Il y avait quelque temps de cela, j’avais eu la confirmation comme quoi j’avais - heureusement - toujours un boulot dans l’école où je bossais, malgré les soubresauts que je leur avais fait vivre pendant la dernière année. Plus encore, je savais également qui seraient mes élèves l’année suivante et finalement, on m’avait confirmé que je pourrais garder exactement le même local, ce qui faisait en sorte que je ne serais pas obligé de déménager tout ce qui s’y trouvait pour aller ailleurs. Avaient-ils fait cela parce que c’était plus simple pour eux, ou parce qu’ils savaient que ce serait plus simple pour moi ? Je ne savais pas trop, mais une chose était certaine, c’était que j’avais grandement apprécié l’intention. Par contre, cela ne voulait pas dire que je comptais laisser ma classe ainsi et ne rien faire pendant l’été, puis rentrer dedans en septembre comme si tout était prêt. En effet, il me fallait encore trier certaines choses, assurer la transition pour l’année prochaine, remettre aux élèves qui allaient quitter la classe ce qui leur appartenait et faire de la place pour tout ce qui concernerait la prochaine rentrée. Ce rangement, c’était bien souvent quelque chose que je faisais seul. J’avais l’habitude, je m’en sortais plutôt bien. Mais cette année, c’était différent; c’était la première fois qu’il me faudrait le faire sans être en pleine possession de mes moyens. J’avais beau avoir repris de la forme, être capable de marcher sans trop me fatiguer, il n’en demeurait pas moins que je n’étais pas capable d’aller courir un marathon ou quelque chose du genre, bien loin de là. Et je n’avais pas osé demander de l’aide à mes collègues, sachant très bien qu’ils avaient fort à faire de leur côté. Mais au bout du compte, j’eus une proposition limite inespérée venant de ma soeur aînée, Skylar, qui s’était proposée pour me venir en aide. Sachant que cela me serait utile et que ça me permettrait surtout de passer du temps avec ma soeur, je n’avais pas su refuser. Pour lui faire savoir d’ailleurs à quel point j’étais reconnaissant de cet intention, j’avais fait exprès d’arriver plus tôt à l’école, faisant un détour par une boulangerie pour ramener muffins et café pour nous deux, me disant que c’était la moindre des choses. J’étais allé déposer le tout dans ma salle de classe, puis une fois que l’heure du rendez-vous avec Skylar fut arrivé, je me rendis de nouveau à l’entrée de l’école, là où je la vis déjà m’attendre. Décidé à ne pas la faire poireauter plus longtemps, je m’approchai, puis je lui fis savoir ma présence par un simple:  « Hey… » Doucement, je lui souris, et je lui dis:  « Merci encore de venir m’aider, je l’apprécie énormément, tu sais ? » Puis, histoire que nous ne restions pas devant plus longtemps, je lui fis un signe de main pour lui indiquer de me précéder à l’entrée de l’école, et je finis par lui demander:  « Comment tu vas ? », m’arrêtant là dans mes propos pour lui laisser l’occasion de répondre tandis que nous nous dirigeâmes vers le hall de l’établissement.

Je savais bien que faire du rangement et du ménage dans une salle de classe n’était pas la chose la plus excitante du monde, mais je sentais que le manque d’enthousiasme dont Skylar sembla souffrir lorsque je lui demandai comment elle allait, qui contrastait avec celui dont elle avait fait preuve lorsque j’étais allé à a rencontre, me disait que ce n’était pas qu’un manque d’envie de m’aider qui expliquait cela. Connaissant plutôt bien ma soeur, j’avais le vague sentiment que quelque chose clochait, quelque chose qu’elle ne me disait pas. Parce qu’elle n’avait pas envie d’en parler ? Parce que c’était là que chose futile ? Avant même que je n’aie eu le temps de me faire une hypothèse sur la question, Skylar en vint à me rendre la question, poussant l’audace à me demander comment les choses se passaient avec Maia. Heureusement, pour moi, c’était maintenant un sujet de conversation beaucoup moins inconfortable que précédemment. Il y a de cela même pas quelques mois, j’aurais refusé limite de répondre à la question, ou du moins, je l’aurais évincée autant que possible. Maintenant, je fus au moins en mesure de répondre:  « Oui, ça va. Ma forme physique n’est pas parfaite, mais je ne me sens plus limité comme avant. » J’avais décidé de commencer par cela parce que c’était probablement le plus simple, mais ensuite, ce fut sans trop de problème que j’ajoutai:  « Et avec Maia, ça va, plutôt bien même. » J’eus un sourire timide pour lui montrer que cette fois-ci, je ne disais pas cela que pour me sauver de la question, mais parce que je le pensais. Bien sûr, ce n’était pas parfait, mais c’était quand même mieux que rien ? Après tout, il ne fallait pas trop m’en demander, il me faudrait probablement encore du temps pour avouer à tout le monde ce qui s’était passé, soit la révélation que j’avais eue le soir de l’accident. Maia et moi avions beau tenter de nous en remettre chaque jour, faire des efforts pour remettre notre couple ensemble, il n’en demeurait pas moins que je ne me sentais pas prêt à l’exposer, à prendre le risque que ma famille en vienne à en vouloir à Maia, à désapprouver notre mariage alors qu’ils l’acceptaient depuis quatre ans maintenant. J’avais envie que cela continue ainsi, même si probablement, il me faudrait le dire à un moment ou un autre. Mais ce moment, en mon sens, ce n’était pas pour aujourd’hui. Aujourd’hui, je voulais simplement passer un bon moment avec ma soeur, et au vu du manque d’enthousiasme dont elle avait fait preuve, je me doutais bien qu’elle n’avais pas envie d’entendre parler de mes problèmes. Sans attendre plus longtemps donc, je l’accompagnai à l’intérieur de l’école, et une fois que nous y fûmes, je la guidai en direction de ma salle de classe qui, heureusement, n’était pas trop loin. Puis tandis que nous marchions en direction, je décidai de tenter de détendre l’atmosphère et demander à ma soeur aînée, d’un air amusé:  « Ça doit te faire drôle de venir dans une école, non ? » Après, je n’étais clairement pas le plus doué pour faire des plaisanteries, alors le tout s’était avéré quelque peu maladroit au final, mais j’espérais juste que ça allait passer, détendre l’atmosphère un instant. Et si cette tentative était vaine, alors cela ne ferait que me prouver que j’avais raison de m’inquiéter pour ma soeur.

Même si je savais que je ne m’y étais clairement pas pris de la bonne façon pour faire une plaisanterie, comme à mon habitude pour tout dire, je ne m’attendais certainement pas à ce que mon propos vienne provoquer chez ma soeur aînée des émotions que je ne sus décrire dans un premier temps, mais qui ne m’annonçait absolument rien de bon. Tout d’abord, je dus admettre que je fus quelque peu surpris. Je savais que j’étais plus jeune qu’elle de quelques années et forcément, nous n’avions jamais fréquenté l’école vraiment en même temps, mais je n’avais pas de souvenirs comme quoi Skylar était persécutée au lycée, quoi que ce soit du genre. Alors pourquoi cela ne serait pas positif ? S’était-il passé quelque chose que personne n’avait cru bon de me dire ? Ou bien ma blague avait-elle été mauvaise à ce point là ? Ne sachant que penser, que croire, je fronçai les sourcils, perdant alors une fraction de seconde qui ne me permit pas d’empêcher ma soeur de détourner le regard, ce qu’elle avait tendance à faire quand quelque chose n’allait pas. Légèrement pris de panique pour le coup, je ne sus faire mieux que lui dire:  « Hey, je m’excuse, je ne voulais pas te vexer de la sorte, c’était qu’une blague… Une très mauvaise, je suis désolé… » Mais sachant que ce n’était pas assez, et particulièrement inquiet pour Skylar dans le cas présent, comme j’étais inquiet chaque fois que quelqu’un que j’affectionnais n’était pas à l’aise, je décidai de faire mieux que cela, ou du moins, tenter de faire mieux. Heureusement pour moi, nous étions sur le point d’arriver à ma salle de classe. Je savais que le couloir était vide, mais si nous pouvions avoir un peu plus d’intimité, ce n’était pas plus mal, à mon avis. Prenant sa main donc, je lui lâchai un petit:  « Viens ici… », l’entrainant vers la porte qui se trouvait à notre droite. Compte tenu que j’étais passé plus tôt pour venir y déposer les muffins ainsi que le café, je n’avais pas verrouillé ma porte, faisant en sorte que je puis sitôt l’ouvrir sans devoir perdre du temps à chercher mes clés et surtout, insérer la dite clé dans la serrure. Cela pouvait sembler un geste banal, mais combien de fois les gens avaient du mal avec malgré tout ? Au vu de mes soucis de motricité fine, moi, c’était tout le temps ainsi, faisant en sorte que je nécessitais deux, voire trois tentatives à chaque fois pour faire ce geste si banal du quotidien. Mais là, je ne pus que tourner la poignée, entrer dans ma salle de classe avec ma soeur, prenant soin de refermer la porte derrière nous. Normalement, je ne l’aurais pas fermée, mais si jamais Skylar voulait bien me dire ce qui n’allait pas, peut-être c’était mieux ainsi. Finalement, je l’invitai à s’asseoir sur une chaise, faisant de même en face d’elle, avant de lui dire:  « Qu’est-ce qui ne va pas, Sky’ ? Tu m’inquiètes… » Après, peut-être était-ce juste un mauvais souvenir qui était passé à son esprit, je ne savais pas trop, mais qu’importe ce que c’était, je voudrais bien savoir, histoire de cesser de m’en faire ou bien, à l’inverse, réfléchir pour voir comment je pourrais l’aider.

Même si je savais très bien que cela ne changerait pas le fait que je m’inquiétais pour ma soeur aînée, je fus quand même ravi qu’elle remarque les muffins et le café que j’étais allé chercher avant de venir ici, se permettant même de faire un petite blague… Enfin, ce que je pensais être une blague, je ne fus pas tant certain, mais quand je vis son sourire, je tentai de me conforter avec celui-ci, et lui rendre son sourire, tandis que je lui disais, d’un ton que je sentais un peu maladroit bien malgré moi:  « C’est… Je me disais que c’était une façon de te remercier… » Je n’allai pas plus loin dans mes propos toutefois, sachant très bien que ce n’était pas par cette simple remarque et ce commentaire qui ne menait nulle part que ma soeur allait retrouver son sourire. Enfin, peut-être que dans certains cas, pour certaines personnes, ce serait suffisant, mais connaissant mon aînée depuis suffisamment longtemps pour deviner quand quelque chose n’allait pas, et là, quelque chose clochait, si bien que me connaissant, je n’allais pas lâcher prise tant que je ne saurais pas ce qui en était, ou bien que Skylar ait réussi à me convaincre que tout pourrait bien aller. Parce que clairement, je n’allais pas lui faire un interrogatoire et insister jusqu’à la faire craquer, ce n’était pas mon genre, et en mon sens, ça ne se faisait pas. Mon but n’était pas d’obtenir satisfaction, mais plutôt d’être là pour l’écouter, la réconforter du mieux que je le pouvais. Et pour ce faire, je me dis que le mieux était de s’asseoir, et que j’attende, histoire de voir ce que Skylar voudrait me dire, voudrait faire. Peut-être voudrait-elle attendre avant de parler, se changer les idées en commençant le rangement, en mangeant un muffin, je ne savais pas trop, me contentant de simplement rester là, à sa disposition. Au bout du compte, elle décida de commencer à parler au bout d’un petit moment, en venant à tenir des propos qui furent, pour moi, encore plus inquiétants, d’où le fait que je fronçai les sourcils, l’air troublé malgré tout. Déglutissant, je n’osai pas dire quoi que ce soit, ne sachant pas quand elle allait se décider à parler de nouveau. Quand elle le fit, elle me fit davantage peur. N’étant pas nécessairement de nature colérique, sauf quand quelque chose venait profondément me chercher, je craignais sincèrement ce qu’elle pourrait me dire. Mais refusant de l’interrompre par un propos qui n’aurait peut-être - je l’espérais - pas lieu d’être, j’inspirai profondément, hochai la tête en ajoutant un petit:  « Je te le promets. » sans même savoir dans quoi je venait de m’embarquer. Le coeur battant de plus en plus fort dans ma poitrine en raison de la nervosité que je commençais à ressentir par rapport à tout cela, et au bout du compte, je me rendis compte que j’eus raison de m’inquiéter. Ce que Skylar vint à me dire, ce n’était pas rien. Au contraire, son aveu eut l’effet d’une bombe sur moi, si bien qu’alors que j’aurais voulu la conforter, je restai pendant un moment planté là, ne sachant que dire, que faire. Je réagis seulement lorsqu’elle se leva pour venir s’installer sur mes genoux, m’arrachant une légère grimace, puisque je ne m’étais pas préparé à l’éventualité et mes jambes étaient encore quelque peu sensibles quand on leur imposait un poids, même s’il n’était pas pesant. Par contre, je ne le laissai pas paraître, me ressaisissant en passant mes bras autour de Skylar pour la serrer contre moi aussi fort que possible, tendant de lui chuchoter:  « Hey, ça va aller… » alors que je savais très bien que ce n’était probablement pas la chose à dire. Suite à mon accident, dans mes pires moments, toute personne qui me disait que tout allait bien aller par la suite avait le don de me miner encore plus. Je savais bien que personne n’avait fait exprès, que les gens voulaient seulement me rassurer, mais c’était ainsi que je réagissais, aussi triste cela soit-il. Tentant de me reprendre, je glissai une main dans les cheveux de ma soeur, au niveau de sa nuque, puis j’ajoutai:  « Je suis là… » Encore une fois, ce n’était pas grand-chose, mais je voulais lui signifier par ces quelques mots que si elle voulait en parler plus longuement, si elle voulait se défouler, qu’elle le fasse. Qu’importe ses besoins et ses envies, je serais là pour elle, comme je me devais de l’être en tant que frère, comme je voulais l’être pour ma soeur, parce qu’elle faisait partie des personnes les plus importantes dans ma vie, et je l’aimais, sans condition, qu’importe ce qui avait pu se passer.