et nettoyer plus tard. Pas question, l’adolescente ne l’entendait pas de cette oreille. Elle préférait tout arranger pour mieux se casser. Alors, elle s’activait. Elle rassemblait les verres ensemble puis elle irait prendre des sacs poubelles. Elle avait du boulot mais elle restait prête à tout remettre en ordre, c’était normal. Lullaby affichait une fausse joie, cela se sentait, en évoquant le départ de sa fille. Elle mentait très mal. Par contre, elle en profitait pour charger Llewyn. Il se transformait en très mauvais père. La grande brune avançait des conneries plus grosses qu’elle. Luce choisissait d’être sourde à tout cela. Elle était ravie de vivre avec son père, ce dernier ne cachait pas son allégresse également. Les deux étaient très complices. L’agent immobilier ne cessait ses discours assassins. Lucy entendait juste « dégagez ». Elle le ferait avec plaisir !

Il était facile de faire pire que mieux selon Lullaby. Le Pompier avait beau retourner cette phrase dans tous les sens, il ne voyait pas où son épouse voulait en venir. Après plusieurs secondes d'essais infructueux, il laissa tomber. Cela n’avait ni queue ni tête, comme tout ce qui sortait de sa bouche depuis quelques minutes à présent. Llewyn n’avait pas envie de se rendre compte que ce qu’il était en train de faire soit bien ou mal. A vrai dire, il s’en fichait bien. Il en avait plus qu’assez qu’on lui scande sa liberté et ses actes. Depuis trop longtemps, il s’était laissé marcher dessus par sa propre famille. « Et bien continue en silence, au moins tu nous épargneras ton hystérie ! ». Clairement il n’avait plus envie d’être conciliant, mais cela le fit tout de même rire. Il se fichait totalement des paroles qui franchissaient la barrière de ses lèvres. Tant pis que cela plaise ou non. Il en avait marre d’être le gentil de la famille, sur qui on marchait sans vergogne et sans se soucier le moins du monde que cela puisse l’atteindre ou non. Plus le temps passait et moins il savait comment procéder avec sa femme. Pour l'instant, il n'avait clairement pas envie de recoller les morceaux. Quoiqu'elle puisse avancer, cela ne changeait rien au mal qui avait été fait. Lucy essayait tant bien que mal et plutôt mal que bien de montrer à sa mère qu’elle était désolée et surtout qu’elle venait de comprendre son erreur. Chose que Lullaby ne semblait pas tolérer, elle n’écoutait plus personne, trop encline à délirer de son côté. L’Anglais décida de ne pas intervenir, pour ne pas jeter d’huile sur le feu, mais il défendait sa fille sur toute la ligne. Il ne voyait pas le mal, puisqu’aucun accident n’était survenu. Et même s’il s’amusait aussi de son côté, il avait tout de même un œil sur la soirée. Sans sa présence, qui sait ce qui aurait pu se passer. Chose que l’agent immobilier ne semblait pas comprendre. « Je ne sais pas lequel de nous deux est le plus déplorable à vrai dire… » Toujours pas décidé à desserrer plus que nécessaire la mâchoire, Llewyn se moquait éperdument de ce qu’était en train de dire Lullaby. Quand elle enchaîna sur son petit laius comme quoi il était ridicule, il ne trouva rien de mieux à faire que de souffler et de lever les yeux au ciel. Tant qu’elle ne serait pas décidé à rebrancher sa cervelle ou au moins éventuellement revenir à la raison, il ne lui adresserait plus la parole. « Je suis sûr que l’assistante sociale sera également contente de connaître mon point de vue et les véritables raisons qui poussent Lucy à venir vivre avec moi ! ». Comme toujours, tout partait en cacahuète chez les Bridges et il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre. Sauf que personne ne semblait s’en apercevoir. Pour accélérer un peu le mouvement et pouvoir sortir de là au plus vite, il aida finalement Lucy. Il empila des verres en plastique, avant de les mettre à la poubelle.

Les parents de Lucy Bridges n'arrêtaient pas de se disputer, de se reprocher des choses, de se rejeter la faute sur tout et n'importe quoi. Ils atteignaient un point de non retour au niveau de la communication. Luce restait en âge de comprendre les éléments mais pas forcément de les accepter. Elle se sentait prise à partie. Cette situation ne lui convenait pas du tout. Elle avait l'impression de toujours devoir choisir un camp alors qu'elle n'en possédait pas l'envie car elle aimait ses deux parents de la même manière. La jeune fille en avait ras-le-bol. Elle ne pouvait plus entendre ses parents se déchirer. Ils évoquaient des sujets graves comme une excuse à tout sans se remettre en question. Il n'agissait plus comme des adultes mais comme des dérisoires personnages d'un drame mal ficelé. Lucy voulait zapper la chaîne mais rien n'y pouvait. La télécommande ne fonctionnait pas et les images se bloquaient pour repasser en boucle. La jeune fille tentait d'exprimer son ressenti. Elle ne méritait pas que sa mère la traite comme elle le faisait. Elle n'était pas folle, juste jeune et insouciante. La lycéenne reconnaissait ses tords. Elle ne respectait pas les règles de la maison. Avec ce qui se passait, elle rencontrait le besoin de se lâcher, de faire les mêmes bêtises que les autres jeunes de son âge. Lullaby ne pouvait pas le comprendre car Luce n'avait jamais agi de façon aussi puérile. Elle ne tolérait pas les changements instaurés par sa fille. Ils tombaient mal. La famille détenait d'autres chats à fouetter. Tous les problèmes se mélangeaient pour se transformer en un seul souci : les Bridges. Ils s'enfonçaient seuls comme des grands, ils creusaient leur trou eux-mêmes. Lullaby affirmait que Llewyn avait instauré la mort de Mason. Elle se trompait. Jamais il n'avait commandé cette tragédie. L'agent immobilier prononçait des immondices. Le destin avait décidé cela. C'était le chauffeur ivre qui avait tué Mason, Llew n'avait pas provoqué l'accident. Il avait tout fait pour protéger son fils. Lui aussi représentait une victime de ce tragique accident. Ensuite, la mère de famille essayait d'effectuer son mea culpa. Lucy ne l'entendait pas encore de cette oreille. Tout était trop frais. Bien évidemment, elle entendait bien les dires de sa maman. Trop fière, elle n'allait pas s'exprimer. Lulla voulait libérer du temps pour sa fille. Elle présentait de sincères excuses. La mère de famille usait de repentir, elle se montrait authentique. Lucy s'affairait à ranger puis à nettoyer afin de partir au plus vite, elle devrait également faire son sac. La brunette n'appréciait plus vraiment le reste de la soirée. Cette dernière tournait en nostalgie et prise de conscience.

Comme à son habitude, Lullaby émettait une phrase avant de dire son parfait contraire quelques minutes plus tard. Sa propre famille ne savait plus bien sur quel pied danser. La brunette hurlait sur leur fille les pires horreurs, avant de finalement revenir en arrière. Plus personne n'y comprenait rien. Llewyn était perdu dans sa propre vie et ce nouvel épisode n'arrangeait en rien les choses. Il n'avait rien fait pour mériter ce nouveau flot acide que venait de lui lancer en pleine figure sa femme. Il ne trouva rien à riposter. Malgré son état d'ébriété quelque peu avancé, Llewyn retint la gerbe de mots qui lui venait à l'esprit. La jeune femme lui proposait de voir à nouveau un psy. S'il y avait bien un membre de cette famille qui avait besoin de consulter, c'était elle et pas Lucy ou lui. Et finalement, elle retourna une fois de plus sa veste. Elle osa enfin avouer qu'elle avait besoin d'aide. Quelque chose se brisa à nouveau en lui. C'était différent cette fois-ci et cela faisait un peu moins mal que lorsqu'il l'avait prise sur le fait en train de rejoindre son amant. Il hocha alors doucement la tête, avant de fixer son regard à celui de sa femme. D'un air le plus neutre possible, il tenta d'aligner les mots dans le bon ordre. La tâche était assez difficile, mais il s'en sorti pas trop mal. « On doit apprendre à vivre comme avant... mais pour le moment on n'a pas encore trouvé le mode d'emploi ! » Et avant qu'il puisse ajouter quoi que ce soit d'autre, Lullaby venait dékà de quitter la pièce, à une vitesse presque fulgurante. Du moins cela paraissait être fulgurant dans son esprit un peu embrumé. Un peu au ralenti de son côté, il aida ensuite sa fille à ranger ce qui restait de la soirée. Bouteilles, verres vides... Aussi vide que son cœur en cet instant.