Glenn n’était arrivé que depuis une petite demi-heure et il se demandait déjà pourquoi il avait prit la peine de venir. Il ne connaissait même pas la personne qui l’avait invité à cette fête mais il s’était dit que c’était une bonne raison pour voir du monde et peut-être ramener quelqu’un chez lui, parce qu’il se sentait un peu seul en ce moment. Et même s’il pouvait passer de longues périodes en ayant la vie sexuelle d’un moine franciscain, il n’en avait pas franchement envie aujourd’hui.  

Le blond était donc sortit du boulot plus tôt, ce qui était un exploit en soi pour un workaholic comme lui, avant de rentrer se préparer, ne ressortant qu’une fois son quiff parfaitement en place. Un dernier regard dans le miroir et il prenait sa voiture pour rejoindre la fête. Et il était plutôt déçu. Tout le monde était déjà bien fait et il se sentait un peu comme Mère Teresa en balade noctambule dans le Quartier Rouge d’Amsterdam.  Hum …

Avec un soupir désabusé, il céda finalement à la tentation d’un des multiples gâteaux qui hantaient les lieux et qui lui faisaient de l’œil depuis son arrivée avec leur odeur alléchante. Glenn avait résisté jusque là, ne sachant pas si son estomac pourrait supporter cette bombe de sucre, de chocolat et de beurre dans la mesure où il ne savait pas comment cela avait été préparé.  Mais il n’était qu’un homme et il oublia bien vite sa réticence en croquant dans la délicieuse pâtisserie, qui avait un arrière-goût bizarre maintenant qu’il y pensait, faisant passer le tout grâce à son troisième gin tonic de la soirée.

L’effet ne tarda pas à se faire sentir. A peine quinze minute plus tard, le jeune homme était détendu et souriant, gloussant rêveusement devant un lampadaire dont la lumière le fascinait. C’était qu’il pouvait voir la musique que jouait le DJ faire des étincelles quand elle touchait la lumière. Se fut un éclat blanc dans le coin de ses yeux qui le tira de sa contemplation, ses yeux argent s’écarquillant de surprise. Une licorne !  Juste devant lui !  Et personne ne l’avait remarqué à part lui !

Ni une ni deux, il commença à la suivre, d’abord calmement puis en trottant alors que la créature se faisait rapidement la malle. La laisser s’échapper était hors de question, Glenn devait absolument la trouver et négocier un peu de ses crins ! Il bouscula quelqu’un sur son passage mais ne s’excusa pas, se contentant de crier « LA LICORNE ! » avant de se remettre à la poursuivre.

On l’sait tous, la weed, ça donne faim. Surtout quand elle a été agrémentée par Seven. Alors cette soirée où il y a un étalage de nourriture incommensurable ? C’est du pain béni. Pourtant d’ordinaire, Serena s’offusquerait devant tant d’opulence, le gâchis à venir. Mais là rien. Déjà trop défoncée. Et bientôt trop enivrée. À plus sentir son corps qui lui fait de plus en plus mal avec les jours qui passent. C’est la seule raison qui lui a fait mettre les pieds dans cette grande villa -elle ne se souvient même plus comment elle a eu l’invitation. C’est pas son milieu, c’est pas pour elle d’habitude. Même si elle sait s’adapter aux gens, aux mondes... Serena se faufilera toujours de son mieux. De toute façon, ce n’est pas parce qu’elle se sent terne et déjà moins vivante, qu’elle ne va plus s’intéresser aux gens. Y aura toujours ces réflexes humains. Enfin quand ils ne sont pas totalement happés par les couleurs chatoyantes qui l’entourent. Fracture de l’oeil. Mais ça passe, ça passe quand on s’éloigne en titubant pour se perdre dans les méandres de cette maison à la recherche des toilettes.

Y a l’indigestion de cupcakes qui pointe le bout de son nez. Le verre d’eau qui soulage, mais Serena a toujours aussi chaud, elle crève d’envie de retirer sa robe. Serena voit toujours autant d’arcs-en-ciel, elle s’demande où sont ses lunettes de soleil qu’elle n’a pas prise. Ne sachant plus trop sur quel rythme danser et où donner de la tête, elle s’égare encore, oublie aussi vite que l’éclair les gens qu’elle rencontre et qu’elle caresse en passant. Touchers-plumes et oeillades câlines, l’alcool et les space cake la rendant enjôleuse. Mais elle ne reste pas entre leurs mains et glissent d’un être à l’autre, juste pour tenir encore un peu debout. Souffler au contact d’une âme généreuse et délicieuse. Finalement, peut-être que dans cet état-là, c’est plus simple de se retrouver, de redevenir elle. Loin de la malade en phase terminale. Et ça fait du bien. Tout ça. De rire pour rien. De divaguer sur un rien. Elle a l’tournis et elle aime ça. Même si ça l’entraîne finalement un peu à l’écart. Sans s’en rendre compte, elle se prépare déjà un autre joint. Comme si elle n’avait pas assez de beuh dans l’sang. Comme si ça ne la rendait pas déjà un peu folle quand elle se marmonne à elle-même les étapes pour rouler à peu près droit et pas tout faire tomber. Il était prêt et elle était fière quand elle s’fait bousculer par une fusée ? Nan un costard. De qualité, c’est sûr, la créatrice en elle même complètement high le remarque. Mais bref, le joint est tout tordu et elle a failli en pleurer. Sauf qu’elle s’est ressaisie, interloquée seulement trente secondes plus tard le cri de l’inconnu. Une licorne ?! Y avait une licorne dans l’coin ?! Ce fait, cette prise de conscience devint subitement plus importante que le reste. Serena abandonna ses talons et fila à la poursuite du blond pour le retrouver quelques mètres plus loin, en bug total devant la pouliche. Instinct de préservation animale oblige, Serena accélère et lui passe devant, avant de faire un volte-face un tantinet foireux. “Nan ! Pas touche à la licorne !” Bras écartés, son corps en bouclier entre lui et la fameuse licorne. Le regard crépite et vacille, tout à la fois. Pas sûre qu’elle regarde vraiment le type dans les yeux. “Laisse-nous.” Et elle minauderait presque en disant cela si ce n’était pas totalement inconscient. “Elle est à moi.” Mais son rire vient vite briser le potentiel sérieux qu’elle voulait insuffler. Ça pétille. Comme si elle pouvait être menaçante ? Encore moins aujourd’hui que n’importe quel autre jour. D’ailleurs son rire éclate déjà dans sa gorge. Elle ne sait pas pourquoi. Elle était furieuse il y a peine une seconde en imaginant ce qu’il allait faire à cette pauvre bête. Prête à défendre corps et âme les licornes de leur extinction future. Bon, mais peut-être qu’après son fou rire et le déséquilibre qui la fait tanguer, peut-être qu’à ce moment-là, elle s’en rappellera de cette cause perdue d'avance.

Trop de soirées, beaucoup trop de soirées en été. Non pas que je m’en plaigne réellement, ça me permet de voir du monde et de me faire voir, ce qui n’est pas négligeable, et j’adore ça effectivement. Et puis, il y a toujours de quoi boire, de quoi s’amuser et de la musique. Et parfois, il y a des bonnes surprises. Genre des gens que j’aime bien et de la bonne coke. Que demander de plus ? Ça fait passer le temps et je n’ai pas toujours besoin de faire semblant de m’amuser. D’un autre côté, je finis par à peine tenir debout le reste du temps tant je suis fatiguée… Je m’écroule en rentrant chez moi, ce n’est pas plus mal, au moins je dors, pas vrai ? Bon, pas de suite, quand il est connecté, je papote avec Atlas, mais ça ne compte pas.
Mais oui, je sais. Pour tenir, j’ai augmenté les prises. Et je sais qu’avec de l’alcool, c’est le mauvais plan en vrai. Ça va, j’ai bien appris mes leçons, vous voyez ? Mais je dois tenir debout, sourire et être toujours la meilleure, ça ne me demande pas beaucoup d’efforts de l’être, mais tout de même… Mais je vais faire attention et essayer d’être raisonnable. Histoire de ne pas clamser d’une crise cardiaque à 20 ans, ça, ça serait moche. Mais si, j’en suis tout à fait capable.

Ça, c’était le plan en début de soirée. Picoler un peu et m’amuser. D’accord, peut-être prendre une dose aussi… Le truc, c’est qu’à force d’en prendre, je deviens aussi moins… réceptive, moins sensible forcément. Sauf là. Je me retrouve à sourire bêtement en regardant mon cupcake. Mon deuxième… ou troisième ouais, bon, ça va, je suis pas non plus si grosse que ça, je peux me le permettre, même si j’ai de la cellulite aux dires de certains. De la cellulite franchement ? Vous m’avez bien regardé ? Je suis super sexy, je suis parfaite, je sais même pas pourquoi je me prends la tête là-dessus. Enfin bref ! Je disais quoi ? Ah ouais. Super bons ces cupcakes. Trop même pour des trucs au chocolat trop cuits. Je me mets à rire en me léchant les doigts, en voyant le beau blond pas loin qui me sourit. C’est pas tout ça, mais je vais pas rester toute seule toute la soirée. Et puis, je me sens tellement bien que ce serait dommage de pas en profiter. C’est ça que je devrais faire, prendre du hasch avec la coke, parce que c’est juste wahou… Je souris de plus belle devant cette logique sans faille. Pourquoi personne y a pensé ? Sérieux, c’est trop une bonne idée. Oh, mais il y a une piscine dans cette baraque non ? Ou dans celle d’à-côté, on s’en fout. Me baigner. Ou la mer. La mer, c’est classe aussi, je suis sûre qu’il y a pas trop de monde encore, et puis, il fait nuit, doit y avoir des étoiles et peut-être même des filantes, ça serait trop la classe, j’aimerais bien ça. Ouais, ça doit être par-là. Je finirais bien par y arriver en suivant les étincelles qui brillent partout autour de moi. Des paillettes. Ah, je dirais ça à mon géant, ça le fera rire. Ou pas. Jsais pas.

Je regarde autour de moi, fronçant un peu les sourcils en me rendant compte que je me suis éloigné du mec canon. Fait chier. Hé, mais c’est Glenn !

« Gleeeeeeeeeeeenn ?! »

Je regarde le petit blond courir, poursuivi par une furie blonde. Qu’est-ce qu’ils racontent ? Je me retrouve à courir après eux sans piger pourquoi, manquant de me casser la gueule une fois avec mes chaussures, et je stoppe brusquement, en rentrant dans Glenn, pour la regarder bouche bée.

« Qu’est-ce que vous marmonnez ? Quelle… ça existe pas les… »

Je me tais et referme la bouche. Et pas seulement parce que je parle tellement vite que je comprends même pas ce que je dis. Et si c’est comme les fées ? Si en le disant à voix haute, j’en tuais une ? Mes yeux s’écarquillent à cette idée et un gémissement m’échappe. Oh ce serait horrible, ce serait une catastrophe. Non, non on va rien dire, je peux pas risquer de faire ça.
Je plisse les yeux pour essayer de voir derrière cette nana qui se croit le droit de la garder que pour elle… Ah ou pas. Pourquoi elle rit ? J’attrape la manche de Glenn et je le secoue, les yeux pétillants et un sourire aux lèvres.

« Héééééééé ! Tu crois qu’elle est là pour combattre des méchants ? Les licornes ça combat le mal, je l’ai lu ! » Je regarde autour de nous, comme si l’Antéchrist en personne allait apparaître, avant de soupirer en faisant la moue, tirant toujours sur la manche de mon couturier préféré. Sisi, préféré, jvous jure je mens pas, croix de bois... « Pourquoi je la vois pas ? Je veux la voir ! Je suis pas méchante, dis-lui toaaa ! S’il te plait, s’il te plait, s’il te plait ! Oh ! Je pourrais monter sur son dos ? Hein dis dis ?! »

Je les fixe, les yeux brillants et suppliants, et si je sens qu’une partie de moi me poke pour me dire que je délire un peu, je l’ignore soigneusement. J’ai beaucoup trop envie de m’amuser.